La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/1998 | FRANCE | N°1995-6923

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 avril 1998, 1995-6923


Le 19 août 1992 à 12 heures 16, un avion de tourisme, ayant à son bord cinq passagers, après avoir heurté de son aile gauche un pylône EDF de haute tension, s'est écrasé en flammes au lieudit "PECH DE LA BOUSSOLE" sur la Commune de NARBONNE.

Six personnes sont décédées dans cet accident :

o

le pilote, Michel X..., âgé de 41 ans,

o

Monsieur Pierre Y..., âgé de 47 ans,

o

le fils de ce dernier, Pierre-Frédéric Y..., âgé de 18 ans,

o

Lo'c Z..., âgé de 12 ans,

o

Monsieur Claude A..., âgé de 40

ans,

o

la fille de celui-ci, Sandrine A..., âgée de 16 ans.

L'avion bimoteur CESSNA 310 appartenait au groupement d'intérêt économi...

Le 19 août 1992 à 12 heures 16, un avion de tourisme, ayant à son bord cinq passagers, après avoir heurté de son aile gauche un pylône EDF de haute tension, s'est écrasé en flammes au lieudit "PECH DE LA BOUSSOLE" sur la Commune de NARBONNE.

Six personnes sont décédées dans cet accident :

o

le pilote, Michel X..., âgé de 41 ans,

o

Monsieur Pierre Y..., âgé de 47 ans,

o

le fils de ce dernier, Pierre-Frédéric Y..., âgé de 18 ans,

o

Lo'c Z..., âgé de 12 ans,

o

Monsieur Claude A..., âgé de 40 ans,

o

la fille de celui-ci, Sandrine A..., âgée de 16 ans.

L'avion bimoteur CESSNA 310 appartenait au groupement d'intérêt économique ART, constitué par la société RELMAT, la société TECHNOVIA et la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE, et il était couvert par un contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie LA REUNION AERIENNE.

Le jour de l'accident, les conditions météorologiques étaient très défavorables sur le littoral du Languedoc-Roussillon. A l'heure où l'avion s'est écrasé, tous les sommets, à partir d'une altitude de 150 à 180 mètres environ, étaient couverts par les nuages et la

visibilité était très réduite. Ces conditions météorologiques avaient conduit le pilote à retarder l'heure de départ de CHARTRES de 8 heures à 10 heures.

Le pilote n'était titulaire que de la licence de pilote professionnel, mais non qualifié IFR, correspondant au vol sans visibilité et aux instruments.

Selon les conclusions de l'enquête de gendarmerie, "il semble qu'à l'approche du littoral méditerranéen l'avion est entré dans une zone nuageuse et que son pilote a perdu toute référence visuelle avec le sol. Très certainement à la recherche d'un repère terrestre, le pilote a tenté d'évoluer sous cette couche nuageuse et perdu son altitude jusqu'au moment où, toujours dans la brume, il a percuté avec l'aile gauche le pylône électrique."

Il ressort des horaires de passages enregistrés par les radars, que l'avion a tourné une trentaine de minutes au dessus de la région de LEZIGNAN/NARBONNE avant de s'écraser.

Les consorts Z... ainsi que les consorts A... ont assigné le GIE ART, et ses sociétés membres, la compagnie d'assurances ainsi que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE D'EURE ET LOIR, pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Le tribunal de grande instance de CHARTRES, par deux jugements du 26 avril 1995, a débouté les demandeurs de toutes leurs demandes.

Il a considéré que le vol avait été organisé par Monsieur Pierre Y..., employé de la société RELMAT, alors que seul Monsieur B..., administrateur du GIE ART, était habilité à engager le GIE et qu'il n'avait confié aucune mission de vol à qui que ce soit ; que le vol à destination de PERPIGNAN pour conduire Monsieur A... et son fils, ainsi que Lo'c Z... sur un lieu de vacances, était totalement étranger à l'activité professionnelle de Monsieur Y..., lequel avait abusé de ses fonctions ; que si le pilote de l'avion était bien le préposé du GIE, il n'avait pris aucune initiative dans l'organisation du vol et n'avait fait qu'exécuter les instructions de Monsieur Y... ; qu'il n'avait donc pu engager la responsabilité du GIE en transportant des passagers dans ces conditions. Les premiers juges ont donc estimé que les parents des victimes n'établissaient pas la qualité de transporteur du GIE.

