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10/09/1998 | FRANCE | N°1995-9927

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 septembre 1998, 1995-9927


La société LA CIGALETTE produit des pâtes de fruits, des fruits confits et d'autres denrées à base de sucre qu'elle commercialise dans le monde entier.

Pour les exploitations hors C.E.E., elle bénéficie de subventions communautaires, appelées "restitutions", qui lui sont versées par l'intermédiaire du Fonds d'Intervention et de Régularisation du Marché du Sucre (FIRS).

Prétendant avoir confié à la société ASSOCIATION POUR LE TRANSIT ET LE TRANSPORT, dite A.T.T., diverses expéditions à destination de l'AUSTRALIE et que celle-ci n'aurait pas veillé au bon dér

oulement des opérations douanières confiées, ce qui aurait irrémédiablement entr...

La société LA CIGALETTE produit des pâtes de fruits, des fruits confits et d'autres denrées à base de sucre qu'elle commercialise dans le monde entier.

Pour les exploitations hors C.E.E., elle bénéficie de subventions communautaires, appelées "restitutions", qui lui sont versées par l'intermédiaire du Fonds d'Intervention et de Régularisation du Marché du Sucre (FIRS).

Prétendant avoir confié à la société ASSOCIATION POUR LE TRANSIT ET LE TRANSPORT, dite A.T.T., diverses expéditions à destination de l'AUSTRALIE et que celle-ci n'aurait pas veillé au bon déroulement des opérations douanières confiées, ce qui aurait irrémédiablement entraîné la perte des restitutions, la société LA CIGALETTE a engagé à l'encontre de ladite société une action pour obtenir réparation de son préjudice.

La société LA CIGALETTE s'est opposée aux prétentions émises à son encontre et, à toutes fins, elle a appelé en garantie la société DE LIAISON COMMERCIALE, dite S.L.C., à qui elle dit avoir sous-traité les opérations de dédouanement par l'entremise d'une société M.S.C. qui n'est pas en cause.

Par un jugement en date du 26 septembre 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a condamné la société A.T.T. à payer à la société LA CIGALETTE la somme de 128.968,71 francs, correspondant au montant des restitutions non perçues, et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 14 avril 1994, date de l'exploit introductif d'instance, outre une indemnité de 4.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, rejeté la demande en dommages et intérêts complémentaire formée par la société LA CIGALETTE, dit mal fondé l'appel en garantie formé par la société A.T.T. à l'encontre de la société S.L.C. et condamné la société

A.T.T. aux entiers dépens.

*

Appelante de cette décision, la société A.T.T. fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les éléments de la cause en lui imputant, notamment, un défaut de surveillance du mandataire substitué, en l'occurrence la société M.S.C., qui n'aurait pas correctement retransmis à la société S.L.C. les instructions reçues. Elle soutient au contraire qu'il suffit de se référer aux pièces des débats pour constater que la société LA CIGALETTE a gravement manqué à ses obligations en ne fournissant pas des documents complets permettant d'identifier la nature exacte de la marchandise et elle en veut pour preuve le fait qu'une précédente expédition, correctement documentée, n'a donné lieu à aucune difficulté et a permis à la société LA CIGALETTE d'obtenir les restitutions afférentes à cette expédition. Elle impute également à la société LA CIGALETTE des négligences qui ont empêché d'exercer des recours en temps utiles auprès de la douane alors que, selon elle, cette société aurait dû s'apercevoir de l'erreur commise aussitôt après chaque expédition. Elle lui reproche également d'avoir traité directement avec S.L.C. sans qu'elle ait été destinataire des instructions ainsi adressées à cette dernière, déduisant de là qu'elle ne peut plus être recherchée sur le fondement d'un mandat et qu'il appartient à la société LA CIGALETTE d'agir directement contre S.L.C. Pour l'ensemble de ces motifs, elle sollicite le rejet des prétentions adverses et la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

assortissant la décision déférée, outre la condamnation de la société LA CIGALETTE à lui payer une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Subsidiairement, pour le cas ou son argumentation principale ne serait pas suivie, elle demande, dans le cadre d'un appel provoqué, à être relevée et garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la société S.L.C., qui aurait en charge les opérations de dédouanement de la marchandise et qui doit être seule tenue pour responsable d'une éventuelle insuffisance dans l'établissement des documents douaniers.

