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07/05/1998 | FRANCE | N°1996-3811

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 mai 1998, 1996-3811


Suivant offre préalable, la Société SOFICARTE a consenti à Monsieur X... une ouverture de crédit par découvert en compte, pour un montant de 40.000 Francs avec intérêts au taux de 14,30 %.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 février 1994, Monsieur X... a formé opposition à une ordonnance rendue par le Président du Tribunal d'Instance d'ECOUEN, le 1er février 1994, signifiée le 8 février 1994, qui lui a enjoint de verser à la Société SOFICARTE la somme de 72.692 Francs, avec intérêts au taux de 14,30 %, correspondant à un solde de

compte permanent dit "Compte confiance".

A l'appui de sa demande, il a in...

Suivant offre préalable, la Société SOFICARTE a consenti à Monsieur X... une ouverture de crédit par découvert en compte, pour un montant de 40.000 Francs avec intérêts au taux de 14,30 %.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 février 1994, Monsieur X... a formé opposition à une ordonnance rendue par le Président du Tribunal d'Instance d'ECOUEN, le 1er février 1994, signifiée le 8 février 1994, qui lui a enjoint de verser à la Société SOFICARTE la somme de 72.692 Francs, avec intérêts au taux de 14,30 %, correspondant à un solde de compte permanent dit "Compte confiance".

A l'appui de sa demande, il a invoqué la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 8 septembre 1995, le Tribunal d'Instance d'ECOUEN a rendu la décision suivante : - déclare recevable l'opposition à l'injonction de payer, Statuant à nouveau, - déclare nul l'acte de signification du 8 février 1994 de l'ordonnance d'injonction de payer de ce siège en date du 1er février 1994, - constate que ladite ordonnance est nulle et non avenue, - rejette toute conclusion et demande contraires ou plus amples des parties, - laisse les dépens à la charge de la demanderesse.

Le 25 mars 1996, la Société SOFICARTE a interjeté appel. Elle fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré nul l'acte de signification de l'ordonnance rendue le 1er février 1994, alors que l'huissier, chargé de ladite signification, ayant touché personnellement le destinataire, n'était pas tenu de procéder à de

plus amples recherches. Elle ajoute que, s'agissant d'une nullité de pure forme, celle-ci n'est encourue que si l'irrégularité sanctionnée cause un grief à celui qui l'invoque ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ne saurait prétendre à un quelconque préjudice puisqu'il a retiré en mairie l'acte dont il conteste la validité, a comparu et a fait valoir des moyens de défense au fond.

La SA SOFICARTE réclame également l'allocation de la somme de 10.000 Francs au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et le versement d'une somme d'un montant égal sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - recevoir la Société SOFICARTE en son appel et en ses écritures et, y faisant droit, - infirmer la décision dont appel et, statuant à nouveau : - condamner Monsieur X... à 79.636,76 Francs avec intérêts au taux légal de 14,30 % à compter du 1er février 1994, - ordonner la capitalisation des intérêts pour ceux échus depuis plus d'un an, - condamner Monsieur X... à 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts et à autant sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... réplique que l'huissier, chargé de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, n'a pas indiqué, dans l'acte de signification, les investigations entreprises pour s'assurer du lieu de domicile du destinataire et que, partant, cette absence de

diligence est sanctionnée par la nullité de l'acte de signification. Il soutient, en outre, que la SA SOFICARTE doit être déchue du droit aux intérêts au motif qu'elle a consenti, au mépris des exigences de l'article L.311-10 du Code de la consommation, une ouverture de crédit supérieure au plafond convenu entre les parties au jour de la signature du contrat de crédit les unissant, mais également en raison de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant de l'article L.311-9 du Code de la consommation.

