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04/06/1998 | FRANCE | N°1996-9357

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 juin 1998, 1996-9357


Suivant acte sous seing privé en date des 1er et 07 août 1986, enregistré à COLOMBES le 08 août 1986, Madame X... a cédé à Monsieur Jean-Pierre Y..., un fonds de commerce de Marchand de Vins- Location meublée, exploité à la GARENNE COLOMBES, 22 avenue de Charlebourg ainsi que le droit au bail portant sur lesdits locaux comprenant notamment, une boutique, un logement au 1er étage et 5 chambres au 3ème étage.

Le 15 avril 1988, un nouveau bail commercial a été conclu entre Monsieur Amédée Z... et Monsieur et Madame Y..., portant sur les mêmes locaux mais pour l'activitÃ

© exclusive de "commerce de café-restaurant".

Le 13 décembre 1994, Mada...

Suivant acte sous seing privé en date des 1er et 07 août 1986, enregistré à COLOMBES le 08 août 1986, Madame X... a cédé à Monsieur Jean-Pierre Y..., un fonds de commerce de Marchand de Vins- Location meublée, exploité à la GARENNE COLOMBES, 22 avenue de Charlebourg ainsi que le droit au bail portant sur lesdits locaux comprenant notamment, une boutique, un logement au 1er étage et 5 chambres au 3ème étage.

Le 15 avril 1988, un nouveau bail commercial a été conclu entre Monsieur Amédée Z... et Monsieur et Madame Y..., portant sur les mêmes locaux mais pour l'activité exclusive de "commerce de café-restaurant".

Le 13 décembre 1994, Madame Marie-Josèphe Z... et Mesdemoiselles Brigitte et Sophie Z..., se prétendent aux droits de Monsieur Amédée Z..., (ci-après désignées les consorts Z...) ont fait délivrer à Monsieur Jean-Pierre Y... une sommation visant la clause résolutoire d'avoir à mettre fin à deux infractions, à savoir :

- Une annexion sans droit d'un logement situé au 1er étage, anciennement loué à Mademoiselle A... et Monsieur B....

- Une sous-location d'une des 5 chambres visées au bail commercial située au 3ème étage de l'immeuble.

Estimant que les consorts Z... ne justifiaient pas de leur intérêt ou de leur qualité pour agir et qu'aucune infraction au bail ne pouvait lui être utilement reprochée, Monsieur Jean-Pierre Y... a formé opposition à cette sommation.

Les consorts Z... ont formé une demande reconventionnelle visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et, subsidiairement, obtenir la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion immédiate des époux Y..., après avoir appelé en intervention forcée Madame Y... et la société HAAG METZER etamp;

CIE, BRASSERIE METEOR, prise en sa qualité de créancier inscrit.

Par jugement en date du 27 septembre 1996, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a :

- Dit la sommation du 13 décembre 1994 visant la clause résolutoire non nulle mais inopposable à Madame Y....

- Dit que les consorts Z... ont qualité pour agir.

- Rejeté les demandes reconventionnelles des consorts Z....

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Condamné les consorts Z... aux dépens.

*

Appelants de cette décision, les consorts Z... persistent à soutenir que les époux C... ont, sans droit, disposé d'un logement situé au 1er étage soit directement pour eux-mêmes, soit pour des membres de leur famille, et qu'ils continuent à sous-louer, comme le montre les pièces des débats et plus particulièrement un constat d'huissier, une chambre du 3ème étage, et ce, en infraction avec la destination prévue au nouveau bail. Ils déduisent de là que la clause résolutoire doit être déclarée acquise, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge. Subsidiairement, ils se prévalent des mêmes infractions pour solliciter la résiliation judiciaire du bail, faisant en outre valoir que les époux Y... auraient, sans droit, ni autorisation, effectué divers travaux d'alimentation en eau dans les lieux loués, et supprimé ou modifié certains ouvrages.