Les consorts A... et les consorts Z... ont interjeté appel de ces décisions.

Les deux instances d'appel ont été jointes par le Conseiller de la mise en état.

Les appelants soutiennent pour l'essentiel que la responsabilité du GIE ART en qualité de transporteur à titre gratuit est engagée puisqu'il existe une faute inexcusable (qualification insuffisante du pilote et connaissance par celui-ci des mauvaises conditions météorologiques), et que la qualité de préposé du pilote ne souffre pas de contestations sérieuses. Ils fondent subsidiairement leur action sur l'article 1384 alinéa 5 du Code civil. Ils soulignent que les ayants droit de Pierre Y... et du fils de ce dernier ont été indemnisés amiablement par la compagnie LA REUNION AERIENNE.

Ils demandent à la Cour d'infirmer les jugements déférés et, statuant à nouveau, de condamner le GIE ART et ses membres, la société RELMAT, la société TECHNOVIA et la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE ainsi que la compagnie d'assurance LA REUNION AERIENNE, solidairement, à payer à :

1) en réparation du préjudice moral :

l

Madame Bernadette A... :

o

à raison du décès de son époux

90.000 F,

o

à raison du décès de sa fille Sandrine

90.000 F,

l

Mademoiselle Isabelle A... :

o

à raison du décès de son père

90.000 F,

o

à raison du décès de sa soeur

40.000 F,

l

Madame Suzanne A... :

o

à raison du décès de son fils

50.000 F,

o

à raison du décès de sa petite-fille

40.000 F,

l

Monsieur Armand C... :

o

à raison du décès de sa petite-fille

40.000 F,

l

Madame Madeleine C... :

o

à raison du décès de sa petite-fille

40.000 F,

l

chacune des soeurs de Monsieur Claude A... :

o

Madame Françoise D...

30.000 F,

o

Madame Michèle E...

30.000 F,

o

Madame Ginette F...

30.000 F,

o

Madame Claudine G...

30.000 F,

o

Mademoiselle Sylvie A...

30.000 F,

o

Mademoiselle Nathalie A...

30.000 F,

l

Monsieur Jean-Paul Z... :

à raison du décès de son fils

90.000 F,

l

Madame Patricia Z... :

à raison du décès de son fils

90.000 F,

l

Monsieur Cyril Z... :

à raison du décès de son frère

40.000 F,

l

Mademoiselle Céline Z... :

à raison du décès de son frère

40.000 F,

l

chacun des grands-parents :

o

Monsieur Raymond Z...

40.000 F,

o

Madame Madeleine Z...

40.000 F,

o

Monsieur Léon LE H...

40.000 F,

o

Madame Bleuette LE H...

40.000 F,

2) au titre du préjudice matériel :

l

Madame Bernadette A... : la somme de 542.269,73 francs en réparation du préjudice économique et celle de 61.383,50 francs en paiement des frais funéraires,

l

Mademoiselle Isabelle A... : la somme de 20.000 francs au titre du préjudice scolaire et celle de 73.541,61 francs au titre du préjudice économique,

l

Monsieur Jean Paul Z... : la somme de 88.205,50 francs d'indemnité pour les frais funéraires.

Chacun des appelants réclame en outre au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, la somme de 1.500 francs pour les frais de première instance et celle de 3.000 francs pour les frais d'appel.

Le GIE ART, la société RELMAT, la société TECHNOVIA, la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE, intimés,

concluent ensemble à la confirmation du jugement entrepris et, subsidiairement, pour le cas où la responsabilité du GIE serait retenue, demandent à la Cour de condamner la compagnie LA REUNION AERIENNE à le garantir en tout état de cause.

Ils sollicitent en outre une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Ils soutiennent pour l'essentiel que :

- la seule qualité de propriétaire de l'avion ne donne pas au GIE la qualité de transporteur,

- Monsieur X... ne s'est pas vu confier de mission de transport par le GIE et ne pouvait donc engager le GIE en qualité de transporteur,

- en tout état de cause, Monsieur X..., à le supposer préposé, aurait agi en dehors de ses fonctions,

- à supposer établie l'existence d'un contrat de transport entre les passagers et le GIE, et la qualité de préposé de Monsieur X..., ce dernier n'a pas commis de faute inexcusable.

