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04/06/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006934512

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 juin 1998, JURITEXT000006934512


Par lettre en date du 29 janvier 1977, la société de droit allemand Joachim KREYENBORG, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société KREYENBORG Gmbh, a confié à Monsieur H X..., aux droits duquel il n'est pas contesté que se trouve aujourd'hui la SARL H X..., la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français.

Une première tentative de résiliation amiable de ce contrat pour le 31 décembre 1995 ayant échoué, la société KREYENBORG a, par courrier du 23 avril 1996, informé la SARL H X..., prise en la personne de Monsieur H X..., qu'elle entendai

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Par lettre en date du 29 janvier 1977, la société de droit allemand Joachim KREYENBORG, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société KREYENBORG Gmbh, a confié à Monsieur H X..., aux droits duquel il n'est pas contesté que se trouve aujourd'hui la SARL H X..., la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français.

Une première tentative de résiliation amiable de ce contrat pour le 31 décembre 1995 ayant échoué, la société KREYENBORG a, par courrier du 23 avril 1996, informé la SARL H X..., prise en la personne de Monsieur H X..., qu'elle entendait immédiatement mettre fin à toutes relations, motif pris que ladite société représentait sans son accord des produits concurrents.

Par assignation en date du 23 octobre 1996, la société H X... a saisi le Tribunal de Commerce de NANTERRE, dans le ressort duquel elle a son siège social, pour obtenir réparation des préjudices que lui aurait occasionnés cette rupture sans préavis.

La société KREYENBORG Gmbh a soulevé, avant toute défense au fond, l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal allemand de M Y....

Par jugement en date du 24 octobre 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la 1ère chambre du Tribunal de Commerce de NANTERRE a reçu la société KREYENBORG en sa déclinatoire de compétence et a renvoyé la société H X... à se mieux pourvoir.

Par acte reçu le 06 novembre 1997, la société H X... a formé contredit à l'encontre de cette décision.

Au soutien de son recours, elle reproche au premier juge d'avoir fait une mauvaise interprétation de la jurisprudence communautaire relative à l'article 5-1 de la convention de Bruxelles dont elle revendique l'application. A cet égard, elle rappelle que la demande

qu'elle a formée tend à obtenir réparation des préjudices que lui a occasionnés la société KREYENBORG en ne respectant pas l'obligation contractuelle lui incombant consistant à lui confier la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français. Elle déduit de là que, dès lors que cette obligation servant de base à la demande ne pouvait être exécutée qu'en France, elle est fondée à revendiquer, au titre de l'article 5-1 précité et de l'interprétation qu'en a donnée la Cour des Communautés Européennes dans l'arrêt "De Bloos", la compétence du Tribunal de Commerce de NANTERRE. Elle sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement déféré du chef de la compétence et la condamnation de la société KREYENBORG au paiement d'une indemnité de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La société KREYENBORG conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement entrepris sauf à se voir accorder une indemnité de 15.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer.

En réplique, elle fait valoir que l'objet principal de la demande de la société H X... tend au paiement d'indemnités lié à la résiliation du contrat d'agence commerciale, rupture devant être appréciée conformément à la loi allemande à laquelle était soumise la convention du 29 janvier 1977.

Or, selon elle, la loi allemande prévoit dans cette hypothèse, que le paiement est quérable au domicile du débiteur, c'est à dire à M Y..., où elle a son siège social.

Subsidiairement, elle soutient qu'à supposer même que l'obligation à prendre en considération découle, comme il est soutenu par la partie adverse, du non respect par elle de l'exclusivité de représentation

de son agent commercial en France, cette obligation s'analyse en une obligation négative que l'on ne peut localiser au regard du droit allemand applicable au contrat et que, dans ces conditions, seul l'article 2 de la convention a vocation à s'appliquer, ce qui aboutit encore à retenir la compétence du Tribunal de M Y.... MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'il n'est pas contesté que les règles de compétence applicables au présent litige sont celles qui résultent de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Considérant que l'article 2 de cette convention, réglant le problème de la compétence internationale, pose le principe que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant doivent être attraites devant les juridictions de cet Etat.

Que l'article 5-1 de la même convention, dérogeant à la règle générale de compétence de l'article 2, permet au demandeur, en matière contractuelle, de saisir la juridiction "du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée".

