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07/05/1998 | FRANCE | N°1996-3835

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 mai 1998, 1996-3835


Par acte d'huissier en date du 2 mai 1995, Monsieur X... a fait assigner Madame Y... Z... devant le Tribunal d'Instance de NOGENT LE ROTROU aux fins d'obtenir, par une décision assortie de l'exécution provisoire, les sommes de : * 24.788,52 Francs, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 1993, * 2.500 Francs au titre de dommages-intérêts, * 2.500 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que la condamnation de la défenderesse aux dépens.

L'affaire, après avoir été radiée par une décision du Tribunal d'Instanc

e de NOGENT-LE-ROTROU en date du 15 décembre 1995, a été appelée à l'a...

Par acte d'huissier en date du 2 mai 1995, Monsieur X... a fait assigner Madame Y... Z... devant le Tribunal d'Instance de NOGENT LE ROTROU aux fins d'obtenir, par une décision assortie de l'exécution provisoire, les sommes de : * 24.788,52 Francs, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 1993, * 2.500 Francs au titre de dommages-intérêts, * 2.500 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que la condamnation de la défenderesse aux dépens.

L'affaire, après avoir été radiée par une décision du Tribunal d'Instance de NOGENT-LE-ROTROU en date du 15 décembre 1995, a été appelée à l'audience du 2 février 1996.

A l'appui de sa demande, Monsieur X... a fait valoir que Madame Y... Z..., commerçante auprès de laquelle il a exercé sa mission d'expert-comptable, s'était abstenue de lui régler une partie de ses honoraires (exercices 1984 et 1985).

Madame Y... A... divorcée B... a répliqué que le demandeur n'établissait pas la réalité de la créance dont il poursuivait le paiement plus de 10 ans après sa naissance. Elle a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de Monsieur X... au versement de dommages-intérêts d'un montant de 10.000 Francs pour insistance abusive et au paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 15 mars 1996, le Tribunal d'Instance de NOGENT-LE-ROTROU, jugeant que l'action en paiement engagée par Monsieur X... était prescrite, en application de l'article 2277 du Code civil, a rendu la décision suivante : -

rejette les demandes de Monsieur X..., - rejette les demandes reconventionnelles de Madame Y... A..., - condamne Monsieur X... aux dépens.

Le 5 avril 1996, Monsieur X... a interjeté appel. Il fait grief au jugement entrepris d'avoir fait application de l'article 2277 du Code civil pour le déclarer forclos, alors que cette dispositions est applicable aux salaires, à l'exclusion des honoraires.

Par ailleurs, il sollicite, outre la condamnation de l'intimée à la somme de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le versement de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, il demande à la Cour de : - recevoir Monsieur X... en son appel, - réformer le jugement du Tribunal d'Instance de NOGENT LE ROTROU, En conséquence, condamner Madame Y... Z... à payer à Monsieur X... la somme de 24.788,52 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 1993, - la condamner, en outre, à payer la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, - la condamner à payer la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de saisie conservatoire qui seront recouvrés par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... Z... réplique que l'article 2277 du Code civil soumet à la prescription quinquennale les actions en paiement de tout ce qui est payable par années aux termes périodiques plus

courts, et s'applique, dès lors, aux honoraires réclamés par un expert-comptable.

En outre, elle sollicite l'allocation de la somme de 6.000 Francs au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : Statuant sur l'appel interjeté par Monsieur X... à l'encontre du jugement prononcé le 15 mars 1996 par le Tribunal d'Instance de NOGENT LE ROTROU, - le déclarer non fondé, En conséquence, débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré l'action en paiement formée par Monsieur X... prescrite par application de l'article 2277 du Code civil, Subsidiairement, et si par extraordinaire, la Cour déclarait l'action de Monsieur X... recevable, - renvoyer les parties à statuer sur le bien fondé de sa demande en paiement, - condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 6.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, titulaires d'un office d'avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... soutient que l'action en paiement d'honoraires ne saurait être soumise aux prescriptions de l'article 2277 du Code civil, telles qu'elles sont interprétées par

la jurisprudence, notamment en raison du caractère non périodique de sa créance.

