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29/05/1998 | FRANCE | N°1996-4134

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 mai 1998, 1996-4134


Suivant exploit en date du 3 mars 1992, Madame X..., née Y..., a fait assigner Monsieur Z... aux fins d'obtenir la désignation d'un expert chargé de procéder au bornage des propriétés respectives, la condamnation de Monsieur Z..., sous astreinte de 500,00 francs par jour à compter de la signification du jugement, à abattre tous les arbres ne répondant pas aux prescriptions du Code Civil et se trouvant sur son fonds, et à supprimer, sous la même astreinte, la vue directe issue de sa terrasse et celle résultant de 3 fenêtres de sa maison, avec exécution provisoire. Elle a égalemen

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Suivant exploit en date du 3 mars 1992, Madame X..., née Y..., a fait assigner Monsieur Z... aux fins d'obtenir la désignation d'un expert chargé de procéder au bornage des propriétés respectives, la condamnation de Monsieur Z..., sous astreinte de 500,00 francs par jour à compter de la signification du jugement, à abattre tous les arbres ne répondant pas aux prescriptions du Code Civil et se trouvant sur son fonds, et à supprimer, sous la même astreinte, la vue directe issue de sa terrasse et celle résultant de 3 fenêtres de sa maison, avec exécution provisoire. Elle a également sollicité le versement de la somme de 5.000,00 francs à titre de dommages-intérêts et de celle de 5.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z... a demandé reconventionnellement le bénéfice de la prescription trentenaire concernant la limite séparative de propriété, la démolition du baraquement édifié par la demanderesse en limite de propriété, sans autorisation administrative et en méconnaissance du plan d'occupation des sols, et ce sous astreinte de 500,00 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement, ainsi que sa condamnation à élaguer ses arbres et à verser, outre la somme de 5.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, 20.000,00 francs à titre de dommages-intérêts avec exécution provisoire.

Par jugement avant dire droit en date du 3 novembre 1992, le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET a désigné Maître A..., expert-géomètre, aux fins de bornage.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 9 mai 1995, le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET a rendu la décision suivante :

- dit que la limite séparative des fonds Y... et Z... est une ligne droite allant du pieu de façade au pieu du fonds de

propriété, englobant le chêne litigieux dans la propriété Y...,

- renvoie l'expert à poser les bornes,

- constate que les arbres se trouvant sur chaque fonds de part et d'autre de la limite séparative et à moins de deux mètres sont plus que trentenaires,

- dit qu'ils ne pourront être abattus sans l'autorisation expresse de leur propriétaire,

- condamne chacune des parties, sous astreinte de 200 Francs par jour de retard et dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, à faire procéder à l'élagage des branches surplombant les fonds respectifs,

- constate que les vues de l'immeuble Z... surplombant le fonds Y... sont à moins de 19 décimètres du fonds voisin,

- dit que la prescription trentenaire du baraquement construit sur le fonds Y... n'est pas avérée,

- donne acte à Madame Y... de sa proposition de faire procéder à son déplacement,

- dit que celui-ci devra être entrepris dans le délai d'un mois à compter de la date de signification du présent jugement, sous astreinte de 500,00 francs par jour de retard, que passe un autre délai d'un mois, Monsieur Z... sera bien fondé à en demander la démolition sous la même astreinte,

- déboute Madame Y... de sa demande de dommages-intérêts,

- déboute Monsieur Z... de sa demande reconventionnelle,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamne les parties aux dépens, pour être partagés par moitié, en ce compris les frais d'expertise.

Le 12 avril 1996, Monsieur Z... a interjeté appel. D'une part, il fait grief au jugement entrepris d'avoir décidé que le chêne, sis en limite des deux propriétés, faisant partie du fonds dont Madame Y... est propriétaire alors que la famille Z..., qui s'est toujours comportée comme seul et unique propriétaire de l'arbre, l'a toujours possédé sur son fonds et a procédé régulièrement à son élagage. Il ajoute que Madame Y..., dans son assignation, a implicitement reconnu que le chêne appartenait à son voisin.

D'autre part, il conteste la détermination de la limite séparative des propriétés telle qu'elle ressort du jugement entrepris, faisant valoir que, compte tenu des erreurs et contradictions entachant les actes notariés successifs de vente, il convient de se fonder, pour procéder à une délimitation exacte des fonds voisins, sur les éléments cadastraux.

Par conséquent, il demande à la Cour de :

- le recevant en son appel,

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- dire et juger que le chêne plus que trentenaire est situé dans sa propriété,

- dire et juger que la limite séparative des deux fonds doit être fixée par référence au cadastre,

- débouter Madame X... née Y... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- s'entendre condamner Madame X... née Y... à lui payer la somme de 8.000,00 francs en application des dispositions prévues par l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... réplique que, contrairement à ses allégations, Monsieur Z... n'a jamais procédé à l'entretien du chêne dont il se prétend propriétaire ; qu'il lui appartient d'élaguer les branches dudit chêne, et non à l'intimée.

