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04/06/1998 | FRANCE | N°1994-7276

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 juin 1998, 1994-7276


I - FAITS ET PROCEDURE

Le 18 novembre 1986, la SARL LOVECO a consenti à Madame Marie X... un contrat de location portant sur un appareil de bronzage, pour un investissement total de 119.350 francs hors taxes, remboursables en cinq ans par mensualités de 3.349,05 francs.

Monsieur Arthur X... s'est porté caution solidaire le même jour pour la somme de 141.549,10 francs en principal majorée des intérêts, commissions, frais et accessoires.

Le 16 février 1987, Madame X... a fait opposition aux prélèvements bancaires et n'a réglé aucune échéance.

Le 18 a

oût 1992, la société LOVECO a mis en demeure en vain Monsieur et Madame X... d'avoir ...

I - FAITS ET PROCEDURE

Le 18 novembre 1986, la SARL LOVECO a consenti à Madame Marie X... un contrat de location portant sur un appareil de bronzage, pour un investissement total de 119.350 francs hors taxes, remboursables en cinq ans par mensualités de 3.349,05 francs.

Monsieur Arthur X... s'est porté caution solidaire le même jour pour la somme de 141.549,10 francs en principal majorée des intérêts, commissions, frais et accessoires.

Le 16 février 1987, Madame X... a fait opposition aux prélèvements bancaires et n'a réglé aucune échéance.

Le 18 août 1992, la société LOVECO a mis en demeure en vain Monsieur et Madame X... d'avoir à lui verser la somme de 267.943,71 francs.

Après assignation en date du 17 février 1993 délivrée par la société LOVECO aux époux X..., le Tribunal de Commerce de NANTERRE, par jugement du 2 juin 1994 :

- a débouté les consorts X... de leur demande d'annulation ou de résolution du contrat signé le 18 novembre 1986 ;

- a condamné Madame Marie X..., exerçant sous l'enseigne Carla Coiffure, à payer à la société LOVECO la somme de 160.754,40 francs avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 1993 ;

- a condamné solidairement Monsieur X... au regard de la validité de son engagement et ses limites à régler la somme de 141.549,10 francs en principal majoré des intérêts, commissions, frais et accessoires ;

- a débouté les parties pour le surplus de leurs demandes respectives en dommages et intérêts et ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le Tribunal a en outre condamné les époux X... à payer à la société LOVECO la somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont constaté que le contrat passé à l'origine constituait une location pure et simple, stipulant que la réception du matériel avait lieu sous la seule responsabilité du locataire et, qu'en outre, en qualité de loueur, la société LOVECO transférait conventionnellement au locataire tous droits et actions contre le fournisseur.

Le fait pour Madame X... d'avoir signé le "bon de livraison, bon à payer" indiquant que le bien désigné était conforme avec celui objet du contrat réputait que la société LOVECO avait rempli son obligation de délivrance.

En conséquence des motifs qui précèdent, le Tribunal a estimé que l'action en résolution du contrat litigieux était irrecevable sinon mal fondée, relevant qu'au surplus Madame X... s'était déjà retournée avec succès, contre la société HJS INTERNATIONAL, fournisseur, et avait obtenu la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 150.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Sur le montant de la créance, le Tribunal a déclaré qu'à défaut, pour la société LOVECO, d'avoir poursuivi le recouvrement de la créance alléguée dans le délai de cinq ans suivant leur exigibilité, les loyers impayés jusqu'au 17 février 1988 étaient prescrits ;

Pour les loyers échus au delà de cette dernière date, le Tribunal a constaté que Madame X... devait la somme totale de 160 754,40 francs avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 1993 et a débouté la société LOVECO pour le surplus de sa demande au motif que cette société n'expliquait pas le décompte des intérêts de retard qu'elle revendiquait à hauteur de 83.745,96 francs.

Les époux X... ont interjeté appel de cette décision par déclaration faite au greffe de la Cour le 6 septembre 1994.

II - THESES EN PRESENCE

Les appelants pour soulever la nullité de la procédure, font valoir que l'assignation, en date du 17 février 1993, a été délivrée à la requête de la "SARL LOVECO" dont le siège social était indiqué 10 rue de Cimarosa -BP 225/16 à Paris cedex 16, et que le jugement entrepris a été rendu au profit de celle-ci.

