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18/06/1998 | FRANCE | N°1997-3206

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 juin 1998, 1997-3206


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Un contrat de partenariat commercial a été conclu, le 1er avril 1994, entre la société COALA DEVELOPPEMENT et la société STIM MICRO, par lequel la première a autorisé la seconde à utiliser, pendant la durée du contrat, le nom commercial COALA, avec la stipulation que "dans le cas où pour une raison quelconque le contrat viendrait à cesser de produire ses effets, le partenaire s'interdit dès à présent d'utiliser les noms "COALA" et "COALA DEVELOPPEMENT" ; cette interdiction constitue une clause essentielle et déterminante sans laquelle

les parties n'auraient pas contracté".

Ce contrat prévoit égalemen...

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Un contrat de partenariat commercial a été conclu, le 1er avril 1994, entre la société COALA DEVELOPPEMENT et la société STIM MICRO, par lequel la première a autorisé la seconde à utiliser, pendant la durée du contrat, le nom commercial COALA, avec la stipulation que "dans le cas où pour une raison quelconque le contrat viendrait à cesser de produire ses effets, le partenaire s'interdit dès à présent d'utiliser les noms "COALA" et "COALA DEVELOPPEMENT" ; cette interdiction constitue une clause essentielle et déterminante sans laquelle les parties n'auraient pas contracté".

Ce contrat prévoit également qu'il sera résilié de plein droit, notamment en cas de "vente par le partenaire de son fonds de commerce sans accord préalable de la SSII" et d'"entrée dans le capital du partenaire ou dans une holding du partenaire, d'un concurrent direct, défini comme une SSII engagée sur le marché de l'informatique dédiée à l'expertise comptable.". Le 21 décembre 1995, la société CEGID SERVICES a pris une participation majoritaire dans le capital de la société STIM MICRO.

Par acte d'huissier en date du 29 octobre 1996, la société COALA DEVELOPPEMENT a assigné en référé la société STIM MICRO aux fins de voir juger que le contrat liant les parties avait été valablement résilié à la date du 21 décembre 1995 et de voir la société défenderesse, qui aurait continué de faire usage du nom de COALA jusqu'au 25 juillet 1996, condamnée au paiement de la somme de

270.366,96 frs en application de l'article IX du contrat prévoyant, en cas d'utilisation du nom après résiliation, une astreinte journalière valant dommages et intérêts de 20 % du SMIC mensuel.

Par jugement en date du 28 mars 1997, le tribunal de commerce de NANTERRE a dit que le contrat de partenariat commercial liant les parties a été résilié à la date du 21 décembre 1995 et a condamné la SARL STIM MICRO à payer à la S.A. COALA DEVELOPPEMENT la somme de 20.000,00 frs au titre de la clause pénale.

Le tribunal a précisé que la clause visée ne pouvait s'interpréter comme une astreinte mais comme une clause pénale et a considéré que la société COALA DEVELOPPEMENT n'avait pas rapporté la preuve que la société STIM MICRO avait continué à utiliser le nom commercial de COALA, à l'exception de la mention portée sur l'extrait Kbis du registre du commerce, de sorte qu'il convenait de réduire la peine convenue en application de l'article 1152 du code civil.

Par conclusions signifiées le 1er août 1997, la société STIM MICRO, appelante, prétend n'avoir jamais reçu la lettre recommandée par laquelle la société COALA DEVELOPPEMENT lui aurait notifié la résiliation du contrat, et soutient ignorer les griefs articulés contre elle par cette dernière société. Elle indique que la preuve n'est pas rapportée de l'utilisation du nom de COALA en violation de ses obligations contractuelles et qu'une omission au registre du commerce et des sociétés ne saurait constituer le fondement de l'action introduite contre elle.

Elle ajoute que la stipulation contractuelle invoquée par la société COALA DEVELOPPEMENT ne peut être une astreinte qui est prononcée par le juge. Elle conteste l'existence du préjudice allégué par la société COALA DEVELOPPEMENT. Elle demande à la cour de :

- recevoir la société STIM MICRO en son appel,

- l'y déclarer bien fondée,

Et y faisant droit,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner la société COALA DEVELOPPEMENT à payer à la société STIM MICRO la somme de 10.000 F (dix mille francs) à valoir sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. ;

- et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître BOMMART, avoué, conformément à l'article 699 du N.C.P.C.

