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10/04/1998 | FRANCE | N°1995-913

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 avril 1998, 1995-913


Par actes sous seing privé en date du 4 mars et du 13 mai 1983, les époux X... ont souscrit, auprès de la société UCB, deux emprunts et ont contesté pour la première fois le 6 septembre 1989 la validité de ces offres de crédit au motif que les travaux financés par l'emprunt n'ont pas été exécutés.

Par acte d'huissier en date du 22 décembre 1993, la société UCB a fait assigner les époux X... en paiement de la somme de 61.912,61 Francs avec intérêts conventionnels sur la somme de 53.400,23 Francs à compter du 1er janvier 1994 jusqu'à apurement et 29.160,47 Francs av

ec intérêts conventionnels sur la somme de 24.859,45 Francs à compter du 1e...

Par actes sous seing privé en date du 4 mars et du 13 mai 1983, les époux X... ont souscrit, auprès de la société UCB, deux emprunts et ont contesté pour la première fois le 6 septembre 1989 la validité de ces offres de crédit au motif que les travaux financés par l'emprunt n'ont pas été exécutés.

Par acte d'huissier en date du 22 décembre 1993, la société UCB a fait assigner les époux X... en paiement de la somme de 61.912,61 Francs avec intérêts conventionnels sur la somme de 53.400,23 Francs à compter du 1er janvier 1994 jusqu'à apurement et 29.160,47 Francs avec intérêts conventionnels sur la somme de 24.859,45 Francs à compter du 1er janvier 1994 jusqu'à apurement, 3.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, outre les dépens.

Par jugement contradictoire du 18 octobre 1994, le tribunal d'instance de CHARTRES a rendu la décision suivante :

- dit que l'action en contestation des époux X... est prescrite,

- déboute les époux X... de toutes leurs demandes,

- condamne, en conséquence, solidairement les époux X... à payer à l'UCB la somme de 61.912,61 Francs assortie d'intérêts conventionnels de 13,90 % à compter du 10 novembre 1993 et 29.160,47 Francs avec intérêts conventionnels de 14,90 % à compter du 10 novembre 1993, outre 3.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne solidairement les époux X... aux dépens.

Le 7 décembre 1994, Monsieur et Madame X... ont interjeté appel. Au soutien de sa demande tendant à l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a dit que leur demande prescrite, ils font valoir que le délai de prescription biennale ne commence à courir qu'à compter de l'achèvement des travaux financés à l'aide du prêt litigieux.

Ils sollicitent, en outre, la restitution des échéances payées, soit la somme de 59.384 Francs pour l'offre préalable du 4 mars 1989 et celle de 30.390 Francs pour l'offre de crédit du 13 mai 1989 au motif que les travaux financés au moyen desdits prêts n'ont jamais été réalisés.

Enfin, ils soutiennent que la société UCB a commis une faute en se libérant des fonds prêtés entre les mains d'un tiers, la société CUISINES-CHEMINEES, sans préalablement s'assurer que les travaux étaient réalisés.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de :

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par les époux X...,

- le déclarer recevable et fondé,

- infirmer la décision frappée d'appel en toutes ses dispositions,

- constater que les époux X... ont formulé des contestations et ont été la source d'incidents de paiement moins de deux ans après la signature des offres préalables de crédit,

- constater, en conséquence, que ceux-ci ne sont pas forclos,

- débouter, en conséquence, la société UCB de toutes ses demandes, fins et conclusionsetlt;,

- la condamner au paiement des sommes suivantes :

* 59.384 Francs à titre de remboursement des échéances indûment payées en vertu de l'offre préalable de crédit du 4 mars 1989,

* 30.390 Francs à titre de remboursement des échéances indûment payées en vertu de l'offre préalable de crédit du 13 mai 1989,

* 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts,

* 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, nommer tel expert qu'il plaira à la Cour de commettre avec pour mission de :

[* se rendre au domicile de Monsieur et Madame X..., situé 26, rue de Bretagne 28110 LUCE,

*] voir et visiter les lieux,

[* se faire remettre tous documents utiles,

*] dire si les obligations contractuelles résultant des deux factures

en date des 13 mai 1989 et 18 février 1989 établies par la société CUISINES-CHEMINEES EUROPEENNES, ont été exécutées,

- en tout état de cause, condamner l'UCB aux entiers dépens de première instance et d'appel avec autorisation pour ces derniers, donnée à Maître JUPIN, avoué, de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La société UCB réclame, à titre principal, que l'action des époux X... soit déclarée irrecevable, parce que prescrite ; elle fait valoir, à l'appui de cette demande, que le point de départ du délai de prescription de deux ans est la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé.

L'UCB conteste, en outre, l'existence de toute sa faute à sa charge, et sollicite le versement de la somme de 15.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conséquent, la société UCB demande à la Cour de :

- déclarer les époux X... autant irrecevables que mal fondés en leur appel,

- les en débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 octobre 1994 par le tribunal d'instance de CHARTRES,

Y ajoutant,

- condamner solidairement les époux X... au paiement de la somme de 15.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 11 décembre 1996 et l'affaire plaidée à l'audience du 27 février 1997.

