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11/06/1998 | FRANCE | N°1998-517P

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 juin 1998, 1998-517P


Statuant sur les appels susvisés, réguliers en la forme et interjetés dans les délais de la loi, des dispositions civiles du jugement susvisé;

Considérant que X... Y..., D V, R M et T X..., ont été directement cités devant le tribunal correctionnel pour avoir entravé le fonctionnement des Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) des centres EDF-GDF de Montrouge, Sèvres, Bourg-la-Reine et Sceaux, dont ils étaient chacun respectivement président, en ne consultant pas ces organismes sur la réforme résultant de la création d'un groupe régiona

l d'exploitation-travaux;

que X... B, en sa qualité de président du Comi...

Statuant sur les appels susvisés, réguliers en la forme et interjetés dans les délais de la loi, des dispositions civiles du jugement susvisé;

Considérant que X... Y..., D V, R M et T X..., ont été directement cités devant le tribunal correctionnel pour avoir entravé le fonctionnement des Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) des centres EDF-GDF de Montrouge, Sèvres, Bourg-la-Reine et Sceaux, dont ils étaient chacun respectivement président, en ne consultant pas ces organismes sur la réforme résultant de la création d'un groupe régional d'exploitation-travaux;

que X... B, en sa qualité de président du Comité Local de Coordination de ces comités (CLC-CHCST), du Centre EDF-GDF Service de Bagneux, a également été cité pour entrave au fonctionnement de ce comité;

que les parties civiles exposaient qu'après consultation du Comité Mixte à la production (CMP) du Centre EDF-GDF Services de Bagneux, le 8 février 1996, le Directeur de ce Centre, Monsieur X... avait décidé de la mise en oeuvre, à compter du 10 février de l'année suivante, d'un projet de regroupement des services des 4 agences de Sèvres, Montrouge, Bourg-la-Reine et Sceaux, qui comportaient jusqu'alors chacune un groupe électricité et un groupe gaz, en seulement deux groupes électricité et deux groupes gaz, chacun de ceux-ci étant plus ou moins développé selon la spécificité des agences;

que les incidences de ce projet sur l'organisation matérielle du travail et sur les conditions d'hygiène et de sécurité, nécessitaient, selon ces parties civiles, que soit consulté le Comité local de coordination des Comités d'Hygiène et de Sécurité de ces diverses agences, dont la création avait été décidée au niveau de l'unité de Bagneux, par une circulaire interne intitulée PERS 961, prise en application d'une convention signée le 8 juillet 1983 entre les établissements EDF-GDF et les fédérations syndicales pour adapter

à ces deux établissements les dispositions des lois Auroux des 28 octobre et du 23 décembre 1982;

que, cependant, malgré les demandes formées par la secrétaire de ce CLC-CHCST, Madame Z..., puis par 4 des membres de celui-ci par courrier du 22 février 1996, son président X... B avait refusé d'organiser cette consultation;

que les réunions des CHCST des agences de Sèvres, Bourg-la-Reine, Montrouge et Sceaux, organisées respectivement les 29 et 30 mai, 3 et 11 juin 1996, pour délibérer au niveau local sur la réforme projetée, n'avaient été en réalité que des simulacres de consultation et n'avaient eu d'autre objet que de présenter les décisions déjà arrêtées par le Directeur du Centre de Bagneux, leurs présidents s'opposant en outre à la demande qui leur était faite de solliciter l'avis du CLC-CHCST;

*

Considérant qu'aux termes de jugement déféré, le tribunal, faisant droit aux moyens soulevés en défense par les prévenus, a estimé que les infractions d'entrave dénoncées n'étaient pas constituées;

que, d'une part, l'échec de la consultation des CHCST n'était pas imputable aux présidents de ces comités, mais résultait du refus des organisations syndicales de débattre du projet en cause, au prétexte qu'une action était alors en cours sur la légalité du processus engagé par la direction, et que seul le CLC-CHCST était compétent pour coordonner au niveau de l'unité les questions soulevées, et donner un avis sur le sujet;

que d'autre part, il n'appartenait pas à Messieurs X... Y..., D V, T X... et R M de réunir le CLC-CHCST;

qu'enfin, les incidences du projet de restructuration étant distinctes et spécifiques pour chacune des agences concernées, qui connaissaient des méthodes d'exploitation et de fonctionnement

différentes, il convenait d'en débattre au niveau local; que les compétences du CLC-CHCST ne pouvant, aux termes de la circulaire PERS 961, interférer sur les attributions dévolues par la loi aux CHCST, X... B n'était pas tenu de procéder à la consultation de celui-là;