Par conclusions signifiées le 12 septembre 1997, la société COALA

DEVELOPPEMENT, également appelante, soutient que la volonté des parties était de fixer à l'avance le montant des dommages et intérêts dus en cas de non respect de la clause interdisant l'utilisation du nom COALA, en ajoutant que le marché concerné est un marché étroit sur lequel la concurrence est sévère. Elle demande à la cour de :

- dire et juger la société STIM MICRO irrecevable et mal fondée en son appel et l'en débouter,

- recevoir la société COALA DEVELOPPEMENT en son appel et le dire bien fondé,

Et y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

"Dit que le contrat de partenariat commercial entre la société COALA DEVELOPPEMENT et la société STIM MICRO a été résilié à la date du 21 décembre 1995 ;

Condamner la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000 F (dix mille francs) au titre de l'article 700 du N.C.P.C. et en tous les dépens" ;

- mais infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

"Condamné la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 20.000 F (vingt mille francs) au titre de la clause pénale" ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 270.366,96 F majorée des intérêts de droit à compter du 30 août 1996 ;

- condamner la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000 F (dix mille francs) sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C. ;

- et la condamner aux entiers dépens d'appel qui seront directement recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.

Par conclusions signifiées le 16 février 1998, la société STIM MICRO maintient n'avoir jamais reçu la lettre du 27 décembre 1995 et conteste l'existence d'un préjudice pour la société COALA DEVELOPPEMENT.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 3 mars 1998 et l'affaire a été plaidée à

l'audience du 29 avril 1998.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la stipulation contenue dans l'article IX du contrat de partenariat commercial liant les parties, par laquelle celles-ci sont convenues qu' "en cas d'infraction à la clause prévoyant l'interdiction d'utilisation des noms COALA et COALA Développement si le contrat venait à cesser de produire ses effets la SSII se réserve le droit de faire cesser l'infraction par tous moyens de droit et ce, sous astreinte journalière valant dommages et intérêts d'ores et déjà convenu entre les parties comme étant égal à 20 % du SMIC mensuel " constitue non pas une astreinte, mesure de contrainte réservée aux tribunaux pour assurer l'exécution de leurs décisions, mais une clause pénale ayant une visée comminatoire et prévoyant l'indemnisation par des dommages et intérêts moratoires fixés forfaitairement, du préjudice souffert par la société COALA DEVELOPPEMENT par suite de la violation de l'interdiction dont s'agit ;

Que, selon les termes de cette stipulation, même si l'article VI du contrat de partenariat commercial prévoit sa résiliation de plein droit en cas d'entrée dans le capital du partenaire d'un concurrent direct, avec la conséquence de l'interdiction d'utilisation des noms COALA et COALA Développement, la mise en ouvre de la clause pénale est subordonnée à l'exercice par la société COALA DEVELOPPEMENT d'un moyen de droit tendant à faire cesser l'infraction constatée, à

défaut de quoi le mécanisme de la peine convenue se révèlerait purement potestatif ;

Que la société COALA DEVELOPPEMENT est parfaitement consciente de cette analyse puisqu'elle invoque la lettre recommandée en date du 27 décembre 1995, qu'elle prétend avoir adressée à la société STIM MICRO pour lui rappeler l'interdiction d'utiliser le nom de COALA associé ou non avec un autre nom, comme constituant le point de départ de l'infraction génératrice du préjudice dont elle réclame l'indemnisation ;

Que, cependant, si une telle lettre recommandée pouvait constituer le " moyen de droit " au sens de la stipulation ci-dessus évoquée, la preuve n'est pas rapportée par la société COALA DEVELOPPEMENT qui ne fournit pas les justificatifs de l'administration des postes ni l'accusé de réception, qu'elle a été effectivement envoyée à et reçue par la société STIM MICRO qui conteste en avoir été destinataire ;

