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30/04/1998 | FRANCE | N°1996-3301

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 avril 1998, 1996-3301


Suivant acte sous seing privé en date du 18 novembre 1991, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont donné en location à Monsieur et Madame Z... une maison sise 3 rue de Mont de Veine à SAINT BRICE SOUS FORET.

Par acte d'huissier en date du 28 juin 1994, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont fait délivrer à Monsieur et Madame Z... un congé pour la date du 31 décembre 1994, afin de reprise pour Madame X....

Le 1er février 1995, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont fait assigner Monsieur et Madame Z... devant le tribunal d'instance d'ECOUEN, aux fins

de validation du congé du 28 juin 1994, d'expulsion, de fixation de l'...

Suivant acte sous seing privé en date du 18 novembre 1991, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont donné en location à Monsieur et Madame Z... une maison sise 3 rue de Mont de Veine à SAINT BRICE SOUS FORET.

Par acte d'huissier en date du 28 juin 1994, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont fait délivrer à Monsieur et Madame Z... un congé pour la date du 31 décembre 1994, afin de reprise pour Madame X....

Le 1er février 1995, Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ont fait assigner Monsieur et Madame Z... devant le tribunal d'instance d'ECOUEN, aux fins de validation du congé du 28 juin 1994, d'expulsion, de fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle à 10.000 Francs, de paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts et de celle de 5.930 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et ce, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Monsieur et Madame Z... se sont opposés à ces demandes en arguant de la tardiveté du congé et donc de sa nullité ; reconventionnellement, ils ont sollicité la condamnation de Madame X... épouse Y... et de Monsieur X... à leur payer la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; subsidiairement, ils ont demandé 18 mois de délais pour quitter les lieux.

Par jugement en date du 24 novembre 1995, le tribunal d'instance d'ECOUEN a rendu la décision suivante :

- valide le congé délivré par Madame Y... et Monsieur X... à Monsieur et Madame Z... le 28 juin 1994 pour libérer la maison d'habitation située 3, rue du Mont de Veine à SAINT BRICE SOUS FORET le 31 décembre 1994,

- condamne Monsieur et Madame Z... au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant que le loyer aurait si le bail s'était poursuivi et ce, majoré de 15 % à compter du 1er janvier 1995,

- autorise l'expulsion de Monsieur et Madame Z... et celle de tout occupant de leur chef qui devront quitter les lieux dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, au besoin avec l'assistance de la force publique et ce, après avoir satisfait aux obligations incombant au locataire sortant,

- ordonne en ce cas, la séquestration du mobilier garnissant les lieux dans tel garde-meubles au choix de Madame Y... et

Monsieur X... et, ce, aux frais, risques et périls des défendeurs,

- condamne Monsieur et Madame Z... à payer à Madame Y... et Monsieur X... la somme de 3.500 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamne les défendeurs aux entiers dépens.

Le 28 mars 1996, Monsieur et Madame Z... ont interjeté appel. Ils soutiennent que le bail n'a pas débuté le 1er janvier 1992, mais le 11 décembre 1991, date de l'état des lieux, de sorte que le congé délivré le 28 juin 1994 est tardif en vertu des dispositions de l'article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 et qu'il est donc nul ; que par ailleurs, ce congé a été signifié par un seul et unique exploit d'huissier à Monsieur et Madame Z... ; que tant le respect du délai pour donner congé, que l'identité du destinataire d'un acte de procédure, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte.

Ils font valoir, en outre, que Monsieur X... et Madame Y... ont pris le risque de faire exécuter la décision malgré l'appel interjeté ; que leur préjudice est considérable puisqu'ils sont hébergés depuis le 9 avril 1997 par la mère de Monsieur Z..., dans un 3 pièces à SARCELLES, où ils sont six personnes à vivre ; qu'ayant fait construire une maison à ANDILLY en recourant à des emprunts, ils ont été confrontés à la liquidation judiciaire du constructeur et ensuite aux aléas d'une procédure à l'encontre des assureurs ; que le trouble psychologique subi par leurs 3 enfants est également considérable, car ils vivent à 30 kilomètres de leur école ; que Madame Y... a répandu dans la ville de SAINT BRICE que ses locataires en réalité étaient partis à la cloche de bois.