Ils demandent, en conséquence, à la Cour d'ordonner l'expulsion des époux Y... et de tous occupants de leur chef des lieux loués et ce, si besoin est, avec le concours de la force publique, de déclarer la décision à intervenir opposable à la société HAAG METZER,

créancier inscrit, et de condamner les époux Y... à leur payer une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

[*

Les époux Y... font tout d'abord valoir en réplique que les prétentions émises à leur encontre par les époux Z... sont irrecevables motif pris que ces derniers leur ont notifié, par acte du 17 décembre 1996, un refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes et qu'ils ont ainsi renoncé implicitement mais nécessairement à se prévaloir de la présente procédure. Subsidiairement, ils prétendent que la sommation visant la clause résolutoire n'ayant été délivrée qu'à l'un des co-preneurs, celle-ci ne peut sortir aucun effet comme l'a dit à bon droit le tribunal. Sur la résiliation du bail, ils soutiennent, comme ils l'avaient fait en première instance, que les infractions qui leur sont reprochées sont dépourvues de tout fondement sérieux et que les nouveaux manquements dont se prévalent les bailleurs ne sont pas davantage établis. Ils sollicitent dès lors, à supposer l'exception d'irrecevabilité écartée, la confirmation du jugement déféré et réclament aux consorts Z... la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Enfin, il convient de noter que la société HAAG METZER etamp; CIE -BRASSERIE METEOR, prise en sa qualité de créancier inscrit et régulièrement assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué. MOTIFS DE LA DECISION

*] Sur la qualité à agir des consorts Z...

D... que les consorts Z... justifient, notamment par la production d'une attestation émanant d'un notaire, qu'ils sont aux

droits de Monsieur Amédée Z..., décédé le 03 juin 1989 à BOIS COLOMBES, ce que, au demeurant, ne contestent plus les époux Y.... [* Sur la recevabilité des prétentions émises par les consorts Z... D... que, devant la Cour, les époux Y... soutiennent que l'action des consorts Z... serait irrecevable, motif pris que ces derniers leur auraient notifié, le 17 décembre 1996, un acte de refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes ne faisant aucune mention de la présente procédure, et qu'ils auraient ainsi implicitement mais nécessairement renoncé à poursuivre celle-ci.

Mais considérant que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'elle ne peut notamment s'induire d'un refus de renouvellement du bail qui répondait à une demande notifiée par les preneurs le 30 septembre 1996, ce refus ayant pour seul but d'éviter que soit présumé un accord des bailleurs sur le principe du renouvellement comme le prévoit, à défaut de réponse de ceux-ci dans un délai de trois mois, l'article 6 alinéa 3 du décret du 30 septembre 1953 ; que ce moyen dépourvu de tout fondement sérieux, sera en conséquence écarté d'autant que les bailleurs ont clairement manifesté, en soutenant leur appel, qu'ils n'entendaient pas renoncer à poursuivre la présente procédure.

*] Sur les effets de la sommation délivrée le 13 décembre 1994

D... qu'il est de principe qu'en cas de co-titularité du bail, une sommation, visant la clause résolutoire, doit être délivrée à chacun des co-preneurs pour sortir son plein et entier effet et permettre au bailleur de faire constater en justice de l'acquisition de la clause résolutoire.

Or considérant qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que la sommation du 13 décembre 1994 n'a été délivrée qu'à Monsieur Y...

alors que le bail en cours a été consenti aux époux Y... ;

qu'il suit de là que, comme l'a décidé à bon droit le premier juge, la sommation délivrée le 13 décembre 1994, ne peut être déclarée nulle mais que, n'étant pas opposable à Madame Y..., co-titulaire du bail, ladite sommation ne peut avoir un quelconque effet.

* Sur la résiliation judiciaire du bail

D... que les consorts Z... invoquent à l'encontre des preneurs divers manquements qui, selon eux, seraient de nature à justifier la résiliation judiciaire du bail ; que ces manquements seront successivement analysés.

