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12/06/1998 | FRANCE | N°1997-4315

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 juin 1998, 1997-4315


Suivant acte sous seing privé en date du 19 juillet 1994, la S.A.R.L. MILLER et BENEBATI a donné en location à Monsieur et Madame X... un appartement sis au 4ème étage de l'immeuble situé 17 rue de Sablonville à NEUILLY-SUR-SEINE. Ce contrat de bail a pris effet à compter du 5 septembre 1994 pour une durée de 6 ans, moyennant un loyer mensuel de 18.500 francs.

Le 26 juin 1996, la Société SOFFIM, venant aux droits des anciens propriétaires, a fait délivrer à Monsieur et Madame X... un commandement de payer visant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme en pr

incipal de 334.021,82 francs, compte arrêté au 30 juin 1996.

Le 9 ...

Suivant acte sous seing privé en date du 19 juillet 1994, la S.A.R.L. MILLER et BENEBATI a donné en location à Monsieur et Madame X... un appartement sis au 4ème étage de l'immeuble situé 17 rue de Sablonville à NEUILLY-SUR-SEINE. Ce contrat de bail a pris effet à compter du 5 septembre 1994 pour une durée de 6 ans, moyennant un loyer mensuel de 18.500 francs.

Le 26 juin 1996, la Société SOFFIM, venant aux droits des anciens propriétaires, a fait délivrer à Monsieur et Madame X... un commandement de payer visant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme en principal de 334.021,82 francs, compte arrêté au 30 juin 1996.

Le 9 juillet 1996, Monsieur et Madame X... ont formé opposition à ce commandement et fait assigner la Société Foncière SOFFIM, devant le Tribunal d'Instance de NEUILLY-SUR-SEINE.

Monsieur et Madame X... ont exposé que le bailleur n'avait pas satisfait à son obligation d'entretien et de réparation des lieux, ce qui a justifié de leur part la rétention des loyers ; que les nombreux et persistants désordres résultant d'un défaut d'étanchéité sont à l'origine d'un préjudice se compensant avec la dette locative, par ailleurs contestée.

Ils ont donc demandé au tribunal de :

- déclarer nul le commandement de payer du 24 juin 1996,

Subsidiairement, de suspendre les effets de la clause résolutoire en leur accordant les délais de paiement les plus larges,

- désigner un expert pour déterminer les causes, l'importance et les conséquences des dégradations,

- condamner la Société SOFFIM à leur payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Devant le tribunal, Monsieur et Madame X... ont évalué leur préjudice de jouissance au montant des loyers dus (414.574 francs).

La Société Foncière SOFFIM a contesté avoir failli à ses obligations. Elle a répliqué que dès que les locataires ont saisi la Société G.F.F., son mandataire, des désordres qu'ils constataient dans l'appartement, soit courant mars 1995, elle a organisé une réunion et mis en oeuvre une expertise amiable contradictoire, en saisissant son assureur, le GAN, ce qui a donné lieu à un rapport préliminaire puis à un rapport complémentaire, respectivement du 8 août et du 23 octobre 1995 ; que depuis lors, l'attitude d'obstruction des locataires est la cause exclusive de l'inexécution des travaux.

Elle a donc sollicité le prononcé de la résiliation judiciaire du bail aux torts des époux X..., de leur expulsion avec séquestration des meubles, ainsi que leur condamnation à lui payer la somme de 414.574,03 francs au titre de la créance locative en principal et accessoires, arrêtée au 30 septembre 1996 et celle de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 9 avril 1997, le Tribunal d'Instance de NEUILLY-SUR-SEINE a rendu la décision suivante :

- déclare Monsieur et Madame Y... et Dominique X... recevables en leur action en opposition à commandement, - mais les déclarant mal fondés, - les en déboute, - et rejette toutes leurs demandes, - recevant la Société Foncière SOFFIM en ses demandes reconventionnelles, - prononce la résiliation aux torts des époux Y... X... du bail d'habitation en date du 19 juillet 1994, en vertu de l'article 1741 du Code Civil, - ordonne, en conséquence, l'expulsion de Monsieur et Madame Y... et Dominique X... ainsi que celle de tous occupants de leur chef des lieux sis à NEUILLY-SUR-SEINE - 15/17 rue de Sablonville (4ème étage, appartement n° 13) et de leurs dépendances, avec le concours de la Force Publique et d'un serrurier en tant que de besoin, conformément aux articles 62 et suivants de la loi du 09 juillet 1991, - autorise le transport et

la séquestration du mobilier trouvé sur place dans les formes et conditions des articles 65 et 66 de la même loi, - condamne Monsieur Y... X... et Madame Dominique Z... son épouse à payer à la Société Foncière SOFFIM la somme principale de 414.574,03 francs au titre de la créance locative en principal et accessoires correspondant à la période des mois de mars 1995 à septembre 1996 inclus, - rejette en l'état la demande de délais de paiement formée par les époux X..., - déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires, - condamne les demandeurs aux dépens de même qu'à payer à la Société Foncière SOFFIM une indemnité de 2.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le 22 mai 1997, Monsieur et Madame X... ont interjeté appel.