La société LA CIGALETTE rappelle, quant à elle, que la société A.T.T. avait été chargée par elle de l'exportation des marchandises litigieuses et, plus particulièrement, de mettre en oeuvre toutes les formalités douanières afférentes à ces opérations. Elle ajoute que la société A.T.T. était parfaitement informées des conditions particulières des expéditions dont s'agit, dès lors que, quelque temps auparavant, elle avait assuré le suivi pour des produits identiques, d'une précédente opération, qui n'avait donné lieu à aucune difficulté.

Elle fait encore valoir que, contrairement à ce qu'affirme A.T.T., elle n'a jamais traité directement avec S.L.C. et que, en tout état de cause, A.T.T. a manqué à l'obligation de surveillance de son substitué. Elle conclut, en conséquence, à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires et elle réclame, à ce titre, la somme de 50.000 francs. Enfin, elle sollicite une indemnité de 10.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour.

*

La société S.L.C., après avoir conclu au rejet des prétentions émises à son encontre par la société A.T.T. et à la confirmation du chef des dispositions la concernant du jugement entrepris, a été placée en liquidation judiciaire le 12 janvier 1998 et Maître Y..., désigné en qualité de mandataire liquidateur et régulièrement assigné en intervention forcée, n'a pas constitué avoué, faute de trésorerie, faisant savoir qu'il s'en rapportait à la "sagesse de la Cour" quant à la fixation d'une éventuelle créance sur son administrée.

L'arrêt à intervenir sera en conséquence, faute de comparution de Maître Y..., es-qualités, qualifié de réputé contradictoire. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'il résulte des éléments de la cause et, notamment des factures adressées par l'appelante à la société LA CIGALETTE, que A.T.T. avait été chargée par cette dernière de l'ensemble des opérations d'exportations afférentes à diverses expéditions à destination de l'AUSTRALIE, en ce compris l'établissement des documents douaniers ; que A.T.T. s'est adressée pour la mise en oeuvre des formalités douanières relatives à chaque expédition à la société M.S.C. (qui n'a pas été appelée en cause) laquelle a sous-traité à son tour les opérations de dédouanement à la société S.L.C., agissant comme commissionnaire en douane.

Considérant que le commissionnaire en douane est lié à son donneur d'ordre par un contrat de mandat et doit répondre, à ce titre, non seulement de ses fautes personnelles mais de celles commises par celui qu'il s'est substitué dans sa gestion quand il n'a pas reçu pouvoir de se substituer quelqu'un.

Considérant qu'en l'espèce, la société A.T.T., chargée à l'origine des opérations de dédouanement, ne démontre, ni n'allègue qu'elle aurait reçu pouvoir de son donneur d'ordre de substituer un tiers, en l'espèce, la société M.S.C. et, par délégation de celle-ci, la

société S.L.C. ; qu'elle doit donc répondre non seulement de ses manquements propres mais également de ceux susceptibles d'être imputés aux sociétés M.S.C. et S.L.C., de même que d'un éventuel défaut de surveillance de ces dernières dans l'exécution de la mission confiée ; que toutefois la responsabilité du mandataire principal ou du mandataire substitué ne se présume pas et doit être prouvée.

Considérant qu'en l'espèce, il apparaît que les opérations d'expéditions à destination de l'Australie ont été confiées aux dates ci-après à la société A.T.T. par la société LA CIGALETTE :

* EX 1 : n° 705.920 réalisée le 05 août 1991,

* EX 1 : n° 782.449 réalisée le 16 août 1991,

* EX 1 : n° 816.013 réalisée le 05 décembre 1991,

* EX 1 n° 02.671 réalisée le 08 décembre 1991.

Que la première expédition n'a donné lieu à aucune difficulté puisque la société LA CIGALETTE a pu bénéficier des restitutions afférentes à celle-ci ; que la deuxième, effectuée quelques jours plus tard seulement par l'entremise de la société S.L.C. ainsi que les suivantes, réalisées toujours dans un temps rapproché, ont donné lieu aux difficultés susévoquées du fait que les documents douaniers établis par S.L.C. portaient la mention "sans restitution".