Considérant que la société H X... soutient que l'obligation qui fonde sa demande, au sens de l'article 5-1 de la convention, est celle incombant à la société KREYENBORG de respecter l'obligation de représentation exclusive qui lui a été reconnue, aux termes de la convention du 29 janvier 1977, et que cette obligation ne pouvant être exécutée qu'en France, le Tribunal de Commerce de NANTERRE devait se déclarer compétent pour connaître du litige.

Considérant qu'il est de principe, depuis l'arrêt "De Bloos" rendu le 06 octobre 1976 par la Cour de Justice des Communautés Européennes, que l'obligation, dont le lieu d'exécution permet de déterminer la compétence, est celle qui sert de fondement à l'action judiciaire ; qu'il convient donc de se référer à l'assignation introductive

d'instance délivrée le 23 octobre 1996 par la société H X... à la société KREYENBORG, pour déterminer en l'espèce le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse.

Considérant que, dans cette assignation, la société H X... demandait au Tribunal de Commerce de NANTERRE de :

- Constater l'existence de liens contractuels entre les deux sociétés jusqu'au 31 décembre 1996.

- Condamner la société KREYENBORG au paiement de dommages et intérêts à hauteur de DM 23.688 ou la contre-valeur en francs français.

- Condamner la société KREYENBORG au paiement d'une indemnité de clientèle de DM 21.703,40 ou la contre-valeur de cette somme en francs français.

- Condamner la société KREYENBORG au paiement de commissions de DM 3.543,30 et DM 29.000 ou la contre-valeur de ces sommes en francs français.

- Condamner la société KREYENBORG à fournir des informations complètes sur toutes les opérations commerciales conclues par des tierces personnes en France pendant la durée du contrat d'agence commerciale.

Qu'il apparaît que ces différentes demandes tendent à permettre à la société H X... d'obtenir, en application des dispositions de la loi allemande relatives au contrat d'agence commerciale expressément rappelées dans l'assignation, paiement de diverses sommes en raison de la rupture du contrat et notamment paiement d'une indemnité de clientèle et de commissions pour les affaires en cours, la demande en dommages et intérêts pour non respect par la société KREYENBORG de l'exclusivité pendant la durée du contrat, bien que présentée en premier, n'ayant à l'évidence qu'un caractère accessoire par rapport aux autres réclamations directement liées à la rupture du lien contractuel.

Or considérant que la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit, dans l'arrêt "Tessili" du 06 octobre 1976 "que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5-1 de la convention... est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie" ; qu'il doit dès lors en être tiré pour conséquence que le lieu d'exécution de l'obligation doit être fixé en l'espèce conformément à la loi qui gouverne le contrat, autrement dit conformément à la loi allemande à laquelle les parties ont entendu expressément se référer dans la convention du 29 janvier 1977.

Considérant que le droit allemand prévoit que le paiement est quérable au domicile du débiteur ; que l'objet principal de la demande concernant, comme il a été dit, une obligation de paiement, la société KREYENBORG est dès lors bien fondée à revendiquer la compétence de la juridiction allemande ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé du chef de la compétence et la société H X... renvoyée à se mieux pourvoir.

Considérant que l'équité ne commande pas, à ce stade de la procédure, qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la société H X..., qui succombe, supportera les frais du contredit. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Reçoit la SARL H X... en son contredit, mais dit celui-ci mal fondé,

- Confirme, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé ladite société à se mieux pourvoir,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Laisse les frais du contredit et ceux de première instance à la

charge de la société H X... SARL. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé C. DAULTIER

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934512
Date de la décision : 04/06/1998

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

Si l'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 pose le principe général selon lequel une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat contractant doit être attraite devant les juridictions de cet Etat, l'article 5-1 de la convention précitée prévoit que, à titre dérogatoire, en matière contractuelle le demandeur peut saisir la juridiction "du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée". L'arrêt "De Bloos" (CJCE, 6 octobre 1976) a posé en principe que cette "obligation" est celle qui sert de fondement à l'action judiciaire, et l'arrêt "Tessili", de la même juridiction et à la même date, a dit pour droit "que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de l'article 5-1 de la convention... est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie". En l'espèce, lorsque les demandes articulées dans l'assignation introductive d'instance tendent à obtenir, en application de la loi allemande, les indemnisations afférentes à la rupture d'un contrat, il en résulte que le lieu d'exécution de l'obligation doit être fixé conformément à la loi qui gouverne le contrat, c'est-à-dire conformément à la loi allemande à laquelle les parties se sont expressément référées dans le contrat


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-04;juritext000006934512 ?
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