Ils développent leurs arguments de première instance. Ils soutiennent donc qu'ils sont bien fondés à opposer l'exception d'inexécution à la Société SOFFIM ; qu'en effet, ils ont loué un appartement de luxe et que dès lors, les désordres apparus en mars 1995 et auxquels il n'a pas été remédié sont inadmissibles ; qu'en l'état, l'appartement ne permet pas de recevoir les relations professionnelles et amicales de Monsieur X... ; qu'ils ont donc subi un grave préjudice.

Ils demandent à la Cour de :

- recevant les époux X... en leur appel, - les y déclarant bien fondés, Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise, Et statuant à nouveau : - déclarer Monsieur et Madame X... recevables et bien fondés en leur opposition, - dire que le commandement de payer, délivré le 26 juin 1996, est nul et de nul effet, - débouter la Société SOFFIM de sa demande de résiliation judiciaire du bail, - dire et juger que le préjudice subi par les époux X... constitue le montant des loyers qui sont sollicités en vertu du bail qui leur a été consenti, Subsidiairement, suspendre les effets du commandement de payer délivré le 26 juin 1996, - ordonner, sous la conduite de tel expert qu'il plaira au Tribunal de désigner, ou à la diligence de la société bailleresse, que les travaux permettant de mettre fin aux désordres soient diligentés, - accorder, à titre infiniment subsidiaire, aux époux X... les plus larges délais pour s'acquitter des sommes réellement dûes, - condamner la Société SOFFIM au paiement de la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître BOMMART, Avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société Foncière SOFFIM reprend elle aussi l'argumentation développée devant le premier juge. Elle répond qu'il est de jurisprudence constante que le preneur ne peut refuser le paiement des loyers échus en opposant au bailleur l'inexécution de travaux, sauf pour lui de prouver une impossibilité absolue d'utiliser les lieux loués ; qu'en effet, il ne peut y avoir compensation entre une créance éventuelle ou incertaine de travaux et une dette certaine de

loyers et charges ; que les époux X... sont de mauvaise foi lorsqu'ils lui imputent la non-exécution des travaux de nature à remédier aux désordres, dont, par ailleurs, ils ont amplifié l'importance ; que les appelants ne justifient pas de difficultés financières à l'appui de leur demande de délais de paiement ; que la dette locative a augmenté depuis l'audience de première instance ; que les époux X... ont profité de cet incident pour se loger gratuitement pendant plus d'un an et ont ainsi commis une violation grave et renouvelée des charges et obligations du bail, justifiant sa résiliation sur le fondement des articles 1728 et 1741 du Code Civil. Elle demande donc à la Cour de :

- déclarer l'appel des époux X... non fondé, Par conséquent, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, - confirmer le jugement du Tribunal d'Instance de NEUILLY-SUR-SEINE en date du 09 avril 1997, - donner acte à la Société SOFFIM de ce que le montant de sa dette réactualisée s'élève à la somme de 702.020,07 francs au 07 octobre 1997, terme d'octobre inclus, - condamner les époux X... à payer à la concluante ladite somme, - les condamner au paiement d'une somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - condamner les époux X... au paiement de la somme de 20.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément à l'article 699 du

Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 12 mars 1998, la Société Foncière SOFFIM a fait signifier des conclusions d'actualisation de sa créance locative, demandant la condamnation des appelants à lui payer, à ce titre, la somme de 813.413,32 francs, arrêtée au 6 mars 1998.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 mars 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 7 mai 1998.

