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10/04/1998 | FRANCE | N°1996-3144

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 avril 1998, 1996-3144


Le 3 août 1995, Monsieur X..., mécanicien exerçant sous l'enseigne "JACKSON MOTOS", a fait assigner l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN devant le tribunal d'instance de CHATEAUDUN, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 11.133,53 Francs, correspondant au solde d'une facture de réparation d'un moteur d'avion, celle de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... a exposé qu'après avoir estimé à 30.000 Francs le coût des trav

aux commandés par l'association, celui-ci s'est révélé supérieur à c...

Le 3 août 1995, Monsieur X..., mécanicien exerçant sous l'enseigne "JACKSON MOTOS", a fait assigner l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN devant le tribunal d'instance de CHATEAUDUN, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 11.133,53 Francs, correspondant au solde d'une facture de réparation d'un moteur d'avion, celle de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... a exposé qu'après avoir estimé à 30.000 Francs le coût des travaux commandés par l'association, celui-ci s'est révélé supérieur à ce montant, après que le moteur eût été déposé ; que l'association ne lui a pas réglé le solde de la facture d'un montant total de 41.133,53 Francs, ainsi qu'une seconde facture de 2.266,45 Francs.

L'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN a répliqué que l'estimation faite par Monsieur X... et acceptée par son bureau est contractuelle ; que Monsieur X... n'était pas habilité à réparer le moteur, ce qui l'a obligé à contracter une assurance couvrant le motoriste.

Elle a donc sollicité la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 2.500 Francs à titre de dommages-intérêts sur ce fondement et celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700

du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 janvier 1996, le tribunal d'instance de CHATEAUDUN a rendu la décision suivante :

- déboute Monsieur X..., mécanicien à l'enseigne "JACKSON MOTOS" de l'ensemble de ses demandes,

- condamne Monsieur X... à verser à l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN la somme de 2.500 Francs à titre de dommages-intérêts, outre 1.500 Francs d'indemnité de procédure pour frais irrépétibles, - condamne Monsieur X..., mécanicien à l'enseigne "JACKSON MOTOS" aux entiers dépens.

Le 7 mars 1996, Monsieur X... exerçant sous l'enseigne "JACKSON MOTOS" a interjeté appel.

Il fait valoir qu'il était lui-même membre de l'association AERO-CLUB et que c'est en raison des liens amicaux et de confiance qu'il entretenait avec les autres membres qu'il a été sollicité pour procéder à la réparation et révision complète d'un moteur d'avion FPHLP D 112 ; qu'il a donc établi sur une feuille volante une estimation sommaire et non exhaustive des interventions à accomplir,

en précisant que le montant des prestations serait déterminé "suivant devis après démontage" ; qu'après cette opération, il a informé Monsieur Y..., membre du bureau directeur de l'association, que le coût des prestations serait plus élevé que celui indiqué dans sa note manuscrite ; que Monsieur Y... lui a donné son accord pour la réalisation de ces prestations quelle que soit leur étendue et leur coût ; qu'il a donc procédé aux travaux et a établi ensuite une facture en date du 15 février 1995 d'un montant de 41.133,53 Francs, mais qu'il n'a perçu qu'un acompte de 20.000 Francs le 7 novembre 1994, puis un acompte de 10.000 Francs le 20 février 1995.

Monsieur X... conclut à l'absence d'accord entre les parties pour des conditions fermes et définitives de prestations à hauteur de 30.000 Francs, en l'absence de devis, la note manuscrite invoquée par l'association ne comportant pas une offre à de telles conditions. A cet égard, il souligne que le contrat le liant à l'association AERO-CLUB est certes un contrat d'entreprise, mais qui s'analyse en un "marché sur facture". Il conclut également à l'accord des parties sur les prestations supplémentaires, non comprises dans l'estimation initiale (ainsi prend-il pour exemple le changement des pistons, alors que seul celui des segments avait été convenu). Il soutient que lui-même n'a jamais défini unilatéralement le prix des travaux, puisque seul importait à l'association, du point de vue sécuritaire, que les travaux de révision soient complètement réalisés ; que la délibération du bureau de l'association du 8 octobre 1994, indiquant que le coût des travaux serait "de l'ordre de 30.000 Francs" n'a pas été portée à sa connaissance.

En ce qui concerne le problème de l'assurance soulevé par l'intimée, il fait observer qu'il était couvert au titre de sa responsabilité civile pour les travaux mécaniques et qu'après discussion avec l'assureur, un avenant a été établi, ce qui démontre l'existence d'un contrat initial.

Il demande à la Cour de :

- dire et juger Monsieur X... exploitant sous l'enseigne "JACKSON MOTOS" recevable et bien fondé en son appel,

- réformer la décision rendue par le tribunal d'instance de CHATEAUDUN du 26 janvier 1996 en ce qu'il a fait une inexacte appréciation des faits de la cause,

Statuant à nouveau,

- condamner l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN prise en la personne de son représentant légal au paiement de la somme de 11.133,53 Francs TTC suivant facture du 15 février 1995 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mai 1995,

- la condamner dans les mêmes termes au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, tant de première instance qu'en cause d'appel, dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN soutient que le devis établi

par Monsieur X... pour un prix forfaitaire de 30.000 Francs TTC et le compte rendu de la réunion du bureau directeur de l'association du 8 octobre 1994, comportant l'acceptation donnée par celui-ci quant au prix maximum convenu, établissent l'existence du contrat intervenu entre les parties pour des conditions fermes et définitives de prestations à hauteur de 30.000 Francs ; que par ailleurs, Monsieur X... avait connaissance de ce compte rendu de la réunion du 8 octobre 1994 qui a été affiché dans une vitrine affectée à cet usage dans le hangar de l'association ; qu'il n'appartenait pas à l'appelant de modifier unilatéralement le prix convenu ; qu'en cas d'estimation insuffisante, il devait fournir un nouveau devis ou un devis complémentaire, avant d'entreprendre les travaux ; qu'en tout état de cause, les prétendues prestations complémentaires correspondent à des travaux inclus dans le devis initial ; que la réparation a demandé plus de trois mois au lieu des 15 jours à 3 semaines prévus.

