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28/05/1998 | FRANCE | N°1997-7958

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 mai 1998, 1997-7958


Par actes en date des 3, 6 et 7 janvier 1997, la société STERLING INTERNATIONAL a fait assigner les sociétés SOFREAVIA SERVICE, SEGAP, la chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS devant le tribunal de commerce de NANTERRE pour obtenir condamnation in solidum de ces parties à lui payer 44.168.000 francs avec, en ce qui concerne SEGAP, intérêts au taux légal à compter de l'assignation ou, à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés SEGAP, SOFREAVIA SERVICE, la CCI de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS à lui payer 28.351.000 francs au

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Par actes en date des 3, 6 et 7 janvier 1997, la société STERLING INTERNATIONAL a fait assigner les sociétés SOFREAVIA SERVICE, SEGAP, la chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS devant le tribunal de commerce de NANTERRE pour obtenir condamnation in solidum de ces parties à lui payer 44.168.000 francs avec, en ce qui concerne SEGAP, intérêts au taux légal à compter de l'assignation ou, à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés SEGAP, SOFREAVIA SERVICE, la CCI de MARSEILLE et Messieurs X... et AUBAS à lui payer 28.351.000 francs aux lieu et place de la participation promise dans AERIA avec, en ce qui concerne la société SEGAP, intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de condamner la société SEGAP à lui payer 2.160.000 dollars américains ou la contre-valeur en francs français. La société STERLING INTERNATIONAL demandait, en tout état de cause, condamnation in solidum de la société SEGAP, SOFREAVIA SERVICE, de la CCI de MARSEILLE et de Messieurs X... et AUBAS à lui payer la somme de 2.000.000 francs de réparation du préjudice de réputation subi et que soit ordonnée la publication du dispositif du jugement à intervenir. La société STERLING INTERNATIONAL faisait valoir qu'à partir de 1992, elle avait été amenée à effectuer diverses recherches pour les sociétés SOFREAVIA-SERVICE, SEGAP et l'aéroport international MARSEILLE PROVENCE pour identifier et évaluer les opportunités liées aux projets de privatisation de la gestion des aéroports dans diverses régions du monde, ainsi que les possibilités de financement de ces projets dans le cadre des programmes de la Banque Mondiale.

L'un de ces projets (Aéroport international Felix Houmphouùt-Boigny d'ABIDJAN -AIDA-) abouti à ce que la concession de la gestion de l'AIDA soit confiée à une société locale constituée par la société SEGAP, la société AERIA. La contrepartie promise ne fut cependant que

très partiellement honorée. Notamment, la société STERLING INTERNATIONAL considère qu'il existait entre la société SEGAP et elle-même une société de fait et que la société ivoirienne qui devait prendre la concession de la gestion de l'aéroport devait être constituée avec la participation des deux associés de fait dans son capital.

La société STERLING estimait, en outre, que la CCI de MARSEILLE, détenant 43% du capital de la société SEGAP et membre de son conseil d'administration avait approuvé l'accord de rémunération. La société STERLING était fondée à considérer que la société SEGAP agissait avec l'accord et la garantie implicites de la CCI. Dès lors, elle estimait que la CCI avait commis une faute susceptible de conduire à la mise en oeuvre de sa responsabilité délictuelle.

La chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de NANTERRE au profit du tribunal administratif de MARSEILLE. Elle faisait valoir que les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics économiques et que les contrats qu'elles sont amenées à souscrire sont d'ordre administratifs. Elle soulignait que selon la société STERLING INTERNATIONAL, si elle l'avait attraite en justice, c'est parce que, dans ses relations avec la société SEGAP, elle croyait "agir avec la garantie de la CCI de MARSEILLE". Dès lors, sa mise en cause procède exclusivement du fait que la société STERLING croyait agir avec la garantie d'une organisation étatique, ce qui justifie la compétence du tribunal administratif de MARSEILLE.

Par le jugement déféré, en date du 12 septembre 1997, le tribunal de commerce de NANTERRE a reçu la CCI de MARSEILLE en son exception d'incompétence, mais l'a dite mal fondée.

La chambre de commerce et d'industrie de MARSEILLE a formé un contredit contre cette décision.

Au soutien de ce recours, elle fait valoir qu'organe des intérêts commerciaux et industriels de sa circonscription auprès des pouvoirs publics, elle est un établissement public économique. Les contrats qu'elle est amenée à souscrire sont administratifs car de tels contrats confèrent aux chambres des droits et à leurs agents des pouvoirs dérogeant au droit commun et ayant pour but l'organisation ou le fonctionnement d'un service géré par elles. La société STERLING INTERNATIONAL lui fait reproche de s'être immiscée dans les rapports qui pouvaient exister entre elle et la société SEGAP. Elle précise qu'elle croyait agir avec la garantie de la CCIM, soit d'une organisation étatique.