Par un arrêt avant dire droit, rendu contradictoirement le 4 avril 1997, la présente Cour a d'office invité les parties à conclure de nouveau sur les conséquences et sur la formation du contrat de prêt de la remise des fonds prêtés, non à l'emprunteur, mais à un tiers, et a rendu la décision suivante :

- réouvre les débats et invite les parties à conclure par conclusions récapitulatives (article 954 du nouveau code de procédure civile) sur la formation des contrats de prêt, au regard de l'effectivité de la remise des fonds et sur les conséquences en résultant,

- réserve les dépens.

Les époux X..., dans leurs conclusions récapitulatives, font valoir qu'en application des règles du droit commun des contrats, le délai de prescription de deux ans n'est pas écoulé et que, dès lors, leur demande est recevable.

En outre, ils soutiennent que les deux contrats de prêts n'ont pu se former, les fonds prêtés ayant été remis à un tiers, non aux emprunteurs, et ce, en dehors de toutes demande de leur part.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de :

- infirmer la décision frappée d'appel en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que le délai de forclusion de deux années tirée de l'article L.311-37 du code de la con sommation n'est pas applicable à l'espèce,

- constater l'inexistence des prêts souscrits par les époux X... auprès de l'uCB en date des 4 mars 1989 et 13 mai 1989,

- à titre subsidiaire, prononcer l'annulation de ces deux prêts,

- débouter, en conséquence, la société UCB de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner au paiement des sommes suivantes :

* 59.384 Francs à titre de remboursement des échéances indûment payées en vertu de l'offre préalable du crédit du 4 mars 1989,

* 30.390 Francs à titre de remboursement des échéances indûment payées en vertu de l'offre préalable de crédit du 13 mai 1989,

* 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

* 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, nommer tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

* se rendre au domicile de Monsieur et Madame X..., situé 26, rue de Bretagne 28110 LUCE,

* voir et visiter les lieux,

[* se faire remettre tous documents utiles,

*] dire si les obligations contractuelles résultant des deux factures en date des 13 mai 1989 et 18 février 1989 établies par la société CUISINES-CHEMINEES EUROPEENNES ont été exécutées,

- en tout état de cause, condamner la société UCB aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître JUPIN, avoué, conformément à

l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'UCB réclame, à titre principal, que l'action des époux X... soit déclarée prescrite ; Elle soutient, en outre, que les appelants ne peuvent en l'absence de résolution du contrat principal, prétendre à l'absence de formation de la convention de prêt.

Elle sollicite enfin la condamnation solidaire des époux X... au paiement de la somme de 30.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conséquence, la société UCB demande à la Cour de :

- déclarer les époux X... autant irrecevables que mal fondés en leur appel,

- les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 octobre 1994 par le tribunal d'instance de CHARTRES,

Y ajoutant,

- condamner solidairement les époux X... au paiement de la somme de 30.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner solidairement en tous les dépens dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 février 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 13 mars 1998.

SUR CE LA COUR

I)

Considérant, en se plaçant d'abord sur le terrain du droit commun du contrat de prêt de somme d'argent (articles 1892 et suivants du code civil), qu'il est certes exact - ainsi que la Cour l'a déjà souligné dans son arrêt du 4 avril 1997 - qu'il s'agit ici d'un contrat réel qui ne se réalise que par la remise de la chose prêtée, à l'emprunteur ;

Considérant qu'il est constant que les deux offres de crédit dont

s'agit avaient, certes, prévu que la remise des fonds à l'entrepreneur se ferait "sous couvert de Monsieur et Madame X... Y..." ; qu'en fait cette remise de fonds prêtés a été opérée directement par l'UCB entre les mains de l'entrepreneur (société CUISINES-CHEMINEES EUROPEENNES), le 5 juin 1989 ; qu'il demeure que les époux X... ont réceptionné ces travaux de l'entrepreneur qu'ils n'ont jamais formulé de réclamations, ni de protestations auprès de l'UCB au sujet de cette remise de fonds qu'ils ont régulièrement et en toute connaissance de cause remboursé 48 échéances de ce prêt (jusqu'en juillet 1993) qu'ils n'ont jamais demandé en justice au principal, l'annulation ou la résolution de ce contrat principal (articles L.311-20 , 21 et 22 du code de la consommation), ni soulevé la moindre contestation au sujet de l'exécution de ce contrat, et qu'ainsi, en fait, ils bénéficient depuis neuf ans d'une installation qui leur donne satisfaction et pour laquelle, manifestement, ils n'entendent pas rembourser leur prêt auprès de l'UCB ; qu'au demeurant, les époux X... qui parlent maintenant des "paiements indus" qui auraient été fait par eux, n'ont jamais engagé d'action contre l'UCB pour réclamer la répétition de ces prétendues sommes indûment payées par eux ;