1 - Ils font observer qu'en revanche, la signification dudit jugement et les actes inhérents à son exécution ont été notifiés aux appelants à la requête de la "SA LOVECO" sise au 44 avenue Georges Pompidou à Levallois-Perret (92), alors que les deux entités juridiques susmentionnées sont distinctes, circonstances qui justifieraient également d'annuler la procédure sur le fondement de l'article 648 du NCPC.

Au surplus, il ressortirait de l'extrait du RCS de Nanterre que la SA

LOVECO, qui serait enregistrée sous deux n° différents, est en liquidation et aurait été dissoute depuis le 7 juillet 1992.

Les appelants estiment enfin que, si par ordonnance M. Le Premier Y... de la Cour de céans n'avait pas arrêté l'exécution provisoire du jugement entrepris, ils auraient perdu toute chance de récupérer les fonds versés à la société LOVECO en cas d'infirmation dudit jugement, présentement soumis à la censure de la Cour.

2 - Subsidiairement, les appelants sollicitent l'annulation du contrat de location, au motif qu'au jour de la signature de celui-ci par Mme X..., le 18 novembre 1986, la société LOVECO n'était pas propriétaire du matériel loué et ne l'est devenue que le 17 décembre 1986 lorsque le fournisseur, la société HJS INTERNATIONAL, lui a adressé la facture de l'appareil litigieux, laquelle n'a d'ailleurs été réglée que le 31 décembre 1986.

S'appuyant sur un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 10 mars 1992, rejetant le pourvoi formé contre un arrêt de PARIS du 27 avril 1990, les consorts X... font valoir que la société LOVECO ne pouvait louer un appareil dont elle

n'était pas propriétaire.

3 - Par ailleurs, les appelants sollicitent la résolution du contrat de location en vertu de l'article 1134 du code civil, se fondant sur le contenu du rapport d'expertise de Monsieur Z... du 16 avril 1988, qui démontre que l'appareil livré n'était pas neuf mais usagé et différait, en cela, du matériel, objet du contrat de location ; qu'en outre, son prix dépassait de plus de 25 % le prix d'un matériel similaire neuf.

Les époux X... rappelant que le fournisseur, société HJS INTERNATIONAL, avec lequel ils n'entretiennent aucune relation contractuelle, a fait l'objet d'une condamnation pénale pour délit de publicité mensongère et celui de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, estiment que cette condamnation est opposable à la société LOVECO dès lors que celle-ci a laissé la société HJS négocier le contrat litigieux à l'aide d'un document portant son entête ("bon de livraison- bon à payer") et qu'ainsi ils étaient en droit d'en conclure que ce fournisseur était titulaire d'un mandat apparent au nom du crédit-bailleur société LOVECO, se fondant en cela sur un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en date du 13 juin 1995.

Par de nouvelles conclusions en date du 26 février 1997, les appelants sollicitent également l'annulation du contrat de location sur le fondement des dispositions combinées des articles 1110 et 1116 du code civil dont a fait application la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation par un arrêt du 3 juillet 1996 duquel il ressort :

"que l'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu'elle porte sur la substance même de ce contrat..."

Enfin par conclusions en date du 18 mars 1997, les époux X... réfutent les affirmations de la société LOVECO selon lesquelles ils auraient perçu la somme de 150.000 francs à la suite de la constitution de partie civile de Mme X... dans l'instance pénale poursuivie à l'encontre du seul gérant de la société HJS, alors qu'au surplus cette société est en liquidation judiciaire.

En conséquence, les appelants sollicitent :

- l'infirmation du jugement entrepris et l'annulation de la procédure engagée par la SARL LOVECO puis, après le prononcé du jugement, suivi par la SA LOVECO à leur encontre,

- à titre subsidiaire, la résolution du contrat de location du 18 novembre 1986,

- que leur soit donné acte qu'ils n'ont jamais perçu une somme de 150.000 francs,

- la condamnation de la société LOVECO à leur payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- outre la condamnation de la société LOVECO à leur verser la somme de 20.000 francs en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.

