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09/04/1998 | FRANCE | N°1995-6501

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 avril 1998, 1995-6501


Suivant contrat en date du 17 janvier 1979, la société de droit français FICHET BAUCHE, spécialisée dans la fabrication de matériels de protection contre l'incendie et le vol, a confié à la société de droit égyptien CONTINENTAL ASSAD X... and Co, ci-après désignée société ASSAD, la concession exclusive pour l'Egypte de "tous produits, matériels et système d'alarme et de tous produits issus de système de sécurité FICHET BAUCHE".

Par lettre avenant établie le 27 juin 1983 par la société FICHET BAUCHE et signée des deux parties, celles-ci sont convenues que la soc

iété FICHET BAUCHE facturerait désormais directement les fournitures de sécuri...

Suivant contrat en date du 17 janvier 1979, la société de droit français FICHET BAUCHE, spécialisée dans la fabrication de matériels de protection contre l'incendie et le vol, a confié à la société de droit égyptien CONTINENTAL ASSAD X... and Co, ci-après désignée société ASSAD, la concession exclusive pour l'Egypte de "tous produits, matériels et système d'alarme et de tous produits issus de système de sécurité FICHET BAUCHE".

Par lettre avenant établie le 27 juin 1983 par la société FICHET BAUCHE et signée des deux parties, celles-ci sont convenues que la société FICHET BAUCHE facturerait désormais directement les fournitures de sécurité aux banques égyptiennes et qu'elle percevrait directement les montants correspondants, moyennant un pourcentage versé à la société ASSAD sur chaque vente réalisée.

Les relations se sont poursuivies sur ces nouvelles bases jusqu'au 09 août 1991, date à laquelle FICHET BAUCHE a résilié le contrat en indiquant à la société ASSAD que le délai de préavis de 6 mois, prévu à l'article 9 de la convention d'origine, commencerait à courir à compter de la réception de la lettre de rupture.

Prétendant au paiement d'une indemnité réparatrice en invoquant l'existence d'un mandat d'intérêt commun, la société ASSAD a saisi le Tribunal de Commerce de VERSAILLES par acte introductif d'instance du 13 août 1993.

Par jugement en date du 31 mai 1995 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la première chambre de la juridiction précitée a statué dans les termes ci-après :

Dit et juge que le contrat du 17 janvier 1979 est un contrat de concession exclusive.

Reçoit la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co en sa demande principale, l'y dit mal fondée et l'en déboute.

Reçoit la société FICHET BAUCHE en sa demande reconventionnelle en

paiement de dommages et intérêts, l'y dit mal fondée et l'en déboute. Condamne la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co à payer à la société FICHET BAUCHE la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 francs) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

*

Appelante de cette décision, la société ASSAD fait grief au premier juge d'avoir mal apprécié les faits de la cause et les règles de droit qui leur sont applicables. Elle soutient notamment que le contrat de concession commerciale d'origine a été profondément modifié par l'avenant signé le 27 juin 1983 et qu'il est devenu, du commun accord des parties, un mandat d'intérêt commun.

Elle en veut essentiellement pour preuve le fait que, à compter de la mise en oeuvre des nouveaux accords, la société FICHET BAUCHE facturait directement les clients et qu'elle même était rémunérée à la commission. Elle déduit de là que la société FICHET BAUCHE ne pouvait mettre fin, sans indemnité, à des relations commerciales poursuivies pendant de nombreuses années sur la base d'un mandat d'intérêt commun qu'à la condition de justifier d'un motif légitime et que ladite société ne peut utilement se prévaloir de la clause prévue au contrat d'origine qui n'a plus lieu de s'appliquer, laquelle permettait au concédant de rompre le contrat sans indemnité moyennant un préavis de six mois. Elle ajoute qu'il suffit de se référer aux pièces des débats pour constater que la société FICHET BAUCHE n'a jamais eu à se plaindre de ses services et que, au contraire, tous les échanges de correspondances montrent que cette

