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02/07/1998 | FRANCE | N°1995-8016

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 juillet 1998, 1995-8016


Monsieur X... Y... Z..., photographe à NANTERRE, a vendu à la société UNIMEX IMPORT EXPORT, établie à Long An, République du Vietnam, trois machines de développement photographiques.

Pour l'expédition de cette marchandise, il s'est adressé à la société FOUGERAY-FLAMANT qui ne conteste pas sa qualité de commissionnaire de transport. Celle-ci a procédé à l'empotage des machines dans un container ITLU 648-767-9 dont elle prétend avoir confié le préacheminement par voie terrestre jusqu'au HAVRE à la société TMM TRANSCAP, laquelle se serait substituée la SNC SCAMAR,

qui aurait désigné à son tour la société VALET-JOILLE.

La partie maritime d...

Monsieur X... Y... Z..., photographe à NANTERRE, a vendu à la société UNIMEX IMPORT EXPORT, établie à Long An, République du Vietnam, trois machines de développement photographiques.

Pour l'expédition de cette marchandise, il s'est adressé à la société FOUGERAY-FLAMANT qui ne conteste pas sa qualité de commissionnaire de transport. Celle-ci a procédé à l'empotage des machines dans un container ITLU 648-767-9 dont elle prétend avoir confié le préacheminement par voie terrestre jusqu'au HAVRE à la société TMM TRANSCAP, laquelle se serait substituée la SNC SCAMAR, qui aurait désigné à son tour la société VALET-JOILLE.

La partie maritime du transport a été confiée, selon connaissement émis le 25 mars 1993, à la Compagnie MITSHUI OSK LINES.

Le même jour, le container a été embarqué au HAVRE sur le navire "Dresden Express" et débarqué à HÈ CHI MINH-VILLE, le 17 avril 1993. Le 22 avril 1993, un constat d'avaries a été dressé en présence des autorités douanières, et le 04 mai 1993, la société VINACONTROL a établi un rapport d'expertise.

Monsieur X... Y... Z... a émis diverses réserves et n'ayant pu amiablement obtenir réparation du dommage allégué, il a fait assigner la société FOUGERAY FLAMANT, la société UNION etamp; PHENIX ESPAGNOL, assureur de la marchandise transportée et la société ROUGE CLARKSON, agent de ladite compagnie, devant le Tribunal de Commerce de PONTOISE.

La société FOUGERAY FLAMANT s'est opposée aux prétentions formées à son encontre et, à toutes fins, elle a appelé en garantie les sociétés TTM TRANSCAP, SNC SCAMAR et VALET JOILLE ainsi que les compagnies d'assurances UNION etamp; PHENIX ESPAGNOL et GAN, cette dernière prise en sa qualité d'assureur de responsabilité de la société FOUGERAY FLAMANT.

La société TMM TRANSCAP a appelé à son tour en garantie la Compagnie MITSHUI OSK LINES et la SNC SCAMAR.

Par jugement en date du 05 septembre 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le tribunal a débouté Monsieur X... Y... Z... de ses demandes et dit sans objet les diverses actions en garantie engagées, condamné la société FOUGERAY FLAMANT à payer à la compagnie LE GAN une indemnité de 1.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, laissé les dépens de l'action principale à la charge de Monsieur X... Y... Z... et ceux relatifs aux actions en garantie aux sociétés FOUGERAY FLAMANT et TMM TRANSCAP.

*

Appelant de cette décision, Monsieur X... Y... Z... fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les faits de la cause en retenant une présomption de livraison conforme et en estimant que la preuve ne serait pas rapportée que les dommages constatés relèveraient de l'opération de transport.

Il rappelle que le commissionnaire de transport est tenu d'une obligation de résultat et doit répondre de tous ses substitués. Il ajoute que, contrairement à l'analyse du tribunal, il suffit de se référer aux pièces des débats pour constater que des réserves ont été émises en temps utile dès lors que la marchandise n'a été remise au destinataire final que le 22 avril 1993 et non pas le 17 avril 1993, comme mentionné par erreur dans son exploit introductif d'instance.