1°) Sur l'occupation sans droit ni titre d'un appartement au 1er étage de l'immeuble :

D... que l'article 1728 du Code Civil impose au preneur d'user de la chose en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ; que cette obligation générale faite au locataire d'agir en "bon père de famille" comporte l'interdiction de faire de la chose louée un usage qui puisse nuire au bailleur ou à autrui, alors même qu'aucune clause expresse du bail ne comporterait d'obligation particulière à cet égard ; que est ainsi prohibée l'annexion par le locataire, soit directement, soit par personne interposée, de locaux non loués.

D... qu'en l'espèce, les consorts Z... reprochent aux époux Y... d'avoir occupé ou fait occuper par des membres de leur famille, un appartement situé au 1er étage de l'immeuble loué, non compris dans le périmètre du bail ; que les consorts Z... font valoir en réplique que cet appartement n'était pas occupé de leur chef, mais de celui des locataires en titre dudit appartement, à savoir Monsieur Bruno B... et Mademoiselle Christine A... ; qu'ils en veulent pour preuve le fait que les consorts Z... ont

fait assigner lesdits locataires et les prétendus occupants sans droit ni titre, à savoir Messieurs E... et F..., en résiliation du bail et expulsion devant le Tribunal d'Instance de COLOMBES et que cette procédure, à laquelle ils n'ont pas été appelé, a abouti à un jugement rendu le 25 juin 1996 passé en force jugée qui a fait droit à la demande des consorts Z..., ce qui, selon eux, a mis fin à une infraction qui ne saurait leur être personnellement et valablement imputée.

Mais considérant que cette analyse ne saurait être suivie ; qu'en effet, il apparaît des pièces des débats que les occupants sans droit ni titre de l'appartement dont s'agit en l'occurrence, Messieurs E... et F..., se révèlent être de proches parents (père et fils) de Madame E... ; que, certains loyers ont été réglés pour cet appartement par les époux Y... eux-mêmes ; que, surtout, il est justifié par un constat d'huissier qu'une cloison séparative a été abattue permettant ainsi de relier l'appartement litigieux aux locaux occupés par les époux Y... en vertu du bail ; que la preuve est ainsi suffisamment rapportée que les époux Y... n'ont pas joui de la chose louée en "bon père de famille", au sens des dispositions précitées de l'article 1728 du Code Civil, et exécuté de bonne foi la convention de louage comme le leur prescrivait l'article 1134 du même code ; que le fait que la cloison séparative ait été à ce jour rétablie, et les locataires ou occupants sans droit ni titre expulsés en vertu d'une décision de justice définitive, n'ait pas de nature à effacer ce manquement d'une particulière gravité ; que le jugement déféré, qui a fait sur ce point une analyse erronée des éléments de la cause sera dès lors infirmé.

2°) Sur la sous-location d'une chambre

D... que le nouveau bail prévoit comme seule destination

l'exploitation "d'un commerce de café-restaurant" ; qu'il n'est pas contesté qu'une chambre du 3ème étage est toujours occupée par un dénommé Monsieur G...

D... que, pour tenter de justifier cette occupation contraire à la destination contractuelle des lieux, les époux Y... soutiennent que celle-ci est antérieure à la conclusion du nouveau bail, que Monsieur G... n'a pas obtempéré aux lettres recommandées qui lui ont été envoyées les 24 juin 1988 et 17 février 1989 lui demandant de quitter les lieux ; que toute action contre l'intéressé est vouée à l'échec dès lors que celui-ci peut se prévaloir des dispositions protectrices de la loi du 1er septembre 1948.

Mais considérant que, en dehors des deux lettres recommandées susvisées, les époux Y... n'ont entrepris aucune autre démarche ; qu'ils n'ont notamment fait notifié aucun congé par acte extra judiciaire à Monsieur G... comme le prévoit les dispositions de la loi de 1948 précitée alors que celui-ci n'était âgé que de 66 ans à la date de signature du bail et qu'il disposait de certaines ressources ; qu'ils ne peuvent, dans ces conditions et, faute d'avoir tenté une quelconque action pour se mettre en conformité avec les clauses du nouveau bail, se prévaloir utilement d'un fait justificatif ; que le jugement déféré sera encore infirmé de ce chef. [* Sur les aménagements effectués en cours de bail

D... qu'un constat d'huissier dressé le 17 décembre 1996, fait apparaître, sans être utilement contesté, que les époux Y... ont effectué divers travaux modificatifs dans l'immeuble sans autorisation expresse et par écrit du bailleur, comme le prévoit le bail ; que, notamment, ont été ainsi réalisés.