Elle ajoute que le baraquement, qui est trentenaire et dont l'extension a été régulièrement autorisée, ne peut être démoli.

Enfin, elle sollicite l'allocation d'une somme de 20.000,00 francs à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 20.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :

Vu le rapport d'expertise de Monsieur A...,

Vu l'article 646, 672, 673, 712 et 2265 du Code Civil,

- débouter Monsieur Z... de son appel et l'y déclarer mal fondé,

Et la recevant en son appel incident,

- infirmer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- dire que les arbres litigieux sont trentenaires et ne peuvent être arrachés,

- condamner Monsieur Z... sous astreinte de 200,00 francs par jour de retard et dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à faire procéder à l'élagage des branches surplombant son fonds,

- dire que le baraquement de son fonds est trentenaire et que son extension a été légalement autorisée,

- constater que sa démolition ne peut être ordonnée,

- condamner Monsieur Z... à porter et lui payer une somme de 20.000,00 francs à titre de dommages et intérêts,

- confirmer pour le surplus le jugement déféré pour ce qui concerne la limite séparative des fonds et les vues, et la demande en dommages

et intérêts de Monsieur Z...,

- condamner Monsieur Z... à lui verser 20.000,00 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le condamner également en tous les dépens, y compris les frais d'expertise, dont le règlement pourra être effectué par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 2 avril 1998, jour des plaidoiries, et l'affaire plaidée à cette date. SUR CE, LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article 282 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'expert judiciaire dépose "un rapport" et que, même s'il y a plusieurs experts, "un seul rapport" est rédigé ; que dans le présent litige, l'expert judiciaire Monsieur A... a :

- suivant une certaine pratique qui a pu être suivie par certains experts - rédigé d'abord un "pré-rapport" , et qu'il a ensuite déposé un rapport dit "définitif" ; que seul ce dernier constitue le rapport prévu par l'article 282 du Nouveau Code de Procédure Civile et qu'il est donc le seul document que la Cour retiendra ;

Considérant que ce rapport définitif répond à toutes les questions posées à l'expert et que ce technicien a répondu strictement aux observations et réclamations des parties - et particulièrement à celles de Monsieur Z... - formulées sous la forme de "dires" qui ont été annexés au rapport ;

I) - Considérant que l'argumentation de l'appelant relative à une prétendue "erreur" dans les superficies et le mesurage indiqués par l'expert dans son pré-rapport ne sera pas davantage analysée puisque ces données ne figurent que dans le pré-rapport que la Cour écarte pour ne prendre en considération que le rapport dit définitif ;

Considérant que l'appelant insiste sur les indications du cadastre,

mais qu'il est de droit constant que celles-ci ne constituent que de simples présomptions et que de plus, en la présente espèce, l'expert judiciaire a minutieusement et exactement analysé les titres des parties (pages 6 à 14 du rapport), et qu'il en est de même pour les plans fournis par les parties (pages 15 et 16 du rapport) ; que l'ensemble de ces documents, non ambigus ni contradictoires, a donc permis à l'expert judiciaire de déterminer la ligne séparative à appliquer et que le technicien, à bon droit, a rappelé dans sa note n°1 du 5 mars 1993, que :

"Les références cadastrales sont la désignation d'une possession fiscale, alors que nous sommes intéressés par la désignation en propriété d'un bien immeuble" ; (page 21 du rapport) ;

Considérant qu'il sera en outre souligné que le travail de l'expert a été facilité par l'existence d'une délimitation qui avait été reconnue par Monsieur Z... et par les parents de Madame Y... (épouse X...) et qui avait été matérialisée par deux repères, l'un sur la rue des PATIS et l'autre, en fond de propriété Nord-est ; que l'expert a donc pu, retenir que la masse générale des biens des deux parties étaient parfaitement définie (page 23 du rapport) ;

Considérant que devant la Cour, l'appelant reprend la plupart des moyens qu'il avait déjà soumis au débat contradictoire devant l'expert et auquel celui-ci a expressément répondu ; qu'il n'est donc pas fondé à prétendre encore qu'il y aurait eu, selon lui, de prétendues "erreurs" faites dans les actes notariés sur les contenances et que la Cour rejette donc ses critiques non fondées ni justifiées qui se réfèrent à un prétendu "caractère obscur et contradictoire" des titres qu'il allègue, alors que l'expert, saisi de tous ces titres, plans et références cadastrales a pu exactement proposer une ligne séparative (pages 25 et 44 du rapport) ;

Considérant que c'est par conséquent à bon droit que le premier Juge

a dit et jugé que la ligne séparative des deux fonds est une ligne droite allant du pieu de façade au pieu du fond de propriété ; que le jugement déféré est donc confirmé de ce chef ; que cependant le sort du chêne dont la propriété est revendiquée par Monsieur Z... est ci-après fixé ;

II) - Considérant, donc en ce qui concerne ce chêne, qu'il sera d'abord souligné que Madame Y..., elle-même, indiquait dans son assignation du 3 mars 1992 que les branches de ce chêne débordaient largement sur sa propriété, et ce sur une largueur de 4 mètres, et que de plus, ses racines débordaient sur sa propriété, ce qui lui causait un préjudice ;