Elle demande à la Cour de :

- débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur X... en tous les dépens et dire qu'ils

pourront être recouvrés directement par Maître DELCAIRE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 22 janvier 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 10 mars 1998.

SUR CE LA COUR

Considérant qu'en vertu de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ;

Considérant qu'en l'espèce, les parties sont convenues d'un contrat d'entreprise tel que défini par les articles 1710 et 1787 du code civil ; qu'un tel contrat est un contrat consensuel, qui n'est soumis à aucune forme déterminée, de sorte que l'établissement d'un devis régulier en la forme n'est pas requis pour sa validité ; qu'il convient donc de déterminer ce sur quoi les parties se sont accordées, à la fois quant à l'ouvrage à entreprendre et quant au prix ;

Considérant que certes, la note manuscrite établie par Monsieur X... n'est pas intitulée devis, mais "estimation-révision complète moteur" ; que néanmoins, elle comporte le détail des opérations à entreprendre et l'énumération des pièces à changer, avec l'évaluation correspondante ; que le coût total y est estimé entre "25 et 30.000 Francs", avec la précision "suivant devis après démontage" ; que cette mention semble donc relative à la détermination du prix exact après démontage, dans la fourchette de prix ainsi définie ; que lors de sa délibération du 8 octobre 1994, le bureau directeur de l'association a évoqué la révision du moteur pour un montant "de l'ordre de 30.000 Francs" ; que par conséquent, l'association a accepté l'offre de prestations de Monsieur X..., ce dont il a été nécessairement averti ainsi qu'il le reconnaît, puisqu'aussi bien il a effectué les travaux ; que le contrat d'entreprise a donc été passé entre les parties aux conditions définies par Monsieur X... lui-même, peu important à ce sujet qu'il ait été précisément informé de la délibération du 8 octobre 1994, puisque l'offre ayant été acceptée sans restrictions, l'accord était alors parfait ;

Considérant que ce n'est que dans l'hypothèse de défaut d'accord certain sur le montant du prix ou d'impossibilité de déterminer celui-ci avant l'issue des travaux, que le contrat d'entreprise peut être qualifié de "marché sur facture" ; qu'en cas de contestation, il revient alors au juge de fixer le prix en fonction des éléments de la cause ; qu'en l'espèce, l'indétermination du prix se situait dans une

fourchette de 25 à 30.000 Francs, en fonction de ce que révélerait le démontage du moteur ; que contrairement à ce qu'il avait lui-même prévu, l'appelant n'a pas établi de devis plus précis après le démontage du moteur ; qu'il ne pouvait alors entreprendre des prestations complémentaires, même si elles lui apparaissaient nécessaires, sans l'accord de son co-contractant sur leur réalisation et sur leur prix ; qu'à défaut de devis complémentaire dûment accepté et valant contrat, Monsieur X... n'apporte pas la preuve d'un tel accord de l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN, la seule attestation de Monsieur Z... quant à un accord donné verbalement par Monsieur Y... (dont la qualité exacte n'est pas établie) étant insuffisante à démontrer l'existence de cet accord ;

Considérant que par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de la somme de 11.133,53 Francs, réclamée par lui en sus des 30.000 Francs convenus et déjà versés par l'intimée ;

Considérant que l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN apporte la preuve qu'elle a été contrainte d'assumer la charge financière de l'avenant au contrat d'assurance de Monsieur X..., souscrit spécialement pour la réparation du moteur D 112, alors que cela n'était pas prévu au contrat d'entreprise ; qu'il incombe à l'entrepreneur d'assumer la charge financière de l'assurance qu'il contracte pour son activité, si cette prestation n'est pas spécialement prévue au contrat d'entreprise ; que par conséquent,

c'est également à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de l'association en paiement de la somme de 2.500 Francs de dommages-intérêts, correspondant au paiement de l'assurance contractée par Monsieur X... ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

Et y ajoutant :

- DEBOUTE Monsieur X... exerçant sous l'enseigne "JACKSON MOTOS" des fins de toutes ses demandes ;

- CONDAMNE Monsieur X... à payer à l'association AERO-CLUB DE CHATEAUDUN la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3144
Date de la décision : 10/04/1998

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE

Selon l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. La conclusion d'un contrat d'entreprise, tel que défini par les articles 1710 et 1787 du Code civil, ayant un caractère consensuel, il n'est soumis à aucune forme déterminée, de sorte que l'établissement d'un devis régulier en la forme n'est par requis pour sa validité. Lorsqu'il est établi, en l'espèce, que l'accord des parties est intervenu pour la réparation d'un moteur pour un coût estimatif assorti d'une variable haute et basse déterminable "suivant devis après démontage", le prestataire qui, après démontage, a pris l'initiative d'entreprendre des travaux complémentaires, même nécessaires, sans avoir, d'abord établi un devis dûment accepté et valant contrat, dès lors qu'il n'apporte pas la preuve de l'accord de son client, n'est pas fondé à solliciter la prise en charge des travaux excédant le montant initialement convenu


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-10;1996.3144 ?
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