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29/05/1998 | FRANCE | N°1996-4541

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 mai 1998, 1996-4541


Par acte sous seing privé en date du 29 août 1989, la SCI SAINTE LUCIE a donné à bail à Monsieur X... et Mademoiselle Y... un appartement et un parking, sis 33, allée Sainte-Lucie à ISSY-LES-MOULINEAUX, moyennant un loyer mensuel de 3.520 francs pour l'appartement et de 330 francs pour le parking, pour une durée de six ans à compter du 1er septembre 1989, les deux locataires s'engageant solidairement.

Par acte en date du 27 juillet 1995, la SCI SAINTE LUCIE a fait assigner Monsieur X... et Mademoiselle Y... devant le Tribunal d'Instance de VANVES aux fins d'obtenir, avec bénÃ

©fice de l'exécution provisoire :

- la fixation du montant des ...

Par acte sous seing privé en date du 29 août 1989, la SCI SAINTE LUCIE a donné à bail à Monsieur X... et Mademoiselle Y... un appartement et un parking, sis 33, allée Sainte-Lucie à ISSY-LES-MOULINEAUX, moyennant un loyer mensuel de 3.520 francs pour l'appartement et de 330 francs pour le parking, pour une durée de six ans à compter du 1er septembre 1989, les deux locataires s'engageant solidairement.

Par acte en date du 27 juillet 1995, la SCI SAINTE LUCIE a fait assigner Monsieur X... et Mademoiselle Y... devant le Tribunal d'Instance de VANVES aux fins d'obtenir, avec bénéfice de l'exécution provisoire :

- la fixation du montant des loyers renouvelés aux sommes indiquées dans la proposition de renouvellement du bail, notifiée aux locataires par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 février 1995,

- le versement de la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... a répliqué que la procédure engagée par la bailleresse était irrégulière au motif que celle-ci n'avait pas pris soin d'adresser deux courriers recommandés à chacun des locataires pour leur signifier une augmentation de loyer à l'échéance du bail.

Il a, en outre, sollicité la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 2.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Mademoiselle Y..., régulièrement assignée en mairie, n'a pas comparu et ne s'est pas faite représenter.

Par jugement réputé contradictoire en date du 5 octobre 1995, le Tribunal d'Instance de VANVES a rendu la décision suivante :

- déclare la proposition de renouvellement du bail avec augmentation de loyer datée du 24 février 1995, adressée par la SCI SAINTE LUCIE à

ses locataires, inopposable à Monsieur X... et à Mademoiselle Y... et, en conséquence, irrecevable la demande en fixation de loyer de la SCI SAINTE LUCIE,

- condamne la SCI SAINTE LUCIE à payer à Monsieur X... la somme de 1.000.00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamne la SCI SAINTE LUCIE aux dépens,

Le 2 avril 1996, la SCI SAINTE LUCIE a interjeté appel. Elle fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'adresser une proposition de renouvellement de bail, assortie d'une augmentation de loyer, par voie de deux lettres recommandées séparées à chacun des locataires dès lors que ces derniers ne sont par mariés, la notification de cette proposition à l'un étant opposable à l'autre. Elle conclut donc à la régularité de la procédure.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :

- infirmer la décision entreprise,

- dire et juger que la procédure de notification de la proposition d'un nouveau loyer est régulière,

- dire et juger qu'elle est fondée,

- fixer le nouveau loyer aux prix sus-indiqués,

- condamner Monsieur X... et Mademoiselle Y... au paiement de la somme de 10.000 francs HT en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés directement par la SCP KEIME ET GUTTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Mademoiselle Y... et Monsieur X... répliquent qu'en cas de cotitularité, légale ou conventionnelle, du bail, toute modification

des termes du contrat, en particulier la proposition de renouvellement, doit être notifiée à chacun des locataires, à peine d'irrecevabilité ; qu'en l'espèce, la SCI n'a pas respecté ces prescriptions et ne peut, dès lors, être accueillie en son appel.

Ils ajoutent, à titre subsidiaire, que, contrairement aux allégations de l'appelante, le loyer initial n'est nullement sous-évalué dans la mesure où la bailleresse a bénéficié d'un programme de financement à 50 % pris en charge par des entreprises et a ainsi perçu une dotation mensuelle de 2.592.59 francs venant s'imputer sur le montant du loyer.

Ils sollicitent enfin l'allocation d'une somme 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de :

- déclarer irrecevable, en tout cas mal fondé, l'appel interjeté par la SCI SAINTE LUCIE ; l'en débouter,

- confirmer, en conséquence, la décision entreprise, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la SCI SAINTE LUCIE à porter et payer aux concluants la somme de 7000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- condamner la SCI SAINTE LUCIE, en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P LISSARRAGUE DUPUIS etamp; ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCI SAINTE LUCIE réplique que, contrairement à ce que prétendent les intimés, dans leurs conclusions, elle n'a nullement l'obligation d'inclure dans le montant du loyer initial la somme correspondant à

la dotation mensuelle dont elle a bénéficié et qu'elle pratique, dès lors, des loyers sous-évalués.

Par conséquent elle demande à la Cour de :

- adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures,

- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- statuer ainsi que précédemment requis en ce qui concerne les dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 2 avril 1998 et l'affaire plaidée pour l'appelante à l'audience du 30 avril 1998.

