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10/09/1998 | FRANCE | N°1998-3507

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 septembre 1998, 1998-3507


Par acte d'huissier du 20 août 1996, la SARL GARAGE DES LOGES, concessionnaire des marques AUDI et VOLKSWAGEN, a assigné devant le tribunal de commerce de PONTOISE, la société VAG FRANCE et la société VAG FINANCEMENT pour voir dire et juger, en présence de Maître HAMMAMOUCHE, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de redressement, qu'elles ont provoqué son dépôt de bilan dans des conditions engageant leur responsabilité conjointe, que la société VAG FRANCE a rendu impossible l'exécution du plan de redressement, homologué par le tribunal, en rompant brutalement

le contrat de concession en cours, pour les voir condamnées solida...

Par acte d'huissier du 20 août 1996, la SARL GARAGE DES LOGES, concessionnaire des marques AUDI et VOLKSWAGEN, a assigné devant le tribunal de commerce de PONTOISE, la société VAG FRANCE et la société VAG FINANCEMENT pour voir dire et juger, en présence de Maître HAMMAMOUCHE, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de redressement, qu'elles ont provoqué son dépôt de bilan dans des conditions engageant leur responsabilité conjointe, que la société VAG FRANCE a rendu impossible l'exécution du plan de redressement, homologué par le tribunal, en rompant brutalement le contrat de concession en cours, pour les voir condamnées solidairement à lui payer des dommages et intérêts équivalant au passif de son redressement judiciaire diminué de la première annuité, et subsidiairement, pour voir condamnée la société VAG FRANCE à lui payer des dommages et intérêts à concurrence d'une année de marge brute découlant de l'exécution normale du contrat de concession, soit 10 millions de francs.

Par jugement rendu le 2 avril 1998, le tribunal de commerce de PONTOISE a accueilli l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés VAG FRANCE et VAG FINANCEMENT et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de PARIS. Le tribunal s'est fondé sur les clauses attributives de compétence contenues respectivement dans le contrat de concession conclu entre la société GARAGE DES LOGES et la société VAG FRANCE, et le contrat de financement conclu entre la même société GARAGE DES LOGES et la société VAG FINANCEMENT, en précisant que l'état de redressement judiciaire de la société GARAGE DES LOGES n'a pas exercé d'influence

juridique sur le litige dans la mesure où le contrat de financement avait déjà été rompu avant le prononcé du jugement ouvrant la procédure collective et où le contrat de concession a été rompu au cours du plan de continuation alors que la société GARAGE DES LOGES était redevenue in bonis, de telle sorte que les dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ne sont pas applicables. Par acte déposé au greffe du tribunal de commerce, la société GARAGE DES LOGES a formé un contredit à l'encontre de ce jugement en relevant, s'agissant des demandes dirigées contre la société VAG FRANCE, la contradiction consistant à retenir que le contrat de concession a été rompu le 25 avril 1994 et que la rupture est intervenue pendant le plan de continuation homologué par jugement du 24 juin 1994. Elle fait également valoir que la rupture des relations, notifiée par la société VAG FRANCE le 4 juillet 1995 avec effet au 30 juin 1995, concerne la procédure collective, dans la mesure où elle fait suite à une décision initiale de résiliation, assortie d'un préavis d'un an, notifiée le 28 mai 1993, et dont l'appréciation, soumise au tribunal de grande instance de PARIS, a été considérée, par cette juridiction, selon un jugement du 7 septembre 1994, comme relevant de la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective. Quant aux demandes dirigées contre la société VAG FINANCEMENT, la société contredisante soutient qu'elles concernent la procédure collective puisqu'il est reproché à la société défenderesse d'avoir procédé, pendant la période suspecte, à la " défacturation " de véhicules neufs, et que les griefs articulés

contre elle sont connexes à ceux imputés à la société VAG FRANCE.

Par conclusions déposées le 12 juin 1998, la société GARAGE DES LOGES ajoute encore que la rupture des relations contractuelles imposée par la société VAG FRANCE trouve sa source dans la procédure collective, ce qui justifie la compétence du tribunal du redressement judiciaire. En raison de l'urgence, elle demande à la cour d'évoquer le fond de l'affaire.