Il déduit de là que la preuve est suffisamment rapportée que les dommages se sont produits entre le chargement et le déchargement et que la société FOUGERAY FLAMANT, qui ne peut se prévaloir d'aucune cause exonératoire, doit être condamnée avec l'assureur de la marchandise, la société LA SUISSE ASSURANCE, venant aux droits de la Compagnie UNION etamp; PHENIX ESPAGNOL, à réparer son entier préjudice qu'il fixe à la somme de 365.932,34 francs. Il réclame, en outre, aux mêmes, une indemnité de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La société FOUGERAY FLAMANT fait valoir en réplique que sa mission a pris fin, comme le spécifiait le connaissement, au déchargement du conteneur intervenu le 17 avril 1993 et estime en conséquence que, comme l'a décidé à bon droit le tribunal, elle est fondée à se prévaloir d'une présomption de livraison conforme au sens de l'article 3-6 de la Convention de Bruxelles amendée du 25 août 1924. Elle ajoute que cette présomption n'est pas utilement combattue par Monsieur X... Y... Z... qui se prévaut seulement de documents empreints de contradiction et qui, de surcroît, ne lui sont pas opposables. Elle conclut donc à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré. Subsidiairement, elle soutient que l'appelant ne justifie, ni en son principe, ni en son quantum, du préjudice qu'il invoque. Plus subsidiairement, elle estime qu'elle doit être relevée et garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la société TTA, venant aux droits de la société TMM TRANSCAP, qu'elle désigne comme commissionnaire substitué, ainsi que par les autres intervenants au contrat de transports qu'elle a appelé en appel provoqué. Elle estime également devoir être garantie par la Compagnie SUISSE ASSURANCE, venant aux droits de la Compagnie UNION etamp; PHENIX ESPAGNOL. Enfin, elle réclame à l'appelant une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société TOUS TRANSPORTS AERIENS (TTA), venant aux droits de la société TTM TRANSCAP, fait sienne l'analyse de la société FOUGERAY FLAMANT quant à la présomption de livraison conforme et à l'absence de preuve contraire rapportée par Monsieur X... Y... Z.... Elle conteste, en revanche, avoir la qualité de sous commissionnaire de transport et soutient qu'elle n'est intervenue que pour effectuer les opérations douanières au HAVRE. Elle sollicite, en conséquence, la confirmation du jugement entrepris ou sa mise hors de cause. Subsidiairement, elle soutient qu'elle ne peut être tenue pour responsable du défaut d'emballage qui pourrait être à l'origine du sinistre. Elle soutient également que, si par impossible elle était considérée comme sous commissionnaire de transport, elle serait recevable à se prévaloir de la limitation de responsabilité bénéficiant au transporteur maritime, soit en l'espèce 3.480 DTS, ajoutant que si cependant celle-ci était dite non applicable, le préjudice subi par l'appelant ne saurait excéder 251.291,39 francs. Enfin, elle réclame à la société FOUGERAY FLAMANT une indemnité de 39.000 francs en couverture des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer.

Les sociétés SCAMAR et MITSHUI OSK LINES concluent également à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et estiment irrecevable l'appel provoqué formé par la société FOUGERAY FLAMANT, à l'encontre de la première d'entre elles, qui n'est intervenue qu'en qualité de consignataire du transporteur maritime, et mal fondé celui dirigé à l'encontre de la seconde, à savoir le transporteur maritime dès lors que celui-ci peut utilement invoquer le cas de responsabilité excepté prévu par l'article 4-2 n de la Convention de Bruxelles amendée en raison d'une insuffisance d'emballage.

