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29/05/1998 | FRANCE | N°1990-9732

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 mai 1998, 1990-9732


Selon offre préalable de crédit acceptée le 7 mars 1987, la Société "LE PRET" a consenti à Monsieur X... un crédit de 70.000 francs remboursable en 60 mensualités de 1.843,52 francs en vue de l'acquisition d'un véhicule Citroên Visa auprès du garage BELLE VUE à SAINT SEVER.

Le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CALVADOS (ci-dessous appelé la CRCAM) s'est porté caution solidaire de Monsieur X... en garantie de ce prêt.

Monsieur X... ayant cessé ses remboursements, la Ssociété LE PRET a adressé à la CRCAM, le 26 août 1987, un décompte valant quittance subrogative pou

r un montant de 78.444,23 francs que celle-ci a réglé. Le véhicule a été vendu au...

Selon offre préalable de crédit acceptée le 7 mars 1987, la Société "LE PRET" a consenti à Monsieur X... un crédit de 70.000 francs remboursable en 60 mensualités de 1.843,52 francs en vue de l'acquisition d'un véhicule Citroên Visa auprès du garage BELLE VUE à SAINT SEVER.

Le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CALVADOS (ci-dessous appelé la CRCAM) s'est porté caution solidaire de Monsieur X... en garantie de ce prêt.

Monsieur X... ayant cessé ses remboursements, la Ssociété LE PRET a adressé à la CRCAM, le 26 août 1987, un décompte valant quittance subrogative pour un montant de 78.444,23 francs que celle-ci a réglé. Le véhicule a été vendu au prix de 21.211,20 francs à l'initiative de la CRCAM qui a vainement sollicité auprès de Monsieur X... le règlement des sommes restant à sa charge.

Par acte d'huissier du 1er août 1989, la CRCAM a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE en paiement de la somme de 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, d'une somme de 5.000 francs de dommages-intérêts et d'une somme de 4.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire du 24 août 1990, le Tribunal d'instance a prononcé la nullité de l'offre préalable de prêt souscrit par Monsieur X..., débouté les parties de toutes autres demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et enfin, condamné la CRCAM au

paiement d'une somme de 2.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.

La CRCAM, appelante, demande à la Cour de : - constater que Monsieur X... n'a pas rapporté la preuve de l'altération de ses facultés mentales, - déclarer valable l'offre préalable de prêt dont il s'agit, et de condamner, en conséquence, Monsieur X... à lui verser la somme de 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, celle de 5.000 francs de dommages-intérêts et celle de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - débouter Monsieur X... de sa demande subsidiaire en non-paiement des intérêts de retard, Subsidiairement, de condamner Monsieur X... à rembourser la somme qu'il a empruntée pour acquérir le véhicule à la CRCAM, après décution des sommes versées par lui au titre du prêt et du prix de renvente du véhicule avec intérêts de droit à compter de ce jour.

Monsieur X..., intimé et appelant incident, conclut au rejet des demandes et à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la somme allouée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Prcoédure Civile. Il sollicite de ce chef une somme de 3.000 francs, outre subsidiairement, l'octroi de délais de paiement, en application de l'article 1244-1 du Code Civil.

Par arrêt avant-dire-droit en date du 19 février 1993, la Cour de céans a ordonné une expertise médicale aux fins de recueillir tous renseignements permettant de dire si le handicap de Monsieur X... lui a permis ou non de réaliser la portée de ses engagements lors de l'acte de prêt litigieux.

Les experts ont déposé leur rapport le 21 mars 1995.

Le Conseiller de la mise en état a enjoint aux parties de conclure par conclusions récapitulatives (article 954 du Nouveau Code de Procédure Civile).

La CRCAM a conclu en faisant valoir que Monsieur X... était un habitué du garage JOSSE auprès duquel il avait déjà acquis un véhicule au moyen d'un emprunt, ce qui établit le fait qu'il connaissait déjà les rouages de la vente à crédit.

