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05/06/1998 | FRANCE | N°1996-4675

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 juin 1998, 1996-4675


Suivant acte sous seing privé en date du 8 décembre 1994, Monsieur X... a passé commande auprès de la Société APART AUTOMOBILES SARL, concessionnaire SIBARU, d'un véhicule automobile de marque SIBARU, type Vivio, modèle ECVT année 1995, avec diverses options pour un prix total de 117.890 Francs H.T. et a versé un acompte de 15.000 Francs, la livraison étant fixée au 15 janvier 1995.

Le 20 juillet 1995, Monsieur X... a fait assigner la Société APART AUTOMOBILES SARL devant le Tribunal d'Instance de PONTOISE, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 15.000 Fr

ancs au titre du remboursement de l'acompte avec intérêts légaux à c...

Suivant acte sous seing privé en date du 8 décembre 1994, Monsieur X... a passé commande auprès de la Société APART AUTOMOBILES SARL, concessionnaire SIBARU, d'un véhicule automobile de marque SIBARU, type Vivio, modèle ECVT année 1995, avec diverses options pour un prix total de 117.890 Francs H.T. et a versé un acompte de 15.000 Francs, la livraison étant fixée au 15 janvier 1995.

Le 20 juillet 1995, Monsieur X... a fait assigner la Société APART AUTOMOBILES SARL devant le Tribunal d'Instance de PONTOISE, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 15.000 Francs au titre du remboursement de l'acompte avec intérêts légaux à compter du 21 mars 1995, celle de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile.

Monsieur X... a exposé que le 20 mars 1995, le véhicule ne lui ayant toujours pas été livré, il a mis en demeure le vendeur de lui rembourser l'acompte versé ; qu'il fonde sa demande sur l'article 4 du contrat de vente selon lequel le délai de livraison indiqué sur le bon de commande est le délai de livraison extrême et constitue pour le vendeur un engagement ferme et précis.

La Société APART AUTOMOBILES SARL a répliqué que Monsieur X... a commandé un véhicule sur mesures, dont les pièces sont fabriquées au JAPON puis montées par le garage ; que les options commandées ont été respectées, à l'exception de la direction assistée, la pièce correspondante n'ayant pas été livrée par le constructeur. Elle a invoqué les dispositions de l'article 9-a) relatives à la force majeure, résultant notamment des difficultés d'approvisionnement chez le constructeur, l'importateur ou leurs sous-traitants, qui fait échec à la résiliation du contrat.

A titre reconventionnel, elle a sollicité le paiement des frais de parking du véhicule à compter du 30 mars 1995, au prix de 35 Francs H.T. par jour et de la somme de 56.000 Francs au titre des frais de remise en conformité du véhicule et de dépréciation du modèle.

Par jugement contradictoire en date du 20 février 1996, le Tribunal d'Instance de PONTOISE a rendu la décision suivante :

- prononce la résolution du contrat de vente du 8 décembre 1994 aux torts de la Société APART AUTOMOBILES en application de l'article 1184 du Code civil,

- la condamne à payer à Monsieur Joùl X... :

* la somme de 15.000 Francs avec intérêts légaux à compter du 21 mars 1995, au titre de la restitution de l'acompte,

* la somme de 4.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le déboute du surplus de ses demandes,

- déboute la Société APART AUTOMOBILES de sa demande reconventionnelle,

- la condamne aux dépens.

Le 29 avril 1996, la SARL APART AUTOMOBILES a interjeté appel.

Elle soutient que Monsieur X... a donné son accord pour que la date de livraison soit reportée au 15 mars 1995 et qu'il a refusé de prendre possession du véhicule le 20 mars suivant. Elle reprend l'argumentation développée devant le premier juge quant à l'existence d'un cas de force majeure au regard des conditions générales de vente, résultant de la non-livraison par le constructeur des éléments de la direction assistée, qui seule l'a empêchée de respecter le délai de livraison. Elle conteste la réalité du préjudice subi par Monsieur X... dans la mesure où celui-ci, important collectionneur de voitures, en possède 18 de grand luxe, dont 9 acquises entre la date des faits et l'acte introductif d'instance. Elle souligne également que le véhicule était utilisable même sans être doté de la direction assistée, dont la mise en oeuvre n'était que secondaire.

Elle demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1184, 1148 du Code civil et L.131-2 et suivants du Code de la consommation,

Vu les conditions générales de vente de la Société APART AUTOMOBILES,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résiliation de la vente du véhicule SUBARU VIVIO aux torts de la Société APART AUTOMOBILES sur le fondement des dispositions de l'article 1184 du Code civil,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la vente convenue n'a pu être exécutée en raison de la carence exclusive du constructeur du véhicule,;

- dire et juger que ladite carence s'analyse en un cas de force majeure faisant obstacle à la résolution de la vente, en application des dispositions de l'article 4 des conditions générales contractuelles,

Faisant application des dispositions de l'article 1148 du Code civil,

- dire et juger que la vente résiliée aux torts de la Société APART AUTOMOBILES n'a pu être exécutée en raison d'un cas de force majeure tenant à l'incapacité du constructeur de livrer APART AUTOMOBILES dans les délais contractuels,

- dire et juger que le préjudice invoqué par Monsieur X... était inexistant compte tenu de ce que celui-ci possédait à l'époque des

faits une vingtaine d'autres véhicules,

- dire et juger que la résiliation doit être prononcée aux torts exclusifs de Monsieur X..., pour n'avoir pas voulu respecter les dispositions contractuelles de vente,

- le condamner, en conséquence, au paiement de la somme de 100.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- le condamner également au paiement de la somme de 10.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le condamner enfin aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être directement recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... conteste que la Société APART AUTOMOBILES lui ait jamais proposé un véhicule doté d'une direction assistée mécanique et non hydraulique ainsi que convenu et qu'il aurait refusé le véhicule le 20 mars 1995. Il fait valoir que les affirmations de l'appelante quant à son parc automobile, à l'emploi

d'un chauffeur, à sa résidence principale réelle ne sont corroborées par aucune pièce et n'apportent rien aux débats. Il conclut à l'inexécution du contrat par la Société APART AUTOMOBILES, à l'absence de force majeure et à l'existence de son préjudice.