La compagnie LA REUNION AERIENNE, intimée, prie la Cour de :

- dire que la preuve n'est pas rapportée de la qualité de transporteur du GIE, ni de sa responsabilité,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris,

- débouter les consorts A... et les consorts Z... de toutes leurs demandes,

- déclarer irrecevable, comme atteinte par la prescription, la demande de la CPAM D'EURE ET LOIR,

subsidiairement :

- dire qu'elle est bien fondée à opposer une exception de non garantie fondée sur les dispositions des articles 3-D) et 5-C) de la police d'assurance,

encore plus subsidiairement :

- minorer dans de larges proportions le montant des dommages-intérêts sollicités, lesquels ne sauraient en tout état de cause dépasser la somme de 750.000 francs,

- débouter les appelants de leurs demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et les condamner au paiement à son profit d'une somme de 15.000 francs sur le fondement de ce texte. La compagnie d'assurance rappelle que la responsabilité du transporteur aérien ne peut être recherchée que dans les conditions et les limites du Code de l'aviation civile et de la Convention de Considérant que succombant, le GIE ART et la compagnie LA REUNION AERIENNE seront condamnés aux entiers dépens et à payer aux consorts Z..., d'une part, et aux consort A..., d'autre part, une indemnité globale de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Considérant que la compagnie LA REUNION AERIENNE devra garantir le GIE ART et ses membres, assurés, de toutes les condamnations prononcées en exécution des stipulations du contrat d'assurance ;

VARSOVIE ; que la limite de responsabilité du transporteur relative à chaque passager est fixée à 750.000 francs, sauf à faire la preuve d'une faute inexcusable. Elle invoque la même argumentation que celle développée par le GIE ART et ses sociétés membres pour soutenir que le GIE ne peut être considéré comme transporteur.

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR forme appel incident. Elle s'associe aux demandes des consorts A... et des consorts Z... tendant à voir déclarer le GIE ART et ses membres tenus à indemnisation et demande leur condamnation au paiement d'une somme de 35.890,00 francs, montant du capital-décès versé du chef de Sandrine A..., avec intérêts aux taux légal à compter de sa première demande en justice.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME les jugements rendus le 26 avril 1995 par le tribunal de grande instance de CHARTRES ;

La MUTUELLE INTERGROUPE D'ENTRAIDE, MIE, (organisme ayant versé une indemnité d'obsèques à Madame A...) régulièrement assignée, n'a pas constitué avoué.

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE in solidum le GIE ART, la société RELMAT, la société TECHNOVIA, la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE et la compagnie d'assurances LA REUNION AERIENNE à payer à :

SUR CE,

SUR LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR

Considérant qu'aux termes de l'article L.310-1 du Code de l'aviation civile :

1) au titre de la réparation de leur préjudice moral :

o

Monsieur Jean-Paul Z..., la somme de 90.000 francs,

o

Madame Patricia LE H..., la somme de 90.000 francs,

"le transport aérien consiste à acheminer par aéronef d'un point d'origine à un point de destination, des passagers, des marchandises ou de la poste" ;

Qu'il résulte des dispositions des articles L.322-3, L.321-3, L.321-4 et L.321-5 du Code de l'aviation civile que la responsabilité civile du transporteur de personnes est régie par la Convention de VARSOVIE du 12 octobre 1929 et que "sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit ne sera engagée ... que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés ..." ;

o

Monsieur Cyril Z..., la somme de 40.000 francs,

o

Mademoiselle Céline Z..., la somme de 40.000 francs,

Considérant que le GIE ART, créé entre la société RELMAT, la société TECHNOVIA et la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE le 3 juillet 1992, avait pour objet l'acquisition et l'exploitation ou la location de tous "engins conçus pour transporter les personnes" et notamment l'acquisition d'un avion destiné à faciliter aux trois associés la gestion des affaires des trois sociétés et l'organisation des transports et l'entretien du matériel ; que le GIE avait ainsi acheté le 8 juillet 1992 l'avion CESSNA 310 R ; que cet avion était destiné au transport du personnel du GIE ou à la location "coque nue" ;