Elle souligne que la famille de Monsieur X..., qui connait le handicap dont il est atteint, n'a pas jugé utile de le placer sous un régime de protection et rappelle que, dans un premier temps, Monsieur X..., qui avait consulté un conseiller juridique, avait fait savoir qu'il entendait bien sûr s'acquitter de sa dette, mais raisonnablement.

La CRCAM met en relief les conclusions des experts selon lesquelles Monsieur X... ne présente aucune anomalie portant atteinte à sa capacité de s'orienter dans la vie quotidienne et estimant que son handicap ne tient pas à une lésion de ses facultés mentales. Elle souligne qu'il n'est au demeurant, pas exclu par les experts eux-mêmes, que dans certaines circonstances, Monsieur X... puisse tenter de tirer quelque bénéfice de sa surdité.

Aussi demande-t-elle condamnation de celui-ci à lui payer 72.980,64 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1988, 5.000 francs de dommages-intérêts et 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La CRCAM s'oppose à ce que Monsieur X... se voie déchargé des intérêts de retard et souligne, subsidiairement, que si le contrat de prêt devait être déclaré nul, Monsieur X... n'en devrait pas moins rembourser la somme qui lui avait été prêtée, déduction faite du prix de revente du véhicule et des sommes déjà versées. Il lui appartiendrait éventuellement, ensuite, d'agir en garantie contre son vendeur.

Monsieur X... fait valoir que le handicap dont il est atteint consiste en une surdité profonde qui rend particulièrement difficile sa communication avec les tiers, constitue un obstacle dans son appréhension des choses de la vie courante, et l'expose à de fréquents risques d'être trompé.

Il souligne que les experts relèvent qu'il n'accède pas au sens des phrases un tant soit peu complexes et n'a aucune compréhension d'un texte écrit, dès lors, que celui-ci atteint un certain degré de complexité dans le vocabulaire ou la syntaxe.

Il estime que, dans ces conditions, il n'a pas saisi le sens des contrats de vente et de prêt qu'ils a signés et demande à la Cour de dire nul le contrat de prêt.

Subsidiairement, sur les intérêts de retard, Monsieur X... demande à en être déchargé et sollicite des délais de paiement. Il demande, enfin, condamnation de la CRCAM à lui payer la somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par arrêt avant-dire-droit contradictoire en date du 20 septembre 1996, la Cour de céans a rendu la décision suivante : - confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de prêt, - réouvre les débats et ordonne la communication de la cause au Ministère Public afin de lui permettre d'avoir connaissance de la situation de Monsieur X..., Avant-dire-droit sur les conséquences de la nullité du contrat de prêt, invite les parties à conclure par conclusions récapitulatives, Monsieur X... en faisant connaître par quel(s) moyen(s) juridique(s) il s'oppose à ce que toute condamnation soit prononcée contre lui, la CRCAM en faisant connaître le montant de la condamnation qu'elle sollicite contre Monsieur X... et invite cette partie à produire un décompte faisant apparaître le capital versé à Monsieur X..., le montant des paiements faits par lui, en opérant une distinction entre capital et intérêts et éventuellement assurance, et des sommes provenant de la vente du véhicule, - condamne la CRCAM aux paiements des frais d'expertise.

Monsieur X..., intimé, fait valoir que la CRCAM est privée de son recours en paiement contre lui, d'une part, en application de l'article 2031 du Code civil, puisqu'elle a payé le créancier sans avoir été préalablement poursuivie et sans voir averti le débiteur principal, ce au mépris de son obligation d'information à laquelle elle a, d'ailleurs, en refusant de répondre aux demandes d'explications de ce dernier, continué de manquer, et, d'autre part, au motif qu'il lui appartenait d'opposer au créancier, la Société LE PRET, l'exception de nullité tirée de l'examen du contrat de prêt, lequel avait été, conformément aux prescriptions de la loi du 10 janvier 1978, porté à sa connaissance.