Considérant que la société appelante ne peut utilement soutenir que la société LA CIGALETTE lui aurait fait parvenir une documentation insuffisante quant à l'identification de la marchandise, alors que même si tel avait été le cas, il lui appartenait, s'agissant de relations d'affaires continues et rapprochées, de solliciter toute précisions complémentaires utiles auprès de sa mandante et d'informer celle-ci des difficultés susceptibles d'apparaître lors de l'établissement des documents douaniers d'exportation ; que, cela est

d'autant plus acquis en l'espèce que, comme l'a relevé le premier juge, la société S.L.C. a sollicité, à l'occasion des trois expéditions litigieuses, des instructions complémentaires de M.S.C., que celle-ci a laissé sans réponse ( cf : télécopie des 16 août, 05 décembre 1991 et 08 février 1992), ce qui montre suffisamment que la question des restitutions s'était posée nonobstant la prétendue insuffisance des documents, pour chacune de ces expéditions et dénote un défaut de surveillance certain de A.T.T. dans le suivi de l'opération.

Considérant que A.T.T. ne peut davantage reprocher à la société LA CIGALETTE d'avoir entretenue des relations directes avec S.L.C. pour tenter de régulariser la situation auprès du service des douanes et en déduire qu'elle ne saurait être tenue dans ces conditions au titre du mandat alors que ces relations ont eu lieu à une époque où les fautes ci-dessus évoquées avaient déjà été commises et ou le dommage avait déjà été réalisé.

Considérant que l'appelante ne peut pas plus reprocher utilement à la société LA CIGALETTE, qui n'est pas une spécialiste de l'exportation et qui, en conséquence, s'est adressée à un professionnel tel qu'A.T.T., de ne pas avoir identifié la difficulté dès le retour des documents douaniers et de ne pas lui avoir adressé de réclamations en temps utiles, étant observé qu'en tout état de cause le refus opposé par la douane ne reposait pas sur le caractère tardif des réclamations mais sur l'impossibilité d'identifier avec certitude la provenance d'une marchandise déjà exportée.

Considérant enfin qu'A.T.T. ne caractérise aucune faute à la charge de S.L.C. qui a, au contraire, comme il a été dit, sollicité de son donneur d'ordre direct dont A.T.T. doit répondre, des instructions complémentaires, lesquelles ont été laissées sans réponse, ce qui pouvait légitimement laisser croire à cet intermédiaire, qui n'avait

pas traité directement avec la société LA CIGALETTE, que les expéditions litigieuses ne devaient pas donner lieu à restitution.

Considérant que, dans ces conditions, le jugement déféré qui a fait une juste appréciation des éléments de la cause, sera confirmé en toutes ses dispositions, la société LA CIGALETTE ne justifiant pas, pour ce qui la concerne, d'un préjudice autre que celui qui a été réparé par les premiers juges et notamment de difficultés momentanées de trésorerie.

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société LA CIGALETTE les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société A.T.T. sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant enfin que la société A.T.T., qui succombe, dans l'exercice de ses recours, supportera les entiers dépens. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

- Reçoit la société A.T.T. "Association pour le Transit et le Transport" SA en son appel principal et en son appel provoqué dirigé contre la société DE LIAISON COMMERCIALE "S.L.C." SA, actuellement en liquidation judiciaire, ainsi que la société LA CIGALETTE SA en son appel incident,

- Dit ces appels mal fondés et les rejette,

- Confirme, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

- Condamne la société A.T.T. "Association pour le Transit et le Transport" SA à payer la société LA CIGALETTE SA une indemnité complémentaire de 8.000 francs en application de l'article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le premier juge,

- Condamne également la société A.T.T. "Association pour le Transit et le Transport" SA aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé C. DAULTIER

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-9927
Date de la décision : 10/09/1998

Analyses

MANDAT - Mandataire - Substitution de mandataire

Le commissionnaire en douane est lié à son donneur d'ordre par un contrat de mandat et doit répondre, à ce titre, non seulement de ses fautes personnelles mais également de celles commises par celui qu'il s'est substitué dans sa gestion quand il n'a pas reçu pouvoir de se substituer quelqu'un. Une société chargée par le mandant d'opérations de dédouanement qui ne démontre ni n'allègue qu'elle aurait reçu pouvoir de son donneur d'ordre de se substituer un tiers prestataire et, par délégation de ce dernier, une autre entreprise, doit répondre non seulement de ses manquements propres mais également de ceux susceptibles de résulter, tant des agissement de ses délégataires successifs, que d'un éventuel défaut de surveillance des substitués dans l'exécution de la mission confiée, sans toutefois que la responsabilité du mandataire principal ou des substitués puisse être présumée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-10;1995.9927 ?
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