Par conclusions déposées le 17 juin 1998, la société VOLKSWAGEN FINANCE, anciennement dénommée VAG FINANCEMENT, fait valoir que les griefs articulés contre elle, antérieurs à l'ouverture de la procédure collective concernant la société GARAGE DES LOGES, tendent à mettre en ouvre sa responsabilité contractuelle et relèvent donc de l'application de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat. Elle s'oppose en tout cas à l'évocation.

Par conclusions déposées le 17 juin 1998, la société VOLKSWAGEN FRANCE, anciennement dénommée VAG FRANCE, soutient que l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 n'est pas applicable en la cause en soutenant que les prétendues inexécutions contractuelles et la

cessation des relations contractuelles sont intervenues pendant que la société GARAGES DES LOGES était in bonis. Elle ajoute que la situation soumise au tribunal de grande instance de PARIS était différente car il s'agissait de la résiliation intervenue le 28 mai 1993, alors qu'en l'espèce, il s'agit de la cessation des relations contractuelles intervenues le 30 juin 1995. Elle s'oppose également à l'évocation.

L'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin 1998.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 dispose que "sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, la faillite personnelle ou autres sanctions prévues par la loi du 25 janvier 1985, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du représentant des créanciers, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance " ;

Qu'il résulte de ce texte que le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique ;

Considérant, en l'espèce, que l'action introduite par la société GARAGE DES LOGES à l'encontre de la société VAG FINANCEMENT et de la société VAG FRANCE, selon assignation en date du 20 août 1996, a pour objet l'indemnisation de son préjudice correspondant au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à son encontre et découlant, selon elle, d'une part, s'agissant de la société VAG FINANCEMENT, de la résiliation brutale par cette dernière de la convention de financement qui les liait et des opérations corrélatives de " défacturation " de véhicules neufs accompagnées de compensation avec sa créance de commissions, effectuées pendant la période suspecte, et, d'autre part, s'agissant de la société VAG FRANCE, de la réalisation, par cette dernière, d'une étude prévisionnelle d'investissement erronée lors de la conclusion du contrat de concession intervenu entre elles et de l'entrave apportée à l'exécution du plan de redressement homologué par le tribunal de la procédure collective par suite d'une mauvaise exécution puis de la résiliation soudaine dudit contrat de concession ;

Que la convention de financement et le contrat de concession contiennent l'une et l'autre une clause attributive de compétence au profit du tribunal de grande instance de PARIS ;

Considérant que les griefs articulés par la société GARAGE DES LOGES au soutien de ses prétentions à l'encontre de la société VAG FRANCE sont relatifs aux modalités d'exécution et de résiliation du contrat de concession liant les parties ; que l'établissement de l'étude prévisionnelle d'investissement critiquée remonte au 24 janvier 1991 et est antérieure à la procédure de redressement judiciaire ouverte, le 10 mai 1993, à l'égard de la société GARAGE DES LOGES ; que l'exécution et la résiliation prétendument fautives du contrat de concession postérieurement à l'homologation du plan relèvent de l'application des seules stipulations contractuelles convenues entre les parties ; que cette résiliation dite ordinaire, conforme à la clause laissant aux parties la faculté de mettre un terme au contrat de concession à durée indéterminée moyennant un préavis d'un an, ne saurait être regardée comme étant indissociable de la décision initiale de résiliation, notifiée, le 28 mai 1993, par la société VAG FRANCE à la société GARAGE DES LOGES, postérieurement au prononcé du redressement judiciaire de cette dernière, ni comme trouvant sa source dans la procédure collective ; qu'en effet, la première résiliation, notifiée, dans des conditions irrégulières, à la seule société débitrice, et d'ailleurs considérée comme nulle et non avenue

