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12/06/1998 | FRANCE | N°1996-9086

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 juin 1998, 1996-9086


Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 1989, Monsieur et Madame X... ont donné à bail aux époux Y... une maison d'habitation, sise rue Blaise Pascal à VIARMES pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction.

Par lettre recommandée du 20 juin 1994, les époux X... ont délivré aux preneurs un congé pour vendre.

Par acte d'huissier en date du 25 juillet 1994, Monsieur et Madame Y... ont fait assigner les époux X... aux fins d'obtenir : - l'annulation du congé pour vice de forme, - le paiement de la somme de 5.930 Francs sur le fondement de l'

article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec le bénéfice de l'e...

Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 1989, Monsieur et Madame X... ont donné à bail aux époux Y... une maison d'habitation, sise rue Blaise Pascal à VIARMES pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction.

Par lettre recommandée du 20 juin 1994, les époux X... ont délivré aux preneurs un congé pour vendre.

Par acte d'huissier en date du 25 juillet 1994, Monsieur et Madame Y... ont fait assigner les époux X... aux fins d'obtenir : - l'annulation du congé pour vice de forme, - le paiement de la somme de 5.930 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Les époux X... ont conclu au débouté des époux Y... et sollicité leur condamnation au versement de la somme de 5.930 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement contradictoire en date du 19 avril 1996, le tribunal d'instance d'ECOUEN, se fondant sur les articles 15-I alinéa 1 et 15-II alinéa 1 de la loi du 6 juillet 1989, a rendu la décision suivante : - valide le congé délivré par les époux X... aux époux Y... pour le 31 décembre 1994 concernant une maison d'habitation située à VIARMES (95270), rue Blaise Pascal, - rejette toute conclusion et demandes contraires ou plus amples des parties, - ordonne l'exécution provisoire de la décision, - laisse les dépens à la charge des demandeurs.

Le 7 octobre 1996, Monsieur et Madame Y... ont interjeté appel.

Ils font valoir que le congé pour vendre que leur ont délivré les bailleurs déroge aux dispositions d'ordre public de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 et doit, par conséquent, être consulté ; qu'en effet, d'une part, ledit congé ne reproduit pas les termes des quatre alinéas de l'article 15-II, au mépris de l'obligation qui en est faite à l'alinéa 5, et d'autre part, il n'indique pas, en violation des prescriptions de l'alinéa 1, les conditions entourant la vente projetée, telles que les modalités de paiement du prix ou l'existence d'une condition, suspensive ou résolutoire, affectant le contrat de vente.

Ils ajoutent que le prix de vente de la maison qui leur a été donnée à bail ne correspond nullement à sa valeur réelle et a été fixé à un montant exorbitant (1.800.000 Francs) dans le but frauduleux de dissuader les preneurs de se porter acquéreurs ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la nullité du congé pour vente délivré le 20 juin 1994 et de constater que le bail se trouve, de fait, tacitement reconduit.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur et Madame Y..., Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise, Et statuant à nouveau, Vu l'article 15-II chapitre 2, Titre 1er de la loi du 6 juillet 1989, - déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 20 juin 1994 à Monsieur et Madame Y..., - débouter Monsieur et Madame X... de toutes leurs demandes fins et conclusions, - les condamner à payer à Monsieur et Madame Y... une somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par Maître DELCAIRE, avoué, conformément aux dispositions de

l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X... répliquent que les époux Y..., déboutés de leur demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris par une ordonnance rendue, en date du 21 février 1997, par le Premier Président de la Cour de céans, ont quitté les lieux loués à la fin du mois de septembre 1997 ; qu'il en résulte que l'appel interjeté est, depuis lors, dépourvu d'objet.

Ils font valoir également que le congé par eux délivré aux locataires respecte les prescriptions des articles 15-I et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 et que sa validité ne peut, dès lors, donner lieu à contestation ; qu'en effet, ledit congé, rédigé en des termes clairs et précis, précise le motif sur lequel il repose, le prix de vente ainsi que le délai de validité de l'offre de vente ; que s'il est exact que les dispositions de l'article 15-II n'ont pas été reproduites, cette omission, au demeurant involontaire, n'a causé aucun grief aux époux preneurs.

Ils ajoutent que le prix de vente de la maison d'habitation, objet du bail (1.800.000 Francs) n'excède nullement sa valeur réelle, eu égard à sa superficie, son état et sa situation géographique.

