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05/08/1998 | FRANCE | N°1998-5737

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 août 1998, 1998-5737


Les faits de la cause et la procédure de première instance sont relatés de manière exacte et complète par la décision déférée.

Pour les besoins de l'exposé, il convient seulement d'indiquer que la SNC PRISMA PRESSE a publié dans l'hebdomadaire VOICI numéro 558 du 20 au 26 juillet 1998, des photographies de Mademoiselle V P , partiellement ou totalement dénudée, encadrant un texte évoquant le spleen de l'artiste.

Sur le fondement des articles 9, 1382, 1383 du Code Civil, 808 et 809 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'intéressée a "saisi" le juge des référÃ

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Les faits de la cause et la procédure de première instance sont relatés de manière exacte et complète par la décision déférée.

Pour les besoins de l'exposé, il convient seulement d'indiquer que la SNC PRISMA PRESSE a publié dans l'hebdomadaire VOICI numéro 558 du 20 au 26 juillet 1998, des photographies de Mademoiselle V P , partiellement ou totalement dénudée, encadrant un texte évoquant le spleen de l'artiste.

Sur le fondement des articles 9, 1382, 1383 du Code Civil, 808 et 809 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'intéressée a "saisi" le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Nanterre à l'effet d'obtenir notamment :

- le retrait de tous les exemplaires incriminés à tout le moins sur le territoire français" et ce, sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée ;

- la condamnation de la société PRISMA PRESSE à lui payer la somme de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts à valoir sur son préjudice définitif ;

- la publication du dispositif de l'ordonnance à intervenir sous le titre en lettres de deux centimètres de hauteur :

" Condamnation de la société PRISMA PRESSE a la demande de Mademoiselle V P " et en lettres de un centimètre de hauteur : "Par ordonnance de référé rendue le 24 juillet 1998, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a condamné la société PRISMA PRESSE, éditrice de l'hebdomadaire VOICI, à verser des dommages-intérêts à Mademoiselle V P pour avoir, dans le numéro 558 du 20 au 26 juillet 1998 porté atteinte à sa vie privée, ainsi qu'au droit qu'elle possède sur son image."

Pour échapper à la mesure de retrait la société PRISMA PRESSE, se référant à des directives jurisprudentielles, a opposé l'absence de circonstances exceptionnelles et la non réunion d'une double condition : extrême gravité, irréparable de surcroît par le juge du fond.

Elle a affirmé qu'une telle sanction suppose une atteinte à l'intimité de la vie privée.

S'inspirant de décisions relatives à des artistes de cinéma photographiées également dans la tenue d'Eve à leur insu, la société s'est employée à démontrer le caractère banal de la nudité sur une plage, et faisant état de déclaration de l'artiste, desquelles il ressort qu'elle n'attache pas "beaucoup d'importance" à se voir "sur toutes les couvertures de magazines", elle s'est efforcée de caractériser une certaine complaisance de Mademoiselle V P à évoquer sa vie privée, arguant de ce qu'elle n'avait pas, en tout cas, sollicité la saisie du journal dans des circonstances identiques.

Elle a enfin constaté, sans le lui reprocher, qu'elle "n'hésite pas à dévoiler son corps", pour des besoins promotionnels.

Pour se soustraire à la publication d'un communiqué judiciaire, la société a mis en exergue la nature complémentaire d'une telle réparation, laquelle, prononcée selon elle au stade du référé, empiéterait sur le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Pour éviter de payer des dommages-intérêts provisionnels, elle a mis en avant la nécessité de recourir à un véritable débat de fond.

Mademoiselle V P a rétorqué que l'alinéa 2 de l'article 9 du Code Civil laisse au juge des référés "une totale liberté de détermination des mesures appropriées à l'atteinte constatée".