par l'administrateur judiciaire dans son courrier du 1er mars 1994, qui était censée faire courir le délai de préavis d'un an à compter de la réception de la notification, a fait l'objet d'une renonciation de la part de la société VAG FRANCE, dès lors que, dans l'instance introduite par cette dernière, le 20 avril 1994, aux fins de voir constater la validité de ladite résiliation, le tribunal de grande instance de PARIS s'est, par jugement définitif du 7 septembre 1994, déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de PONTOISE, saisi de la procédure collective, sans que l'action ait été reprise devant cette juridiction, et que, entre-temps, la même société VAG FRANCE a, dans ses courriers des 18 mai et 2 juin 1994, et à l'audience du 27 mai 1994 du tribunal de commerce de PONTOISE, accepté de poursuivre ses relations contractuelles avec la société GARAGE DES LOGES jusqu'au 30 juin 1995, soit à l'expiration d'un nouveau délai de préavis d'un an, ainsi que cela a été expressément mentionné dans le jugement d'homologation du plan de redressement de cette dernière société, rendu le 24 juin 1994 ; que, contrairement à ce que soutient la société GARAGE DES LOGES, le courrier du 18 mai 1994, ci-dessus évoqué, contient bien la notification du nouveau terme mis aux relations contractuelles des parties, dont le tribunal de commerce, qui n'a pas fait état de contestations de la société débitrice, a d'ailleurs donné acte à la société VAG FRANCE ; que la décision d'incompétence du tribunal de grande instance de PARIS ne concerne que la décision initiale de résiliation intervenue postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que la société VAG FRANCE a renoncé à mettre en ouvre, et est sans conséquence sur l'appréciation de la compétence de la juridiction appelée à statuer sur les prétentions de la société GARAGES DES LOGES telles que rappelées précédemment ;

Considérant que la résiliation du contrat de financement par la société VAG FINANCEMENT est intervenue et a été notifiée à la société GARAGE DES LOGES, selon les conditions et modalités contractuelles, en considération d'impayés s'élevant à 1.291.159,89 f, aux termes d'un courrier en date du 4.03..93, antérieur à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que la demande d'indemnisation de la société GARAGE DES LOGES, fondée sur des faits de "défacturation" et de compensation corrélative de créances réciproques, intervenus, pendant la période suspecte, en conséquence de la reprise par la société VAG FRANCE de véhicules neufs détenus par elle et de la conclusion avec cette dernière société d'une convention de dépôt par dérogation exceptionnelle au contrat de concession, est étrangère et ne répond pas aux prévisions des articles 107 à 110 de la loi du 25.01.1985 ; qu'au surplus, la connexité alléguée par la société GARAGE DES LOGES entre ces faits et les griefs articulés à l'encontre de la société VAG FRANCE, n'est pas démontrée, étant observé qu'il n'est pas contesté que les deux sociétés, quoique appartenant au même groupe, constituent des personnes morales distinctes, et que les deux contrats de concession et de financement ne sont pas indivisibles ;

Qu'il suit de ces développements que l'action et les prétentions de la société GARAGE DES LOGES ne découlent pas ni ne subissent l'influence de la procédure collective dont celle-ci a fait l'objet,

en sorte que cette société est mal fondée à invoquer la compétence exclusive du tribunal de commerce de PONTOISE sur le fondement de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, précédemment rappelé ;

Considérant que la validité des clauses attributives de compétence, dont les sociétés VAG FRANCE et VAG FINANCEMENT demandent l'application, n'est pas contestée ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

déclare recevable le contredit formé par la société GARAGE DES LOGES à l'encontre du jugement rendu le 2 avril 1998 par le tribunal de commerce de PONTOISE,

le déclare non fondé,

confirme le jugement entrepris,

condamne la société GARAGE DES LOGES aux dépens,

déboute les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. LE X...

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-3507
Date de la décision : 10/09/1998

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Tribunal - Compétence matérielle - Action concernant la procédure collective

Il résulte des dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 que le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique. Lorsqu'une action tendant à la réparation du préjudice prétendument consécutif à la résiliation brutale d'une convention de financement et d'un contrat de concession contenant l'une et l'autre une clause attributive de compétence, s'articule sur les modalités d'exécution et de résiliation des contrats liant les parties, une telle demande relève des seules stipulations contractuelles entre les parties


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-10;1998.3507 ?
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