dernière s'est toujours félicitée de son action jusqu'à la rupture du contrat au demeurant non motivée. Elle estime dès lors totalement infondés les motifs allégués à posteriori par la société FICHET BAUCHE pour tenter de justifier la rupture et notamment ceux tenant à de prétendues difficultés de trésorerie, au départ massif de ses cadres entraînant une perte de compétitivité, ou à un quelconque comportement déloyal qui pourrait lui être imputé, faisant au contraire valoir que la société FICHET BAUCHE a voulu en réalité s'affranchir de ses obligations pour confier la distribution de ses produits à une nouvelle société, créée par certains de ses anciens salariés démissionnaires, et s'approprier ainsi, sans bourse délier, la clientèle qu'elle même avait développé. Elle en tire pour conséquence qu'elle est en droit de prétendre à une indemnité de rupture de 4.226.919 francs, augmentée des intérêts de droit à compter de l'exploit introductif d'instance, prenant en compte la moyenne des commissions qu'elle a perçu au cours des trois dernières années, les pertes d'exploitation subies au niveau du service de maintenance, les affaires déjà initiées et non commissionnées, et l'atteinte à son image .

Elle réclame également une indemnité de 40.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La société FICHET BAUCHE conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et, en tout état de cause, au rejet des prétentions adverses. Elle sollicite reconventionnellement la somme de 50.000 francs pour procédure et recours abusifs et une indemnité complémentaire de 40.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la

Cour. En réplique, elle fait essentiellement valoir que les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause de rupture prévue à l'article 9 du contrat d'origine devait recevoir application dès lors que l'avenant du 27 juin 1983 n'a pas sensiblement modifié les relations antérieures des parties mais prévu seulement, comme le réclamait la clientèle égyptienne, de nouvelles modalités permettant des règlements directs en devises, étant observé que la société ASSAD n'était pas rémunérée comme elle le prétend à la commission, mais qu'elle fixait librement les prix de ventes applicables à la clientèle locale et bénéficiait sur chaque vente d'une marge qui variait en fonction de ces prix.

L'intimée déduit de là que ne se retrouvent pas en la cause les caractéristiques du mandat d'intérêt commun qui suppose que le mandataire n'ait pas la maîtrise des prix de vente et qu'il soit rémunéré exclusivement à la commission.

Subsidiairement et même si la Cour devait retenir l'existence d'un mandat d'intérêt commun, elle estime qu'elle justifie d'un motif légitime de rupture tenant aux raisons susévoquées lesquelles, selon elle, sont parfaitement étayées.

Enfin, et à titre plus subsidiaire encore, elle entend contester les chefs de préjudice invoqués par l'appelante dont la réalité n'est, selon elle, pas établie. MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la qualification du contrat

Considérant que, selon l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile, il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Considérant que le contrat d'origine, signé le 17 juin 1979, prévoyait (article 1) que la société FICHET BAUCHE confierait à la société ASSAD, à partir du 1er février 1989, la concession exclusive

sur le territoire égyptien de tous les produits, matériels et système d'alarme relevant du département "Sécurité" de la société concédante, y compris les opérations d'entretien et de réparation de ces matériels ; (article 2), que le concessionnaire achèterait à son nom et pour son propre compte les produits concernés provenant du Département "Sécurité" FICHET BAUCHE, aux prix export habituellement facturé aux distributeurs, en vue de les revendre exclusivement sur le territoire concédé à des prix compétitifs ; (article 9), que le contrat conclu à l'origine pour une durée d'une année et par la suite, pour une durée indéterminée, pourrait être rompu à tout moment, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties et sans indemnité, sous réserve du respect d'un préavis de 06 mois.

Considérant que, par lettre-avenant du 27 juin 1983, rédigée par la société FICHET BAUCHE, après qu'il ait été fait état, en préambule des exigences de la clientèle de banques égyptiennes qui souhaitaient voir modifier le système antérieur de facturation pour éviter d'avoir à supporter des droits de douane, il a été convenu que FICHET BAUCHE facturerait directement lesdites banques à partir des propositions faites par ASSAD, et que FICHET BAUCHE, après règlements des factures, établirait un compte au nom de X... BROS à LAUSANNE qui représenterait la différence entre le prix facturé à la clientèle et le tarif spécial dit MOA, applicable au moment de la facturation, les sommes portées sur ce compte étant ensuite versées à la société ASSAD sur un compte ouvert auprès de l'UNION DES BANQUES SUISSES.