Analysant les nombreuses décisions rendues en la matière, elle a, pour écarter toute circonstance atténuante, souligné que le seul cadrage dans un lieu public reste prohibé, insisté sur l'extrême indiscrétion des deux photographies reproduites en page de couverture, et en page 19 de l'exemplaire en cause, rappelant que le "corps humain est le temple de l'intimité", dénoncé l'absence d'intérêt légitime à la reproduction de telles photographies.

A titre additionnel, elle a donc exigé l'interdiction d'utiliser les clichés litigieux, et leur remise à son conseil, et ce, sous astreinte de 15.000 francs par jour de retard.

Pour justifier de la nécessité de la publication d'un communiqué judiciaire, elle a exposé sa volonté d'informer les lecteurs dans les meilleurs délais de l'absence d'adhésion à la publication de l'article incriminé, et à la reproduction des photographies litigieuses.

Par ordonnance rendue le 24 juillet 1998, la juridiction précitée a essentiellement :

- condamné la SNC PRISMA PRESSE à porter et payer à V P , la somme de 60.000 francs à titre d'indemnité provisionnelle ;

- ordonné la publication d'un communiqué judiciaire dans les termes suggérés par l'artiste ;

- donné acte à la société PRISMA PRESSE de son engagement "de ne pas reproduire et exploiter à quelque fin que ce soit, dans tous les périodiques qu'elle édite, les clichés litigieux (...) ;

- rejeté toutes autres prétentions.

Invoquant le péril, et l'urgence face à la publication d'un communiqué judiciaire -mesure irréversible- et entendant être traitée à l'instar de Mademoiselle V P qui a obtenu que la cause soit jugée dans un bref délai, la SNC PRISMA PRESSE, a, sur la base de l'article 917 du Nouveau Code de Procédure Civile, obtenu l'autorisation de plaider à jour fixe à l'encontre de l'ordonnance sus-rapportée.

Elle s'insurge contre la mesure de publication emportant une restriction de la liberté d'expression, et d'information de l'hebdomadaire VOICI, incompatible avec l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme".

Elle soutient qu'aucun texte en droit français ne prévoit la possibilité d'imposer un tel communiqué.

Puisant ses références dans de nombreuses décisions la concernant, elle s'est évertuée à montrer que le communiqué judiciaire, ordonné à titre de réparation complémentaire suppose un débat au fond.

Approuvant le premier juge en ce qu'il a rejeté la demande du retrait de la vente, mesure qualifiée de "disproportionnée par rapport à la gravité du dommage", elle a déploré qu'il n'ait pas par le même motif refusé d'accueillir le second volet de doléances de Mademoiselle V P.

La société PRISMA PRESSE dénie au juge des référés la latitude d'ordonner une publication judiciaire malgré le caractère incontestable de l'atteinte, et s'étonne qu'une telle mesure puisse être prescrite pour lever l'incertitude sur la tolérance susceptible d'être imputée à l'artiste, dès lors qu'il ne s'induit pas de l'article critiqué qu'il a été publié avec son accord.

Enfin, pour rechercher l'infirmation de l'ordonnance querellée, la société, reprenant son argumentaire développé en première instance, met en lumière la complaisance avérée de Mademoiselle V P concernant tant les éléments de sa vie privée, que la divulgation de son image. Elle a requis sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Revendiquant la confirmation de l'ordonnance dont appel, Mademoiselle V P rétorque que les arguments d'ordre juridique de PRISMA PRESSE sont "plus d'ordre économique que relatifs à la liberté d'expression".

Elle déclare faire l'objet d'une véritable "traque" de la part de l'hebdomadaire VOICI (le numéro précédent 557, faisant l'objet d'une procédure au fond), qui, malgré les nombreuses et successives condamnations, n'hésite pas à réitérer ses atteintes, ne cessant de lui donne une image "très dévalorisante", "l'affublant d'une vie sentimentale frivole".

Excipant des articles 10 alinéa 2, 8 alinéa 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, 9 alinéas 1 et 2 du Code Civil, 808 et 809 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle pense que la publication de communiqués judiciaires, même en référé, est l'une des modalités de la réparation des préjudices causés par voie de presse, et refuse à l'auteur du dommage la possibilité d'en apprécier l'opportunité.