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est de droit constant que les dispositions de l'article 1728 du Code Civil obligent le preneur à payer le loyer aux

termes convenus, sans qu'il puisse se prévaloir de l'inexécution de travaux de réparation pour refuser le paiement des loyers échus, créance certaine liquide et exigible qui ne peut se compenser avec une créance incertaine ; qu'il ne pourrait en être disposé autrement que si le locataire apportait la preuve d'une impossibilité totale d'utiliser les locaux loués ;

Considérant qu'en l'espèce, les époux X... n'ont jamais allégué qu'ils ne pouvaient plus habiter l'appartement loué où ils se maintiennent d'ailleurs depuis le début de la procédure, en reconnaissant qu'ils ne règlent pas le loyer contractuel ; qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi le 1er octobre 1996 à la demande des appelants et versé aux débats par eux, ainsi que des photographies qui lui sont annexées, que les désordres dus à des problèmes d'étanchéité consistent essentiellement en des traces d'humidité et des dégradations en certains endroits seulement, proches notamment de la grande baie du séjour, des plâtres, enduits et peinture avec éclatement de celle-ci ; que ce procès-verbal confirme donc que les désordres, dont l'existence n'est pas contestée par la Société Foncière SOFFIM, ne rendent pas l'appartement inhabitable, même s'ils peuvent occasionner un trouble de jouissance ;

Considérant que, par conséquent, les appelants ne sont pas fondés à opposer l'exception d'inexécution à leur bailleur pour se dispenser du règlement des loyers échus ; que le commandement de payer, délivré

par le bailleur le 26 juin 1996, est donc valable ;

Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des nombreux courriers échangés entre les époux X... et leur bailleur ou son mandataire, la Société G.F.F., que la Société Foncière SOFFIM a fait toutes diligences dès qu'elle a été informée des désordres par les locataires, pour saisir son assureur d'une déclaration de sinistre "Dommages Ouvrage" et faire procéder à une expertise ; que l'expert a préconisé certains travaux dans son rapport du 23 octobre 1995 ; que par la suite, il n'a pas été possible d'accéder au logement des époux X... pour procéder à ces travaux, malgré les demandes amiables qui leur ont été faites de prendre rendez-vous avec les entreprises chargées de les réaliser et la sommation en ce sens qui leur a été délivrée le 19 septembre 1996 ; que les appelants ne fournissent aucune explication quant à leur carence ; que la non réparation des désordres leur est donc imputable; que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les locataires, en raison de leur inertie, étaient devenus "les artisans de la gêne alléguée" et a rejeté leurs demandes en désignation d'un expert et en paiement de dommages-intérêts pour trouble de jouissance ;

Considérant que dans ces conditions, le défaut de paiement des loyers et des charges depuis mars 1995 par les époux X... constitue une violation grave de leur principale obligation contractuelle et justifie la résiliation du bail à leurs torts ; que la Cour confirme donc le jugement déféré qui a fait droit à la demande du bailleur à

ce titre ainsi qu'à sa demande de prononcé de l'expulsion avec transport et séquestre des meubles ;

Considérant que la créance justifiée de la Société Foncière SOFFIM, au titre des loyers et charges échus, s'élève à la somme de 813.413,32 francs, arrêtée au 6 mars 1998, terme de février inclus ; que la Cour condamne les appelants au paiement de cette dette locative actualisée ;

Considérant que Monsieur et Madame X... ne communiquent aucune pièce relative à leurs revenus et à leurs charges, alors qu'ils se sont déjà octroyés de larges délais de paiement ; que par conséquent, la Cour les déboute de leur demande de délais, en vertu des dispositions de l'article 1244-1 du Code Civil ;

Considérant que la Société Foncière SOFFIM ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui occasionné par le retard dans le paiement que lui aurait causé l'attitude dolosive des appelants ; que la Cour la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'en revanche, eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à la Société Foncière SOFFIM la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions :

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur et Madame X... à payer à la Société Foncière SOFFIM la somme de 813.413,32 francs (HUIT CENT TREIZE MILLE QUATRE CENT TREIZE FRANCS TRENTE DEUX CENTIMES) au titre de la dette de loyers et charges, arrêtée au 6 mars 1998, terme de février inclus ; DEBOUTE Monsieur et Madame X... des fins de toutes leurs demandes ;

DEBOUTE la Société Foncière SOFFIM de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Monsieur et Madame X... à payer à la Société Foncière SOFFIM la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4315
Date de la décision : 12/06/1998

Analyses

BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Paiement des loyers - Exception - Exception d'inexécution

En vertu de l'article 1728 du code civil, il incombe au preneur de payer le prix du bail aux termes convenus. Dès lors qu'une créance certaine, liquide et exigible ne peut se compenser avec une créance incertaine, un locataire ne saurait se prévaloir de l'inexécution de travaux de réparation pour refuser le paiement de loyers échus, sauf à démontrer l'impossibilité totale d'utiliser les locaux loués. En l'espèce, l'existence de désordres susceptibles de troubler la jouissance du locataire n'a pas eu pour effet de rendre l'appartement inhabitable ; le preneur n'est donc pas fondé à opposer au bailleur l'exception d'inexécution pour se dispenser du règlement des loyers échus


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-12;1997.4315 ?
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