Monsieur X... soutient qu'en tout état de cause, il est fondé à

opposer à la CRCAM, subrogée dans les droits du créancier, l'exception tirée de la nullité du prêt et, partant, à solliciter la restitution de la somme de 21.211,20 francs, produit de la vente du véhicule acquis au moyen du prêt litigieux .

Il ajoute, à titre subsidiaire, que la CRCAM a fait saisir le véhicule qu'il avait pourtant acquis en pleine propriété, en application d'une ordonnance nulle, faute de mention du nom du juge l'ayant rendue, qu'elle a fait procéder à la vente dudit véhicule pour un prix dérisoire et que, ce faisant, elle a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité civile ; qu'il y a lieu à compensation, en application des articles 1289 et suivants du Code Civil, entre les sommes au paiement desquelles devrait être condamnée la CRCAM au titre de la restitution du prix de vente du véhicule indûment perçu (21.211,20 francs) et de dommages-intérêts (100.000 francs) et celles qui seraient, le cas échéant, mises à la charge de l'intimé par la Cour de céans, au titre du remboursement de la caution.

Très subsidiairement, Monsieur X... soutient qu'il ne saurait être condamné au paiement des intérêts de retard que la CRCAM a, par sa faute, laissés courir.

Il sollicite enfin l'octroi de délais de paiement et le versement de la somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, il demande à la Cour de : - dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la CRCAM DU CALVADOS à l'encontre du jugement rendu le 24 août 1990, En conséquence, - confirmer le jugement en

toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a reconnu qu'une somme de 2.000 francs à payer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - l'infirmer sur ce point, - débouter la CRCAM DU CALVADOS de toutes ses demandes, fins et conclusions, - dire n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., - constater que la CRCAM est déchue de ses recours à l'encontre de Monsieur X..., Subsidiairement, constater que le comportement de la CRAM DU CALVADOS est fautif, - condamner la CRAM DU CALVADOS au paiement d'une indemnité de 100.000 francs au titre de dommages et intérêts, - la condamner à restituer la somme de 21.211,20 francs produit de la vente du véhicule, indûment perçue, - dire n'y avoir lieu à compensation. En conséquence, dire et juger n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X... ; A titre très subsidiaire, - dire que Monsieur X... ne sera pas tenu au paiement des intérêts de retard, - lui accorder les plus larges délais pour apurer sa dette, En tout état de cause, - adjuger de plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, - condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'Appel de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La CRCAM, appelante, réplique que Monsieur X... n'a pas, au mépris des règles élémentaires du Code de la consommation, appelé en la cause le vendeur, la SA GARAGE JOSSE, afin d'obtenir la nullité du contrat de vente accessoire au prêt et qu'il ne peut, de ce fait, être déchargé du paiement du solde du crédit auprès de la caution.

Elle ajoute que Monsieur X... ne saurait être reçu dans sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de la caution dans la mesure où il est, selon l'arrêt avant dire droit de la Cour de céans en date du 20 septembre 1996, "réputé y avoir renoncé".

Elle soutient également qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir opposé au créancier les exceptions tirées de la nullité du contrat de crédit dont elle ignorait l'existence, puisque, d'une part, elle n'a pris réellement connaissance du vice du consentement affectant l'offre de crédit qu'au moyen du rapport d'expertise sollicité par la Cour de céans, et d'autre part les critiques concernant la forme de ladite offre n'ont été formulées par Monsieur X... qu'en cause d'appel.

Elle fait valoir, en outre, que Monsieur X... n'établit aucunement l'existence de fautes à la charge de l'appelante, qu'il a ainsi été parfaitement informé du paiement effectué par la caution auprès de la Société LE PRET en exécution de la convention conclue avec elle en date du 2 septembre 1986 mais qu'il n'a pas néanmoins exposé les exceptions susceptibles d'être opposées à celle-ci, et qu'il n'est alors pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 2031 du Code Civil.