Il demande à la Cour de :

- dire mal fondé l'appel interjeté par la SARL APART AUTOMOBILES,

- l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner la SARL APART AUTOMOBILES à lui payer la somme de 100.000 Francs de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire, sur le fondement de l'article 559 du Nouveau Code de Procédure Civile et celle de 20.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner la SARL APART AUTOMOBILES en tous les dépens et dire

qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 mars 1998 et l'affaire a été plaidée pour l'intimé à l'audience du 5 mai 1998, tandis que l'appelante faisait déposer son dossier.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, le consommateur peut dénoncer, par lettre recommandée avec accusé de réception, le contrat de vente d'un bien meuble dont la livraison n'est pas immédiate, en cas de dépassement excédant sept jours et non dû à un cas de force majeure, de la date limite de livraison obligatoirement portée au contrat ;

Considérant que la date extrême de livraison figurant au contrat du 8 décembre 1994 est le 16 janvier 1995 ; qu'il ressort du courrier adressé par Monsieur X... à la Société APART AUTOMOBILES le 8 février 1995 qu'après que la date de livraison eut été repoussée, le véhicule qui lui a été présenté le 8 février n'avait ni direction assistée ni climatisation et ne correspondait donc pas à la commande ; que dans sa lettre en réponse du 16 février 1995, la Société APART AUTOMOBILES a précisé qu'elle avait reçu et monté la climatisation, mais qu'elle allait installer une direction assistée avec pompe hydraulique, ce qui l'obligeait à un nouveau délai de livraison reporté au 15 mars 1995 ; que dans sa lettre en réponse du 20 février 1995, Monsieur X... a déclaré accepter ce délai supplémentaire de livraison ; que pourtant, dans sa lettre du 10 mars 1995, la Société APART AUTOMOBILES demande un nouveau délai, cette fois jusqu'au 20 mars ; qu'enfin, contrairement à ses allégations, l'appelante ne prouve pas que Monsieur X... aurait refusé de prendre livraison du véhicule à cette date du 20 mars suivant ; que bien au contraire, celui-ci produit la lettre recommandée avec accusé de réception adressée ce même jour à la venderesse dans laquelle il déclarait que, faute de livraison du véhicule, il lui demandait la restitution de son acompte ; que ce courrier vaut donc, clairement dénonciation du contrat de vente par l'acheteur pour non-respect du délai de livraison, au sens de l'article L.114-1 du Code de la consommation précité, de sorte que le contrat doit être considéré comme rompu à la date de réception de ce courrier ;

Considérant que, dans son courrier du 22 mars 1995, la Société APART AUTOMOBILES a reconnut avoir dépassé la date de livraison et être toujours en attente du colis du JAPON, ce qui infirmait donc sa thèse selon laquelle l'acheteur aurait refusé la livraison ;

Considérant que l'appelante n'est pas fondée à invoquer l'existence de la prétendue force majeure qui résulterait, selon elle, de la non-livraison par le constructeur japonais SIBARU des éléments commandés en option, dans la mesure où la livraison de ces équipements était bien prévue contractuellement et qu'à aucun moment la Société APART AUTOMOBILES n'a émis de réserves ou de conditions les concernant, alors qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, il entrait dans son devoir de conseil en qualité de vendeur professionnel, d'informer l'acheteur des risques éventuels de retard de livraison d'équipements qu'elle-même qualifie de "spéciaux" dans

ses écritures ;

Considérant qu'à titre surabondant, le premier juge doit donc être approuvé pour avoir, à bon droit, prononcé la résiliation du contrat de vente aux torts de la Société APART AUTOMOBILES en application de l'article 1184 du Code civil, compte tenu de ses fautes graves ci-dessus analysées ;

Considérant que la Cour confirme donc le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société APART AUTOMOBILES à payer à Monsieur X... la somme de 15.000 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 1995, au titre de la restitution de l'acompte, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions ;

Considérant que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve du caractère abusif et dilatoire de l'appel interjeté par la Société APART AUTOMOBILES, ni d'un préjudice distinct de celui occasionné par le retard dans le paiement que lui aurait causé l'attitude dolosive de l'appelante ; que la Cour le déboute donc de sa demande en

paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

Considérant qu'en revanche, eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

ET Y AJOUTANT :

DEBOUTE la SARL APART AUTOMOBILES des fins de toutes ses demandes ;

DEBOUTE Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE la SARL APART AUTOMOBILES à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP LISSARRAGUE

DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-4675
Date de la décision : 05/06/1998

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Information des consommateurs

Lorsque la date de livraison contractuelle d'un véhicule a été reportée à plusieurs reprises avec l'accord de l'acquéreur, la demande de restitution de l'acompte versé que l'acquéreur adresse au vendeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, en raison de l'absence de livraison du véhicule au jour de la dernière échéance fixée, et à défaut pour le vendeur d'établir un prétendu refus de prise en livraison par le client, vaut dénonciation du contrat au sens de l'article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la consommation


Références :

Code de la consommation, article L. 114-1, alinéa 2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-05;1996.4675 ?
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