Considérant que les parties s'opposent sur la portée qu'il convient d'accorder à l'avenant du 27 juin 1983, dont il n'est pas contesté qu'il est entré aussitôt en application en ce qui concerne la clientèle des banques, laquelle constituait, comme il ressort des pièces des débats, la quasi totalité du marché ; que la société FICHET BAUCHE soutient, suivie en cela par le premier juge, que ledit

avenant n'a pas modifié sensiblement les obligations stipulées au contrat d'origine puisque les prix, bien que facturés désormais directement par elle, restaient déterminés par la société ASSAD qui tirait sa rémunération des marges qu'elle obtenait à partir du prix de vente appliqué localement dont elle avait seule la maîtrise ; que la société ASSAD fait au contraire valoir que à partir du 27 juin 1983, la convention a cessé d'être un contrat de concession exclusive pour devenir un mandat d'intérêt commun puisqu'elle n'acquérait plus la propriété des matériels pour les revendre, ce qui caractérise essentiellement le contrat de concession commerciale ; qu'il appartient donc à la Cour, en préalable à toute discussion, de trancher cette difficulté.

Considérant que le contrat de concession exclusive se définit comme celui par lequel un commerçant, appelé concessionnaire, met son entreprise de distribution au service d'un commerçant ou industriel, appelé concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période définie et sous la surveillance du concédant, la distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé ; que le mandat d'intérêt commun se caractérise par l'action du mandataire qui négocie et conclut des contrats pour le compte de son mandant et développe ainsi une clientèle commune, moyennant le paiement d'une commission pour chaque opération réalisée ; qu'il découle de ces définitions que, dans le premier cas, le concessionnaire achète, pour son compte et à ses risques et périls, des produits destinés à être revendus à sa propre clientèle alors que, dans le second cas, le mandataire n'acquiert, à aucun moment dans le circuit économique, la propriété des marchandises destinées au client final.

Considérant qu'en l'espèce, il ne saurait être utilement contesté que l'avenant du 27 juin 1983 a entraîné novation par changement des

obligations respectives des parties et ce même si ces changements, proposés au demeurant par FICHET BAUCHE, résultaient des exigences de la clientèle formée pour l'essentiel, comme il a été dit, de Banques égyptiennes.

Considérant, en effet, que les pièces des débats font apparaître que, à compter de la date de prise d'effet de l'avenant, la société ASSAD a cessé d'acquérir les matériels de sécurité de marque FICHET BAUCHE pour les revendre à sa propre clientèle et que son rôle s'est limité à prospecter ladite clientèle pour lui proposer les matériels en question, lesquels étaient ensuite directement acquis par le client final auprès de FICHET BAUCHE qui émettait là une facture en devises ; que le fait que la société ASSAD ait continuer à donner, dans le cadre de son mandat, son appréciation sur le prix à appliquer à chaque opération n'est pas de nature à établir, comme il est soutenu, qu'en réalité les relations commerciales se seraient poursuivies sur les mêmes bases qu'auparavant et qu'il ne s'agirait que de simples changements de modalités d'exécution du contrat d'origine dans la mesure où la société ASSAD conservait la maîtrise des prix ; qu'en effet, il apparaît que l'intervention de la société ASSAD dans la détermination du prix était rendu nécessaire d'une part, pour le caractère spécifique de chaque vente, étant observé qu'il s'agissait du matériel de sécurité destiné à des établissements bancaires, et d'autre part, par les offres que pouvaient faire localement les sociétés concurrentes ; qu'il n'en reste pas moins que la société FICHET BAUCHE conservait la maîtrise de la fixation du prix définitif dès lors que, dès réception des renseignements ou propositions que lui transmettait son agent, elle arrêtait ce prix en émettant en son nom et sur la base de son propre tarif vendeur, des factures proforma qu'elle adressait, toujours par l'intermédiaire de son agent, au client final pour permettre à celui-ci d'obtenir l'ouverture d'un

