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03/07/1998 | FRANCE | N°1996-5145

France | France, Cour d'appel de Versailles, 03 juillet 1998, 1996-5145


Par acte d'huissier du 16 mai 1996, Madame X... (bailleresse) a fait assigner devant le tribunal d'instance de COLOMBES, Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOUR Z... (locataires) et Monsieur Patrick A... (caution solidaire) aux fins de :

- faire juger que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z..., pris en leur qualité de locataires, et Monsieur Patrick A..., qui s'est porté caution solidaire, devront payer la somme de 41.034 Francs de loyers impayés et 53.544,34 Francs de travaux de réfection en principal, montant des loyers et charges locatives que Messieurs AGYARE KWASI Y...

et GYEABOOUR Z..., Monsieur A... restant devoir dans le c...

Par acte d'huissier du 16 mai 1996, Madame X... (bailleresse) a fait assigner devant le tribunal d'instance de COLOMBES, Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOUR Z... (locataires) et Monsieur Patrick A... (caution solidaire) aux fins de :

- faire juger que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z..., pris en leur qualité de locataires, et Monsieur Patrick A..., qui s'est porté caution solidaire, devront payer la somme de 41.034 Francs de loyers impayés et 53.544,34 Francs de travaux de réfection en principal, montant des loyers et charges locatives que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z..., Monsieur A... restant devoir dans le cadre du bail du 1er avril 1992,

- condamner la partie opposée à verser 3.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

A l'appui de ses prétentions, la partie demanderesse a exposé notamment que :

- ces mesures étaient nécessaires car le loyer n'avait pas été payé régulièrement,

- le logement avait été laissé dans un état de saleté fort avancé, caractérisé par des insectes (cafards et blattes),

- le préavis de trois mois n'avait pas été observé,

- les peintures et les moquettes avaient été refaits lors de l'entrée des locataires dans les lieux qui étaient en parfait état.

Monsieur GYEABOUR Z... et Monsieur A... n'ont pas comparu devant le tribunal.

Le tribunal d'instance statuant par jugement réputé contradictoire du 27 février 1996 a rendu la décision suivante :

Vu l'article 9 du nouveau code de procédure civile,

- déclare la demande en paiement partiellement fondée,

En conséquence,

- dit que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et Monsieur A... devront payer solidairement à Mademoiselle X... la somme de 15.769,54 Francs au titre de l'arriéré de loyers, selon le compte figurant sur la sommation de payer du 17 novembre 1994, après

soustraction de la somme de 7.000 Francs qui est mentionnée sur cette pièce comme devant venir en déduction de la somme de 22.769,54 Francs et celle de 30.858,34 Francs,

- dit que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et Monsieur A... devront payer à Mademoiselle X... 3.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rejette le surplus des demandes,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- met les entiers dépens à la charge de Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et Monsieur A..., solidairement.

Le 17 mai 1996, Monsieur AGYARE KWASI Y... et Monsieur GYEABOOUR Z... ont interjeté appel. Ils n'ont pas fourni l'intégralité des renseignements exigés par les articles 901 et 960 alinéa 2 et 961 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur A... assigné et réassigné en mairie, n'a pas constitué avoué ; cependant, il a accompagné l'avocat des deux appelants et a assisté aux débats de l'audience du 2 juin 1998.

L'ordonnance de clôture a été signée le 28 mai 1998, après trois reports.

L'affaire a été plaidée pour Mademoiselle X... et pour les deux appelants, à l'audience du 2 juin 1998, et l'avocat a indiqué qu'il n'avait plus de nouvelles de son client Monsieur GYEABOUR Z....

Les deux appelants demandent à la Cour de :

- constater que Mademoiselle X... ne rapporte pas la preuve de sa créance,

En conséquence,

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- condamner Mademoiselle X... à restituer le dépôt de garantie soit une somme de 11.600 Francs,

- décharger Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... des condamnations prononcées contre eux, en principal, intérêts, frais et accessoires,

- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- condamner Mademoiselle X... à porter et payer aux concluants la somme de 4.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la

SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Mademoiselle X... a formé un appel incident et demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du tribunal d'instance de COLOMBES du 27 février 1996 en ce qu'il a retenu le principe de la condamnation de AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A... à payer le solde arriéré des loyers et charges locatives dues à Mademoiselle X...,

