Par requête en date du 10 décembre 1996, l'U.C.B a sollicité l'autorisation devant le tribunal d'instance de POISSY de former la saisie sur les rémunérations de Madame X... Y... pour avoir paiement de la somme de 407.701,73 Francs, ce en vertu d'un acte de prêt en date du 31 mars 1988 dressé par-devant Maître AUJAY, notaire à MANTES LA JOLIE.
L'affaire a été appelée à l'audience de conciliation en date du 20 janvier 1997 puis renvoyée au 10 février 1997, date à laquelle les parties ont été régulièrement représentées.
Madame Y... fait valoir qu'en considération de l'absence de toutes précisions sur le nombre et le montant des échéances à percevoir durant la première période du prêt, l'U.C.B encourait la déchéance de ses droits à intérêts en application de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1979 et de l'article 87 de la loi du 12 avril 1996, et qu'en conséquence, il ne resterait, selon elle, qu'une somme de 158.900 Francs en deniers ou quittances : que subsidiairement, elle ne pouvait régler plus que la portion saisissable spécifiant percevoir un salaire mensuel de 9.500 Francs avec cinq enfants à charge.
L'U.C.B a répliqué principalement que la loi du 12 avril 1996 était applicable en l'espèce, et que le prêt en cause était donc régulier comme mentionnant le montant des échéances, leur périodicité et leur nombre.
Le tribunal d'instance statuant comme juge de l'exécution a, par jugement du 7 avril 1997, rendu la décision suivante : - déclarer compétent pour statuer sur la régularité de l'acte authentique
contenant l'offre de prêt, - prononcer la déchéance des droits à intérêts de la Société U.C.B sur la période des 12 premiers mois du prêt, - ordonner la réouverture des débats et engager la Société U.C.B à produire le décompte spécifié dans les motifs de la décision, - renvoyer l'affaire à l'audience du 9 juin 1997.
L'U.C.B et Madame Z... épouse Y... ont interjeté appel. Ces deux appels font l'objet des dossiers n° 4019/97 et n° 5086/97 qui ont été joints par ordonnance du Conseiller de la mise en état, du 23 septembre 1997 ; un seul arrêt sera donc rendu.
Madame Z... X... épouse Y... demande en dernier à la Cour de :
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'U.C.B, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, Vu la violation des dispositions légales relatives au calcul du taux effectif global et l'indication dans l'offre de prêt d'un taux effectif global erroné : Vu surabondamment la non-indication du montant des échéances du prêt sur toute la durée du prêt, - prononcer à l'encontre de l'U.C.B la déchéance totale des intérêts contractuels, constatant, en conséquence, que Madame Y... a payé plus que le capital emprunté, - débouter l'U.C.B de sa demande de saisie des rémunérations et de toutes ses autres demandes, Madame Y... n'étant plus débitrice d'une somme quelconque, Subsidiairement, Vu les exceptions soulevées par Madame Y... et notamment sa demande de déchéance des intérêts à l'encontre de l'U.C.B, Vu l'adage QUAE TEMPORALIA : - constatant que le total des sommes payées par Madame Y... dépasse le montant du capital emprunté, - constatant que, s'il est fait droit à la demande de déchéance totale des intérêts, Madame Y... ne doit, dès lors, plus rien à l'U.C.B, - surseoir à statuer sur la demande de saisie
des rémunérations formée par l'U.C.B jusqu'à décision du juge désigné comme compétent sur les exceptions soulevées par Madame Y..., A titre extrêmement subsidiaire, si une saisie devait être néanmoins ordonnée, dire que les sommes retenues sur la rémunération s'imputeront d'abord sur le capital sur le fondement de l'article L.145-13 du Code du travail, - condamner l'U.C.B aux dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'U.C.B a conclu au débouté de Madame Z... des fins de toutes ses demandes en contestant principalement le pouvoir du juge d'instance-juge de l'exécution de statuer sur la validité du titre exécutoire notarié qu'elle invoquait à l'appui de sa créance certaine liquide et exigible. Cette appelante a donc demandé à la Cour de : - infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau : - constater la régularité de l'acte du 31 mars 1988 en application des dispositions de l'article 87 de la loi du 12 avril 1996, - autoriser la saisie-arrêt des rémunérations de Madame Y... à hauteur de la somme de 407.701,73 Francs, - condamner Madame Y... à payer à la concluante la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, - la condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a enfin été signée le 28 mai 1998 (après quatre reports de cette date) et les parties ont fait déposer leurs
dossiers à l'audience du 29 mai 1998.
SUR CE, LA COUR,
I/ Considérant qu'il est constant que la présente action a été formée en application des articles L.145-1 et suivants du Code du travail et que l'article L.145-5 dudit code édicte que :
"par dérogation aux dispositions de l'article L.311-12-1 du Code
de l'organisation judiciaire, le juge compétent pour connaître de
la saisie des rémunérations est le juge du tribunal d'instance.
