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30/04/1998 | FRANCE | N°1996-3402

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 avril 1998, 1996-3402


Par acte authentique en date du 24 avril 1985, la SCI AMJU, constituée par les deux époux X..., a donné à bail à la SCM "CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF" un appartement, à usage de cabinet médical, au bénéfice de Madame Y... et de l'un de ses confrères. Ledit bail a été consenti moyennant un loyer annuel de 90.000 Francs, indexé sur l'indice national du coût de la construction, et révisable à la fin de chaque période annuelle.

Par jugement en date du 13 mars 1992, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a prononcé le divorce des époux Z....

Par acte

du 19 octobre 1992, Monsieur Y... a fait délivrer à la sociétaire locataire un...

Par acte authentique en date du 24 avril 1985, la SCI AMJU, constituée par les deux époux X..., a donné à bail à la SCM "CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF" un appartement, à usage de cabinet médical, au bénéfice de Madame Y... et de l'un de ses confrères. Ledit bail a été consenti moyennant un loyer annuel de 90.000 Francs, indexé sur l'indice national du coût de la construction, et révisable à la fin de chaque période annuelle.

Par jugement en date du 13 mars 1992, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a prononcé le divorce des époux Z....

Par acte du 19 octobre 1992, Monsieur Y... a fait délivrer à la sociétaire locataire un commandement de payer la somme de 35.182,70 Francs visant la clause résolutoire.

La SCM "LE GRAND CERF" a fait assigner Monsieur X... et la SCI aux fins de voir déclarer nul et de nul effet le commandement de payer qui lui a été signifié le 10 octobre 1992, et d'obtenir la condamnation de Monsieur X... au versement de la somme de 15.000 Francs à titre de dommages-intérêts en raison du caractère abusif dudit commandement, ainsi qu'à celle de 6.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCI AMJU, arguant du défaut d'application par le locataire de la clause d'indexation prévue au contrat, a demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 35.979,47 Francs, majorée des intérêts de retard à compter du 10 octobre 1992, ainsi que le versement de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... a sollicité, quant à lui, la réactualisation de sa demande et réclamé ainsi le versement de la somme de 52.265,75 Francs, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, outre la condamnation de la demanderesse au paiement de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire rendu le 1er avril 1994, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES a rendu la décision suivante : - déclare nul et de nul effet le commandement délivré par la SCI AMJU le 10 octobre 1992, - condamne Monsieur Michel X... en son nom personnel à payer à la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF la somme de 1.000 Francs à titre de dommages et intérêts, - reçoit la SCI AMJU représentée par Maître VERGAVEL ès-qualités d'administrateur judiciaire en sa demande reconventionnelle, - condamne la SCP CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF à payer à la SCI AMJU la somme de 35.979,47 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1992, - déclare Monsieur Michel X... irrecevable en sa demande formée au nom de la SCI AMJU, - débouté Monsieur X... de sa demande, - condamne Monsieur Michel X... à payer à la SCM LE GRAND CERF une somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne la SCM LE GRAND CERF à payer à la SCI AMJU représentée par Maître VERSAVEL la somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - fait masse des dépens et les partage par moitié entre Monsieur Michel X... et la SCM LE GRAND CERF.

Le 20 mars 1996, la SCM "LE GRAND CERF" a interjeté appel. Elle réclame, en premier lieu, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du commandement à payer, au motif que

Monsieur X... était dépourvu de la capacité juridique de faire délivrer un tel acte. En deuxième lieu, elle soutient qu'en ce qui concerne les loyers dus jusqu'au 1er avril 1990, la SCI AMJU a renoncé à toute indexation puisqu'elle a décidé, lors d'une assemblée générale du 14 mars 1990, de fixer un nouveau loyer d'un montant inférieur à ce qu'aurait été le loyer indexé (95.900 Francs par an) ; qu'en ce qui concerne les loyers postérieurs au 1er avril 1990, un nouveau bail, conclu à cette même date, avait fixé le montant du loyer à 95.900 Francs par an ; que l'absence de rédaction de tout écrit pur ce bail n'est imputable qu'à la faute de Monsieur X....