La CRCAM soutient également, concernant la vente du véhicule, que Monsieur X..., qui n'a pas exercé la faculté que l'article 3 du décret n° 78-373 du 17 mars 1978, pris en application de la loi du 10 janvier 1978, met à sa disposition, de proposer un acquéreur offrant un meilleur prix à l'organisme prêteur, ne peut utilement faire grief à l'appelante d'avoir cédé le véhicule à un prix dérisoire ; que, concernant les intérêts, Monsieur X... ne peut valablement opposer

à la caution la déchéance du droit aux intérêts alors qu'il ne l'a pas opposé au créancier.

A titre très subsidiaire, la CRCAM appelle la SA GARAGE JOSSE, vendeur du véhicule au financement duquel le prêt litigieux était destiné, à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, au motif que l'offre préalable de crédit a été remplie par la SA GARAGE JOSSE sans que celle-ci se soit préalablement assurée que Monsieur X... était en mesure d'appréhender la portée exacte de son engagement.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : Vu l'arrêt avant dire droit de la Cour de céans du 20 septembre 1996, A titre principal, - déclarer irrecevable la demande de Monsieur X... tendant à voir retenir la reponsabilité pour faute de la CRCAM du CALVADOS, l'arrêt ayant constaté en page 10 : "il apparaît, qu'en l'état, il est réputé y avoir renoncé" , Vu le décompte réactualisé de la créance de la CRCAM du CALVADOS, - condamner Monsieur X... à payer à la CRCAM du CALVADOS la somme de 82.753,31 francs au titre du crédit, A titre subsidaire, - constater que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve que la CRCAM DU CALVADOS aurait commis une faute lui causant un préjudice, lequel n'est pas constitué puisque Monsieur X... peut toujours engager une action en garantie à l'encontre du vendeur, - constater que Monsieur X... ne démontre pas davantage l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute de la concluante et le préjudice, - dire et juger, en conséquence, infondée sa demande formée à l'encontre de la CRCAM du CALVADOS tendant à obtenir à le garantir des condamnations pécuniaires qui seront prononcées contre lui, - le débouter de toutes ses autres demandes car également infondées et fantaisistes, A titre très subsidiaire, Vu l'article

1383 du Code Civil, Vu l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978, - constater que la Société JOSSE a fait preuve de négligence et de légèreté et commis une faute par abstention en n'informant pas la CRCAM de Monsieur X..., qui n'a donc pas contracté en toute connaissance de cause, - dire et juger que la Société JOSSE est responsable du dommage ainsi causé à la CRCAM dont la responsabilité est recherchée par Monsieur X... qui a obtenu l'annulation du contrat de prêt mais non l'annulation du contrat de vente, - condamner la Société JOSSE à garantir la CRCAM DU CALVADOS subrogée dans les droits de la SA LE PRET de toutes les condamnations qui pouraient être prononcées à son encontre, Pour le surplus, adjuger à la CRCAM du CALVADOS le bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer ce que précédemment requis sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... fait valoir que, concernant son action tendant à être déchargé du paiement du solde du crédit, la Cour de céans, en énonçant qu'il était "réputé y avoir renoncé", n'a pas entendu l'en déclarer irrecevable mais lui a laissé la possibilité d'expliciter ses demandes.;

Il ajoute que la CRCAM ne peut lui faire grief de ne pas l'avoir informée de l'existence des exceptions susceptibles d'être opposées au créancier, alors qu'elle a implicitement reconnu qu'il était inapte à apprécier la porté de ses engagements.

Il soutient enfin que la convention du 2 septembre 1986 dont se prévaut la CRCAM ne saurait en application du principe posé à l'article 1165 du Code civil, produire à son égard aucun effet.