Ils sollicitent enfin le versement de la somme de 6.030 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - déclarer mal fondé l'appel interjeté par les consorts Y... du jugement rendu le 19 avril 1996 par Monsieur le Président du tribunal d'instance d'ECOUEN, En conséquence, les en débouter, - dire et juger valide le congé

donné par les consorts X... par courrier recommandé le 20 juin 1994, - condamner les consorts Y... à payer aux consorts X... une somme de 6.030 Francs TTC en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par la SCP GAS, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que l'article 2 alinéa 1° de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 édicte que les dispositions de ladite loi sont d'ordre public ;

Considérant que le congé qui est fondé sur la décision de vendre le logement (article 15-II de cette loi) doit à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de le vente projetée ; qu'il est patent, en la présente espèce, que la lettre manuscrite de congé envoyée le 20 juin 1994 par les époux Bernard X... a, certes, indiqué que le prix demandé était de 1.800.000 Francs (un million huit cent mille francs), mais qu'il ne dit rien sur les conditions de cette vente ; que, notamment, ce congé ne précise pas si le prix demandé était payable au comptant ou s'il pouvait être échelonné et selon quelles modalités dans ce second cas ; qu'en outre, ce congé n'indiquait pas si la vente projetée se ferait (ou non) sous une condition suspensive, ou sous une condition résolutoire ;

Considérant, de plus, que l'alinéa 5 de cet article 15-II de la loi (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994) exigeait que les termes des alinéas précédant ce cinquième alinéa

soient reproduits, à peine de nullité, dans chaque notification, et qu'il est constant que les termes de ces alinéas n'ont pas été reproduits dans le congé litigieux ;

Considérant que l'inobservation de ces formalités d'ordre public dans cette lettre de congé a eu pour conséquence certaine et directe de causer un grief aux locataires les époux Y... (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile) qui n'ont pas été complètement informés sur leurs droits et qui n'ont donc pas été ainsi mis en mesure de prendre parti, en toute connaissance de cause, sur le point de savoir s'ils devaient (ou pas) se porter acquéreurs de ce logement ;

Considérant que la Cour infirme, par conséquent, le jugement déféré et prononce la nullité de ce congé ;

II/ Considérant que le second moyen de droit invoqué par les appelants et tiré du caractère frauduleux de ce congé devient ainsi surabondant et ne sera pas davantage analysé par la Cour ;

III/ Considérant que, compte tenu de l'équité, les époux X... sont condamnés à payer aux époux Y... la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que par contre, les intimés qui succombent en leurs moyens, sont déboutés de leur propre demande en paiement fondée sur ce même article ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU les articles 2 et 15-II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et l'article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile :

I/ . FAIT droit à l'appel des époux Y... ;

PAR CONSEQUENT :

. INFIRME en son entier le jugement déféré et PRONONCE la nullité du congé pour vendre ;

II/ CONDAMNE les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et LES DEBOUTE de leur propre demande fondée sur ce même article ;

CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués, DELCAIRE ET BOITEAU conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX Acquiescement, Acquiescement implicite, Exécution volontaire de la décision, Décision non exécutoire, Bail en général, Expulsion, Libération des lieux. En vertu de l'article 410 du NCPC " l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement.. ", et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la partie qui a exécuté avait ou non l'intention d'acquiescer. Un locataire objet d'un jugement d'expulsion non exécutoire qui, ensuite, avise son propriétaire, par lettre recommandée, de la libération des lieux, et ce, sans formuler de réserves, dès lors qu'il libère effectivement les lieux à la date prévue, satisfait nécessairement à l'obligation de libérer les lieux contenue dans le jugement d'expulsion déféré ; libération qui vaut acquiescement, en application de l'article 410 précité. FAITS ET PROCEDURE

Selon acte sous seing privé en date du 18 janvier 1984, la société LOGIBAIL, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société SINVIM etamp; CIE, a consenti à Monsieur Z..., à compter du 1er février 1984, pour une durée de six ans un bail portant sur un appartement situé à PUTEAUX, 92, avenue du Président Wilson.

Ce bail a été prorogé de deux périodes de trois années chacune.

Par acte extra judiciaire en date du 12 juillet 1995, la société SINVIM etamp; CIE a signifié à Monsieur Z... un congé avec offre de vente pour le 31 janvier 1996.