L'intimée s'attache à réfuter l'argumentation de ses adversaires et fait valoir:

Sur la demande de nullité de la procédure :

- qu'aucun grief n'étant rapporté en conséquence de l'irrégularité qui aurait été commise dans l'acte introductif d'instance du 17 février 1993 ainsi que sur les actes ultérieurs, quant à la dénomination sociale de la société LOVECO, la nullité prévue à l'article 114 du NCPC n'est pas fondée ;

- qu'en outre, LOVECO SA est régulièrement représentée par UDECO SA. depuis une assemblée générale du 30 novembre 1992, en sa qualité de liquidateur amiable, alors que la société LOVECO sarl est représentée par un des administrateurs de UDECO SA., selon mandat ad hoc accordé par ordonnance du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du mois d'avril 1993, pour les instances en cours ;

- qu'en tout état de cause le recouvrement d'une créance réclamée par

voie judiciaire, antérieurement à la clôture des opérations de liquidation, peut être poursuivi même après la publication de la liquidation ce, en application d'une jurisprudence constante qui fait application de l'article 1844-8 du Code civil ;

Sur la demande d'annulation du contrat de location :

La société LOVECO soutient qu'en tout état de cause, elle est devenue propriétaire du matériel acquis à la société HJS INTERNATIONAL ce, à la demande expresse des époux X... lesquels ont bien été livrés; qu'au surplus l'intimée entend se prévaloir des dispositions de l'article 2279 du code civil, à l'égard de Mme X..., de la livraison jusqu'au paiement de la facture le 31 décembre 1986.

Par ailleurs, l'intimée soutient, qu'à supposer la non-conformité du matériel litigieux établie, les stipulations des articles 1 et 2 du contrat de location la mettent à l'abri de toute action du locataire dès lors que celui-ci bénéficie conventionnellement d'un transfert de tous ses droits et actions à l'encontre du fournisseur.

Au surplus l'intimée fait valoir que Madame X... a signé le "bon de livraison - bon à payer", sans aucune réserve, qu'en conséquence cette signature établit que la société LOVECO a bien rempli son obligation de délivrance ; que dès lors, l'action en résolution du contrat présentée par les appelants doit être déclarée mal fondée.

Sur demande reconventionnelle, l'intimée soutient que les appelants doivent être condamnés conjointement et solidairement au paiement de la somme en principal majorée des intérêts de retard à compter de la sommation du 18 août 1992 en raison du décompte des sommes dues au 30 septembre 1992 et des termes du contrat de location.

La société LOVECO fait valoir que depuis la première instance elle a communiqué le "bon de commande" signé par Mme X... sous le timbre humide de son enseigne commerciale "CARLA COIFFURE", contrairement aux dénégations des appelants (pièce n°7, intitulée "facture HJS").

En conséquence, l'intimée sollicite :

- le rejet de l'exception de nullité,

- le débouter des appelants de toutes leurs prétentions,

- la condamnation des époux X... à payer à la société LOVECO la somme de 160.754,40 francs majorée des intérêts de retard à compter de la sommation du 18 août 1992, outre la capitalisation de ces intérêts ;

- la condamnation conjointement et solidairement des époux X... à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- outre celle des mêmes à lui verser la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture de la mise en état du dossier a été prononcée le 18 mars 1997 et l'affaire a été examinée au fond, à l'audience des plaidoiries, le 11 décembre 1997.

III - SUR CE, LA COUR

A - SUR L'EXCEPTION DE NULLITE

Considérant que l'article 114 du NCPC, invoqué par les appelants au soutien de leur moyen oblige ceux-ci à prouver le grief que leur cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;

Qu'en l'espèce le grief tiré de l'éventualité de l'exécution provisoire du jugement entrepris ne peut être sérieusement retenu dès lors qu'il est rappelé par les parties elles-mêmes, que par ordonnance M. le Premier Y... de la Cour de Versailles a

suspendu la disposition précitée ;

Considérant en outre, qu'en application de l'article 1844-8 du code civil, "la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social n'ont pas été liquidés" ;

Qu'en l'espèce c'est à bon droit que la Sarl LOVECO verse aux débats une ordonnance de Monsieur le Y... du Tribunal de Commerce de NANTERRE, en date du 9 avril 1993, désignant Monsieur A..., en qualité d'administrateur ad-hoc, établissant ainsi qu'elle a toujours été régulièrement représentée pour les besoins de la procédure (extrait Kbis pièce n°5 SCP Lissarrague, Avoués), alors qu'elle était par ailleurs représentée par la SA UDECO, en sa qualité de liquidateur amiable, société dont M. A... se trouve être personnellement un des administrateurs;