Elles réclament, en outre, à la société FOUGERAY FLAMANT une indemnité de 30.000 francs en couverture de leurs frais de procédure. [*

La société VALET JOILLE conclut également à la confirmation du jugement entrepris et à toutes fins, elle se prévaut de la présomption de livraison conforme non utilement combattue par l'appelant. Elle sollicite aussi une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*]

La société SUISSE ASSURANCE, venant aux droits de la Compagnie UNION etamp; PHENIX ESPAGNOL, conclut également à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, faisant sienne l'argumentation des autres parties sur ce point. Subsidiairement, elle estime que le dommage ne peut trouver sa cause que dans un défaut d'emballage que la police d'assurance souscrite auprès d'elle ne couvre pas et elle ajoute que s'agissant d'un matériel d'occasion, celui-ci est également exclu de la couverture de sa police d'assurance. Elle sollicite, en conséquence, le rejet des prétentions émises à son encontre tant par Monsieur X... Y... Z... que par la société FOUGERAY FLAMANT.

Plus subsidiairement, elle demande à être garantie de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle par les sociétés TTA, MITSHUI OSK LINES, VALET JOILLE et FOUGERAY FLAMANT à l'encontre desquelles elle forme un appel provoqué. Enfin, elle réclame à l'appelant une indemnité de procédure de 15.000 francs. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que les parties s'opposent sur la date de livraison ; que Monsieur X... Y... Z... prétend que celle-ci n'a été effectuée que le 22 avril 1993, lors de la mise à disposition du conteneur dans les entrepôts de la société UNIMEX, en tirant pour conséquence que les réserves adressées au Capitaine du Navire dès le 23 avril 1993 ont bien été émises en temps utile ; que les autres parties soutiennent au contraire que la livraison a été effectuée dès le 17 avril, par la mise du container à quai, comme le prévoyait les documents contractuels et que, partant, les réserves émises seraient tardives. Considérant que la livraison se définit comme l'opération par laquelle le transporteur remet matériellement la marchandise à l'ayant-droit, ce qui sous-entend que celui-ci soit en mesure d'en prendre possession effective, de vérifier son état et le cas échéant de prendre toute réserve utile.

Que toutefois, les parties peuvent conventionnellement prévoir d'autres modalités de livraison et celle-ci est réputée valablement accomplie lorsque ces modalités ont été respectées par le transporteur.

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des documents produits, à savoir la confirmation de commande et le connaissement, que la marchandise devait être livrée selon les modalités suivantes " Bord Navire HÈ CHI MINH-VILLE Vietnam" ; qu'il est également constant que le container a été déchargé dès le 17 avril 1993 au port de destination et pris en charge par les autorités portuaires vietnamiennes ; que Monsieur X... Y... Z..., qui avait reçu copie des documents susvisés et donné pour instruction (cf pièce n° 7) de n'adresser aucune copie de ceux-ci à destination, avait été parfaitement informé de ces modalités particulières de livraison qu'il a librement acceptées ; qu'il n'est pas par ailleurs sérieusement contestable que la société UNIMEX, destinataire, a pu prendre livraison du conteneur bien avant la date indiquée par l'appelant, puisqu'elle l'a fait transporter dans ses locaux à HÈ CHI MINH-VILLE où il a été procédé à son ouverture le 22 avril 1993 ; qu'il suit de ces constatations que, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, la livraison doit être réputée pour valablement accomplie le 17 avril 1993 et les réserves, émises le 23 avril 1993 et adressées au capitaine du navire, tenues pour tardives, comme ayant été faite au-delà du délai de 3 jours prévu par l'article 3 (6) de la Convention de Bruxelles amendée dont il n'est pas contestée qu'elle a vocation à s'appliquer en l'espèce, étant précisé de surcroît que, comme le fait observer la société FOUGERAY FLAMANT, lesdites réserves, quand bien même elles auraient été émises dans les trois jours de la livraison, sont inopérantes dans la mesure où elles sont rédigées en termes généraux et qu'elles n'indiquent ni la nature, ni l'importance de l'avarie et qu'aucune constatation contradictoire n'a été opérée ou demandée à l'ouverture du container, cette opération ayant été effectuée en l'absence du transporteur maritime ou de ses représentants ; que la société FOUGERAY FLAMANT et les autres intervenants au contrat sont donc fondés à se prévaloir, comme l'a dit à bon droit le tribunal, de la présomption de livraison conforme. Considérant qu'il appartient dès lors à Monsieur X... Y... Z... d'établir que les dommages sont imputables au transport.