o

Monsieur Raymond Z..., la somme de 40.000 francs,

Considérant qu'il est établi par les déclarations faites au cours de l'enquête de gendarmerie, que le voyage CHARTRES-PERPIGNAN du 19 août 1992 avait été organisé par Monsieur Pierre Y..., collaborateur direct de Monsieur Gérard B..., président directeur général de la société RELMAT et administrateur du GIE, lequel avait proposé à son ami Monsieur Claude A..., accompagné de sa fille et du jeune Lo'c Z..., de profiter du voyage pour se rendre sur un lieu de vacances ; que Monsieur Y... était pour ce voyage accompagné de son fils ; que Monsieur X..., pilote habituel de cet avion de tourisme, avait effectué environ 40 heures de vol sur cet appareil ; o

Madame Madeleine Z..., la somme de 40.000 francs,

o

Monsieur Léon LE H..., la somme de 40.000 francs,

o

Madame Bleuette LE H... la somme de 40.000 francs

Considérant qu'il résulte de ces éléments que le GIE ART est bien un transporteur au sens du Code de l'aviation civile ;

Que le pilote, qui se trouvait sous la subordination de Monsieur Y..., membre dirigeant de l'une des sociétés membres du GIE, était bien, durant le temps du voyage aérien, le préposé du GIE, propriétaire de l'avion et organisateur du transport des passagers de CHARTRES à PERPIGNAN ce 19 août 1992 ;

o

Madame Bernadette A..., deux sommes de 90.000 francs,

o

Mademoiselle Isabelle A..., la somme de 90.000 francs et celle de 40.000 francs,

Considérant qu'il ne peut être déduit des éléments de l'enquête que Monsieur Y... a abusé de ses fonctions alors qu'en sa qualité de dirigeant de l'une des sociétés membres du GIE, collaborateur de Monsieur B..., il a utilisé le moyen de transport à la disposition des membres du GIE, étant relevé qu'aucune procédure n'avait été mise en place au sein du GIE pour interdire ou limiter ou réglementer d'une manière quelconque l'usage de l'avion ;

o

Madame Suzanne A..., la somme de 50.000 francs et celle de 40.000 francs,

o

Monsieur Armand C..., la somme de 40.000 francs,

Que pilotant l'avion où avaient pris place Monsieur Y..., son fils et les passagers invités, Monsieur X..., pilote habituel de l'appareil, placé sous la subordination de Monsieur Y... et du GIE, n'a pas commis d'abus de fonctions ;

Considérant qu'il importe peu que le pilote ait été ou non rémunéré par le GIE, la rémunération n'étant pas un critère déterminant de l'existence du lien de préposition ; qu'en fait s'il n'était pas payé, Monsieur X... bénéficiait d'un avantage en nature car, en pilotant l'avion du GIE, il maintenait son potentiel d'heures de vol afin de passer sa qualification IFR ;

o

Madame Madeleine C..., la somme de 40.000 francs,

o

Mesdames Françoise D..., Michèle E..., Ginette F..., Claudine G..., Mesdemoiselles Sylvie A... et Nathalie A..., chacune, la somme de 30.000 francs,

Considérant que s'agissant d'un transport gratuit, la preuve d'une faute du transporteur ou de son préposé doit être rapportée ;

Considérant qu'aucune faute n'est prouvée à l'égard du GIE, propriétaire

Considérant qu'aucune faute n'est prouvée à l'égard du GIE,

2) en remboursement des frais funéraires :

o

Monsieur Jean-Paul Z..., la somme de 88.205,50 francs,

o

propriétaire de l'avion ;

Qu'en revanche, il résulte des deux rapports d'enquête de gendarmerie que le pilote, préposé du GIE, a commis une faute déterminante dans la survenance de l'accident ; qu'ayant pris des renseignements à la station météorologique de l'aérodrome de CHARTRES le jour de départ une première fois à 7 heures 45, une seconde fois à 9 heures, il a eu connaissance des mauvaises conditions météorologiques qui régnaient sur l'ensemble du littoral languedocien, lesquelles ne prévoyaient une amélioration qu'en début d'après-midi ; que néanmoins, il a pris le départ à 10 heures, alors qu'il n'était pas qualifié pour effectuer un vol sans visibilité et aux instruments ;