Considérant que ces circonstances précises et concordantes démontrent, que formellement, la remise des fonds a pu ne pas se faire directement entre les mains des emprunteurs mais qu'en définitive, cette remise et l'utilisation des fonds se sont faites dans le seul intérêt des emprunteurs avec leur accord tacite évident, et qu'ils ont bénéficié de travaux leur donnant satisfaction et sans qu'ils ne subissent le moindre préjudice ;

Considérant que dans les conditions de l'article 1892 du code civil ont donc été respectées, et qu'il est, de plus, souligné, que les appelants n'ont jamais réclamé la nullité de ces deux contrats, pour

une quelconque cause de vise de leur consentement, en vertu des articles 1110 et suivants, et 1304 du code civil ; qu'ils sont donc déboutés de leurs demandes tendant à faire constater "l'inexistence" de ces deux contrats, et subsidiairement, à faire prononcer leur annulation (étant souligné que l'entrepreneur n'a jamais été attrait dans la cause) ; II)

Considérant que ailleurs, qu'en tout état de cause, il est certain que ces deux contrats de prêts ont été conclus conformément aux dispositions de la loi d'ordre public du 10 janvier 1978 (actuels articles L.311-1 et suivants du code de la consommation) et qu'il s'agit donc bien d'une "opération de crédit", au sens de l'article L.311-2, l'UCB étant "le prêteur" et les époux X... "l'emprunteur", au sens de l'article L.311-1 ;

Considérant qu'il est de droit constant que le point de départ du délai de forclusion biennale (article L.311-37) opposable aux emprunteurs qui contestent la régularité de l'offre préalable de crédit, par voie d'action ou d'exception, est celle de la date à laquelle le contrat est définitivement formé ; que ces deux offres litigieuses sont de 1989 et qu'il est constant que ce n'est que devant le tribunal d'instance, en 1994, par voie de moyen de défense, que les époux X... ont contesté la régularité de ces deux contrats ; que de plus, les époux X... n'ont jamais agi en justice contre leur entrepreneur, étant observé à toutes fins utiles, que plus de deux années se sont écoulées depuis la délivrance des fonds à cette société, en juin 1989 ;

Considérant que la forclusion biennale de l'article L.311-37 d'ordre public est donc valablement opposée par l'UCB et que la Cour dit et juge que les époux X... sont forclos en leur contestation contre l'UCB ; III)

Considérant quant au fond, que les époux X... ne contestent et ne

discutent pas le montant justifié de la créance de l'UCB, exactement retenu par le premier juge dont la décision est donc confirmée ; que les époux X... sont déboutés de leurs demandes contre l'UCB en restitution des sommes que celle-ci a légitimement reçues d'eux, en exécution de ces deux contrats réguliers et valables ; IV)

Considérant que les époux X... succombent en leur appel et que compte-tenu de l'équité, ils sont donc condamnés in solidum à payer à l'UCB la somme de 8.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour ses frais irrépétibles et qu'ils sont eux-mêmes, déboutés de leur propre demande de ce chef ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, et eu égard à l'équité, accordé à l'UCB la somme de 3.500 Francs en vertu de ce même article 700 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, subsidiairement, d'envisager une quelconque expertise, alors que les époux X... n'ont jamais mis en cause leur entrepreneur et qu'ils n'ont jamais réclamé l'annulation ou la résolution judiciaire de ce contrat principal ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu l'arrêt de cette Cour (1ère chambre-2ème section) du 4 avril 1997 :

- DEBOUTE les époux X... des fins de leur appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

Et y ajoutant :

- CONDAMNE in solidum les époux X... à payer à l'UCB la somme de 8.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE les appelants à tous les dépens de première instance et

d'appel qui seront recouvrés directement et in solidum contre eux par la SCP d'avoués JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-913
Date de la décision : 10/04/1998

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Caractère réel.

En application des articles 1892 et suivants du Code civil, le contrat de prêt d'une somme d'argent est un contrat réel qui ne se réalise que par la remise de la chose prêtée à l'emprunteur. Lorsque des circonstances précises et concordantes établissent que si, formellement, la remise des fonds afférente à une offre de crédit n'a pas eu lieu entre les mains des bénéficiaires de celle-ci, mais que le versement et l'utilisation des fonds a eu lieu avec l'accord tacite des emprunteurs (non contestation du contrat de prêt principal, absence de contestation quand à l'exécution du contrat, remboursement régulier des échéances du prêt pendant quarante huit mois) et dans leur seul intérêt pour, en l'espèce, réaliser des travaux leur donnant entière satisfaction, et ce, sans qu'ils ne subissent aucun préjudice, il en résulte que les prescriptions de l'article 1892 précité ont été respectées

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ.

Le point de départ du délai de forclusion biennale de l'article L. 311-37 du Code de la consommation opposable aux emprunteurs qui contestent, par voie d'action ou d'exception, la régularité de l'offre préalable de crédit se situe au jour où le contrat est définitivement formé et, en matière de crédit affecté au sens de l'article L. 311-20 du Code de la consommation, au jour où les obligations de l'emprunteur prennent effet, en l'occurrence au jour de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation prévue au contrat principal


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-10;1995.913 ?
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