*

Considérant qu'à l'appui de leur recours contre cette décision, les parties civiles, rappelant qu'aux termes de l'article 171 de la circulaire PERS 961, "dans l'hypothèse où un CLC-CHCST a été mis en place, celui-ci détient une compétence propre et une compétence de coordination pour l'ensemble des attributions de la filière CHCST au niveau de l'unité", dans la mesure toutefois où la décision à prendre ne relève pas de la compétence de l'autorité responsable au niveau du CHCST, soutiennent:

que le projet de restructuration relevait d'une décision du Centre EDF-GDF Services de Bagneux; qu'il a d'ailleurs été soumis pour avis au Comité Mixte à la Production de ce Centre, qui est l'équivalent à EDF-GDF du Comité d'entreprise et qui est lui-même compétent au niveau de l'Unité en application de la circulaire PERS 873 qui régit les organismes de la filière des CMP et détermine les compétences de ces derniers selon les mêmes critères que ceux contenus dans la circulaire PERS 961;

que les missions des quatre agences dépendant de ce centre s'interpénétraient de telle sorte que les remaniements envisagés ne pouvaient être examinés que de manière transversale;

que la consultation du CLC-CHCST était donc obligatoire;

que les délits d'entrave au fonctionnement des CHCST locaux sont constitués dès lors que leur consultation n'a eu lieu que postérieurement à l'adoption du projet de réforme le 8 février 1996, en contravention avec les dispositions de l'article 112 de la PERS 961, reprenant celles de l'article 236-2 du Code du travail, qui

prévoient que la consultation des organismes doit précéder la décision de l'autorité compétente; que l'argument des prévenus quant à une prétendue situation de blocage de cette consultation est par suite inopérant;

*

Considérant qu'en réponse, les intimés exposent que l'article 263.2.2. du Code du travail dont les dispositions sont reprises par l'article 143 de la PERS 961, et qui sont d'interprétation stricte, excluent de leur champ d'application les éventuelles entraves au fonctionnement d'un CLC-CHCST, dont l'existence n'est pas prévue par la loi, et qui n'est qu'une instance de coordination, au demeurant facultative, spécifique à EDF-GDF; que l'élément légal de l'infraction fait donc défaut;

qu'en toute hypothèse, la procédure de l'article 14-32 de la PERS 961, qui prévoit que cette réunion a lieu à la demande motivée d'au moins deux de ses membres représentants du personnel, n'a pas été observée; que le courrier du 22 février 1996 des 4 membres du CLC-CHCST a été adressé à Monsieur X..., directeur du Centre de Bagneux, et non à X... B, et que la lettre de refus émane de ce même X... et non de X... B;

qu'en tout état de cause également, les questions posées, étant propres à chaque agence, relevaient de la compétence des CHCST;

que l'intention délictueuse de X... B, qui a pu, quoiqu'il en soit, légitimement estimer que la consultation était du ressort des CHCST, n'est pas démontrée;

que les consultations des CHCST ont été régulièrement organisées par leur président respectif, dans le délai d'un an réservé pour la mise en place du projet de réforme lancé le 8 février 1996, leur échec n'étant que la conséquence de l'attitude d'obstruction des organisations syndicales;

* *

*

Considérant qu'aux termes de l'article 236-1 du Code du travail, la constitution de Comités d'hygiène, de sécurité, et des conditions de travail est obligatoire dans les établissements occupant au moins cinquante salariés; que ce comité, ainsi qu'il est dit à l'article 236-2, a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement, et doit être informé et consulté notamment sur toute décision d'aménagement modifiant les conditions d'hygiène, de sécurité et de travail;

Considérant que l'article 236-6 du même Code prévoit que dans les établissements occupant habituellement 500 salariés et plus, le comité d'entreprise ou d'établissement détermine en accord avec l'employeur, le nombre des CHCST, qui doivent être constitués; qu'il prend, le cas échéant, les mesures nécessaires à la coordination de l'activité de ces CHCST;