- confirmer le jugement du tribunal d'instance de COLOMBES du 27 février 1996 en ce qu'il a retenu la pleine et entière responsabilité des anciens locataires dans l'état de délabrement de l'appartement après leur départ,

- infirmer le jugement du tribunal d'instance de COLOMBES du 27 février 1996 dans le quantum des condamnations prononcées à l'encontre de Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A...,

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A... au paiement de la somme de 26.550 Francs au titre des loyers arriérés des mois de juillet, août, septembre, octobre et du 1er au 15 novembre 1994,

- condamner Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A... au paiement de la somme de 663.75 Francs au titre de l'arriéré du droit au bail du 1er juillet 1994 au 15 novembre 1994,

- condamner Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et

A... au paiement de la somme de 831.62 Francs, au titre de l'arriéré de la taxe d'ordures ménagères, afférentes aux années 1993 et 1994,

- condamner Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A... au paiement de la somme de 41.944,34 Francs au titre de la réfection de l'appartement,

- condamner Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... et A... au paiement de la somme de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner également aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Les deux appelants concluent au débouté de l'intimée des fins de toutes ses demandes et lui réclament, chacun, 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

A)I)

Considérant qu'aux termes de l'article 15-I alinéa 2 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989, les deux locataires devaient donner un congé en observant un délai de préavis de trois mois, ce qu'ils n'ont manifestement pas fait, puisqu'ils se sont bornés à envoyer une lettre à Mademoiselle X... , le 11 août 1994, pour "résilier" (sic) leur bail, et qu'ils ont quitté les lieux, le 15 août 1994 ;

Considérant que Messieurs AGYARE KWASI Y... et GYEABOOUR Z... ne font état d'aucune mutation, ni d'aucune perte d'emploi, ni de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, et qu'ils devaient donc respecter ce délai légal de préavis ; qu'ils sont déboutés de leurs moyens sur ce premier point et que le jugement est confirmé de ce chef ; que les deux appelants sont condamnés à payer 26.550 Francs au titre des trois mois de délai de préavis dus ;

Considérant que les charges locatives ne sont pas discutées, ni contestées par les appelants et que les documents justificatifs complets, produits par Mademoiselle X... - qui ne sont pas critiqués - démontrent que le montant dû, de ce chef, est de 10.838 Francs ; que les deux appelants sont donc condamnés à lui payer cette somme ;

Considérant enfin que les deux appelants sont condamnés à payer les sommes justifiées et non contestées de 663,75 Francs d'arriéré du droit au bail pour la période du 1er juillet 1994 au 15 novembre 1994 (délai légal de préavis) et de 831,62 Francs au titre de l'arriéré de la taxe d'ordures ménagères pour les années 1993 et 1994 ;

II)

Considérant en ce qui concerne les réparations locatives et les dégradations et pertes (article 7)c) et d) de la loi du 6 juillet 1989), qu'il est certes exact qu'aucun état des lieux n'a été établi, à l'entrée, comme le prévoit l'article 3 de cette loi, mais qu'il demeure qu'il appartenait aussi aux locataires de faire toutes les diligences utiles pour faire établir cet état des lieux, ce qu'ils n'ont jamais fait, ni jamais exigé de leur bailleresse ; qu'ils ont occupé les lieux pendant deux ans et trois mois, puis les ont libérés sans jamais formuler de réclamations, ni de doléances au sujet de prétendus défauts de réparations et d'entretien qui seraient imputables à la bailleresse ; qu'ils n'ont jamais fait établir de constat d'huissier à ce propos, et que de plus, le contrat de bail qu'ils ont librement signé, indiquait que les lieux étaient "en parfait état" ; qu'ils ne contestent nullement la valeur de cette mention précise de leur bail ;

Considérant que rien ne démontre que Mademoiselle X... aurait fait obstacle à l'établissement de cet état des lieux à l'entrée et que la bailleresse est donc fondée à réclamer le bénéfice de la présomption de l'article 1731 du code civil ;

