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14/05/1998 | FRANCE | N°1997-5353

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 mai 1998, 1997-5353


Le divorce entre les époux Y X... et F Y... a été prononcé par jugement rendu le 16 septembre 1986 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles. Y X... était condamné à payer à Madame Y... une rente mensuelle indexée de 6.000,00 francs à titre de prestation compensatoire pendant une durée de 10 ans.

Sur une assignation délivrée à la requête de Madame Y... le 9 octobre 1996 aux fins de voir réviser cette prestation compensatoire et condamné Monsieur X... à lui payer une rente indexée de 6.000,00 francs sans limitation de durée en application de l'article 273 du C

ode Civil, au motif que l'absence de révision aurait pour elle des conséq...

Le divorce entre les époux Y X... et F Y... a été prononcé par jugement rendu le 16 septembre 1986 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles. Y X... était condamné à payer à Madame Y... une rente mensuelle indexée de 6.000,00 francs à titre de prestation compensatoire pendant une durée de 10 ans.

Sur une assignation délivrée à la requête de Madame Y... le 9 octobre 1996 aux fins de voir réviser cette prestation compensatoire et condamné Monsieur X... à lui payer une rente indexée de 6.000,00 francs sans limitation de durée en application de l'article 273 du Code Civil, au motif que l'absence de révision aurait pour elle des conséquences d'une exceptionelle gravité, dès lors que la déficience de son état de santé lui interdit de travailler et que ses revenus sont inférieurs à ses charges, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Versailles a, par un jugement du 4 juin 1997, fait droit à cette demande.

Le premier Juge a considéré la demande recevable dans la mesure où le jugement ayant été signifié le 24 octobre 1996, Madame Y... avait présenté sa demande avant l'expiration du droit à prestation qui lui

avait été reconnu. Au fond, il relevait que Madame Y..., âgée de 56 ans, n'était pas en mesure de travailler, ne pourrait prétendre à une retraite décente, et percevait une pension d'invalidité de 4.000,00 francs, alors qu'elle règle diverses charges dont un loyer de 3.383,15 francs.

Monsieur X... a relevé appel de cette décision et conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision comme tardive ; subsidiairement, il demande le débouté de Madame Y... de ses prétentions, le remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire, réclamant encore 5.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il indique que pour apprécier si la révision était encore possible, il fallait se placer à la date correspondant à l'échéance des six ans représentant la durée maximale de la pension telle que fixée lors du prononcé du divorce soit ici le 16 septembre 1996. Il en déduit que l'action de Madame Y... est irrecevable faute d'avoir été introduite à la date d'épuisement des dix années de prestation soit au plus tard le 16 septembre 1996.

Subsidiairement, il expose que le premier Juge avait relevé le fait que l'état de santé tant physique que psychique de Madame Y... était connu du juge du divorce de telle sorte que les paramètres de détermination de la presation compensatoire n'avaient pas changé. Il ajoute que s'il disposait au temps du divorce de revenus nets de 632.500,00 francs par mois, il ne percevait plus que 412.500,00 francs en 1996.

Madame Y... a demandé la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X... à lui verser une somme de 5.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Z... soutient que sa demande n'est pas irrecevable dès lors que le droit de la prestation compensatoire a été reconnu par le jugement de

divorce qui en outre n'était passé en force de chose jugée que le 25 novembre 1996.

Z... expose au fond qu'elle justifie de la dégradation de son état de santé malgré les soins qui lui ont été prodigués de telle sorte qu'un élément nouveau est intervenu du fait de l'évolution aggravante non prévue à l'origine - avec nécessité de l'aide d'une tierce personne à domicile - , et établie par un certificat du Docteur M. Z... ajoute que le fait qu'elle n'ait plus à sa charge l'enfant commun X... est sans incidence. Z... soutient que l'abence de révision traduit par un arrêt du versement de la prestation compensatoire aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Monsieur X... a proposé subsidiairement le versement sur une période d'un an d'une rente de 1.500,00 francs par mois.

SUR CE, LA COUR,

Considérant sur la recevabilité de l'action qu'il ressort des dispositions de l'article 273 du Code Civil que la prestation compensatoire qui a un caractère forfaitaire, peut cependant etre révisée si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi que l'a parfaitement indiqué le premier Juge, lorsque la prestation compensatoire a comme en l'espèce été accordée sous forme d'une rente, celle-ci prend naissance à la date à laquelle le devoir de secours cesse, c'est à dire à la date où la décision de divorce est devenue définitive ; qu'il n'est pas contesté que le jugement de divorce du 26 décembre 1986 qui portait condamnation de Monsieur X... au versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'une rente de 6.000,00 francs pendant 10 ans, a été signifié le 6 novembre 1986 ; que dans ces conditions, en faisant délivrer un acte introductif d'instance en révision de la prestation compensatoire le 9 octobre 1996, Madame Y... a présenté sa demande avant l'expiration du droit à prestation qui lui avait été reconnu ;