Considérant que ce texte ne définit ni la forme ni le fonctionnement de ces structures de coordination; qu'il ne leur attribue aucune compétence spécifique;

que le "comité local" mis en place, aux termes des circulaires internes prises en application de la convention signée le 8 juillet 1983 pour l'adaptation de ces dispositions à cette entreprise publique à caractère industriel et commercial, au niveau de l'unité EDF-GDF de Bagneux, en vue de coordonner les activités des CHCST des agences dépendant de cette unité ne saurait être assimilé au comité d'hygiène et de sécurité défini par la loi; que si, suivant l'article 171 de la circulaire précitée, une compétence propre et de coordination lui est attribuée, par exemple pour l'établissement d'un règlement intérieur d'hygiène et de sécurité de l'ensemble de

l'unité, d'un bilan de la situation générale de l'hygiène, ou d'un programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, il est expressément stipulé que ses compétences ne peuvent interférer sur les attributions légales des CHCST;

qu'il n'entre donc pas, comme le soutiennent à bon droit les intimés, dans les prévisions, d'interprétation stricte, de l'article 263-2-2 Code du travail, qui répriment le fait pour quiconque de porter ou de tenter de porter atteinte à la constitution ou au fonctionnement régulier des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, mais ne contiennent aucune référence aux éventuelles atteintes au fonctionnement des structures de coordination des CHCST de l'article 236-6 précité;

qu'il s'ensuit que les faits reprochés à X... B en sa qualité de président de ce CLC-CHCST, ne sauraient, à les supposer fondés, recevoir la qualification d'entrave au fonctionnement d'un CHCST;

que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit cette infraction non caractérisée;

Considérant, sur les délits d'entrave au fonctionnement des CHCST, au motif, désormais seul invoqué, que ces comités n'ont été réunis que postérieurement, et non préalablement à la décision de restructuration des agences de Sèvres, Montrouge, Bourg-la-Reine, et Sceaux, et qu'il ne s'agissait donc que d'un simulacre de consultation, qu'il est constant que la mise en application du projet de réforme dont le principe a effectivement été arrêté au 8 février 1996, après avis du CMP, a été différée au 10 février 1997, pour permettre la consultation préalable des instances concernées;

que le délit d'entrave reproché à X... Y..., D V, R M, et T X..., qui ont régulièrement sollicité l'avis de ces CHCST durant cet intervalle, et qui ont ainsi permis à ceux-ci de débattre et de se prononcer sur

toutes questions de leur compétence avant la mise en oeuvre des modifications résultant de la réforme projetée, dont il ne leur appartenait pas en tout état de cause, d'apprécier le bien-fondé, n'apparaît donc pas caractérisé;

que le jugement entrepris sera en conséquence également confirmé de ce chef;

que, par suite les parties civiles seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts et de publication;

qu'elles seront également déclarées irrecevables en leur demande de faire supporter par les intimés les frais et honoraires exposés pour la présente instance; que, s'il a été jugé que le droit d'ester en justice reconnu au Comité National d'hygiène et de sécurité EDF-GDF, pour la défense de ses intérêts collectifs, serait illusoire sans la possibilité pour celui-ci de disposer des moyens financiers nécessaires à l'exercice de ce droit, et que seul EDF-GDF était en mesure d'apporter ces moyens financiers à ce Comité, ces principes ne sauraient recevoir application en l'espèce, s'agissant d'une instance engagée à titre personnel à l'égard de salariés de l'entreprise, et dans laquelle celle-ci n'est pas partie, même à titre de civilement responsable;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

EN LA FORME:

Reçoit les appels,

AU FOND:

Confirme les dispositions entreprises du jugement déféré;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-517P
Date de la décision : 11/06/1998

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION

Il résulte des articles L 236-1 et L 236-6 du code du travail que tout établissement occupant habituellement plus de cinquante salariés doit être doté d'un Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail -CHSCT- et que, lorsque le nombre de salariés occupés par le même établissement dépasse cinq cents personnes, le comité d'entreprise ou d'établissement détermine en accord avec l'employeur le nombre des CHSCT et prend, le cas échéant, les mesures nécessaires à la coordination des CHSCT.Dans ce cadre, un comité local de coordination des CHSCT peut être mis en place conventionnellement, comme en l'espèce. Si les dispositions de l'article L 263-2-2 du code du travail répriment, notamment, l'atteinte ou la tentative d'atteinte au fonctionnement régulier du CHSCT, ces dispositions, d'interprétation stricte, ne sauraient, en l'absence de toute référence à d'éventuelles atteintes au fonctionnement des structures de coordination envisagées par l'article L 236-6 précité, être étendues pour qualifier d'entrave au fonctionnement d'un CHSCT les faits allégués à l'encontre du président d'un comité local de coordination des CHSCT.


Références :

N1Code du travail, articles L 236-1, L 236-6
N2Code du travail, articles L 263-2-2 , L 236-6

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-11;1998.517p ?
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