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18/06/1998 | FRANCE | N°1996-1241

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 juin 1998, 1996-1241


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 13 avril 1989, Mme LE X... épouse Y... s'est portée caution solidaire et indivisible de la SARL GUESCHA COLOR en formation au profit de la B.P.R.O.P. à hauteur de 150.000,00 frs.

Par jugement en date du 24 novembre 1992, le tribunal de commerce de VERSAILLES a prononcé la mise en redressement judiciaire de la société GUESCHA COLOR, converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 décembre 1992. La B.P.R.O.P. a régulièrement déclaré sa créance auprès de Maître ROGEAU, administrateur judi

ciaire, pour un montant de 454.576,02 frs à titre privilégié et de 153.125...

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 13 avril 1989, Mme LE X... épouse Y... s'est portée caution solidaire et indivisible de la SARL GUESCHA COLOR en formation au profit de la B.P.R.O.P. à hauteur de 150.000,00 frs.

Par jugement en date du 24 novembre 1992, le tribunal de commerce de VERSAILLES a prononcé la mise en redressement judiciaire de la société GUESCHA COLOR, converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 décembre 1992. La B.P.R.O.P. a régulièrement déclaré sa créance auprès de Maître ROGEAU, administrateur judiciaire, pour un montant de 454.576,02 frs à titre privilégié et de 153.125,83 frs à titre chirographaire, et a adressé une mise en demeure à la caution le 21 décembre 1992.

Mme Y... n'ayant pas donné suite à plusieurs mises en demeure, le président du tribunal de commerce de VERSAILLES, sur requête de la B.P.R.O.P., a rendu à son encontre une ordonnance lui enjoignant de payer à la banque la somme de 150.000,00 frs en principal, augmentée des intérêts au taux légal.

Sur son opposition, le tribunal de commerce de VERSAILLES a, par jugement rendu le 25 octobre 1995, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme Y... et l'a condamnée à payer la même somme de 150.000,00 frs augmentée des intérêts au taux de 10,40 % à compter du

21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement, ainsi que 3.500,00 frs en application de l'article 700 du NCPC.

Pour retenir sa compétence, le tribunal a considéré que Mme Y..., dont la fille était gérante de la société GUESCHA COLOR, s'est comportée en gérante de fait. Quant au fond, il a observé que l'intéressée ne contestait pas son engagement.

Par conclusions signifiées le 17 mai 1996, Mme Z... Y..., appelante, fait observer qu'elle ne détient pas d'exemplaire de l'acte de cautionnement, et soutient que la banque a été désintéressée par les versements effectués par le liquidateur judiciaire, dans le cadre des opérations de la procédure de liquidation de la société GUESCHA COLOR, clôturée pour insuffisance d'actif.

Elle précise être libérée irrévocablement par le paiement opéré par le mandataire judiciaire et ajoute que la clôture des opérations relatives à la liquidation met fin aux poursuites de la part des créanciers. Elle demande à la cour de :

- dire Mme Y... Z... recevable en son appel et bien fondée en ses demandes,

- infirmer purement et simplement le jugement dont appel, rendu le 25

octobre 1995 par le tribunal de commerce de Versailles,

Statuant à nouveau,

- condamner la B.P.R.O.P. à lui verser la somme de 20.000,00 frs (vingt mille francs) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la BPROP à payer à Mme Y... la somme de 15.000 F (quinze mille francs) au titre de l'article 700 du N.C.P.C. et la condamner aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, sur le fondement de l'article 699 du N.C.P.C.

Par conclusions signifiées le 8 novembre 1996, la BANQUE POPULAIRE DE LA REGION OUEST DE PARIS, qui indique avoir produit l'acte de cautionnement dès la première instance, soutient que Mme Y... détenait 25 % du capital social de la société GUESCHA COLOR et participait activement à la gestion de l'entreprise, en sorte qu'elle doit être considérée comme la gérante de fait. Elle fait valoir que sa créance n'a pas été éteinte par les versements effectués par le mandataire liquidateur. Elle demande à la cour de :

- voir dire et juger valable l'acte de cautionnement du 13 avril 1989,

- constater que la créance de la BPROP n'est pas éteinte,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner Mme Y... pour appel abusif et dilatoire à lui payer la somme de 10.000,00 frs à titre de dommages et intérêts,

- voir condamner Mme Y... à payer à la BPROP une somme de 7.500 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. en cause d'appel,

- voir condamner Mme Y... aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 16 mars 1998, Mme Y... se prétend libérée par l'extinction de la créance principale qui découle de la clôture pour insuffisance d'actif et des réglements effectués par le mandataire liquidateur au titre de la créance chirographaire déclarée par la banque, ajoutant que son obligation ne peut être supérieure à celle de la débitrice principale.