SUR CE, LA COUR,

I) Considérant qu'il est constant, en l'espèce, que Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont tous les deux signé le contrat de bail du 28 août 1989, en tant que locataires, et qu'ils sont donc tous les deux titulaires de ce droit au bail et de plus, copreneurs solidaires ;

Considérant qu'en droit, s'agissant ici de deux locataires qui ne sont pas mariés et auxquels donc ne s'appliquent pas les dispositions de l'article 1751 du Code Civil - ce qui aurait exigé l'envoi de deux lettres distinctes de notification - la SCI bailleresse pouvait valablement ne procéder qu'à la notification de sa proposition à un seul de ses deux locataires solidaires, cette notification étant alors apposable à l'autre locataire ; que la référence faite par les intimés aux dispositions des articles 669 et 670 du Nouveau Code de Procédure Civile est inopérante puisqu'il est constant que cette lettre recommandée avec accusé de réception a été reçue par les deux intéressés ; qu'il est constant que la SCI a procédé à sa notification de renouvellement avec un nouveau loyer, par voie d'une lettre recommandée avec accusé de réception, adressée le 24 février 1995, à Monsieur X... et Mademoiselle Y... qui ne contestent

d'ailleurs pas expressément avoir, tous les deux, eu connaissance de la teneur de ce courrier ; que de plus s'agissant ici, éventuellement d'une irrégularité de forme - au sens des articles 112 à 116 du Nouveau Code de Procédure Civile - les deux intimés n'ont jamais explicité, ni démontré le grief que leur aurait causé cette prétendue irrégularité (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile) ; qu'ils sont donc déboutés de leur demande en nullité de cette lettre de notification de proposition et que le jugement est infirmé sur ce point ;

II) Considérant, au fond, qu'en vertu des articles 17)c) et 19 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989 (et en vertu du décret n° 90 - 780 du 31 août 1990), cette lettre de notification de proposition d'un nouveau loyer doit se référer à des loyers qui sont représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables situés, soit dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupe d'immeubles, comportant des caractéristiques similaires et situé dans la même zone géographique ;

Considérant que la lettre de notification de proposition comportait une liste de six références de loyers mais qui relèvent tous, du secteur libre, alors qu'ici, il est constant que le loyer dont s'agit concerne un immeuble dit "P.L.I." (loyer intermédiaire) dont le loyer plafond avait été par convention fixé à 68 francs le m ; que le loyer nouveau augmenté, proposé, se réfère, lui, à des loyers libres qui peuvent, quant à eux, s'établir à une moyenne de 80 francs le m ; qu'il est démontré que la SCI SAINTE LUCIE a bénéficié d'une convention par laquelle ce logement (compris dans une opération concernant 61 logements) a été affecté au secteur locatif intermédiaire (cette convention étant régie par l'article R.313-31-13° du code de la construction et de l'habitation (C.C.H),

lequel renvoie aux dispositions de l'article R.313-17-I-2°)d) dudit code qui régissent la catégorie intermédiaire des logements loués et, qui fixent notamment les montants maximaux de loyer) ;

Considérant que, les seules six références citées qui ont toutes trait au secteur libre de loyers ne sont donc pas significatives et ne correspondent pas aux exigences du décret n° 90-780 du 31 août 1990 ; qu'elles ne peuvent donc être retenues, même si par ailleurs, il est possible que le nouveau loyer augmenté, réclamé, ne dépasse pas les 68 francs le m ci-dessus précisé ; que la SCI appelante est, par conséquent, déboutée de sa demande d'augmentation de loyer et de toutes ses autres demandes ;

III) Considérant que compte tenu de l'équité, la SCI appelante est condamnée à payer aux intimés la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement et contradictoirement et en dernier ressort :

I) - DECLARE régulier l'acte de notification d'augmentation de loyer; II) Mais au fond :

VU le décret n° 90-780 du 31 décembre 1990 :

VU l'article R.313-31-13° du Code de la Construction et de l'Habitation :

- DEBOUTE la SCI SAINTE LUCIE de sa demande de nouveau loyer augmenté ; LA DEBOUTE de toutes ses autres demandes ;

III) - CONDAMNE la SCI appelante à payer aux intimés la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- CONDAMNE l'appelante à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS etamp; ASSOCIES, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-4541
Date de la décision : 29/05/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Prix - Fixation - Bail renouvelé - Proposition de loyer - Notification.

Dès lors que les dispositions de l'article 1751 du Code civil ne sont pas applicables à des locataires non mariés, c'est valablement qu'un propriétaire notifie par une seule lettre recommandée adressée aux co-preneurs solidaires une proposition de renouvellement de bail assortie d'une réévaluation du loyer

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Prix - Fixation - Bail renouvelé - Proposition de loyer - Eléments de référence.

Il résulte des dispositions des articles 17 c et 19 de la loi du 6 juillet 1989 (et en vertu du décret 90-780 du 31 août 1990), que la lettre de notification de proposition d'un nouveau loyer doit se référer à des loyers représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables situés, soit dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupes d'immeubles, comportant des caractéristiques similaires et situé dans la même zone géographique.Lorsque le loyer dont la réévaluation est proposée concerne un immeuble appartenant au secteur conventionné, la production de loyers de références pris uniquement dans le secteur libre ne satisfait pas aux exigences du décret précité du 31 août 1990, quand bien même le loyer objet de la proposition ne dépasserait pas le seuil maximum fixé par la convention


Références :

Code civil, article 1751
Loi du 6 juillet 1989, articles 17 c, 19

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-29;1996.4541 ?
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