Qu'ainsi il y a lieu d'écarter l'argument des appelants tirés de la confusion éventuelle faite entre la Sarl LOVECO et la SA au motif que cette dernière aurait tenté par erreur de faire exécuter le jugement

à leur encontre, alors qu'il est établi que seule la Sarl LOVECO a contracté avec les époux X... (pièces n°5, 6, 8, 9, 11, 13 SCP FIEVET, Avoués) que les conclusions d'appel de l'intimée ne mentionnent que la seule Sarl précitée et qu'en conséquence les appelants ne peuvent, en raison de l'erreur identique qu'ils ont commise dans l'acte d'appel en mentionnant à tort la SA LOVECO, utilement prétendre voir annuler la procédure litigieuse;

Que le premier moyen présenté par les appelants doit être rejeté ;

B - SUR LA DEMANDE DE RESOLUTION DU CONTRAT DE LOCATION

Considérant que le moyen des appelants tiré de la propriété du matériel litigieux ne peut prospérer dès lors que d'une part, ils ne se fondent sur aucun texte légal qui imposerait au bailleur d'être nécessairement propriétaire antérieurement à la signature du contrat, alors qu'en l'espèce les appelants ne sont liés au bailleur LOVECO que par le seul contrat de location ;

Qu'au surplus, il convient de relever que Mme X..., qui a signé le bon de livraison du matériel contesté, lequel est à entête de la société LOVECO, n'a jamais remis en cause, antérieurement à la présente procédure, la qualité de propriétaire de cette dernière et encore moins devant la Cour;

Que les appelants, s'il contestent la validité du contrat principal de location, au titre de l'erreur sur la substance du matériel, n'invoquent nullement une erreur sur la personne du bailleur ;

Qu'il importe peu que ce dernier ait réglé la facture d'acquisition postérieurement à la signature du contrat de location du matériel concerné, dès lors que les appelants ne rapportent pas la preuve que le fournisseur, lui-même, ait contesté à la société LOVECO la qualité d'acquéreur, avec lequel il avait pu antérieurement s'accorder, même verbalement, sur la chose et sur le prix; ce qui est, au surplus, corroboré par l'ensemble des documents commerciaux passés entre HJS et LOVECO Sarl ;

Considérant que les dispositions combinées des articles 1134, 1110 et 1116 du code civil, requièrent que les conventions aient été passées valablement et de bonne foi ;

Qu'ainsi en l'espèce, il est établi que les stipulations du contrat de location en date du 18 novembre 1986, intervenu entre Madame X... et la société LOVECO, ainsi que les documents qui en sont résultés, ont fixé les caractéristiques techniques du matériel loué, lui-même acquis par la société LOVECO auprès de la société HJS, par un contrat distinct mais dont la validité conditionne la bonne réalisation du précédent;

Considérant toutefois qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Z..., en date du 16 avril 1988, rédigé dans le cadre d'une instance pénale introduite par Mme X..., à l'encontre du gérant de la sarl HJS-fournisseur :

- qu'il n'a pas été possible de définir le type exact du matériel effectivement livré,

- que la puissance de l'appareil en cause, soit 9.000 W ne correspond pas aux "caractéristiques" figurant sur les documents contractuels, soit 15.000 W,

- que le prix dudit matériel dépasse de plus de 25 % le prix d'un matériel similaire, alors que HJS n'en était pas le fabricant contrairement à la publicité,

- que "l'appareil n'a pas été livré neuf, mais usagé" (page 16) ;

Qu'il résulte de l'arrêt prononcé par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'Appel de Versailles le 12 mars 1992, que le gérant de la sarl HJS, venderesse du matériel litigieux, a été condamné des chefs de "publicité mensongère ou de nature à induire en erreur" et de "tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou lae gérant de la sarl HJS, venderesse du matériel litigieux, a été condamné des chefs de "publicité mensongère ou de nature à induire en erreur" et de "tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise" (pièce n°10 M° BRUCCHINI, Avocat) ;