Elle considère qu'il n'y a pas lieu à intérêts sur les sommes réclamées par la B.P.R.O.P. dès lors que l'arrêt du cours des intérêts résultant du jugement de redressement judiciaire profite à la caution. Elle soutient aussi que le taux conventionnel de 10,40 % n'a pas été écrit de sa main et n'est même pas mentionné dans l'acte de cautionnement et qu'il ne peut donc être mis en oeuvre pour les sommes qui lui sont réclamées. Elle demande à la cour de :

- dire Mme Y... bien fondée en ses demandes,

- infirmer purement et simplement le jugement rendu le 25.10.1995 par le tribunal de commerce de Versailles,

Et statuant à nouveau :

AU PRINCIPAL :

- débouter la B.P.R.O.P. de toutes ses demandes, fins et conclusions, - dire et juger que la créance de la B.P.R.O.P. est éteinte,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- dire que le cours des intérêts s'est arrêté au jour du jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 24 novembre 1992,

- dire que le taux d'intérêts applicable jusqu'au 24 novembre 1992 est le taux légal,

- constater que la BPROP a perçu la somme de 153.368,80 F,

- dire que la somme de 153.368,80 frs s'impute sur le montant de la caution de 150.000,00 frs du découvert bancaire,

Pour le surplus, adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.

Par conclusions en réplique signifiées le 3 avril 1998, la B.P.R.O.P. soutient que les sommes qu'elle a perçues du mandataire liquidateur ont été imputées sur sa créance privilégiée. Elle se dit fondée à solliciter la condamnation de Mme Y... au paiement des sommes dues avec intérêts à compter de la mise en demeure.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 avril 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 6 mai 1998.

SUR CE, LA COUR

Considérant que Mme Z... LE X... épouse Y... ne conteste pas la validité de l'acte de cautionnement qu'elle a souscrit, le 13 avril 1989, par lequel elle s'est portée caution solidaire et indivisible, à concurrence de la somme de 150.000,00 frs en principal, augmentée des intérêts, frais, commissions et accessoires, de la société GUESCHA COLOR, en garantie de toutes les obligations dont cette société pourra être tenue à l'égard de la B.P.R.O.P., à quelque titre que ce soit ;

Considérant que si, en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, les créanciers ne recouvrent pas l'exercice individuel de leur action contre le débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif, ils conservent, la dette n'étant pas éteinte, le droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur ;

Que Mme Y... ne peut soutenir que les paiements effectués par le mandataire liquidateur à la B.P.R.O.P. ont éteint la créance de cette dernière; qu'il ressort, en effet, de l'ordonnance du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société GUESCHA COLOR, en date du 21 janvier 1995, que la créance de la banque a été définitivement admise pour la somme de 559.607,89 frs à titre privilégié, et pour la somme de 153.125,83 frs à titre chirographaire ;

Que, sur ces montants, il est acquis, au vu de l'état des versements du mandataire liquidataire, que ce dernier a réglé à la B.P.R.O.P., successivement la somme de 100.000,00 frs, le 23 février 1995, et la somme de 153.368,80 frs, le 24 mars 1995; qu'ainsi, la B.P.R.O.P. demeure créancière de la somme de 459.364,92 frs, en sorte que Mme Y..., qui s'est portée caution solidaire pour l'ensemble des obligations de la société GUESCHA COLOR à l'égard de la banque, ne peut utilement invoquer l'extinction de la créance principale ;

Qu'il s'ensuit que, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de la société pour insuffisance d'actif, Mme Y... reste tenue envers la banque en vertu du cautionnement par elle contracté ;

Considérant que, s'il est exact que, comme le soutient Mme Y..., la B.P.R.O.P. ne saurait lui réclamer le paiement des intérêts conventionnels afférents au montant de la créance principale dès lors que le taux n'en est pas mentionné dans l'acte de cautionnement, qu'il n'est établi par aucun élément extrinsèque qu'il a été porté à la connaissance de la caution au moment de son engagement, et que, en outre, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire à l'égard de la société GUESCHA en a arrêté le cours, conformément aux dispositions de l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, en sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, il convient, néanmoins, de relever que la somme réclamée par la banque n'englobe aucuns intérêts puisqu'elle ne comprend que le montant du solde débiteur du compte courant et les échéances impayées d'un prêt, ainsi que cela ressort de la lettre de mise en demeure du 21 décembre 1992; qu'en revanche,

elle est fondée à réclamer les intérêts légaux afférents à cette somme, à compter de cette dernière date ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- déclare recevable l'appel formé par Mme Z... LE X... épouse Y... à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 1995 par le tribunal de commerce de VERSAILLES,

- infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Z... LE X... épouse Y... au paiement des intérêts au taux de 10,40% à compter du 21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement de la somme principale de 150.000,00 frs (cent cinquante mille francs),

statuant à nouveau, dans cette limite,

- dit que la somme de 150.000,00 frs (cent cinquante mille francs) au paiement de laquelle Mme Z... LE X... épouse Y... est

condamnée, portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1992 jusqu'à parfait paiement,

- confirme les autres dispositions du jugement entrepris,

- condamne Mme Z... LE X... épouse Y... aux dépens,

- déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1241
Date de la décision : 18/06/1998

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour insuffisance d'actif - Exercice du droit de poursuite individuelle

Si, en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, les créanciers ne recouvrent pas l'exercice individuel de leurs actions contre un débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif, ils conservent, la dette n'étant pas éteinte, le droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur. Dès lors qu'un engagement de caution a été contracté en garantie de toutes les obligations dont une société pourra être tenue à l'égard de l'organisme prêteur, la caution ne peut utilement invoquer l'extinction de la créance.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-18;1996.1241 ?
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