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07/05/1998 | FRANCE | N°1996-3872

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 mai 1998, 1996-3872


Monsieur et Madame X..., propriétaires d'une maison à usage d'habitation, sise à PLAISIR, ont été contraints de déménager en 1992. Ils soutiennent qu'ils ont alors accepté de prêter leur demeure, pour une durée de trois mois, aux époux Y....

Par acte d'huissier en date du 22 décembre 1995, Monsieur et Madame X... ont fait assigner Monsieur et Madame Y... aux fins d'obtenir le prononcé de leur expulsion, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, la séquestration du mobilier, ainsi que le paiement des sommes de : 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du N

ouveau Code de Procédure Civile, le tout assorti de l'exécution pro...

Monsieur et Madame X..., propriétaires d'une maison à usage d'habitation, sise à PLAISIR, ont été contraints de déménager en 1992. Ils soutiennent qu'ils ont alors accepté de prêter leur demeure, pour une durée de trois mois, aux époux Y....

Par acte d'huissier en date du 22 décembre 1995, Monsieur et Madame X... ont fait assigner Monsieur et Madame Y... aux fins d'obtenir le prononcé de leur expulsion, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, la séquestration du mobilier, ainsi que le paiement des sommes de : 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout assorti de l'exécution provisoire.

A l'appui de leur demande, ils ont fait valoir que les époux Y... s'étaient engagés, en contrepartie de la mise à leur disposition de la maison pour une durée limitée à trois mois, à payer une indemnité d'occupation ; qu'ils occupaient toujours les lieux et qu'ils ne s'acquittaient de l'indemnité due que de façon intermittente.

Les époux Y... ont répliqué que le contrat les unissant à Monsieur et Madame X... s'analysait en une mise à disposition d'un immeuble à titre gratuit.

Par jugement contradictoire en date du 19 février 1996, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES, retenant la qualification de convention d'occupation précaire, a rendu la décision suivante :

- juge que les parties étaient liées par une convention d'occupation précaire, - fixe à 4.000 Francs le montant de la redevance prévue entre les parties, - condamne Monsieur et Madame Jean Luc Y... au

paiement de la somme de 112.000 Francs au titre de l'arriéré de redevances au 31 août 1995, - fixe l'indemnité d'occupation due à compter du 1er septembre 1995 à la somme mensuelle de 5.500 Francs, - condamne les époux Y... au paiement de ladite somme jusqu'à leur départ effectif des lieux, - ordonne l'expulsion de Monsieur et Madame Jean Luc Y... ainsi que celle de tous occupants de leur chef des lieux situés ... à PLAISIR dans le mois suivant la signification du jugement, - dit que passé ce délai, ils seront tenus au paiement d'une astreinte de 500 Francs par jour de retard,

- ordonne la séquestration du mobilier dans tel garde meubles qu'il plaira aux demandeurs, aux frais des expulsés, - rejette la demande tendant au paiement des charges, - ordonne l'exécution provisoire,

- condamne Monsieur et Madame Y... aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000,00 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 22 avril 1996, Monsieur et Madame Y... ont interjeté appel. Ils font valoir que la convention conclue verbalement avec les époux X... s'analyse en une mise à disposition d'un immeuble par les seconds au profit des premiers, à titre gratuit.

En outre, ils font grief au jugement entrepris d'avoir décidé que les mandats d'un montant de 4.000 Francs expédiés par Monsieur Y... aux époux X... établissaient que la convention d'occupation précaire qui avait été conclue, moyennant le versement d'une indemnité fixée à ce montant.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de :

- déclarer les époux Y... recevables et bien fondés en leur

appel, - réformant le jugement déféré à la Cour : - constater qu'au vu des éléments du dossier la situation des époux Y... s'analyse comme une mise à disposition par les époux X... d'un immeuble sis à PLAISIR Domaine de la Bataille à titre gratuit, - donner acte aux époux Y... de ce qu'ils offrent de payer, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er août 1995, date à laquelle les époux X... les ont assigné en référé pour récupérer leur bien, une indemnité d'occupation de 4.000 Francs par mois, - condamner les époux X... aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers, au profit de Maître BINOCHE, avoué dans les termes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur et Madame X... répliquent que le caractère onéreux de la convention d'occupation est établi à la fois par le règlement d' "acomptes" d'un montant de 4.000 Francs effectué spontanément par les époux Y... aux mois de juillet 1992, mai, juin, août, octobre et décembre 1993, et par le versement de la somme de 8.000 Francs consécutivement à la sommation de payer qui leur a été délivrée, le 18 janvier 1994, par acte d'huissier.

Ils réclament, en outre, la réactualisation de leur créance et invoquent, à l'appui de cette demande, l'absence de tout règlement des "indemnités dues" par les époux Y... et le maintien dans les lieux loués de ces derniers, depuis le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES en date du 19 février 1996.

Ils sollicitent, enfin, la condamnation de Monsieur et Madame Y... au versement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire, ainsi que de

celle de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - débouter Monsieur et Madame Y... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, - condamner les époux Y... à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 93.500 Francs (5.500 Francs x 17) représentant le montant de l'indemnité d'occupation due du mois de septembre 1995au mois de janvier 1997, - condamner Monsieur et Madame Y... en tous les dépens, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Bernard JOUAS Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans leurs dernières conclusions, les époux X... font valoir que, Monsieur et Madame Y... ayant été expulsés le 30 juin 1997, il y a lieu de réactualiser leur créance représentant les indemnités d'occupation dues.