Considérant, par ailleurs, que Madame Y... ne fait état d'aucun travail d'entretien de sa part - et notamment d'aucun élagage de cet arbre - et que, devant l'expert judiciaire, elle n'a déposé aucun "dire" ni formulé aucun moyen ni aucune demande expresse au sujet de ce chêne ;

Considérant que Monsieur Z..., au contraire, fait utilement valoir l'ancien propriétaire de l'actuel fonds Y... (Monsieur B...) avait édifié, au cours des années 1970, une clôture en limite séparative et qu'il avait pris le soin de la poser en dessinant un coude rentrant sur son fonds pour laisser ce chêne, hors de sa propriété ; qu'il est patent que ce propriétaire a ainsi clairement et en toute connaissance de cause, indiqué qu'il reconnaissait que cet arbre n'était pas sa propriété et qu'il n'était pas sur son fonds ;

Considérant, en outre, que l'appelant démontre que son père (décédé en 1976) élaguait déjà ce chêne et l'huissier Maître LE HONSEC a pu, le 15 septembre 1997, constater que cet arbre avait des branches qui ne se trouvait que sur le fonds Z... ; que de plus, les nombreuses attestations concordantes, produites par l'appelant -et

qui ne sont pas expressément discutées ni critiquées par Madame Y... démontrent que Monsieur Z... et ses parents ont depuis les années 1950, au moins, eu la possession véritable et sans vice de ce chêne ;

Considérant que Monsieur Z... est donc fondé à se prévaloir si besoin est, de la prescription acquisitive, et que la Cour, réformant le jugement déféré, sur ce point, dit et juge que ce chêne est la propriété de l'appelant ;

III) - Considérant en ce qui concerne l'appel incident de Madame Y... épouse X..., que celle-ci argumente au sujet de la démolition du baraquement, alors que Monsieur Z... n'a formulé aucun moyen ni aucune demande, en appel, au sujet de cette construction dont la démolition n'a d'ailleurs pas été ordonnée à titre principal par le Tribunal ; que c'est à bon droit que le premier Juge a par une motivation que la Cour adopte, et en tenant un exact compte des conclusions pertinentes de l'expert, donne acte à Madame Y... de ce que celle-ci acceptait de faire procéder au déplacement de ce baraquement ; que le jugement est donc confirmé de ce chef et qu'il est également confirmé en ses justes dispositions ayant fixé une astreinte pour ce faire ;

Considérant que rien ne démontre que Monsieur Z... aurait "abusivement" comme le prétend Madame Y... - refusé le bornage amiable qui avait été proposé par le géomètre-expert Monsieur C... ; que la multiplicité et la réalité des difficultés qui opposaient les deux parties ne permettait pas d'aboutir à un tel bornage amiable et qu'il était donc légitime que l'ensemble de ce litige soit tranché judiciairement ; que Madame Y... est donc déboutée de sa demande de 20.000,00 francs de dommages-intérêts de ce chef ;

Considérant par ailleurs que les justes dispositions du jugement - non expressément ni sérieusement critiquées par l'intimée - relatives

à l'élagage par les deux parties (sous astreinte) de leurs arbres, sont entièrement confirmées ;

IV) Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, les deux parties sont déboutées de leurs demandes respectives en paiement de sommes, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :

VU le rapport dit "définitif" de l'expert judiciaire Monsieur A..., du 28 octobre 1993 :

I)

- CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la ligne séparative des deux fonds est une ligne droite allant du pieu de façade au pieu du fond de propriété ; II)

- REFORMANT sur la propriété du chêne :

DIT et JUGE que ce chêne est la propriété de Monsieur Z..., III)

- Sur l'appel incident de Madame Y... épouse X... :

- CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions concernant le baraquement et à l'élagage des arbres,

- CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions non critiquées et non contraires aux présentes,

- DEBOUTE l'intimée de sa demande en paiement de 20.000,00 francs (VINGT MILLE FRANCS) de dommages-intérêts, IV)

- DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives au paiement des sommes, fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- FAIT MASSE de tous les dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié, et qui seront recouvrés contre les deux parties, dans cette proportion, par la SCP d'Avoués FIEVET-ROCHETTE-LAFON et par la SCP d'Avoués, LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN,

conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT Marie-Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-4134
Date de la décision : 29/05/1998

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Rapport de l'expert

Aux termes de l'article 282 du nouveau Code de procédure civile l'expert " doit déposer un rapport " et " il n'est rédigé qu'un seul rapport, même s'il y a plusieurs experts ;... ".Si dans la pratique un " pré-rapport " peut précéder le dépôt du rapport dit " définitif ", seul ce dernier constitue un " rapport " au sens de l'article 282 du code précité. En l'espèce, il n'y a pas lieu d'analyser les moyens d'un appelant relatifs à un pré-rapport, seul le rapport définitif devant être pris en considération par la Cour


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), article 282

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-29;1996.4134 ?
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