Elle réfute la thèse de la complaisance faisant observer qu'elle s'est constamment opposée à la publication sans son autorisation de photographies ou d'articles portant atteinte à sa vie privée, et note qu'elle a interjeté appel de toutes les décisions ayant repris un tel argument.

Remarquant que PRISMA PRESSE n'a pas publié le communiqué judiciaire dont s'agit, elle a mis en compte la somme de 30.000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, et dilatoire, outre celle de 10.000 francs en exécution de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

S U R C E

Considérant que Mademoiselle V P se plaint de la publication d'un article intitulé "V P , qu'il est long le temps sans..." ;

Qu'annoncé en première page de couverture, il est illustré par une photographie la représentant assise sur une plage, totalement nue, à côté de son chien ;

Que cet article est encore programmé en sommaire (page 5), sur lequel est également reproduite une photographie de l'intéressée les seins nus, se promenant sur la plage ;

Que l'article incriminé couvre également les pages 18 et 19 accompagné de photographies représentant l'artiste vêtue ou déshabillée, qu'il a trait à sa vie sentimentale, et fait suite à la publication la semaine précédente d'une chronique intitulée "V P (...) Tout sur leur histoire d'amour" ;

Qu'il n'est pas discuté que Mademoiselle V P n'a jamais autorisé la publication des textes et clichés litigieux ;

Considérant qu'il importe de relever tout d'abord que la demande tendant au retrait de la vente du numéro 558 incriminé n'a pas été renouvelée en cause d'appel ;

Que les parties remettent, en revanche, en débat pour l'essentiel, l'opportunité ou non de faire paraître un communiqué judiciaire ;

1 - Sur la compatibilité de la mesure de publication avec l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme

Considérant que l'article 10-1° dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression (...) ;

Que l'article 10-2° décide cependant que l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique (...) à la protection de la réputation ou des droits d'autrui (...) ;

Considérant que pour PRISMA PRESSE, toute restriction à la liberté d'expression doit être prévue par la loi.

Qu'elle met en relief que le communiqué litigieux s'il venait à être publié, couvrirait environ la moitié de la couverture de VOICI ;

Mais considérant que l'article 9 alinéa 2 du Code Civil autorise les juges à prescrire toutes mesures, telle que saisie, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ;

Que la saisie étant une mesure encore plus insupportable, l'amputation de la surface éditoriale doit être envisagée comme une restriction plus clémente, et compatible avec la Convention Européenne dont l'article 8 alinéa 1er édicte que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance" ;

Que la liste des mesures envisagées par l'article 9 n'est qu'indicative, et non limitative "telle que séquestre, saisie et autres" ;

Qu'il est donc vain de plaider que l'article 1382 du Code Civil, et les article 808 et 809 du Nouveau Code de Procédure Civile ne prévoient pas la mise en oeuvre d'une telle sanction, l'article 9 précité déterminant à suffire par son ouverture textuelle le critère de prévisibilité retenu dans la jurisprudence de la Cour Européenne ; 2 - Sur l'incompétence du Juge des Référés

Considérant qu'à l'appui de cette thèse, la société PRISMA PRESSE se prévaut de règles jurisprudentielles desquelles il découlerait qu'il n'appartient qu'aux juges du fond d'envisager une mesure de publication à titre de réparation complémentaire ;

Mais considérant que le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à des causes déjà jugées ;

Qu'en droit, l'article 9 in fine, donne pouvoir au juge des référés d'ordonner ces mesures (Séquestre, saisie et autres), s'il y a urgence ;

3 - La publication d'un communiqué judiciaire suppose une atteinte d'une gravité extrême, insusceptible d'être réparée par l'allocation de dommages-intérêts :

Considérant à ce sujet qu'il n'y a pas lieu également de se prononcer par voie de référence à des causes déjà jugées ;