Monsieur Z... qui ne s'est pas porté acquéreur du logement et se maintenant dans les lieux, la société SINVIM etamp; CIE a saisi le tribunal d'instance de PUTEAUX.

Par jugement rendu le 24 septembre 1996, ce tribunal a :

- déclaré valable le congé pour vendre délivré à Monsieur Z... pour le 31 janvier 1996,

- dit que Monsieur Z... est occupant sans droit, ni titre, depuis le

1er février 1996,

- ordonné, en conséquence, son expulsion,

- condamné Monsieur Z... à payer à la société SINVIM etamp; CIE à compter du 1er février 1996, en deniers ou quittances valables, une indemnité mensuelle d'occupation des lieux égale au montant mensuel du loyer et ses charges jusqu'à parfaite libération des locaux,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Appelant de cette décision, Monsieur Z... expose que la société SINVIM etamp; CIE n'avait aucune raison particulière de vendre son bien en urgence et fait valoir en outre que le prix proposé était manifestement dissuasif.

Il demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

A titre principal,

- dire et juger que le congé délivré le 12 juillet 1995 est irrégulier et que Monsieur Z... est bien fondé à rester dans les lieux en tant que locataire,

A titre subsidiaire,

- constater sa qualité de bon payeur,

- lui octroyer des délais afin de quitter les lieux,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à astreinte, la société SINVIM etamp; CIE ne justifiant pas de l'urgence pour vendre l'immeuble litigieux,

En tout état de cause,

- condamner la société SINVIM etamp; CIE au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société intimée conclut au débouté de Monsieur Z... et la confirmation du jugement déféré.

Elle demande en outre, à la Cour, de dire et juger que l'expulsion qui sera ordonnée sera assortie d'une astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter du présent arrêt, d'ordonner la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux, en garantie des loyers, indemnités d'occupation, charges et réparations locatives qui pourront être dus, et de condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dans d'ultimes écritures, la société SINVIM etamp; CIE expose que Monsieur Z... avait acquiescé au jugement, son appel est dénué de fondement.

SUR CE LA COUR

SUR CE LA COUR

Considérant que par lettre recommandée en date du 17 avril 1998, Monsieur Z... a écrit au mandataire de la bailleresse, qu'il libérerait les lieux à la fin du mois, ce courrier n'étant assorti d'aucune réserve ;

Qu'est versé aux débats le procès-verbal de constat d'huissier dressé à la requête de la société SINVIM etamp; CIE le 27 avril 1998 ;

Qu'il est établi qu'à cette date le locataire avait quitté l'appartement litigieux ;

Considérant que l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire, vaut acquiescement sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la partie qui a exécuté avait ou non l'intention d'acquiescer (article 410 du nouveau code de procédure civile) ;

Que tel est le cas de l'espèce, Monsieur Z... ayant satisfait à l'obligation de libérer les lieux contenue dans le jugement déféré, alors même que cette décision n'était pas exécutoire par provision, le premier juge ayant expressément rejeté la demande formée de ce chef par la société SINVIM etamp; CIE ;

Considérant que l'appel est désormais sans objet ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SINVIM etamp; CIE les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 4.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONSTATE que Monsieur Z... a libéré l'appartement situé à PUTEAUX 92, avenue du Président Wilson sans réserve,

- CONSTATE que Monsieur Z... a, par conséquent, acquiescé au jugement rendu le 24 septembre 1997 ;

- DIT, par conséquent, sans objet l'appel interjeté par Monsieur Z... ;

- CONDAMNE Monsieur Z... à payer à la société SINVIM etamp; CIE la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LE CONDAMNE en outre aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME GUTTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9086
Date de la décision : 12/06/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989)

Selon l'article 2 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, les dispositions de ladite loi sont d'ordre public. En application de l'article 15-II de la loi précitée, un congé fondé sur la vente de l'immeuble loué doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Dès lors, un congé qui ne porte aucune indication quant aux conditions de la vente, notamment au sujet des modalités de paiements et de celles de la vente elle-même, et qui, de surcroît, ne repro- duit pas le texte de l'article 15-II, comme l'exigeait, à peine de nullité, la loi dans sa rédaction alors en vigueur, est nul pour inobservation de formalités d'ordre public et doit être annulé, dès lors qu'il cause grief aux destinataires de cet acte, privés de la possibilité de se déterminer en toute connaissance de cause sur la proposition d'achat qui leur était faite


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-12;1996.9086 ?
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