Qu'au surplus il ressort tant des documents contractuels que d'un courrier du 11 mai 1987 adressé à Madame X... par la société LOVECO, qu'il été convenu que "le loueur passe commande au fournisseur en indiquant les spécifications techniques (...) définies par le locataire" (pièce n°7 SCP Lissarrague, Avoués) ;

Qu'ainsi c'est à bon droit que le locataire principal, Mme X..., peut soutenir qu'elle n'a contracté la location litigieuse qu'en raison de l'erreur sur la substance même de la chose, provoquée par le dol d'un tiers, établi au travers des agissements sanctionnés pénalement, du gérant de la Sarl HJS, dans le cadre du contrat de

vente passé avec LOVECO ;

Qu'il est amplement établi par le rapport d'expertise précité, que la société LOVECO ne conteste pas sérieusement, que non seulement le matériel livré ne correspondait ni à la publicité incriminée qui avait déterminé Mme X..., ni au schéma descriptif remis en cours d'expertise, mais que celui-ci n'a jamais fonctionné dès lors qu'il n'a pas été branché, la nature du courant devant alimenter ledit appareil ne correspondant à celui-ci existant dans la boutique de la locataire (pages 5, 7, 8, 11 à 15 du rapport de l'expert Z...) ; qu'au surplus le matériel était dénué de toute référence à l'homologation française en vigueur quant aux règles de sécurité électrique ;

Qu'en présence de telles atteintes à la substance de la chose vendue, le bailleur, signataire du contrat d'acquisition, ne peut valablement, même sous couvert d'un mandat transférant au locataire "tous droits et actions contre le fournisseur" ou d'une clause exonératoire de responsabilité (articles I et II du contrat de location), s'opposer à l'annulation du contrat de location ;

Qu'en l'espèce, maintenir l'application des stipulations invoquées par le bailleur, reviendrait à dispenser celui-ci d'avoir à accomplir l'obligation essentielle qui lui incombe dans ce contrat, à savoir la mise à disposition sans trouble de l'appareil proposé par la société HJS et commandé par la société LOVECO (pièce n°13 SCP FIEVET, Avoués), obligation en contrepartie de laquelle Mme X... s'est déterminée à en payer les loyers correspondants;

Que l'annulation du contrat de location, pour erreur sur la substance provoquée par le dol d'un tiers à ce contrat, est d'autant plus opposable à la société LOVECO qu'elle est la seule partie qui a signé les deux conventions composant le champ contractuel (vente et location), en des qualités différentes, alors que l'auteur des manoeuvres précitées était concomittamment le cocontractant de la société LOVECO dans le contrat de vente ;

Qu'en raison de ces circonstances, c'est à bon droit que les appelants soutiennent que la société LOVECO, en confiant à la société HJS des documents à son entête pour qu'ils soient utilisés au cours de la négociation et de l'exécution du contrat location ("bon de livraison-bon à payer", pièces n°8 et 13, SCP FIEVET, Avoués, a été cochée la case "BON DE LIVRAISON LOVECO"), a donné au fournisseur HJS un mandat apparent qui a conduit Mme X... à signer en confiance le "bon de livraison" alors qu'il n'est ni allégué ni établi par le

bailleur que la signataire était une professionnelle des matériels de bronzage ou plus généralement des matériels électriques ;

Qu'ainsi le bon de livraison, dont les appelants ne nient pas qu'il a été émargé par Mme X..., est sans portée quant à l'acquiescement à la conformité et à l'état de fonctionnement du matériel litigieux, comme le prétend la société LOVECO pour échapper à l'annulation du contrat de location, dès lors qu'il établi au contraire, par les constatations accablantes faites par l'expert Z..., qu'en raison de l'absence de tout document technique et de notice d'utilisation relatifs à la mise en oeuvre de l'appareil livré alors qu'au surplus l'alimentation de celui-ci ne correspondait pas avec l'installation électrique du local de Mme X..., celle-ci avait été dans l'impossibilité absolue de sauvegarder ses intérêts lors de la signature du document censé constater la mise à disposition du matériel;

Que ce "bon de livraison" est d'autant plus inopposable aux appelants, dans le cadre de l'action en annulation qu'ils ont intentée, que celui-ci n'est pas daté (pèce n°8 SCP FIEVET, Avoués), alors qu'il était agrafé à la facture proforma du 24 octobre 1986 ;