Madame Bernadette A..., la somme de 61.383,50 francs,

3) au titre du préjudice économique :

o

Madame Bernadette A..., la somme de 542.269,73 francs,

Que dans ces conditions, la responsabilité du GIE, transporteur, est engagée sur le fondement de l'article L.322-3 du Code de l'aviation civile ;

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE

o

Mademoiselle Isabelle A..., la somme de 73.445,61 francs, ainsi que la somme de 20.000 francs en indemnisation du préjudice scolaire ;

CONDAMNE en outre in solidum, le GIE ART, la société RELMAT, la société TECHNOVIA, la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS Considérant que les consorts A... et les consorts Z... font valoir que la limite de la responsabilité du transporteur fixée par l'article L.322-3 du Code de l'aviation civile relative à chaque passager n'est pas applicable en présence d'une faute inexcusable du pilote ;

Considérant que selon l'article L.321-4 du Code de l'aviation civile :

"Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable" ;

etamp; COMPAGNIE et la compagnie LA REUNION AERIENNE à payer :

o

aux consorts Z..., ensemble, la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

o

aux consorts A..., ensemble, la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il ressort des procès-verbaux d'enquête que :

- le pilote n'ignorait pas les mauvaises conditions météorologiques qui régnaient sur l'ensemble du littoral languedocien ;

REJETTE toute autre demande ;

DIT que la compagnie LA REUNION AERIENNE devra garantir ses assurés des condamnations prononcées à leur encontre en exécution des stipulations du contrat d'assurance ;

- son régime de vol était celui du vol à vue avec le sol ;

- il a effectué le voyage sans prendre aucun contact radio avec un organisme de circulation aérienne ;

- au lieu de se dérouter sur un autre aérodrome où les conditions auraient été meilleures, il a tourné pendant environ 30 minutes et cherché à rejoindre l'aéroport de PERPIGNAN alors qu'il était dans l'impossibilité de voler à vue ;

CONDAMNE in solidum le GIE ART, la société RELMAT, la société TECHNOVIA et la société ARMORICAINE DE VOIRIE JEAN LE BRAS etamp; COMPAGNIE aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Marie-France MAZARS, Président,

Qu'il est ainsi établi que le pilote, qualifié pour le seul vol à vue, ayant conscience de la probabilité du dommage, a persisté de façon téméraire à naviguer sans aucune visibilité et sans prendre la seule mesure de sauvetage utile possible qui eut été de se détourner vers un autre aéroport ;

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Madame Marie-France MAZARS, Président,

Madame Catherine I..., Greffier. Qu'il a commis une faute inexcusable ;

Considérant que les victimes ne peuvent donc se voir appliquer la limite d'indemnisation fixée par les dispositions du Code de l'aviation civile ;

SUR LES EXCLUSIONS DE GARANTIE

Considérant que la compagnie LA REUNION AERIENNE invoque l'exclusion de garantie prévue à l'article 3 des conditions générales communes du contrat d'assurance en cas d'"utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur, et en particulier, du fait du vol dit "en rase-mottes" sauf cas fortuit ou force majeure" ; qu'il oppose aussi celle résultant de l'article 5 en cas de qualification insuffisante du pilote ;

Qu'à juste titre, les consorts Z... et les consorts A... répliquent qu'il résulte de l'ANNEXE B article 7 b) "sauvegarde des victimes" que ces exclusions ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit ;

Considérant que la compagnie invoque alors la clause suivante de cet article 7 b de l'ANNEXE B qui stipule :

"Toutefois, lorsque les victimes sont présentes à bord de l'aéronef, l'assureur ne sera tenu à leur égard ou à l'égard de leurs ayants droit que jusqu'à concurrence du plafond de responsabilité du transporteur aérien prévu par l'article 22 de la Convention, même si cette Convention ou ce plafond ne s'appliquent pas ou si l'assuré ou ses préposés ne pouvaient, pour quelque cause que ce soit, invoquer cette Convention ou ce plafond" ;