Or, considérant que cette preuve n'est pas suffisamment rapportée en l'espèce ; qu'en effet comme l'a relevé le tribunal dans une exacte analyse que la Cour s'approprie, les diverses constatations opérées n'ont jamais été établies contradictoirement ; qu'elles comportent, en outre, de nombreuses contradictions, notamment sur la date exacte d'ouverture du container, sur la nature des marchandises avariées qui seraient susceptibles de ne pas être celles objets du contrat de transports, sur la consistance de l'emballage (vieux cartons dans un rapport, toiles de jute dans un autre) ; que de surcroît, aucune indication n'est fournie sur les conditions de stockage et de transport du container entre son arrivée à quai le 17 avril 1993 et le 22 avril 1993, pas plus que sur le moment ou celui-ci a été déplombé, ce qui laisse supposer que des manipulations ont pu intervenir, même à l'insu du destinataire ; que, dans ces conditions, il ne saurait être tenu pour établi que les prétendues avaries constatées sur une marchandise mal identifiée, soient imputables aux opérations de transport ou d'emballage.

Que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions émises par Monsieur X... Y... Z... et dit sans objet les appels en garanties formées à l'encontre des différents intervenants et des compagnies d'assurances.

* Sur les autres demandes

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant par ailleurs que les dépens de l'appel principal seront mis à la charge de Monsieur X... Y... Z... et ceux des appels provoqués laissés à la charge des parties qui ont cru devoir les initier, le jugement entrepris étant confirmé du chef de la répartition des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

la Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Dit recevable en la forme l'appel principal formé par Monsieur X... Y... Z... ainsi que les appels provoqués formés par les autres parties en cause,

- Déclare l'appel principal mal fondé et les appels provoqués sans objet,

- Confirme, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu en l'espèce à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Laisse les dépens de l'appel principal à la charge de Monsieur X... Y... Z... et ceux des appels provoqués à la charge des parties qui les ont initiées et autorise les avoués en cause à poursuivre directement le recouvrement de la part les concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8016
Date de la décision : 02/07/1998

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Contrat de transport

Si la livraison constitue l'opération par laquelle le transporteur remet matériellement la marchandise à l'ayant-droit, ce qui sous-entend que celui-ci soit en mesure d'en prendre possession effective, de vérifier son état et le cas échéant de prendre toute réserve utile, les parties peuvent conventionnellement prévoir d'autres modalités de livraison et celle-ci est réputée valablement accomplie lorsque ces modalités ont été respectées par le transporteur. Lorsqu'il résulte de la confirmation de la commande et du connaissement que la marchandise devait être livrée selon les modalités suivantes "Bord Navire Hô Minh-Ville Vietnam", que l'expéditeur avait été parfaitement informé de ces modalités particulières de livraison qu'il a librement acceptées, et enfin que le container a été déchargé au port de destination et pris en charge par les autorités portuaires vietnamiennes, la livraison doit être réputée valablement accomplie au jour de la mise à quai du container. Il s'ensuit que les réserves émises au-delà du délai de trois jours prévu par l'article 3.6 de la convention de Bruxelles amendée du 25 août 1924 doivent être rejetées comme tardives, le commissionnaire de transport étant fondé à se prévaloir de la présomption de livraison conforme


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Assié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-07-02;1995.8016 ?
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