Ils demandent à la Cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par Monsieur et Madame Z...,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 28 juin 1994 aux époux Z..., comme délivré tardivement,

- en conséquence, dire que le bail s'est trouvé renouvelé pour une nouvelle période de trois ans,

- décharger Monsieur et Madame Z... des condamnations prononcées contre eux, en principal, intérêts, frais et accessoires,

- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- condamner Monsieur X... et Madame Y... à porter et payer aux concluants la somme de 8.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur X... et Madame Y... en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Madame X... épouse Y... et Monsieur X... concluent au rejet de l'exception de nullité du congé tirée de sa prétendue délivrance en un seul exemplaire et développée pour la première fois en appel, aux motifs que les exceptions de nullité doivent être soulevées avant toute défense au fond et doivent l'être toutes simultanément à peine d'irrecevabilité de celles qui ne l'auraient pas été ; qu'en tout état de cause, le congé a bien été délivré le 28 juin 1994, selon 2 actes remis en mairie, après refus de l'acte par une personne présente au domicile et vérification du nom sur la boite à lettres ; qu'au surplus, les appelants ne prouvent pas le grief que leur aurait causé cette prétendue nullité.

Ils soulignent que contrairement aux allégations des appelants, le bail est clair et précis et ne saurait donner lieu à interprétation ; qu'il n'existe aucun doute quant à sa date de prise d'effet, soit le 1er janvier 1992 ; que le congé délivré le 28 juin 1994 ne l'a donc pas été hors délais,

Ils font valoir que les appelants sont de mauvaise foi ; qu'en effet, ceux-ci ont voulu se maintenir dans les lieux pour éviter un deuxième déménagement, lors de leur installation dans leur maison en construction ; que leur demande de suspension de l'exécution provisoire a été rejetée par le premier président de cette cour ; qu'ils ont également été déboutés par le tribunal d'instance d'ECOUEN de leur demande en remboursement de la somme de 80.000 Francs, correspondant selon eux au coût de la cuisine installée par leurs soins et en revanche, ont été condamnés à payer la somme de 31.000 Francs, correspondant au coût de remise en état de la cuisine ; qu'enfin, ils ont saisi le juge de l'exécution, qui par jugement du 7 mars 1997, les a également déboutés de leur demande de nullité du commandement de payer et du procès-verbal de saisie-vente délivrés par leur huissier instrumentaire.

Ils font observer que grâce aux diligences de ce dernier, Maître VERON, Monsieur et Madame Z... ont finalement quitté les lieux, mais sans se désister de leur appel.

Ils demandent donc à la Cour de :

- dire Monsieur et Madame Z... non fondés en leur appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- les recevoir en leur appel incident et en leurs demandes additionnelles,

- condamner Monsieur et Madame Z... solidairement à leur payer la somme de 40.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

- condamner Monsieur et Madame Z... à leur payer la somme de 15.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur et Madame Z... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 5 mars 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 17 mars 1998.

SUR CE LA COUR

1) Sur l'exception de nullité du congé tirée de sa prétendue délivrance par un seul acte à Monsieur et Madame Z... :

Considérant que l'irrégularité ainsi soulevée par les époux Z... ne constitue pas une irrégularité de fond énumérée à l'article 117 du nouveau code de procédure civile, mais qu'il s'agit d'un vice de forme ; que celui-ci est invoqué pour la première fois devant la Cour, alors que les époux Z... ont soulevé devant le premier juge la nullité du congé pour tardiveté ; que surtout, ces derniers ne prétendent pas et ne justifient pas que l'irrégularité alléguée leur aurait causé grief, puisqu'aussi bien, ils ne prétendent pas non plus que l'un d'entre eux n'aurait pas eu connaissance du congé ;

Considérant qu'à titre surabondant, tout exploit d'huissier peut avoir plusieurs destinataires ; qu'il doit alors préciser si la signification s'est faite par actes séparés ; que si la signification concerne deux destinataires domiciliés à la même adresse, comme c'est le cas pour deux époux, l'acte de signification est unique, mais précise le mode de remise pour l'un et l'autre des destinataires ; que tel est la cas en l'espèce, puisque sur le congé litigieux du 28 juin 1994, il est indiqué en ce qui concerne sa signification, que l'acte a été remis en mairie pour chacun des destinataires, à savoir Monsieur et Madame Z... ;

