La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006935198

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 mai 1998, JURITEXT000006935198


Le 30 octobre 1992, la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, exploitant d'une boutique d'antiquités, a vendu à Madame X... un bureau à caisson en acajou, moyennant un prix de 22.000 Francs.

Après s'être acquittée de la somme de 15.000 Francs sous forme d'acomptes successifs, Madame X... a refusé de payer le solde.

Par acte du 30 septembre 1993, la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY a fait assigner Madame X... aux fins d'obtenir paiement du solde du prix du bureau vendu devant le Tribunal d'Instance de SAINT MALO, lequel, par jugement en date du 18 janvier 1994, au profit du Tribunal d

'Instance de NEUILLY, s'est déclaré territorialement incompétent. ...

Le 30 octobre 1992, la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, exploitant d'une boutique d'antiquités, a vendu à Madame X... un bureau à caisson en acajou, moyennant un prix de 22.000 Francs.

Après s'être acquittée de la somme de 15.000 Francs sous forme d'acomptes successifs, Madame X... a refusé de payer le solde.

Par acte du 30 septembre 1993, la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY a fait assigner Madame X... aux fins d'obtenir paiement du solde du prix du bureau vendu devant le Tribunal d'Instance de SAINT MALO, lequel, par jugement en date du 18 janvier 1994, au profit du Tribunal d'Instance de NEUILLY, s'est déclaré territorialement incompétent.

Madame X... a alors demandé, à titre reconventionnel, l'annulation de la vente pour erreur et, subsidiairement, pour dol.

Par jugement contradictoire et en premier ressort, en date du 4 janvier 1995, le Tribunal d'Instance de NEUILLY a rendu la décision suivante : Vu les articles 1108 à 1110 du Code civil, Vu l'article 5 de la loi du 5 août 1972, - rejette la demande principale comme non fondée, - déclare la demande reconventionnelle fondée, En conséquence, prononce la nullité de la vente conclue entre les parties et portant sur le meuble litigieux, - ordonne la restitution par la SARL DOUET DE LA VILLEFROM de la somme de 15.000 Francs à Madame X..., dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, - dit qu'à l'expiration de ce délai, le défendeur sera contraint sous astreinte de 500 Francs par jour de retard, - dit que le défendeur doit restituer dans les mêmes conditions de délai et, selon les mêmes modalités, le bureau caisson acajou litigieux, - dit que la partie demanderesse devra payer à a

partie défenderesse : 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - dit que la somme de 15.000 Francs produira intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1993, - rejette le surplus des demandes, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, à concurrence de la moitié des sommes ci-dessus, - met les entiers dépens à la charge du demandeur.

Le 2 mars 1995, la Société DOUET DE LA VILLEFROMOY a interjeté appel. Elle reproche au premier juge d'avoir retenu que la vente portait sur un bureau anglais datant du XIXème siècle à un prix de 24.000 Francs, cette description correspondant en réalité à un autre bureau, également présenté à Madame X..., mais vendu à Monsieur Y... le 24 avril 1993. Elle soutient, en effet, que le meuble vendu à Madame X... était un bureau à caissons, également anglais et en acajou, datant des années 30 et présenté comme tel à celle-ci pour un prix de 22.000 Francs ; que Madame X... a toujours eu la certitude d'avoir acquis un meuble des années 30 et non du XIXème siècle, ainsi qu'elle l'a reconnu dans ses conclusions de première instance ; que l'expertise du Cabinet PRIVAT, produite par l'intimée, fait d'ailleurs état d'un bureau datant du milieu du XXème siècle environ ; que ce meuble rentre donc dans la catégorie des meubles anciens, vendus en tant que tels par les antiquaires ; que ce caractère d'ancienneté ne saurait être dénié au seul motif du mode de fabrication industrielle de ce bureau, ce qui ne signifie pas qu'il

s'agisse d'une copie, contrairement à celui proposé par la boutique de décoration STEPHANY'S HOUSE, auquel l'intimé a comparé le meuble litigieux.

Elle ajoute que l'acheteuse, compte tenu de sa fréquentation du milieu des antiquaires, ne pouvait ignorer le mode de fabrication, industrielle et non artisanale, du meuble acquis par elle ; que le rapport d'expertise invoqué par Madame X... émane du Cabinet PRIVAT, qui ne figure pas dans la nomenclature des experts en antiquité.