Ainsi, en toute hypothèse, le litige qui l'oppose à la société STERLING INTERNATIONAL ne peut être, selon la CCIM, que de la compétence du tribunal administratif de MARSEILLE.

Dans ces conditions, elle demande à la cour de renvoyer les parties devant le tribunal administratif de MARSEILLE et condamnation de la société STERLING INTERNATIONAL à lui payer 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société STERLING INTERNATIONAL demande confirmation de la décision déférée et condamnation de la CCIM à lui payer 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et 100.000 francs pour contredit abusif. Elle souligne que lorsque la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle d'une personne morale de droit public résulte d'une faute alléguée dans le cadre d'une activité industrielle et commerciale, la compétence judiciaire et le droit privé s'imposent. Elle souligne que la loi du 8 août 1994 qualifie désormais les chambres de commerce et d'industrie de services publics économiques pour consacrer le fait que celles-ci gèrent presque toujours, à côté de service publics administratifs,

des activités industrielles et commerciales dont certaines n'ont aucun caractère de service public.

En l'espèce, la détention par la CCIM d'une participation dans la société SEGAP, société de droit privé, relève du domaine privé de la CCIM. Or la faute alléguée à son encontre se situe dans le cadre de cette gestion puisque la société STERLING lui reproche son immixtion dans les relations contractuelles entre elle et la société SEGAP.

* SUR CE LA COUR

Attendu que les chambres de commerce et d'industrie sont, aux termes de la loi du 9 avril 1898 modifiée, des établissements publics économiques ; qu'outre les missions qui leur sont impérativement dévolues par ce texte, elles peuvent effectuer d'autres missions, notamment en participant au capital de sociétés dont l'objet entre dans la limite de leur spécialité ; que lorsque leur responsabilité est recherchée pour des fautes qu'elles auraient commises à l'occasion d'une telle activité, le litige qui en résulte ne ressortit pas de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif ; qu'en effet un tel litige résulte de la gestion privée de ces établissements publics économiques et ne met pas en jeu leurs prérogatives de droit public ;

Attendu qu'en l'espèce, la société STERLING INTERNATIONAL a engagé une action dirigée principalement contre la société SEGAP, société commerciale dans laquelle la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE possède une participation s'élevant à 43% du capital, mais aussi contre la CCIM elle-même, aux motifs que, compte tenu de cette participation, elle était fondée à considérer que la société SEGAP agissait avec l'accord et la garantie implicite de la chambre de commerce et d'industrie mais que, paradoxalement, cette dernière, souhaitant fidéliser un utilisateur du port de MARSEILLE, avait été à

l'origine de la substitution de celui-ci à la société STERLING en tant que partenaire de la société SEGAP pour constituer le "noyau dur" d'AERIA, société attributaire de la concession de la gestion de l'aéroport HOUPHOUÊT BOIGNY ;

Attendu qu'une telle demande, qui tend à la mise en oeuvre de la responsabilité de la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE pour des fautes alléguées à l'occasion de sa participation au capital de la société SEGAP ne ressortit pas de la compétence des juridictions administratives ; que la décision déférée, doit dès lors pour ces motifs, être confirmée ;

Attendu qu'il n'est pas justifié que le contredit serait abusif ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE à payer à la société STERLING INTERNATIONAL la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

- Confirme le jugement déféré et statuant plus avant,

- Déboute la société STERLING INTERNATIONAL GROUP INC de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamne la Chambre de Commerce et d'Industrie de MARSEILLE à lui payer 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- La condamne aux frais du présent contredit. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. DAULTIER

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-7958
Date de la décision : 28/05/1998

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application

Les chambres de commerce et d'industrie sont, aux termes de la loi du 9 avril 1898 modifiée, des établissements publics économiques qui, outre les missions impérativement dévolues par la loi, peuvent, dans la limite de leur spécialité, exercer d'autres activités ne mettant pas en jeu leurs prérogatives de droit public. Il en résulte que les litiges nées de la gestion privée de ces établissement publics économiques ressortissent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et non de l'ordre administratif. En l'espèce, une chambre de commerce et d'industrie dont la responsabilité est mise en cause à raison des agissements d'une société dans laquelle elle détient une participation, n'est pas fondée à soulever l'incompétence du tribunal de commerce saisi au profit de la juridiction administrative


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-28;1997.7958 ?
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