Considérant, par ailleurs, que la réalité et l'importance des dégradations et des pertes dont les deux appelants doivent répondre en vertu de l'article 7)c) de la loi, sont démontrées par les constatations faites par huissier, le 8 septembre 1994 ; que certes ce constat n'a pas été établi contradictoirement, mais qu'il est souligné que les deux locataires ont quitté les lieux précipitamment sans respecter le délai légal de préavis et sans indiquer leur nouvelle adresse, et que ce sont donc eux qui ont ainsi rendu impossible l'établissement contradictoire d'un état des lieux de sortie ; que le procès-verbal de constat d'huissier a été versé aux débats et que les deux appelants ont donc été mis en mesure de le discuter contradictoirement, ce qu'ils n'ont pas fait, puisqu'ils se bornent à faire valoir que ce document leur serait, selon eux, "inopposable", alors qu'ils ne formulent aucune observation, ni aucune critique sur sa teneur ; que la réalité de ces dégradations et des pertes qui leur sont imputables est ainsi parfaitement démontrée et que les intéressés n'invoquent aucun cas de force majeure, ni aucune faute du bailleur, ni aucun fait d'un tiers qu'ils n'auraient pas introduit dans leur logement ; qu'ils sont donc déclarés entièrement responsables de ces réparations locatives et de ces dégradations et pertes ;

Considérant en ce qui concerne le coût des travaux de remise en état nécessaires, que Mademoiselle X... a versé aux débats tous documents justificatifs utiles (notamment les factures) qui établissent que ces travaux sont d'un montant total de 53.544,34 Francs ; que le jugement déféré est réformé de ce chef et que les deux appelants sont condamnés à payer cette somme justifiée de laquelle sera déduite le dépôt de garantie dont la restitution est due par l'intimée et qui est de 11.600 Francs ce qui laisse donc un solde dû de 41.944,34 Francs ;

B)

Considérant que Monsieur Patrick A... s'est constitué caution solidaire et que n'ayant pas constitué avoué, il ne discute et ne conteste pas la régularité et la portée de son engagement ;

Considérant qu'il est, par conséquent, condamné solidairement avec les deux appelants, en vertu des articles 2015, 1202 et 2021 du code civil, à payer toutes les sommes ci-dessus fixées par la Cour ;

C)

Considérant que les deux appelants succombent en leur appel et compte-tenu de l'équité, ils sont donc déboutés de leur demande en paiement de sommes en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant par contre, que compte-tenu de l'équité, les deux appelants et Monsieur A... sont condamnés à payer à Mademoiselle X... la somme de 10.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

A)

Réformant et statuant à nouveau :

I)

- DEBOUTE Monsieur AGYARE KWASI Y... et Monsieur GYEABOUR Z... des fins de leur appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

- LES CONDAMNE à payer à Mademoiselle X... :

[* 26.550 Francs à titre de délai de préavis,

*] 10.838 Francs de charges locatives,

[* 663,75 Francs d'arriérés du droit au bail,

*] 831,62 Francs d'arriérés de taxes d'ordures ménagères,

II)

- LES CONDAMNE à payer à Mademoiselle X... 41.944,34 Francs au titre des réparations locatives et des dégradations et des pertes, après déduction des 11.600 Francs de dépôt de garantie ;

B)

- CONDAMNE la caution Monsieur Patrick A... à payer solidairement toutes les sommes ci-dessus fixées à la charge des appelants ;

C)

- CONDAMNE les deux appelants et Monsieur A... à payer à Mademoiselle X... 10.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE les deux appelants et Monsieur A... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-5145
Date de la décision : 03/07/1998

Analyses

BAIL (règles générales)

1) Aux termes de l'article 1731 du code civil "s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locativ- es, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire". Lorsque contrairement aux prévisions de l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989, aucun état des lieux n'a été établi à l'entrée des locataires, lesquels n'ont jamais accompli une quelconque diligence pour l'exiger de leur bailleur et qu'en outre ils n'ont à aucun moment, jusqu'à la libération des lieux, formulé de réclamation ou de doléance relatives aux lieux loués, qu'au surplus la mention du bail indiquant que les lieux étaient "en parfait état" n'est pas contestée, le bailleur, dont il n'est pas démontré qu'il aurait fait obstacle à l'établissement d'un état des lieux, est fondé à réclamer le bénéfice de l'application de la présomption de l'article 1731 du code civil. 2) Un état des lieux de sortie établi par un huissier de manière non contradictoire, du fait d'un départ précité d'un locataire parti sans laisser d'adresse avant l'expiration du délai légal de préavis, mais qui est régulièrement versé aux débats, met le locataire en mesure de le discuter contradictoirement ; à défaut de critique de son contenu, un tel acte établit, contre le locataire, la réalité des réparations et pertes imputables au locataire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-07-03;1996.5145 ?
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