crédit documentaire, étant observé que la qualité de vendeur de l'appelante lui permettait de modifier le cas échéant et à tout moment les propositions reçues de son agent si tant est qu'elle les eut estimées inadaptées ou déraisonnables ; que le fait également que la société ASSAD ait bénéficié, selon l'appelante, de "marges" variant en fonction du prix localement appliqué, et non pas de commission fixe, est tout aussi inopérant ; qu'en effet, il sera tout d'abord rappelé que la "marge" s'entend, pour un commerçant, du profit brut dégagé lors d'une opération d'achat suivie d'une revente et que ce qualificatif ne peut être retenu en l'espèce ; qu'il apparaît au contraire des termes mêmes employés dans l'avenant que la société ASSAD devait être rémunérée pour chaque opération en fonction de la différence entre le prix facturé au client et le tarif distributeur MOA ; que ces modalités, arrêtées du commun accord des parties, traduisent seulement la volonté de rémunérer le mandataire au moyen d'une commission variable calculée sur des bases prédéfinies ; qu'un tel mode de rémunération n'est en rien incompatible avec la qualification de mandat d'intérêt commun.

Considérant enfin que la société FICHET BAUCHE ne peut utilement prétendre que la modification du contrat résultant de l'avenant du 27 juin 1983 n'a pas entraîné un assujettissement économique total faisant perdre à la société ASSAD sa qualité de commerçant indépendant et en déduire que celle-ci ne peut se prévaloir de la qualité de mandataire ; qu'en effet, et comme il a été constaté précédemment, il est acquis aux débats que la société ASSAD a, à compter de la prise d'effet de l'avenant, cessé d'acquérir les matériels FICHET BAUCHE et que son rôle s'est limité à placer ledit matériel, pour le compte de son mandant et moyennant commission, auprès de la clientèle égyptienne à laquelle elle vendait directement auparavant ; que la liberté d'action qui lui a été octroyé par le

mandant, notamment au niveau de l'aide à la détermination du prix, s'inscrit seulement dans l'exécution du mandat telle qu'elle a été envisagée par les parties et n'est nullement de nature à traduire la poursuite par la société appelante d'une activité commerciale indépendante.

Considérant que, dans ces conditions, la Cour restituera à l'avenant litigieux sa véritable qualification et retiendra que ledit acte a eu pour effet d'établir entre les parties un mandat d'intérêt commun se substituant au contrat de concession exclusive qui les liait précédemment ; que, par voie de conséquence, elle dira inapplicable l'article 9 du contrat d'origine qui permettait à chacune des parties de se départir de ses engagements sans indemnité dès lors que cette faculté de rupture s'insérait dans la stricte application du contrat de concession exclusive originairement convenu et désormais privé d'effets ; que le jugement dont appel, qui a fait une interprétation erronée des éléments de la causes, sera infirmé en toutes ses dispositions.

* Sur la rupture des relations contractuelles

Considérant que le mandat donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire ne saurait être révoqué par la volonté de l'une des parties, mais seulement de leur consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice.

Considérant que, l'espèce, la société FICHET BAUCHE prétend qu'elle a rompu les accords passés avec la société ASSAD pour de justes motifs et déduit de là qu'elle ne saurait être tenue au versement d'une indemnité compensatrice, d'autant qu'elle a respecté un délai de préavis suffisant.

Considérant qu'il sera tout d'abord observé que le respect d'un délai de préavis, pour mettre un terme à des relations contractuelles qui se sont poursuivies pendant de nombreuses années, a pour seul effet

d'éviter au mandant d'être sanctionné pour une rupture brutale desdites relations mais qu'il ne saurait faire perdre au mandataire son droit à indemnisation ; que, dès lors, seul un motif légitime de rupture, qu'il appartient à la société FICHET BAUCHE d'établir, est de nature à permettre à celle-ci de s'exonérer de ses obligations.

Considérant qu'à cet égard, la société FICHET BAUCHE fait tout d'abord valoir que le départ massif des cadres de la société appelante, lesquels avaient permis son implantation en Egypte, l'ont amené à prendre, en raison des risques évident encourus, une décision de rupture.

