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25/06/1998 | FRANCE | N°1996-1050

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 juin 1998, 1996-1050


Un accident de la circulation est survenu le 7 novembre 1987 en France entre deux camions semi-remorques, l'un appartenant à la société anglaise HERCOCK CONTINENTAL LTD, et l'autre à la société française SET LUCIEN GEVAUX. Les deux conducteurs sont décédés ainsi qu'un passager.

La société HERCOCK CONTINENTAL LTD était assurée par une compagnie d'assurances aux droits de laquelle se trouve actuellement la société de droit anglais COMMERCIAL UNION.

La société SET LUCIEN GEVAUX était assurée par la compagnie d'assurances KANSA, société de droit finlandais. r>
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Un accident de la circulation est survenu le 7 novembre 1987 en France entre deux camions semi-remorques, l'un appartenant à la société anglaise HERCOCK CONTINENTAL LTD, et l'autre à la société française SET LUCIEN GEVAUX. Les deux conducteurs sont décédés ainsi qu'un passager.

La société HERCOCK CONTINENTAL LTD était assurée par une compagnie d'assurances aux droits de laquelle se trouve actuellement la société de droit anglais COMMERCIAL UNION.

La société SET LUCIEN GEVAUX était assurée par la compagnie d'assurances KANSA, société de droit finlandais.

La compagnie d'assurances KANSA a assigné la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION devant le tribunal de grande instance de NANTERRE. Exposant qu'elle a versé à son assurée en indemnisation de son dommage, le 1er mars 1988, une somme de 79.800 francs, et le 22 mars 1988, une somme de 122.200 francs, et qu'elle n'a pu obtenir le remboursement de ces sommes que le 16 juillet 1993, sans les intérêts, elle a demandé que l'assureur de la société anglaise responsable de la collision soit condamné à lui payer les intérêts au taux légal jusqu'au 16 juillet 1993 : o

sur la somme de 79.800 francs à compter du 1er mars 1988, o

sur la somme de 122.200 francs à compter du 22 mars 1988.

Par jugement du 19 décembre 1994, le tribunal de grande instance de NANTERRE a condamné la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION à payer les intérêts légaux sur la somme de 202.000 francs qui ont couru entre le 21 décembre 1992, date de la première réclamation de la compagnie d'assurances KANSA à la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION, et le 16 juillet 1993.

La compagnie d'assurances KANSA, appelante, demande à la Cour de réformer cette décision et, statuant à nouveau, de faire entièrement droit aux demandes qu'elle avait formées en première instance et de lui allouer la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient qu'ayant versé à son assuré la somme nécessaire à la réparation des désordres, les intérêts au taux légal sur cette somme lui sont dus par le responsable du sinistre à compter de la date des paiements.

La compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION HOUSE, intimée, forme appel incident. Elle sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer des intérêts à compter du 21 décembre 1992 et demande à la Cour, statuant à nouveau, de :

- constater que la compagnie d'assurances KANSA ne justifie d'aucune subrogation dans les droits de son assuré pour réclamer des intérêts qu'elle ne justifie pas et n'allègue pas avoir payés,

- déclarer son action irrecevable sur le fondement de l'article 1153.1 du Code civil,

- dire que la compagnie d'assurances KANSA n'a pas plus de droit que son assuré et la débouter de toutes ses demandes.

SUR CE,

Considérant que pour accorder à la compagnie d'assurances KANSA les intérêts légaux à compter du 1er juin 1992, le tribunal a fait application de l'article 1153 du Code civil en estimant que celle-ci, fondée à exercer un recours subrogatoire, n'avait fait aucune diligence pour recouvrer sa créance avant cette date ; Considérant que la compagnie d'assurances appelante souligne que la compagnie d'assurances anglaise a refusé durant plusieurs années de régler amiablement les victimes de l'accident et que c'est dans ces circonstances qu'elle a été assignée en 1992 devant le tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE qui l'a condamnée à verser diverses indemnités ; que ce n'est qu'à la suite du jugement rendu par ce tribunal en juin 1993 qu'elle a accepté de lui rembourser les indemnités qu'elle avait versées dès 1988 à la société LUCIEN GEVAUX ;

Qu'elle affirme qu'elle a droit au règlement des intérêts à compter de la date des paiements à son assuré ;