Par conséquent, il demande à la Cour de : - dire et juger mal fondé

l'appel interjeté par la CRCAM DU CALVADOS à l'encontre du jugement rendu le 24 août 1990, En conséquence, - débouter la CRCAM de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a reconnu qu'une somme de 2.000 francs à payer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - l'infirmer sur ce point, - débouter la CRCAM de sa demande en restitution du capital augmenté des intérêts, - dire n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., - constater que la CRCAM est déchue de ses recours à l'encontre de Monsieur X..., Subsidiairement, - constater que le comportement de la CRCAM DU CALVADOS est fautif,

- condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une indemnité de 100.000 francs au titre de dommages et intérêts, - la condamner à restituer la somme de 21.211,20 francs produit de la vente du véhicule, indûment perçue, - dire y avoir lieu à compensation, En conséquence, - dire et juger n'y avoir lieu à prononcer aucune condamnation à l'encontre de Monsieur X..., A titre très subsidiaire, - dire que Monsieur X... ne sera pas tenu au paiement des intérêts de retard, - lui accorder les plus larges délais pour apurer sa dette, En tout état de cause, - adjuger de plus fort au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, - condamner la CRCAM DU CALVADOS au paiement d'une somme de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'Appel de Versailles conformément aux dispositions de l'atricle 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 30 avril 1998, jour de l'audience des plaidoiries et les parties ont fait déposer leurs

dossiers à cette date.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant, en ce qui concerne le premier point de droit faisant l'objet de la réouverture des débats décidée par l'arrêt de cette 1ère chambre 2ème section du 20 septembre 1996 (voir page 10 de la motivation), que Monsieur X..., dans ses conclusions récapitulatives du 3 avril 1998 (article 954 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile), invoque expressément les articles 2012, 2031 et 2036 du Code Civil, en insistant plus particulièrement sur les dispositions de l'article 2031 aliéna 2 ;

Considérant en ce qui concerne l'article 2036 que l'erreur-vice du consentement qui a été retenue par l'arrêt du 20 septembre 1996, au profit de Monsieur X..., seul, compte tenu de ses handicaps physiques graves, constitue manifestement une "exception purement personnelle au débiteur" (au sens de l'article 2036 alinéa 2) et qu'il ne peut donc être reproché à la caution la CRCAM de ne pas avoir opposé au créancier cette exception purement personnelle ; qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à la caution, de ce chef ;

Considérant en ce qui concerne l'article 2031 alinéa 2, également invoqué par Monsieur X..., que ces dispostions ne peuvent jouer que si la caution a payé "sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal", et que, dans la présente espèce, il est patent que la CRCAM a payé à la suite de la mise en demeure que la créancière, la Société "LE PRET", lui avait adressée le 26 août 1987 ; que cette première condition de la poursuite est donc remplie en

faveur de la caution à qui ne peuvent donc être opposées les dispositions de cet article ; que la CRCAM ne peut donc être privée, de ce chef, de son recours subrogatoire contre le débiteur principal Monsieur X..., et qu'il ne peut être reproché à la caution, en l'espèce, de ne pas avoir averti le débiteur de ce paiement ;

Considérant que les circonstances de la cause ne démontrent donc pas que la caution, la CRCAM, se serait rendue coupable de "négligence coupable" sur ces deux points comme le prétend à tort Monsieur X... ;

Considérant qu'en vertu de l'article 2029 du Code Civil, la CRCAM qui a payé la dette de Monsieur X..., se trouve donc subrogée à tous les droits qu'avait la créancière, la Société "LE PRET", contre ce débiteur ;

Mais considérant, qu'en vertu de l'article 1252 du Code civil, il est de droit constant que le débiteur principal peut opposer au subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire ; que dans le présent cas, Monsieur X... est donc en droit d'opposer à la CRCAM, caution subrogée, la nullité du contrat de prêt pour erreur qu'il a expressément invoquée contre son prêteur la société "LE PRET" (et qui a été admise à son profit par l'arrêt du 20 septembre 1996) ; que cette exception est donc valablement opposée à l'appelante qui est par conséquent déboutée de son recours subrogatoire contre Monsieur X... ;

Que la CRCAM du CALVADOS est donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 82.753,31 francs, à ce titre ;