Qu'il résulte de ces constatations que ledit bon de livraison a été signé antérieurement à la livraison effective qui n'a eu lieu qu'en fin décembre 1986, comme en atteste tant la commande ferme passée par la société LOVECO à la Sarl HJS seulement le 8 décembre 1986 (pièce n°13 précitée) laquelle stipule que ladite livraison devait intervenir dans le mois suivant, que la facturation du matériel à la société LOVECO en date du 17 décembre 1986 (pièce n°7, SCP FIEVET), outre les déclarations des parties dans le cadre de l'expertise Z... (page 5) ;

Qu'en raison de l'erreur commise par Mme X... sur la substance même de la chose louée, dont il est établi par l'ensemble des énonciations qui précèdent qu'elle a été provoquée par de multiples manoeuvres du tiers au contrat, la Sarl HJS, il y a lieu de prononcer l'annulation du contrat de location du 18 novembre 1986 intervenu entre Madame X... et la société LOVECO Sarl ;

Qu'il en sera de même de l'acte de cautionnement signé par M. Arthur X..., dès lors que l'engagement accessoire de celui-ci a été matérialisé directement sur l'acte de location annulé (pièces n°5 et 6 SCP FIEVET, précitée) alors qu'il n'a été donné, également, qu'en raison de l'erreur sur la substance du matériel provoquée par le dol du représentant de la Sarl HJS, erreur sans laquelle la caution

n'aurait pas garanti le paiement des loyers non causés ;

Qu'il y aura lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

C - SUR LES DEMANDES INCIDENTES DES APPELANTS

Considérant que la société LOVECO dûment représentée, succombant au principal de sa défense, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, lesquelles sont dénuées de tout fondement sinon devenues sans objet ;

Qu'en raison de l'annulation des contrats de location et de caution, les appelants seront déchargés de toute condamnation à l'égard de LOVECO, mais cette dernière sera condamnée à payer les entiers dépens de la procédure tant de première instance que d'appel ;

Que par ailleurs les consorts X... seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts dès lors qu'ils ne rapportent pas la preuve que l'argumentation de leur adversaire était empreinte de légèreté et de malignité alors qu'au surplus ils ne justifient ni de la réalité ni de l'étendue de leur préjudice ;

Qu'en revanche, les circonstances de la cause justifient qu'il leur soit alloué la somme de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, tant il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû engager pour faire respecter leurs intérêts légitimes, au cours de l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement;

Reçoit Monsieur et Madame Arthur X... en leur appel, régulier en la forme ;

Rejette l'exception de nullité de la procédure, comme non fondée ;

Sur le principal, dit les appels bien fondés ;

Infirme le jugement entrepris (n° 93F1249) en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation du contrat de location en date du 18 novembre 1986 entre la société LOVECO et Madame X..., ainsi que du contrat accessoire signé par Monsieur Arthur X..., en sa qualité de caution dudit contrat de location ;

Décharge les époux X... de toute condamnation à l'égard de la société LOVECO, dûment représentée ;

Donne acte aux époux X... qu'ils n'ont jamais perçu la somme de 150.000 francs résultant de l'instance pénale contre le gérant de la Sarl HJS INTERNATIONA L;

Condamne la société LOVECO, dûment représentée, à verser la somme de 20.000 francs aux époux X... au titre de l'article 700 du NCPC, pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires, comme irrecevables, mal fondées sinon devenues sans objet;

Condamne la société LOVECO aux entiers dépens de première instance et

d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP LISSARRAGUE etamp; DUPUIS, titulaire d'une office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE Y...

M. LE B...

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-7276
Date de la décision : 04/06/1998

Analyses

BAIL (règles générales) - Bailleur - Obligations - Délivrance

La clause du contrat de location aux termes de laquelle le bailleur transfère au preneur " tous droits et actions contre le fournisseur " n'est pas opposable au locataire qui poursuit l'annulation du contrat de location, sauf à dispenser le bailleur de l'obligation essentielle qui lui incombe de mettre à disposition de son locataire le matériel convenu et de lui en assurer une jouissance sans trouble.


Références :

Code civil, article 1134

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-06-04;1994.7276 ?
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