Considérant que pour faire droit sur ce point aux récriminations de Mademoiselle V P , le premier juge a tenu compte du caractère incontestable de l'atteinte résultant notamment de la publication des photographies représentant la demanderesse nue, ou quasiment dénudée admettant qu'une telle mesure était en outre de nature à réparer au moins en partie le dommage subi par l'intéressée et de lever toute incertitude sur la complaisance ou la tolérance éventuelle qui pourrait lui être imputée, ensuite de la publication des clichés litigieux ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société appelante, le juge des référés a vocation à ordonner une publication judiciaire en présence d'une atteinte incontestable ;

Mais considérant en réalité, en l'espèce, que l'exécution pratique de la modalité définie par le premier juge pêche par manque de pragmatisme puisqu'une première page défigurée par un tel bandeau imposé ne manquerait pas d'attirer de nombreux acheteurs potentiels appâtés par la certitude qu'ils trouveront désormais dans ce magasine des informations pour le moins croustillantes ;

Que cette solution aboutirait à l'effet inverse de celui recherché ; Que d'ailleurs, Mademoiselle V P , à l'instar de tout lecteur, peut user de la voie qui lui est offerte par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 en exigeant l'insertion d'une réponse au directeur de la publication, ce qui lui permet de lever l'ambigu'té quant aux sources de l'article incriminé ;

Considérant que cette Cour qui reconnaît à Mademoiselle V P le droit de s'exprimer où elle veut, quand elle veut, de disposer de son corps et de sa nudité selon sa volonté et plus généralement la possibilité de fixer elle-même les limites de ce qui peut être divulgué sur sa vie privée (Il est inexact d'assimiler l'absence de poursuites dans des circonstances identiques à une bienveillante tolérance, comme il est inopérant d'insinuer que Mademoiselle V P a accepté à plusieurs reprises la diffusion de son image nue, ou de partager avec des lecteurs ses joies et ses peines, voire de révéler ses relations sentimentales), entend relativiser les manquements à la probité journalistique de VOICI non parce que l'intéressée s'est montrée par le passé complaisante -au moins trois décisions soulignent sa résistance à la diffusion de son image et son souhait de faire condamner les actes attentatoires à sa vie privée- mais parce que la liberté de la presse implique que les mesures restrictives à son expression ne puissent être prises dans l'urgence qu'avec circonspection, et mesure ;

Et considérant qu'il n'est pas évident que l'atteinte portée à l'intimité de la vie privée de Mademoiselle V P soit une d'exceptionnelle gravité ;

Considérant au surplus, que les photographies publiées, ou le texte imaginé, malgré les protestations de l'intéressée, ne trahissent ni son image, sa nudité même surprise s'avérant pudique, ni sa réputation les commentaires articulés autour de sa relation présumée étant dépourvus de sarcasmes (si l'on excepte deux légendes lestement ironiques sur des amours contrariées qui justifient en tant que de besoin les dommages-intérêts alloués à titre provisionnel par le premier juge, ainsi qu'il sera décidé ci-après) ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu d'ordonner au stade des référés, la publication d'un communiqué judiciaire ;

Qu'il convient de réformer l'ordonnance querellée sur ce point ;

Considérant, en revanche, que la société PRISMA PRESSE en portant atteinte délibérément à la vie privée de Mademoiselle V P -malgré moult mises en gardes judiciaires ainsi qu'en font foi les trois décisions versées aux débats pièces numéros 7, 11 et 29- n'hésitant pas à orner ses commentaires de gaudrioles déplacées, lesquelles ont été fidèlement reproduites par le premier juge, a nécessairement généré un préjudice à l'artiste-interprête de nature à entraîner une sanction pécuniaire immédiate que le premier juge a exactement évalué, à titrerement généré un préjudice à l'artiste-interprête de nature à entraîner une sanction pécuniaire immédiate que le premier juge a exactement évalué, à titre provisionnel dans l'attente de la décision des juges du fond ;

Sur l'appel abusif :