Par conséquent elle demande à la Cour de :

- dire et juger à la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY recevable et bien fondée en son appel, - infirmer le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de NEUILLY SUR SEINE le 4 janvier 1995 en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, dire et juger que le contrat de vente conclu entre les parties n'est entachée ni d'erreur ni de dol, - déclarer, en conséquence, le contrat de vente valable, - condamner Madame X... à payer à la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY la somme de 7.000 Francs au titre de la vente à Madame X... du bureau à caisson, - condamner Madame X... à restituer à la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY la somme de 13.402,89 Francs à titre de remboursement

des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, - condamner Madame X... à payer à la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY une somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - condamner Madame X... à verser à la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont soustraction au profit de la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame X... réplique que l'appelante lui a présenté deux bureaux identiques, sans préciser que l'un datait des années 30 (pour un prix de 22.000 Francs) et l'autre du XIXème siècle (pour un prix de 24.000 Francs) ; qu'elle a réservé et acquis un meuble du XIXème siècle, d'une valeur de 24.000 Francs ; que ce n'est qu'après la livraison que la Société DOUET DE LA VILLEFROMOY a prétendu qu'il s'agissait d'un meuble de 1930, ce qu'elle a appris par la facture du 2 mars 1993 ; qu'elle-même n'avait pas compétence pour déterminer si le meuble datait ou non du XIXème siècle ; que la qualité substantielle d'ancienneté du meuble litigieux, raison pour laquelle elle l'a acquis, faisant défaut, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que son consentement avait été donné par erreur et a donc annulé la vente ; que l'évaluation du bureau faite par le Cabinet d'expertise PRIVAT est corroborée par le prix de vente du même meuble, pratiqué par la Société STEPHANY'S HOUSE.

A titre subsidiaire, elle conclut à l'existence d'un dol, au motif que son consentement a été surpris par l'allégation mensongère de l'antiquaire, vendeur professionnel, quant à l'époque du meuble litigieux.

Elle demande à la Cour de : - déclarer la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY irrecevable et mal fondée en son appel, - débouter la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY de l'ensemble de ses demandes, - confirmer le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de NEUILLY en date du 5 janvier 1995, - prononcer la nullité de la vente du fait de l'erreur sur une qualité substantielle, Subsidiairement, prononcer la nullité de la convention sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, - condamner la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY à restituer à Madame X... la somme de 7.500 Francs, l'autre moitié ayant déjà été réglée dans le cadre de l'exécution provisoire, - condamner la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY à régler à Madame X... la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, - condamner la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY à régler à Madame X... la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY aux entiers dépens de première instance et d'appel, - dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Maître LAURENT, ès qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de SAINT MALO en date du 3 avril 1997, est intervenu volontairement à l'instance.

Il demande à la Cour d'en prendre acte, ainsi que du fait qu'il reprend à son compte les conclusions antérieures de la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 mars 1998 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 27 mars 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il convient de donner acte à Maître LAURENT, ès-qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, de son intervention volontaire à l'instance, étant constaté que Madame X... a déclaré sa créance pour la somme principale de 31.000 Francs, entre les mains de Maître LAURENT, selon bordereau du 25 août 1997, dont copie est versée aux débats ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1110 du Code civil "l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet" ; qu'il incombe donc à l'acheteur, qui soutient que son consentement a été vicié par l'erreur, de prouver que celle-ci a porté sur les qualités substantielles de la chose acquise et ce, lors de la transaction ;

Considérant la facture du meuble litigieux, datée du 2 mars 1993, mentionne "un petit bureau à caissons, en acajou, de fabrication anglaise CIRCA 1930" au prix de 22.000 Francs ; qu'il ressort de la lettre de la société venderesse adressée à Monsieur X... le 10

mai 1993 et du courrier en réponse de celui-ci, daté du 27 mai 1993, que cette facture a été libellée suite à un entretien entre le gérant de la société et Monsieur X... le 2 mars 1993 ; que le premier déclare que le problème évoqué a été le non règlement par Madame X... du solde du prix du meuble, alors que Monsieur X... indique dans sa lettre que le vendeur lui a rappelé par écrit qu'il s'agissait d'un bureau de fabrication anglaise "remontant au maximum à 1930" alors "qu'il s'avère qu'il s'agit d'un meuble contemporain dépourvu de toute ancienneté" ; que ce courrier ne fait nullement mention d'un meuble datant du XIXème siècle ;