Ils soutiennent également avoir subi un préjudice du fait de l'impossibilité de faire visiter la maison, dont la vente a été confiée à un mandataire (Agence ORPI), en raison de l'occupation des lieux par les époux Y.... Ils réclament donc la condamnation des appelants au paiement de la somme de 25.000 Francs pour procédure abusive, et au paiement des impôts fonciers de chaque année à hauteur de 8.000 Francs.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de :

- leur adjuger le bénéfice de leurs précédentes écritures et les modifiant et les complétant en tant que de besoin,

- condamner les époux Y... à leur payer la somme de 121.000 Francs (5.500 Francs x 22) représentant le montant de l'indemnité d'occupation due du mois de septembre 1995 au mois de juin 1997 et ce avec les intérêts de droit, - condamner Monsieur et Madame Y... au paiement de la somme de 25.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - statuer ainsi précédemment requis quant aux dépens.

L'affaire a été clôturée le 19 février 1998 et les dossiers des parties déposés à l'audience du 26 mars 1998.

Les époux Y... ont quitté les lieux litigieux, le 30 juin 1997.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que les propriétaires époux X... ont d'abord, devant le tribunal d'instance, argué de l'existence d'un prêt (à usage) d'une durée de trois mois et moyennant, selon eux, paiement d'une redevance de 4.000 Francs par mois, mais qu'ils ne rapportent pas la preuve écrite de l'existence et du contenu de cette convention (articles 1315 alinéa 1° et 1341 et suivants du Code Civil), étant de plus, observé que cette thèse d'origine n'est pas entièrement maintenue par les appelants, puisque dans leurs dernières conclusions du 19 février 1998 dites "complétives et rectificatives" ils parlent des époux Y... en les qualifiant de "locataires" ; que de plus -et pour ajouter à cette confusion des données du litige- il est rappelé que le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES avait refusé de retenir sa compétence, au motif qu'il existait une contestation sérieuse sur les biens juridiques entre les parties, et que, notamment, l'huissier mandaté par les propriétaires

avait, dans sa sommation de payer du 18 janvier 1994 employé, en toute connaissance de cause, les termes de "loyers", puis "d'action en résiliation du bail et expulsion" ; qu'enfin, dans leurs conclusions devant la Cour, du 6 mai 1997 (page 5), les époux X... parlaient des "lieux loués" ;

Considérant qu'en outre -toujours en se plaçant sur le terrain du prêt invoqué par les époux X...- qu'il leur sera alors opposé qu'en vertu de l'article 1878 du Code civil, le prêt à usage est essentiellement gratuit ; que ces deux propriétaires ne font pas la preuve écrite qui leur incombe qu'une "redevance" ou une "indemnité" (ou toute autre contrepartie due par les époux Y...) aurait été convenue entre les parties ;

Considérant, certes, que certaines sommes ont été versées par les époux Y..., en juillet 1992, mai, juin et août 1993, puis en octobre et décembre 1993 (-que les propriétaires qualifient, devant la Cour, d'"acomptes"-) mais toujours sans faire la preuve du montant et de la durée de "l'indemnité d'occupation" qui aurait été convenue ; qu'il est à souligner, en outre, que les propriétaires ont attendu décembre 1995 pour enfin agir en justice, au fond, en invoquant expressément l'existence d'un prêt ;

Considérant que ces paiements, très irréguliers des époux Y..., ne suffisent pas, à eux seuls, à caractériser l'existence d'une "indemnité d'occupation" ou d'une "redevance" qui aurait été convenue, et que ces versements peuvent très bien correspondre à certaines prestations d'ordre matériel (entretien du jardin, des lieux et ou participation aux taxes et impôts, etc...), librement assumées par les emprunteurs, mais sans que pour autant, il soit

ainsi démontré que ce prêt aurait perdu son caractère essentiel de gratuité ;

Considérant que les propriétaires ne font pas la preuve qui leur incombe que cette convention serait, selon eux et selon leur dernière thèse, "une convention d'occupation pécuniaire moyennant redevance" ; que le jugement est par conséquent infirmé de ce qu'il a retenu cette qualification, et en ce qu'il a, de ce chef, condamné les époux Y... à payer une "indemnité d'occupation" de 4.000 francs par mois ; que les époux X... sont déboutés de leur dernière demande, devant la Cour, en paiement de 121.000 Francs , de ce chef ;

II) Considérant qu'il résulte de la motivation ci-dessus développée que les appelants ont fait valoir des moyens sérieux ; que les époux X... sont donc déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour "procédure abusive" ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, les époux X... qui succombent en leurs moyens et en leurs demandes sont déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a accordé 5.000 Francs aux époux X..., en vertu de cet article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que la Cour donne acte aux époux Y... de ce qu'ils offrent de payer une somme de 4.000 Francs par mois d'indemnité d'occupation, à compter du 1er août 1995 (étant souligné que les intéressés ont quitté les lieux, le 30 juin 1997) ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'article 1876 du Code Civil :

. DEBOUTE les époux X... des fins de toutes leurs demandes ;

. INFIRME le jugement déféré ;

. DONNE acte aux époux Y... de ce qu'ils offrent de payer 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) par mois d'indemnité d'occupation, à compter du 1er août 1995 ;

. CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par Maître BINOCHE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3872
Date de la décision : 07/05/1998

Analyses

PRET - Prêt à usage

Il résulte des dispositions des articles 1875 et 1876 du code civil que le prêt à usage est essentiellement gratuit. Le propriétaire d'un bien immeuble qui en prête l'usage à un tiers sans établir qu'une redevance, indemnité ou contrepartie aurait été convenue entre les parties est mal fondé à poursuivre le règlement d'une indemnité d'occupation dès lors que des versements irréguliers au profit du propriétaire ne suffisent ni à caractériser l'existence d'une convention d'occupation à titre onéreux, ni à démontrer que le prêt à usage aurait perdu son caractère essentiel de g


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-07;1996.3872 ?
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