*] La suppression de cloison entre l'appartement des époux Y... et

l'appartement voisin susévoqué (même si cette cloison a été à ce jour rétablie ce qui n'efface pas l'infraction).

* Un branchement "pirate" pour alimenter en eau une chambre du 3ème étage.

* La création d'une canalisation d'évacuation de cette même chambre. * La suppression d'un wc commun.

*

D... que toutes les infractions graves et répétées, ci-dessus évoquées et plus particulièrement la première d'entre elle relative à l'occupation d'un appartement voisin justifient que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail et ordonnée l'expulsion, dans les trois mois de la notification de la présente décision, des époux Y... et de tous occupants de leur chef, sous réserve des droits particuliers que pouvait faire valoir Monsieur G...

* Sur les autres demandes

D... que les époux Y... ne peuvent réclamer à ce jour restitution du dépôt de garantie ; qu'en effet le bail prévoit que cette restitution ne pourra intervenir qu'après complet déménagement et remise des clefs et après déduction de toutes les sommes pouvant être dues par le preneur à titre de loyers, impôts, réparations ; qu'il appartiendra aux époux Y... de se pourvoir, en tant que de besoin, de ce chef, comme ils aviseront dès que ces conditions auront été remplies et sous réserve de l'opposition que pourrait faire valoir les bailleurs.

D... que, de même, sera rejetée la demande en dommages et intérêts formée par les époux Y... pour procédure abusive alors que l'appel introduit par les consorts Z... s'avère pour

l'essentiel justifié.

D... qu'il serait, par ailleurs, inéquitable de laisser à ces derniers la charge des frais qu'ils ont été contraints d'exposer dans le cadre de la présente procédure ; que les époux Y... seront condamnés à leur payer une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

D... enfin que les époux Y..., qui succombent, supporteront les entiers dépens. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

- Reçoit les consorts Z... en leur appel,

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit la sommation du 13 décembre 1994, visant la clause résolutoire, inopposable à Madame Catherine Y... née E... et de ce fait dépourvue de tout effet,

- Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

- Constate que les époux Y... ont commis des manquements graves et répétées à leurs obligations de locataires,

- Prononce, eu égard à ces manquements, la résiliation judiciaire du bail en date du 15 avril 1988 et ordonne l'expulsion des époux Y... des lieux loués et celle de tous occupants de leur chef (sous réserve des droits particuliers dont pourrait se prévaloir Monsieur G...), dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, et ce, si besoin est avec le concours de la force publique,

- Rejette la demande en dommages et intérêts formée par les époux Y... ainsi que celle formée par eux au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Renvoie les époux Y... à se mieux pourvoir en ce qui concerne une éventuelle restitution du dépôt de garantie,

- Déclare le présent arrêt opposable à la société HAAG METZER etamp;

CIE - BRASSERIE METEOR, prise en sa qualité de créancier inscrit,

- Condamne les époux Y... à payer aux consorts Z... une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamne également les époux Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise Maître A..., Avoué, à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé C. DAULTIER

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9357
Date de la décision : 04/06/1998

Analyses

BAIL (règles générales)

Aux termes de l'article 1728 du Code civil, le preneur à bail est tenu d'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail. Il résulte de cette obligation générale d'agir "en bon père de famille" la prohibition de toute annexion, directe ou par personne interposée, de locaux non loués. En l'espèce, le fait d'avoir fait abattre une cloison pour relier les locaux loués en vertu du bail avec ceux occupés, sans droit ni titre, par des proches parents des locataires établit suffisamment que le locataire n'a pas usé de la chose louée en bon père de famille, au sens de l'article 1728 précité, ni exécuté de bonne foi la convention de louage conformément aux prescriptions de l'article 1134 du Code civil


Références :

Code civil, articles 1134, 1728

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-04;1996.9357 ?
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