Enfin, Monsieur X... fait valoir que la SA SOFICARTE ne justifie d'aucune préjudice. Il sollicite, en dernier lieu, le versement de la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamnation de l'appelant aux dépens. Par conséquent, il demande à la Cour de : - déclarer la Société SOFICARTE irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en son appel, - la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, A titre principal, confirmer le jugement entrepris, A titre subsidiaire, Vu les articles L.311-1 et suivants du Code de la consommation, - dire et juger que la Société SOFICARTE a violé les dispositions des articles L.311-10 et L.311-9 du Code de la consommation, En conséquence, ordonner sur le fondement de l'article L.311-33 du même code la déchéance du droit aux intérêts de la Société SOFICARTE pour les sommes prêtées au-delà du montant maximum convenu dans l'offre préalable de crédit, soit 40.000 Francs, A titre infiniment subsidiaire, - dire et juger que le taux d'intérêt applicable aux sommes dues au-delà de 40.000 Francs est le taux légal

en vertu de l'article 1907 du Code civil, En toute hypothèse, dire et juger y avoir lieu d'imputer en priorité sur le prêt de 40.000 Francs les paiements d'ores et déjà effectués par Monsieur X... en application de l'article 1256 du Code civil, - condamner la Société SOFICARTE a versé à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la Société SOFICARTE aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP MERLE CARENA DORON conformément aux dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions, la Société SOFICARTE fait valoir que l'ouverture de crédit consentie à Monsieur X... portait sur un montant de 40.000 Francs mais pouvait, en application des termes mêmes du contrat, atteindre la somme de 140.000 Francs.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - allouer à la Société SOFICARTE le bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer ce que précédemment requis quant aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 mars 1998 et l'affaire plaidée pour Monsieur X..., à l'audience du 26 mars 1998.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que le premier juge analysant les irrégularités qu'il relevait dans l'acte d'huissier de signification de l'ordonnance d'injonction de payer litigieuse (au regard des exigences des articles 654 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile), a considéré que ces irrégularités "viciaient au fond/cet/acte de

procédure" ;

Mais considérant que, malgré l'imprécision ou l'incorrection de l'expression employée, il demeure que l'absence de recherches effectuées et de vérifications et diligences concrètes, reprochée à l'huissier, relève de la nullité des actes de procédure pour vice de forme (articles 112 à 116 du Nouveau Code de Procédure Civile), même s'il est vrai qu'il y a eu inobservation par l'huissier d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que le jugement déféré est donc infirmé de ce chef et que, s'agissant d'une nullité pour vice de forme, il appartenait à Monsieur X... qui invoquait expressément la nullité de l'acte, de faire la preuve du grief que lui causait cette irrégularité (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;

Considérant que l'intéressé ne dit rien et ne démontre rien à ce sujet ; que notamment, rien ne prouve qu'il existerait un quelconque lien de causalité certain et direct entre cette irrégularité (vice de forme) et une impossibilité pour Monsieur X... de se défendre ; que, bien au contraire, l'intéressé n'a manifestement subi aucun grief et qu'il a pu faire valoir tous ses moyens de défense, puisqu'il est constant qu'il a retiré la copie de cet acte d'huissier, en mairie, et qu'il a comparu devant le tribunal d'instance avec son avocat qui a conclu et plaidé pour lui ;

Considérant que l'intimé est, par conséquent, débouté de ses moyens tendant à faire déclarer nul l'acte de signification par huissier du 8 février 1994 ;

II/ Considérant, quant au fond, que subsidiairement, Monsieur X...

se borne à invoquer une déchéance du droit aux intérêts de la Société SOFICARTE, et qu'il ne conteste pas le montant (en principal) de sa dette envers le prêteur ;

Considérant qu'il est constant que le 12 décembre 1989 Monsieur X... a signé une offre préalable d'ouverture de crédit par découvert en compte, visant un découvert autorisé à hauteur de 40.000 Francs pour un taux effectif global de 16,30 % à 14,30 % ; que cet acte initial n'est pas discutable en sa régularité, et, qu'il est conforme aux exigences des articles L.311-8 à L.311-10 du Code de la consommation ;

Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L.311-9, cette offre préalable était obligatoire pour le contrat initial de 40.000 Francs (la durée de ce contrat étant limitée à un an renouvelable), et que, s'agissant ensuite d'un relèvement du découvert autorisé qui correspondait à une nouvelle ouverture de crédit, le prêteur devait alors proposer à Monsieur X... une nouvelle offre préalable, ce qu'il n'a pas fait ;

Considérant que l'inobservation par la Société SOFICARTE de ces dispositions d'ordre public de l'article L.311-9 et L.311-10 du Code de la consommation, entraîne à sa charge la déchéance de son droit aux intérêts (article L.311-33) au-delà des 40.000 Francs initialement convenus ; que Monsieur X... ne sera donc tenu qu'au seul remboursement du capital ; que ce capital dû, justifié et non contesté, est de 72.692 Francs, et que Monsieur X... est donc condamné à payer cette somme à l'appelante ; que, de plus, les intérêts au taux conventionnel de 14,30 % (à compter de la sommation de payer du 1er février 1994) sont dus sur la seule somme de 40.000

Francs ;

Considérant, en outre, que le débiteur invoque, en termes généraux, les dispositions de l'article 1256 du Code civil, et ce, sans fournir à la Cour les éléments pouvant permettre à celle-ci de déterminer quelle serait, pour ce débiteur, la dette la plus onéreuse ; que Monsieur X... est donc débouté de sa demande fondée sur l'application de cet article 1256 du Code civil ;

III/ Considérant que sous forme d'"observations" énoncées dans ses conclusions du 24 juillet 1996 (cote 5 du dossier de la Cour), la société appelante fait valoir, en termes dubitatifs, que Monsieur X... aurait, selon elle, "vraisemblablement" dissimulé d'autres dettes ; qu'elle ne fait pas la preuve qui lui incombe d'une faute commise par l'emprunteur ni du préjudice certain qui lui aurait été ainsi directement causé ; qu'elle est donc déboutée de sa demande en paiement de 10.000 Francs de dommages et intérêts de ce chef ;

IV/ Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur X... est condamné à payer à la Société SOFICARTE la somme de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que lui-même est débouté de sa demande en paiement fondée sur cet article ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I/ . INFIRME en son entier le jugement déféré et statuant à nouveau :

. DECLARE régulière la signification du 8 février 1994 :

II/ . CONDAMNE Monsieur Jean X... à payer à la Société SOFICARTE le capital dû de 72.692 Francs (SOIXANTE DOUZE MILLE SIX CENT QUATRE VINGT DOUZE FRANCS) et ce, avec intérêts au taux conventionnel de 14,30 % à compter du 1er février 1994, mais à concurrence de 40.000 Francs seulement ;

. DEBOUTE Monsieur X... de sa demande fondée sur l'application de l'article 1256 du Code civil ;

III/ . DEBOUTE la Société SOFICARTE de sa demande de dommages et intérêts ;

IV/ . CONDAMNE Monsieur X... à payer à la Société SOFICARTE la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et LE DEBOUTE de sa propre demande fondée sur cet article ;

CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoué LAMBERT DEBRAY CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3811
Date de la décision : 07/05/1998

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Ouverture de crédit utilisable par fractions - Nouvelle ouverture de crédit - Nouvelle Offre préalable - Nécessité - /

Si en application de l'article L. 311-9 du Code de la consommation l'offre préalable de crédit relative à une ouverture de crédit utilisable par fraction -ou découvert autorisé- n'est obligatoire que pour le contrat initial, lorsque le montant du découvert fait l'objet d'un relèvement, cette augmentation s'analyse en une nouvelle ouverture de crédit qui doit donner lieu à une offre préalable. Il en résulte qu'un relèvement du seuil de découvert intervenu en contravention des dispositions d'ordre public de l'article L. 311-9 du Code précité entraîne, en application de l'article L. 311-33 du même Code, la déchéance du droit aux intérêts pour l'organisme prêteur, l'emprunteur n'étant tenu qu'au seul remboursement du capital


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-05-07;1996.3811 ?
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