Considérant que dans ses conclusions devant le Tribunal d'Instance de NEUILLY SUR SEINE, Madame X... a déclaré qu'elle avait acquis le meuble litigieux "sur l'affirmation du vendeur que ce meuble datait des années 30" et que, postérieurement à la vente, elle a constaté que ce n'était pas un meuble d'époque, mais "une imitation de fabrication tout à fait contemporaine et même en série", d'"un meuble neuf" ; qu'elle n'a nullement prétendu alors qu'elle croyait avoir acheté un meuble du XIXème siècle ;

Considérant que certes, Madame X... verse aux débats une carte de visite remise par la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, où il est indiqué "bureau caisson en acajou, Angleterre XIXème siècle", au prix de 24.000 Francs (et non de 22.000 Francs) ; que néanmoins, elle ne

prouve pas avoir acquis le meuble ainsi désigné, dont le prix était différent, alors même qu'elle reconnaît dans ses écritures devant la Cour que deux bureaux lui ont été présentés ; qu'elle ne justifie pas avoir protesté lors de la transaction, ni même après l'établissement de la facture du 2 mars 1993, pour dire que le meuble livré ne correspondait pas à celui qu'elle avait réservé ;

Considérant que, par conséquent, Madame X... ne démontre pas qu'elle a donné son consentement pour l'acquisition d'un bureau datant du XIXème siècle, cette datation n'ayant pas été incluse dans le champ contractuel ; que par ailleurs, "l'expertise" non contradictoire du Cabinet PRIVAT invoquée par elle, fait état d'un travail du milieu du XXème siècle, ce qui établit à tout le moins qu'il ne s'agit pas d'un meuble neuf contemporain, comme Madame X... le prétendait en première instance ; que cette datation approximative ne permet pas d'infirmer la datation du vendeur aux années 30 ; que selon les critères habituels de la profession, le meuble litigieux pouvait donc être présenté à la vente comme "ancien" par l'antiquaire, à la condition que sa datation soit réelle à quelques années près ; que par conséquent, Madame X... ne prouve pas l'erreur sur les qualités substantielles de la chose achetée ;

Considérant que Madame X... ne prouve pas davantage qu'il y aurait eu dol de la part du vendeur, puisqu'elle ne justifie pas que

celui-ci lui aurait affirmé à un moment quelconque qu'il s'agissait d'un meuble datant du XIXème siècle, ce qui l'aurait déterminée à contracter ;

Considérant qu'à défaut pour l'intimée de prouver que son consentement a été vicié par une erreur sur les qualités substantielles de la chose, ou par dol, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré qui a prononcé la nullité de la vente sur le fondement des articles 1108 à 1110 du Code civil et ce, en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il est établi par les pièces comptables produites par l'appelante et qu'il n'est pas contesté par l'intimée que celle-ci n'a versé que la somme de 15.000 Francs sur le montant du prix convenu, soit 22.000 Francs ; que la Cour la condamne donc à verser à Maître LAURENT ès-qualités le solde du prix, soit 7.000 Francs ; que la Cour condamne également Madame X... à restituer à Maître LAURENT ès-qualités, la somme réglée par la SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, soit la somme de 13.402,89 Francs ;

Considérant que Maître LAURENT, liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de la procédure ; que la Cour le déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Maître LAURENT, ès-qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DONNE acte à Maître LAURENT, ès-qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, de son intervention volontaire à l'instance ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DEBOUTE Madame X... des fins de toutes ses demandes ;

DEBOUTE Maître LAURENT, ès-qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Madame X... à payer à Maître LAURENT, ès-qualités de liquidateur de la Société ANTIQUITES DE LA CARAVELLE, anciennement dénommée SARL DOUET DE LA VILLEFROMOY, la somme de 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935198
Date de la décision : 07/05/1998

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

Aux termes de l'article 1110 du code civil " l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet... ".Il en résulte que l'acheteur qui soutient que son consentement a été vicié par l'erreur, doit établir que celle-ci a porté sur les qualités substantielles de la chose acquise et ce, au moment de la transaction.En l'espèce, l'acquéreur qui n'établit pas qu'au moment de la transaction son consentement a été donné pour l'acquisition d'un meuble datant du XIXème siècle, incluant ainsi cette datation dans le champ contractuel, ni ne démontre qu'il a élevé une protestation lors de la livraison du meuble litigieux, ne rapporte donc pas la preuve d'une erreur portant sur les qualités substantielles de la chose acquise.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-07;juritext000006935198 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award