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - déclarer recevable et bien fondée la Société Civile de Moyens CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF en son appel partiel, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nul le commandement du 17 octobre 1992, - dire et juger que la SCM n'est redevable d'aucun arriéré de loyer pour la période antérieure au 1er avril 1990, - dire et juger que le loyer annuel convenu pour la période commençant à courir le 1er avril 1990 était fixé à la somme de 95.900 Francs, - infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCM au paiement de la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'administrateur provisoire, - condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 5.000 Francs de dommages et intérêts en raison de son comportement abusif, et au paiement de la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur Michel X... au paiement de l'ensemble des dépens exposés tant devant le tribunal d'instance que devant la Cour, et en ordonner la distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, au profit de la SCP LEFEVRE ET TARDY pour ceux la concernant.

Monsieur X... fait valoir que l'article 17 des statuts de la SCI AMJU reconnaît à chaque gérant le pouvoir d'engager seul la société, qu'en outre, Monsieur X..., ayant établi seul le bail conclu avec la SCM LE GRAND CERF, pouvait, par application du parallélisme des formes, faire délivrer, de sa propre initiative, un commandement de payer l'arriéré des loyers dus. Dès lors, il reproche au tribunal d'instance d'avoir commis, sur ce point, une erreur d'appréciation.

Il soutient également que l'acte en date du 1er avril 1990 ne constituent aucunement un nouveau contrat de bail, mais un simple

CERF, Vu l'ordonnance rendue le 13 février 1993 désignant Maître VERSAVEL, ès-qualités d'administrateur judiciaire de l'indivision et de la SCI AMJU, - constate l'absence de renonciation au bail initial, - constater que le bail initial consenti par acte authentique du 24 avril 1985 est toujours en cours, - constater l'absence de renonciation aux clauses d'indexation, - constater la validité du commandement régulièrement délivré par Monsieur X... le 19 octobre 1992 à la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF, - accorder audit commandement son plein et entier effet, sauf à actualiser les sommes dues au jour de l'arrêt à intervenir, Vu l'absence de faute de Monsieur X... dans la délivrance dudit commandement, - recevoir Monsieur X... en son appel incident du chef de sa condamnation à des dommages et intérêts, - dire n'y avoir lieu à condamnation de ce chef, - débouter la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF de sa demande en majoration de dommages et intérêts de ce chef, - débouter la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, - la condamner au paiement d'une somme de 20.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCP LAUREAU JEANNEROT, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SCI AMJU, demande, quant à elle, à la Cour de : - statuer ce que de droit sur la recevabilité et le bien fondé de l'appel formé par la SCP "CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF", - donner acte à la SCP LAUREAU-JEANNEROT ès-qualités, de ce qu'elle s'en rapporte à justice, - laisser à la charge des dépens à la SCM "CABINET GYNECOLOGIQUE LE

GRAND CERF" dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCM LE GRAND CERF, en ses dernières conclusions, fait valoir que, d'une part, les cessions de clientèles se font le plus souvent par acte sous seing privé et que, d'autre part, Monsieur X... n'a jamais demandé la production de cet acte, lequel n'est d'ailleurs nullement nécessaire à la conclusion d'un bail.

Elle soutient, en outre, que l'Assemblée Générale de la SCI AMJU, tenue le 14 mars 1990, a décidé d'établir un nouveau contrat de bail, et non un simple avenant, à compter du 1er avril 1990, moyennant un loyer annuel de 95.900 Francs.

L'ordonnance de clôture a été signée le 5 mars 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 19 mars 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF verse aux débats la copie de la délibération de la réunion extraordinaire de la SCI AMJU du 14 mars 1990, aux termes de laquelle il a été décidé de constituer un nouveau bail à la SCM, moyennant un loyer annuel de

95.900 Francs ; qu'il y est également précisé que Monsieur X..., agissant en sa qualité de gérant statutaire de la SCI, s'engage formellement à la constitution de ce nouveau bail, consenti pour une durée de 3,6 ou 9 ans, lequel est en cours de rédaction à l'étude de Maître J. DUBOIS, notaire à MANTES LA JOLIE ;

Considérant que cette délibération de la SCI AMJU du 14 mars 1990, signée par ses deux associés Monsieur et Madame X..., vaut donc offre unilatérale d'un nouveau bail ;

Considérant que l'acceptation par la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF de l'offre d'un nouveau bail de la SCI AMJU, résulte de la prise de jouissance immédiate des lieux et de l'exécution des obligations du locataire en résultant, en particulier le paiement du loyer défini contractuellement, ainsi qu'il est d'ailleurs indiqué sur le commandement délivré le 19 octobre 1992 par Monsieur X... ; que l'échéance annuelle du loyer étant en octobre, Monsieur X... n'a pourtant émis aucune réserve lors du versement des loyers de 1990 et 1991 ;