Mais considérant que cette tentative de justification à posteriori n'est étayée par aucun élément de preuve, crédible et admissible.

Considérant, en effet, qu'il suffit de se référer aux pièces des débats pour constater que le départ des salariés de la société ASSAD, lié à des opérations de restructuration de cette société intervenues à la fin des années 1980, n'a en rien affecté l'activité de ladite société ; qu'il apparaît au contraire que, si le chiffre d'affaire de la société ASSAD avait sensiblement régressé dans les années 1987 à 1990, en raison d'une forte récession économique qu'a connu l'Egypte pendant cette période, il s'est sensiblement redressé les années suivantes et notamment en 1991 et 1992 après le départ des salariés dont s'agit ; que la société FICHET BAUCHE est d'autant plus mal venue à soutenir une thèse inverse qu'elle écrivait le 28 février 1990 à Monsieur X..., dirigeant de la société ASSAD : "La difficulté majeure a été pendant les dix dernières années que nous avons dû faire face au monopole de CHUBB. Comme l'a justement indiqué Monsieur Y..., c'est grâce à des efforts extraordinaires que nous avons retourné le marché presque complètement en notre faveur... La baisse du chiffre d'affaires était due à diverses raisons dont les plus importantes sont une sorte de stagnation dans l'économie en

général et dans le secteur de la banque en particulier.." (même s'il est fait état incidemment dans cette lettre de la réorganisation de la société ASSAD) ou encore, le 07 mars 1990, dans une correspondance toujours adressée à Monsieur X... "Z... attendons avec confiance les résultats de 1990 et des années à venir, en soulignant à nouveau l'importance que revêt le marché égyptien pour FICHET BAUCHE INTERNATIONAL Pour FICHET MIDDLE WEST, l'Egypte détient une place prépondérante dans ses activités. Ceci vous explique pourquoi votre réussite est essentielle pour nous et je tiens à vous redire que vous pouvez toujours compter sur notre aide pour atteindre ces objectifs". Qu'il suit de ces correspondances ainsi que des autres produites aux débats que, à aucun moment, la société FICHET BAUCHE n'a formulé de grief à l'encontre de la société ASSAD et, plus particulièrement, qu'elle n'a jamais invoqué de difficultés précises et étayées tenant à des problèmes de réorganisation même s'il a été fait état d'une nécessité de revoir le système de distribution mis en place, mais qu'elle a admis au contraire que les baisses de chiffre d'affaires constatées étaient dues pour l'essentiel à des difficultés économiques extérieures aux parties contractantes ; que ces échanges de correspondances témoignent également, si besoin était, des excellentes relations qui existaient alors entre les parties et de la confiance que la société FICHET BAUCHE plaçait dans son agent, confiance d'ailleurs pleinement justifiée puisque les chiffre d'affaires des années 1991 et 1992 ont connu une sensible progression.

Considérant que la société FICHET BAUCHE fait également état des difficultés financières qu'auraient connu pendant la même période la société ASSAD et en tire pour conséquence que cette situation justifiait la rupture ; qu'elle en veut pour preuve notamment des

problèmes de règlement qui auraient entraîné la retenue de certaines marchandises par les douanes ; que, de même, elle se prévaut de l'impossibilité pour la société ASSAD de mettre en oeuvre un plan crédible de restructuration pourtant discuté entre elles.

Mais considérant que force est de constater que, en dehors d'un fait isolé lié à une fourniture destinée à la Banque du CAIRE facturée de titre exceptionnel directement par la société ASSAD pour permettre à cette banque de payer cette fourniture en devises égyptiennes et qui a donné lieu à difficulté de livraison pour des raisons mal définies, il n'apparaît pas qu'un quelconque autre manquement puisse être imputé à la société appelante ; que cela est d'autant moins contestable que la société FICHET BAUCHE n'a cessé de se féliciter, pendant la même période, de l'action de son agent, comme il a été vu précédemment ; qu'en ce qui concerne le nouveau programme d'action mis en place par les parties en 1990, il est inexact de prétendre que celui-ci est resté lettre morte alors que les chiffres d'affaires postérieurs traduisent une progression importante et que FICHET BAUCHE n'a jamais élevée de critiques sérieuses sur la mise en oeuvre de ce plan.