Que surabondamment, on peut encore relever que postérieurement à délivrance de l'assignation par Madame Y..., soit en janvier 1997, Monsieur X... a versé une somme de 7.679,00 francs au titre de la

prestation compensatoire, ce qui établit que le service de la rente n'était pas éteint au 9 octobre 1996 puisque son complet paiement n'était pas intervenu ; qu'enfin force est de constater que les dispositions de l'article 273 du Code Civil ne font dépendre la possibilité de révision d'une prestation compensatoire que de la reconnaissance d'un droit à ce titre dans la décision qui a prononcé le divorce et de la preuve de l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité dues à l'absence de révision, et ne subordonnent nullement la possibilité d'une révision de la prestation compensatoire à ses modalités d'exécution, c''est à dire au paiement d'un capital ou d'une rente ;

Que l'action intentée par Madame Y... est donc recevable ;

Considérant au fond qu'il apparait que les Juges du divorce, après avoir exposé qu'il résultait des documents versés aux débats que la rupture du mariage créait bien une disparité entre les conditions de vie des époux, avaient accordé à Madame Y... une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 6.000,00 francs pendant une durée de dix années, "compte tenu de l'âge de l'épouse,

de la durée du mariage, de son état de santé actuel et de ses possibilités de retrouver une activité professionnelle" ;

Que l'exceptionnelle gravité invoquée par Madame Y... doit être appréciée en considération de la situation de cette dernière ; que si les juges du divorce avaient pris en considération la situation de Madame Y..., celle-ci n'était à l'époque qu'en germe et devait se développer tant sur le plan physique que psychologique pour aboutir à un état actuel non susceptible d'amélioration dans lequel l'intimée, pupille de la nation et âgée à présent de 56 ans, n'a jamais pu reprendre un emploi et ne pourra plus travailler, étant dans la quasi incapacité de gérer sa vie ; qu'en effet, Madame Y... justifie de l'aggravation et de la dégradation de son état, faits totalement indépendants de sa volonté, par la production de divers certificats médicaux qui font mention de très nombreuses hospitalisations pour des troubles physiques (6 opérations entre 1990 et 1994) et psychologiques (16 séjours de 1993 à 1997) ; qu'elle bénéficie à l'heure actuelle d'un suivi en ambulatoire psychothérapique ;

Qu'elle perçoit une pension d'invalidité de l'ordre de 4.000,00

francs par mois et se trouve redevable d'un loyer d'un montant de 3.383,00 francs ; qu'il apparait dans ces conditions qu'elle justifie que l'absence de révision de la prestation compensatoire dans des circonstances dont rien ne permet de considérer qu'elle les aurait volontairement créées, aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Considérant que l'action en révision étant admise, elle peut aboutir selon le cas à une augmentation, ou une diminution de la prestation compensatoire, tant sur le plan de son montant que de la durée du versement de la rente ;

Que Monsieur X... justifie que ses revenus qui étaient à l'époque du divorce de 632.500,00 francs par an, ont diminué pour atteindre 412.500,00 francs en 1996 ; que ses charges se sont accrues en raison de la naissance d'un enfant en septembre 1989, et du transfert à son domicile de la résidence de sa fille X... issue de son mariage avec Madame Y... ; que dans ces conditions, il convient en infirmant la décision entreprise sur le montant de la prestation compensatoire, de fixer celle-ci sous la forme d'une rente viagère indexée de 1.500,00

francs par mois ;

Qu'il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens et qu'il y a lieu de les débouter de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil :

- CONFIRME la décision entreprise sur le principe de l'allocation d'une rente viagère à titre de prestation compensatoire mais

L'INFIRME partiellement sur le montant de la rente et statuant à nouveau :

- CONDAMNE Y X... à verser à F Y... une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 1.500,00 francs durant la vie de la bénéficiaire,

- DIT que cette prestation variera le 1er juin de chaque année et pour la première fois le 1er juin 1999 en fonction de la variation de l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé (série parisienne hors tabac),

- DEBOUTE les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- CONDAMNE Monsieur X... en tous les dépens, autorisation étant acccordée à la SCP GAS de les recouvrer en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier

Le Conseiller f.f. Président

Laurent LABUDA

Thierry FRANK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5353
Date de la décision : 14/05/1998

Analyses

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Versement - Rente - Rente viagère - Révision - Conditions - Détermination - /

S'il résulte des dispositions de l'article 273 du Code civil que la prestation com- pensatoire, malgré un caractère forfaitaire, peut être révisée lorsque l'absence de révision est susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'un des conjoints, une telle possibilité de révision n'est subordonnée qu'à la reconnaissance du droit à prestation compensatoire dans la décision ayant prononcé le divorce et à la preuve de l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité dues à l'absence de révision. Les modalités d'exécution d'une prestation compensatoire, capital ou rente, n'affectent pas le droit à révision. Une demande de révision portant sur une prestation compensatoire accordée sous forme de rente temporaire doit être présentée avant l'expiration du droit à prestation. L'échéance de la période représentant la durée maximum de la pension est appréciée en prenant pour point de départ la date à laquelle le devoir de secours cesse, c'est à dire la date à laquelle la décision est devenue définitive


Références :

Code civil, article 273

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-14;1997.5353 ?
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