II/ Considérant qu'il est certes constant que Monsieur X... a été défaillant dans le remboursement de son prêt, ce qui a amené la caution la CRCAM du CALVADOS à payer sa dette à la société LE PRET laquelle l'a subrogée en tous ses droits et actions ; que cependant, il demeure que la Cour, dans son précédent arrêt (pages 9 et 10 de sa motivation) a retenu que c'est à tort que la CRCAM avait indiqué, dans sa requête en vue de la saisie-revendication du véhicule litigieux, qu'elle était la propriété exclusive dudit véhicule, alors qu'en réalité, c'est Monsieur X... qui l'avait acquis en pleine propriété ; que, de plus, l'arrêt du 20 septembre 1996 a déjà développé (page 10) les motifs rendant nulle l'ordonnance produite (qui semblerait avoir été établie par le Président du Tribunal de commerce de Versailles) ; qu'il est manifeste que ces fautes engagent la responsabilité de la CRCAM qui a procédé à cette saisie et à cette vente du véhicule dans des conditions irrégulières, et qu'à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice certain et direct ainsi subi par Monsieur X..., de ce chef, cette caisse est condamnée à payer à l'intéressé la somme de 21.211,20 francs à titre de dommages-intérêts ; que par contre, Monsieur X... est débouté de sa demande injustifiée en paiement de 100.000 francs de dommages-intérêts, en plus de ces 21.211,20 francs;

Considérant que le précédent arrêt qui est irrévocablement passé en force de chose jugée, sur ce point, a déjà définitivement jugé que le contrat de prêt était nul et qu'il n'a retenu aucune faute à la charge de Monsieur X... ; que l'appelante n'est donc plus fondée à invoquer, à nouveau l'existence d'une prétendue faute commise par l'intimé, et qu'elle est par conséquent déboutée de sa demande en paiement de 82.753,31 francs de dommages-intérêts;

III/ Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, l'appelante est condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 4.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'elle même est déboutée de sa propre demande en paiement de 10.000 francs de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'arrêt de cette Cour (1ère chambre - 2ème section) du 20 septembre 1996 :

I/ VU les articles 2029 et 1252 du Code civil ;

DEBOUTE la C.R.C.A.M. du CALVADOS de sa demande contre Monsieur Jean Philippe X... en paiement de 82.753,31 francs (QUATRE VINGT DEUX MILLE SEPT CENT CINQUANTE TROIS FRANCS TRENTE ET UN) ;

II/ CONDAMNE la C.R.C.A.M. appelante à payer à Monsieur X... 21.211,20 francs (VINGT ET UN MILLE DEUX CENT ONZE FRANCS VINGT) de dommages-intérêts ;

DEBOUTE Monsieur X... de son autre demande en paiement de 100.000 francs (CENT MILLE FRANCS) de dommages-intérêts ;

DEBOUTE l'appelante de sa demande en paiement de 82.753,31 francs (QUATRE VINGT DEUX MILLE SEPT CENT CINQUANTE TROIS FRANCS TRENTE ET

UN) de dommages-intérêts ;

III/ CONDAMNE l'appelante à payer à Monsieur X... la somme de 4.000 francs (QUATRE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et la déboute de sa propre demande fondée sur ce même article ;

CONDAMNE la CRCAM du CALVADOS à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués FIEVET ROCHETTE LAFON conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1990-9732
Date de la décision : 29/05/1998

Analyses

SUBROGATION - Effets - Effet translatif - Créance - Opposabilité des exceptions

Il résulte de la combinaison des articles 2029 et 1252 du Code civil que, si la caution, lorsqu'elle règle la dette du débiteur, se trouve subrogée dans tous les droits du créancier, le débiteur principal peut opposer au subrogé toutes les exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer contre le créancier originaire. Un débiteur qui a expressément invoqué contre son prêteur la nullité du contrat du prêt, en l'occurrence admise, oppose valablement l'exception de nullité de son engagement à la caution exerçant un recours subrogatoire


Références :

Code civil, articles 1252 et 2029

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-29;1990.9732 ?
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