Il ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir apporté une preuve écrite établissant l'existence de sa créance, du fait notamment de la nature commerciale de celle-ci.

Par conséquent, il demande à la Cour de : - dire n'y avoir lieu à renvoyer les parties à conclure sur le bien fondé de la demande en paiement, - faire droit aux précédentes écritures du concluant, - condamner Madame Y... Z... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 février 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 26 mars 1998.

SUR CE, LA COUR,

I/ Sur la prescription (article 2277 du Code civil) :

Considérant que le contrat liant l'expert-comptable Monsieur X... à sa cliente Madame Y... Z... est un contrat de louage d'ouvrage (ou de prestations de services), au sens de l'article 1710 du Code civil, et non pas un contrat de travail (au sens des articles L.140-1 et suivants du Code du travail) qui suppose que le travailleur se trouve dans un état de subordination ;

Considérant que, s'agissant donc d'un contrat de louage d'ouvrage, la

rémunération de Monsieur X... qui exerce une profession libérale, représente des honoraires et non pas de salaires, et que la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil -en ce qu'elle vise notamment les salaires- n'est donc pas applicable en la présente espèce ; qu'il est patent, par ailleurs, que cette rémunération du comptable Monsieur X... ne représente pas des "loyers et fermages", au sens de ce même article 2277 ;

Mais considérant, que cet article 2277 prévoit, en outre, que la prescription quinquennale qu'il édicte s'applique également à "tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts" ;

Considérant que les deux notes d'honoraires dont le paiement est réclamé par Monsieur X... correspondent à : . celle du 31 juillet 1985, à l'exercice 1984, . celle du 31 octobre 1985, à l'exercice 1985 (au 30 juin 1985) ;

Considérant que ces honoraires étaient donc payés par exercice, c'est-à-dire selon une périodicité d'une année (ou de 6 moins ou moins) ; qu'au sujet de cette périodicité des paiements de ces honoraires, il est de plus constant que pendant 18 années, Monsieur X... s'est occupé de la comptabilité de Madame Y... Z... (jusqu'en 1985), et que ce contrat de louage d'ouvrage a toujours donné lieu à des honoraires payables périodiquement, après chaque exercice annuel ; que la simple circonstance que le montant annuel de ces honoraires ait pu varier en fonction du temps passé par l'expert pour exécuter les missions qui lui étaient confiées chaque année est sans incidence sur le caractère périodique du paiement desdits honoraires ;

Considérant que ces honoraires correspondent donc bien à une rémunération "payable par année ou à des termes périodiques plus courts" (au sens de l'article 2277 in fine du Code civil) et que l'action en paiement engagée au fond, le 2 mai 1995, est, par conséquent, prescrite ;

II/ Considérant que, compte tenu de l'équité, les deux parties sont déboutées de leurs demandes respectives en paiement de sommes, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que ces deux parties ont fait valoir des moyens sérieux et que leurs actions et les demandes ne présentent aucun caractère abusif ; qu'elles sont donc déboutées de leurs demandes respectives en paiement de dommages et intérêts pour "résistance abusive" et pour "procédure abusive" ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'article 2277 du Code civil :

I/ DECLARE prescrite (et donc irrecevable) l'action en paiement engagée par Monsieur X..., le 2 mai 1995 ;

II/ DEBOUTE les deux parties des fins de leurs autres demandes ;

CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués KEIME ET GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3835
Date de la décision : 07/05/1998

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2277 du Code civil - Application

Selon l'article 2277 du Code civil les actions en paiement des salaires et de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts se prescrivent par cinq ans. Le contrat liant un expert comptable à son client constitue un contrat de louage d'ouvrage, au sens de l'article 1710 du Code précité, et non un contrat de travail en l'absence de lien de subordination. Il en résulte que la rémunération de l'expert comptable s'analyse en honoraires et non en salaires. En l'espèce, dès lors que les honoraires d'un expert comptables étaient payables par exercice, c'est à dire selon une périodicité d'une année ou moins, que pendant plus de dix huit ans ils l'ont été selon ce terme périodique, la prescription de l'article 2277 précité s'applique à une action en paiement portant sur de telles rémunérations


Références :

Code civil 1710, 2277

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-07;1996.3835 ?
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