Considérant que la société PRISMA PRESSE ayant partiellement obtenu satisfaction, l'appel ne peut être qualifié d'abusif ; que la demande de dommages-intérêt sera repoussée ;

Que le refus d'exécuter l'ordonnance du juge des référés dans l'attente de la décision du juge d'appel sera apprécié par les juges du fond ;

Considérant que lorsqu'une partie ne succombe que partiellement, le juge a le pouvoir discrétionnaire d'effectuer la répartition des dépens ;

Considérant qu'en raison de la faute caractérisée de PRISMA PRESSE qui a contraint Mademoiselle V P à initier une procédure de référé, les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société appelante ;

Que la part de l'indemnité de procédure attribuée en première instance a été exactement réglée par le premier juge ;

Que l'équité ne commande pas toutefois qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'intimée à hauteur de Cour.

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, sur appel de référé civil, en dernier ressort ;

Reçoit l'appel de la SNC PRISMA PRESSE régulier en la forme ;

Réforme partiellement l'ordonnance déférée ;

Dit n'y avoir lieu, au stade des référés, d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire ;

Confirme pour le surplus la décision critiquée ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu d'accorder à Mademoiselle V P des dommages-intérêts pour appel abusif, et une nouvelle indemnité de procédure en cause d'appel ;

Dis n'y avoir lieu d'octroyer de même à la SNC PRISMA PRESSE une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Laisse néanmoins les dépens d'appel à la charge de la SNC PRISMA PRESSE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-5737
Date de la décision : 05/08/1998

Analyses

REFERE - Ordonnance.

Aux termes de l'article 8 alinéa 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Si l'article 10-1 de la même Convention, érige en principe que " toute personne a droit à la liberté d'expression ... ", il résulte des dispositions de l'article 10-2 que l'exercice de cette même liberté peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou encore à des sanctions prévues par la loi, lorsque celles-ci " constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique ... à la protection de la réputation ou des droits d'autrui ... ". Dès lors que l'article 9 alinéa 2 du Code civil autorise, le juge à prescrire toutes mesures, notamment la saisie, propre à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée, sans que les mesures qu'il énumère soient limitatives, une revue ayant, en l'espèce, publié des clichés et des textes non autorisés, est mal fondée à soutenir que l'injonction, par le juge des référés, de publier un communiqué judiciaire en couverture d'une prochaine parution, n'entre pas dans les prévisions de la loi, en l'occurrence, des articles 1382 du Code civil et 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Appréciation souveraine.

La publication d'un communiqué judiciaire au stade des référés suppose une atteinte d'une gravité extrême insusceptible d'être réparée par l'allocation de dommages et intérêts. Lorsque la publication d'un communiqué judiciaire en première page d'un magazine à sensation risque de se traduire, à l'inverse du but recherché, par un regain du lectorat, attiré par la perspectives de nouvelles informations croustillantes, qu'en outre la victime dispose, comme tout lecteur, du droit de réponse prévu par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, lui permettant de lever toute ambiguïté relativement à un article litigieux, les manquements à la probité du magazine poursuivi doivent être relativisés en considération, non d'une éventuelle complaisance de la victime, en la circonstance non établie, mais de la nécessaire circonspection et mesure qui doivent présider à la mise en ouvre, dans l'urgence, de mesures restreignant la liberté d'expression de la presse. En l'espèce, si la publication de photographies d'une vedette de la chanson, représentée nue ou quasiment nue, sans toutefois que son image ou sa réputation soient trahies, constitue une atteinte incontestable justifiant l'allocation de dommages et intérêts à titre provisionnel par le premier juge, celle-ci ne présente pas un caractère d'exceptionnelle gravité de nature justifier la publication d'un communiqué judiciaire


Références :

Code civil 9, 1382
Code de procédure civile (Nouveau) 808, 809
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 8 al. 1er
Loi du 29 juillet 1881 art. 13

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-08-05;1998.5737 ?
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