Considérant que par conséquent, en application des dispositions des articles 112 et suivants du nouveau code de procédure civile, la Cour rejette l'exception de nullité du congé pour délivrance d'un seul acte aux locataires ;

2) Sur l'exception de nullité du congé pour délivrance tardive :

Considérant que le contrat de location mentionne expressément qu'il prend effet le 1er janvier 1992 pour se terminer le 31 décembre 1994 ; que l'indication selon laquelle l'état des lieux sera établi lors de la prise de possession, sans précision de date, ne contredit pas cette clause claire et précise ; que l'établissement de cet état des lieux à la date du 11 décembre 1991, la régularisation d'abonnement FRANCE TELECOM au 13 décembre 1991, la livraison de fuel au 30 décembre 1991, sont certes de nature à démontrer que les époux Z... ont occupé les lieux à compter du 11 décembre 1991 ; que cependant, la seule attestation de la mère de Monsieur Z..., qui déclare que lors de la remise des clefs du logement, son fils

aurait versé une somme en espèces correspondant au loyer pour la période de décembre, ne suffit pas à prouver le paiement d'un loyer antérieurement à la prise d'effet du contrat de bail ; qu'à défaut pour les appelants de justifier de la naissance de leur obligation principale de payer le loyer, à une date antérieure à celle prévue au contrat de location, il n'y a pas lieu à interprétation de celui-ci et il convient de s'en tenir à ses termes exprès, clairs et précis ; Considérant que par conséquent, en délivrant congé par exploit d'huissier le 28 juin 1994, les bailleurs ont respecté le délai de préavis de 6 mois prévu par l'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'il n' y a donc pas lieu d'annuler le congé pour tardiveté ; Considérant que les appelants ne soulèvent aucune autre contestation concernant le congé ; que par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a validé ce congé, a condamné Monsieur et Madame Z... à verser une indemnité d'occupation fixée à juste titre, en raison de sa nature mixte, au montant du loyer majoré de 15 % à compter du 1er janvier 1995 et a autorisé leur expulsion, ainsi que la séquestration de leurs meubles ;

3) Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts :

Considérant que les appelants n'établissent pas avoir dû quitter les lieux à la suite d'une procédure d'expulsion ; qu'en tout état de cause, il ne peut être valablement reproché aux intimés d'avoir fait exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire, aujourd'hui confirmé en toutes ses dispositions ; que par conséquent, en l'absence de toute faute commise par Monsieur X... et Madame Y..., la Cour déboute les époux Z... de leurs demandes de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et de paiement de dommages-intérêts ;

Considérant que les autres procédures initiées par les appelants n'établissent pas le caractère abusif de leur appel ; que Madame X... épouse Y... et Monsieur X... ne rapportent pas la preuve d'un préjudice particulier, distinct des frais de procédure, qui serait résulté pour eux du maintien de la procédure d'appel après que les époux Z... eurent quitté les lieux ; que par conséquent, la Cour les déboute également de leur demande en paiement de dommages- intérêts pour appel abusif ;

4) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant qu'en revanche, eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame X... épouse Y... et Monsieur X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

Et y ajoutant :

- DEBOUTE Monsieur et Madame Z... des fins de toutes leurs demandes ;

- DEBOUTE Madame X... épouse Y... et Monsieur X... de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

- CONDAMNE Monsieur et Madame Z... à payer à Madame X... épouse Y... et Monsieur X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président, M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3301
Date de la décision : 30/04/1998

Analyses

BAIL (règles générales) - Congé - Signification

Une exception de nullité d'un congé tirée de sa prétendue délivrance par un seul acte aux époux signataires du bail ne constitue pas une irrégularité de fond énumérée par l'article 117 du nouveau Code de procédure civile, mais, le cas échéant, un simple vice de forme dont il appartient à celui qui invoque cette irrégularité de prouver qu'elle lui cause un grief. De surcroît, tout exploit d'huissier est susceptible d'avoir plusieurs destinataires, et lorsque ceux-ci sont domiciliés à la même adresse (cas des époux) l'acte de signification est unique, sauf à préciser, pour chacun des destinataires, le mode de remise de l'acte


Références :

nouveau Code de procédure civile, article 117

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-30;1996.3301 ?
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