Que le premier courrier valant mise en demeure émanant de la société COALA DEVELOPPEMENT que la société STIM MICRO ne conteste pas avoir reçu, est celui du 26 juin 1996, par lequel la première enjoint à la seconde de " cesser immédiatement l'entretien de cette ambigu'té " ; qu'il est constant que depuis cette date et jusqu'au 30 août 1996, la société STIM MICRO a continué de faire figurer dans les mentions du registre du commerce le nom commercial de COALA ATLANTIQUE à côté de sa dénomination sociale ; que la permanence de cette mention constitue la violation de l'interdiction découlant de la cessation du

contrat de partenariat commercial initialement conclu entre les parties ;

Considérant que le maintien du nom de COALA associé à la dénomination de la société STIM MICRO est de nature à avoir entretenu la confusion dans l'esprit de partenaires commerciaux, dans un secteur où la concurrence est rude ; que, toutefois, en raison de la faible durée de l'infraction et eu égard au fait qu'elle se soit produite pendant l'été, en période de réduction de l'activité économique, l'application de la peine convenue apparaît manifestement excessive, de sorte que la cour estime devoir la modérer pour la ramener à la somme de 10.000,00 frs ;

Considérant que l'équité commande que la société COALA DEVELOPPEMENT n'ait pas à assumer l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans la procédure d'appel ; que la cour est en mesure de fixer à 10.000,00 frs la somme que la société STIM MICRO devra lui payer à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

déclare recevables l'appel formé par la société STIM MICRO et l'appel formé par la société COALA DEVELOPPEMENT à l'encontre du jugement

rendu le 28 mars 1997 par le tribunal de commerce de NANTERRE,

réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 20.000,00 frs (vingt mille francs) au titre de la clause pénale,

et statuant à nouveau, dans cette limite,

condamne la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000,00 frs (dix mille francs) au titre de la clause pénale,

confirme les autres dispositions du jugement,

y ajoutant :

condamne la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000,00 frs (dix mille francs) en application de l'article 700 du NCPC,

la condamne également aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, conformément à l'article 699 du NCPC,

déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE X...

J-L GALLET

R.G. n°3602/97

du 18.06.1998

Sté STIM MICRO

Maître BOMMART

C/

Sté Coala Développement

SCP KEIME GUTTIN

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

déclare recevables l'appel principal formé par la société STIM MICRO et l'appel incident formé par la société COALA DEVELOPPEMENT à l'encontre du jugement rendu le 28 mars 1997 par le tribunal de commerce de NANTERRE,

réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 20.000,00 frs (vingt mille francs) au titre de la clause pénale,

et statuant à nouveau, dans cette limite,

condamne la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000,00 frs (dix mille francs) au titre de la clause pénale,

confirme les autres dispositions du jugement,

y ajoutant :

condamne la société STIM MICRO à payer à la société COALA DEVELOPPEMENT la somme de 10.000,00 frs (dix mille francs) en application de l'article 700 du NCPC,

la condamne également aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, conformément à l'article 699 du NCPC,

déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-3206
Date de la décision : 18/06/1998

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Clause pénale - Définition

Une clause contractuelle par laquelle l'une des parties se réserve le droit de faire cesser l'utilisation de son nom commercial par son partenaire, en cas de rupture du contrat, par tous moyens de droit et sous astreinte journalière valant dommages et intérêts, constitue non pas une astreinte, mesure de contrainte réservée aux tribunaux pour assurer l'exécution de leurs décisions, mais une clause pénale portant indémnisation forfaitaire du préjudice afférent à la violation de la clause précitée. Si la résiliation de plein droit du contrat de partenariat conformément aux stipulations contractuelles implique, en l'espèce, le jeu de la clause d'interdiction du nom commercial, la mise en oeuvre de la clause pénale reste subordonnée à l'exercice, par celui qui s'en prévaut, d'un moyen de droit tendant à faire cesser l'infraction constatée, sauf à conférer à la clause un caractère purement potestatif. La preuve d'une mise en demeure doit être rapportée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-18;1997.3206 ?
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