Mais considérant que cette clause ne saurait faire échec aux dispositions du Code de l'aviation civile ci-dessus analysées selon lesquelles la limite de garantie de la Convention de VARSOVIE ne s'applique pas en cas de faute inexcusable ;

SUR LES PREJUDICES

Considérant que la compagnie LA REUNION AERIENNE demande que les sommes réclamées au titre du préjudice moral soient réduites et qu'au titre du préjudice économique ne soient retenues que les pertes résultant de la disparition de Monsieur Claude A... ;

Considérant que les demandes d'indemnités faites par chacun des appelants au titre du préjudice moral ne sont pas excessives et seront accueillies ;

Qu'il doit être également fait droit à celles relatives aux frais funéraires qui sont entièrement justifiées ;

Considérant que compte tenu de l'âge auquel Monsieur Claude A... est décédé, et au vu des éléments produits, les indemnisations sollicitées par Madame A... son épouse, et par Mademoiselle Isabelle A..., sa fille âgée de 18 ans, au titre de leur préjudice économique doivent être entièrement accordées ;

Que la demande au titre du préjudice subi par Mademoiselle A... du fait de ce qu'elle a dû renoncer aux études qu'elle devait entreprendre en septembre 1992 ne fait l'objet d'aucune discussion ; que l'indemnité réclamée au titre du préjudice scolaire sera donc allouée ;

SUR LA DEMANDE DE LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE D'EURE ET LOIR

Considérant que sur la demande en remboursement du montant de sa créance de 35.890,00 francs, la compagnie LA REUNION AERIENNE oppose à la Caisse la prescription de deux ans instituée par l'article 29 de la Convention de VARSOVIE aux termes duquel :

"les actions en responsabilité doivent être intentées sous peine de déchéance dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport" ;

Considérant que cette prescription est acquise puisque la Caisse qui n'avait pas comparu en première instance a formé sa demande pour la première fois par conclusions du 29 février 1996 en produisant un relevé de prestations relatif à sa créance définitive en date du 29 septembre 1995 ;

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE D'EURE ET LOIR sera donc déclarée irrecevable en sa demande ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-6923
Date de la décision : 30/04/1998

Analyses

TRANSPORTS AERIENS - Transport de personnes - Responsabilité des transporteurs de personnes.

Un groupement d'intérêt économique propriétaire d'un avion affecté au transport des personnels des entreprises qui en sont membres est, au sens de l'article L. 310-1 du Code de l'aviation civile, un transporteur aérien. Dès lors qu'un vol a été commandé par un collaborateur direct d'un dirigeant de l'une des entreprises membres du GIE et administrateur de celui-ci, le GIE est organisateur du voyage aérien et le pilote habituel de l'appareil se trouve durant le temps du voyage sous sa subordination en qualité de préposé. S'agissant d'un transport réalisé à titre gratuit, la responsabilité du transporteur ne peut être recherchée qu'en raison d'une faute imputable au transporteur lui-même ou à ses préposés. Le fait pour un pilote professionnel, non certifié pour le pilotage sans visibilité et aux instruments, d'avoir entrepris un vol en dépit de la connaissance de conditions météorologiques mauvaises régnant sur le lieu de destination constitue une faute déterminante dans la survenance du sinistre engageant la responsabilité du transporteur

TRANSPORTS AERIENS - Transport de personnes - Responsabilité des transporteurs de personnes - Limitation de responsabilité - Exclusion - Faute inexcusable - Définition.

Aux termes de l'article L. 321-4 du code de l'aviation civile, est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable". Lorsqu'il est établi qu'un pilote, qualifié pour le seul vol à vue avec le sol, a entrepris un vol en connaissance des mauvaises conditions météorologiques sévissant sur la région de destination du vol, qu'il a effectué le voyage sans prendre aucun contact radio avec un organisme de circulation aérienne et que, arrivé à proximité de l'aéroport de destination il a persisté à naviguer sans visibilité, au lieu de chercher à se dérouter vers un autre aérodrome bénéficiant de meilleures conditions météo, ces éléments démontrent la conscience de la probabilité du dommage et l'acceptation téméraire de celui-ci caractérisant une faute inexcusable


Références :

Code de l'aviation civile L310-1, L321-4

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-30;1995.6923 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award