Il exerce les pouvoirs du juge de l'exécution" ;
Considérant, donc, qu'en tant que juge de l'exécution, le juge d'instance saisi (Tribunal d'Instance de POISSY) ne disposait que des pouvoirs limitativement énumérés par les textes régissant cette matière, et que, notamment, en vertu de l'article 8 alinéa 2 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, il ne pouvait :
"...ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de
fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution" ;
Considérant, en l'espèce, que l'appelante, sous couvert d'une discussion de la saisie de ses rémunérations, pendante devant le juge d'instance, (juge de l'exécution), a cru pouvoir remettre en cause entièrement la régularité et la portée du titre notarié exécutoire qui lui était opposé, et ce, au regard des dispositions du Code de la consommation, et en particulier de celles de l'article L.312-33 alinéa 4 ;
Mais considérant, en Droit, que le juge de l'exécution, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient des articles ci-dessus rappelés et de l'article L.311-12-21 du Code de l'organisation judiciaire, n'a pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire, dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu'il constate ; que le juge d'instance de POISSY, juge de l'exécution, outrepassant ses pouvoirs, a donc, à tort, statué sur la validité de l'acte notarié du 31 mars 1988 contenant l'offre de prêt préalable, et a prononcé la déchéance du droit à intérêts de la Société U.C.B pour la période des 12 premiers mois du prêt ; que le jugement déféré est, par conséquent, infirmé, et que la Cour dit et juge que l'U.C.B a droit aux intérêts contractuels ;
II/ Considérant que les moyens de droit invoqués par l'U.C.B, ci-dessus analysés, constituent une défense au fond tendant à faire rejeter les prétentions de Madame Z..., au sens de l'article 71 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle peut être soulevée en tout état de cause ; que l'appelante n'est donc pas en droit de prétendre qu'il s'agirait là d'une exception de procédure (au sens de l'article 73 du Nouveau Code de Procédure Civile), alors qu'il est patent que les moyens de droit formulés par l'U.C.B ne tendent pas simplement, soit à faire déclarer cette procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ; que ces défenses au fond de l'U.C.B ne sont donc pas soumises aux dispositions de l'article 74 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que l'appelante est déboutée de sa demande tendant à opposer à ces défenses au fond l'irrecevabilité prévue par l'article 75 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les exceptions d'incompétence ;
III/ Considérant, quant au fond de la créance de l'U.C.B, que les
seules constatations formulées par la débitrice n'ont porté que sur les intérêts réclamés, mais qu'elle ne discute et ne critique pas davantage, sérieusement, le chiffre, justifié, avancé par la société intimée ; que la Cour, réformant et statuant à nouveau condamne donc Madame Z... épouse Y... à payer à l'U.C.B la somme justifiée, certaine, liquide et exigible, de 407.701,73 Francs, et autorise la saisie des rémunérations de l'appelante, sans qu'il y ait lieu d'ordonner un quelconque sursis à statuer comme le réclame à tort l'appelante ;
Considérant, de plus, que l'appelante qui ne fait pas valoir de moyens sérieux pour s'opposer aux justes demandes fondées et justifiées de l'U.C.B, et qui a déjà bénéficié, en fait, de larges délais de paiement, est déboutée de sa demande subsidiaire formée en vertu de l'article L.145-13 du Code du travail, tendant à ce que la créance ci-dessus fixée, produise intérêt à un taux réduit et à ce que les sommes retenues sur la rémunération s'imputent d'abord sur le capital ;
IV/ Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, Madame Z... est condamnée à payer à l'U.C.B la somme de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
VU la jonction des dossiers d'appel n° 4019/97 et n° 5086/97 :
I/ VU les articles L.145-1 et suivants du Code du travail :
VU l'article L.311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire :
VU l'article 8 alinéa 2 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 :
VU l'article 71 du Nouveau Code de Procédure Civile :
. DEBOUTE Madame X... Z... épouse Y... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;
. INFIRME le jugement déféré et STATUANT A NOUVEAU :
. DIT ET JUGE que l'U.C.B a droit aux intérêts conventionnels ;
II/ . CONDAMNE Madame X... Z... épouse Y... à payer à l'U.C.B la somme de 407.701,73 Francs (QUATRE CENT SEPT MILLE SEPT CENT UN FRANCS SOIXANTE TREIZE CENTIMES) et AUTORISE la saisie de ses rémunérations pour cette somme ;
III/ . CONDAMNE l'appelante à payer à l'U.C.B la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE l'appelante à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués JULLIEN LECHARNY ROL conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Marie Hélène EDET
Alban CHAIX