Considérant que selon la délibération du 14 mars 1990, la constitution du nouveau bail n'était nullement subordonnée à la fourniture de l'acte authentique de cession de clientèle entre le Docteur A... et le nouvel associé de la SCM, le Docteur B... ;

que d'ailleurs, et en tout état de cause, Monsieur X... ne justifie pas avoir tenté de se faire remettre cet acte ;

Considérant que la réalisation du bail était subordonnée en revanche, à la rédaction d'un acte notarié aux soins de Monsieur X..., en qualité de gérant ; que Monsieur X... étant chargé de faire établir cet acte sous sa seule responsabilité, il était en son pouvoir de faire respecter ou non cette obligation d'établir un acte authentique ; qu'il s'agissait donc d'une obligation sous condition purement potestative de la part de Monsieur X..., laquelle est nulle en vertu des dispositions de l'article 1174 du Code civil ; qu'à titre surabondant, en vertu des dispositions de l'article 1178 du même code, il convient de réputer accomplie la condition de rédaction d'un acte authentique, Monsieur X..., qui s'était obligé à contracter un nouveau bail sous cette condition, ne justifiant nullement des raisons de sa carence ;

Considérant que le bail en cours lors du commandement était donc celui résultant de l'offre de la bailleresse du 14 mars 1990, acceptée par la locataire ; que par conséquent, le commandement délivré en vertu du bail authentique du 24 avril 1985, visant la clause résolutoire de cet acte, pour avoir paiement de loyers calculés conformément à celui-ci, est nul et dépourvu d'effet quant à la résolution du contrat et quant aux loyers réclamés ;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner la capacité juridique de Monsieur X... à faire délivrer ce commandement en tant que co-gérant de la SCI AMJU ;

Considérant que la SCP LAUREAU-JEANNEROT, ès- qualités d'administrateur judiciaire de la SCI AMJU, déclare s'en rapporter à justice et ne réclame le paiement d'aucun loyer à la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné celle-ci à payer à la SCI AMJU la somme de 35.979,47 Francs au titre des loyers calculés sur la base de l'ancien bail ; qu'il convient également de l'infirmer en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à la SCI AMJU représentée par Maître VERSAVEL, ès-qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF ne rapporte pas la preuve, ni du comportement prétendument abusif de Monsieur X..., ni du préjudice qui en serait résulté pour elle ; que la Cour la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts

à ce titre ;

Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF les frais irrépétibles engagés en procédure d'appel ;

Considérant que la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF a vu reconnaître le bien fondé de ses prétentions en appel, alors que Monsieur X... a succombé entièrement en son appel incident ; que par conséquent, la Cour condamne celui-ci aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier

ressort :

DIT que le bail en cours depuis le 1er avril 1990 est celui résultant de l'offre de la SCI AMJU du 14 mars 1990, acceptée par la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE LE GRAND CERF à payer à la SCI AMJU la somme de 35.979,47 Francs (TRENTE CINQ MILLE NEUF CENT SOIXANTE DIX NEUF FRANCS QUARANTE SEPT CENTIMES) et à la SCI AMJU représentée par Maître VERSAVEL, ès-qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions non contraires ;

DEBOUTE la SCM CABINET GYNECOLOGIQUE DU GRAND CERF de ses demandes en

paiement de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

DEBOUTE Monsieur X... des fins de toutes ses demandes ;

LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP LEFEVRE TARDY et la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3402
Date de la décision : 30/04/1998

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Conditions - Condition potestative

En application de l'article 1174 du Code civil, une obligation contractée sous la condition purement potestative de la part de celui qui s'oblige est nulle, et, en vertu de l'article 1178 du Code précité, une condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous condition, qui en a empêché l'accomplissement. Un bailleur qui offre unilatéralement, sous condition de la rédaction d'un acte notarié, de nouvelles conditions de bail à son locataire, lequel établit qu'il les a acceptées, ne peut ensuite, utilement, se prévaloir de l'absence de réalisation de la condition, dès lors que, en se réservant dans l'offre la responsabilité de l'établissement de l'acte authentique, la condition posée est purement potestative et donc nulle en application de l'article 1174 du Code civil et, en tout état de cause, réputée acquise, faute de justifier d'un empêchement, en vertu de l'article 1178 du même Code


Références :

Code civil, articles 1174 et 1178

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-30;1996.3402 ?
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