Considérant que la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION soutient tout d'abord que subrogée dans les droits de son assuré en application de l'article L.121.12 du Code des assurances, à condition qu'il justifie d'une quittance subrogative, l'assureur n'a pas plus de droits que celui-ci et qu'il ne peut exercer cette action subrogative que dans les limites de ce qu'il a payé ; qu'en l'espèce, la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION ne peut réclamer que la somme de 202.000 francs et ne peut percevoir davantage ;

Qu'elle fait valoir ensuite que si la compagnie d'assurances KANSA prétend obtenir des intérêts compensatoires, il lui appartient de prouver la faute commise de mauvaise foi par la compagnie d'assurances adverse et l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'elle affirme qu'elle a fait preuve de diligences en payant le 16 juillet 1993 alors que le principe du droit à indemnisation de l'assuré de la compagnie d'assurances KANSA a été fixé par le jugement du 17 juin 1993 ; qu'elle ne saurait dès lors être condamnée au paiement d'intérêts au taux légal à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1153 alinéa 4 du Code civil et que le tribunal a, à tort, alloué des intérêts légaux qu'il a qualifiés de compensatoires ;

Que pour s'opposer à la demande de la compagnie d'assurances KANSA, l'intimée invoque enfin le fondement de l'article 1153-1 du Code civil et le principe que l'indemnité allouée ne peut porter intérêts qu'à compter de la condamnation ; qu'elle souligne que la créance de l'assurée n'a pas été constatée judiciairement ;

Considérant qu'il résulte de l'article L.121-12 du Code des assurances que : "L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur." ;

Considérant qu'il est établi et non contesté que la compagnie d'assurances KANSA a versé à la société LUCIEN GEVAUX, son assuré, les sommes réparant le dommage matériel résultant de la perte de son véhicule par deux chèques, les 1er et 22 mars 1988 ;

Que si cette compagnie n'a pas produit de quittance subrogative signée de son assuré, la preuve que ces versements ont réparé le dommage matériel causé par l'accident du 7 janvier 1987 est rapportée, ces versements, leurs dates et leurs causes n'étant nullement discutés par la compagnie adverse ;

Que les montants des indemnités ainsi versées ont été fixés en fonction de la valeur du véhicule au moment du sinistre et ne résultent pas d'une évaluation fixée judiciairement ;

Considérant qu'ayant indemnisé son assuré, et étant subrogée dans les droits de celui-ci, la compagnie d'assurances KANSA est fondée à obtenir que l'assureur du tiers responsable lui verse, outre le montant de l'indemnité d'assurance qu'elle a payée pour réparer son dommage, le montant des intérêts au taux légal qu'auraient procuré ces sommes entre mars 1988 et celle de leur remboursement, le 16 juillet 1993 ;

Considérant qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit aux demandes de la compagnie d'assurances KANSA ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à l'appelante la somme qu'elle demande en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu entre les parties le 19 décembre 1994 par le tribunal de grande instance de NANTERRE ;

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION à payer à la compagnie d'assurances KANSA la somme correspondante au montant des intérêts au taux légal :

1) sur la somme de 79.800 francs à compter du 1er mars 1988 jusqu'au 16 juillet 1993,

2) sur la somme de 122.200 francs à compter du 22 mars 1988 jusqu'au 16 juillet 1993 ;

LA CONDAMNE en outre à payer à la compagnie d'assurances KANSA la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

CONDAMNE la compagnie d'assurances COMMERCIAL UNION aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1050
Date de la décision : 25/06/1998

Analyses

ASSURANCE DOMMAGES - Recours contre le tiers responsable - Subrogation légale - Effets

Aux termes de l'article L.121-12 du Code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur". Lorsqu'il est établi qu'une compagnie d'assurances a versé à son assureur les sommes réparant le dommage matériel résultant de la perte de son véhicule dans un accident de la route et que le montant des indemnités ainsi versées a été fixé en fonction de la valeur du véhicule au moment du sinistre et ne résulte pas d'une évaluation fixée judiciairement, la compagnie d'assurances, subrogée dans les droits de son assuré, est fondée à obtenir que l'assureur du tiers responsable lui verse, outre le montant de l'indemnité d'assurance qu'elle a payé pour réparer son dommage, le montant des intérêts au taux légal qu'auraient procuré ces sommes entre la date des paiements à son assuré et celle de leur remboursement par l'assureur du tiers responsable


Références :

Code des assurances L121-12

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Mazars

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-25;1996.1050 ?
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