Considérant que la société FICHET BAUCHE soutient, en troisième lieu, qu'elle aurait appris, le 15 août 1991, c'est à dire une semaine après la notification de la rupture, la création d'une société dénommée CONTINENTAL TRADING à laquelle la société ASSAD aurait permis de distribuer les produits FICHET BAUCHE, déduisant de là un comportement déloyal de l'appelante qui justifierait la rupture.

Mais considérant qu'il résulte des pièces produites, traduites en langue française, que la société CONTINENTAL TRADING, qui avait pour objet social la représentation et la distribution de plusieurs produits dont les produits FICHET BAUCHE, a été créée en réalité le 1er septembre 1990 par Monsieur X..., dirigeant de la société

ASSAD, en vue de développer ses activités, comme prévu dans le cadre du plan de restructuration, et non pas comme il est prétendu le 15 août 1991 ; le document auquel se réfère la société FICHET BAUCHE constatant seulement l'inscription de cette société au registre des agents commerciaux ; qu'il suit de là que ce grief n'est pas plus établi que les précédents.

Considérant que, dans ces conditions, faute pour la société FICHET BAUCHE de justifier d'un motif légitime de rupture, celle-ci doit être déclarée tenue d'indemniser la société ASSAD du préjudice subi ; que ce droit à indemnisation est d'autant plus légitime qu'il ressort des pièces produites que, dès le 15 février 1992, soit aussitôt après le terme du préavis, la société FICHET BAUCHE a signé pour l'Egypte, un contrat d'agence avec la société AFM, constituée par d'anciens salariés de la société ASSAD (à savoir Messieurs A... et HABIB).

* Sur le montant de l'indemnité de rupture

Considérant que l'indemnité due au mandataire a pour vocation de compenser le préjudice que lui cause la rupture ; que, pour sa fixation, doit être prise en compte l'ancienneté de la relation, le montant des commissions perçues et éventuellement les pertes de revenus accessoires, telles que celles afférentes au service d'entretien et de réparations inclus dans le contrat d'origine.

Considérant que les parties sont en désaccord sur le montant des chiffres d'affaires réalisés au cours des années précédent la rupture ; qu'elles s'opposent également sur le fait de savoir si le service d'entretien et de formation relevait encore de la société ASSAD ou d'une autre société, à savoir la société X... BROS, pour le compte de laquelle, selon FICHET BAUCHE, la société FICHET BAUCHE n'aurait pas qualité à agir ; qu'elles sont encore en désaccord sur les sommes que FICHET BAUCHE pourrait rester devoir à la société ASSAD pour des marchés initiés par cette dernière avant la rupture du contrat ;

qu'en l'état de ces désaccords, que la Cour ne peut utilement trancher au vu des seuls éléments dont elle dispose, il y a lieu, avant dire droit, de recourir à une mesure d'expertise.

Considérant qu'il convient cependant, eu égard à l'ancienneté du litige, d'allouer d'ores et déjà une indemnité provisionnelle de 1 million de francs à la société ASSAD.

Que les autres demandes des parties seront réservées jusqu'à l'issue du présent litige. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Reçoit la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co en son appel,

- Le dit fondé en son principe,

- Infirmant en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

- Dit que l'avenant en date du 27 juin 1983 a eu pour effet d'établir entre les parties un mandat intérêt commun se substituant au contrat de concession exclusive qui les liait précédemment,

- Dit que, faute pour la société FICHET BAUCHE SA de justifier d'un motif légitime de rupture, ladite société est tenue de verser à la société CONTINENTAL ASSAD NAJJARD and Co une indemnité réparatrice,

- Avant dire droit sur le montant de cette indemnité, désigné en qualité d'expert Monsieur Pierre B... demeurant 70, avenue Victor Cresson 92130 ISSY LES MOULINEAUX (Tél :

01.45.31.16.17) avec mission de :

[* se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

*] déterminer les chiffres d'affaires réalisés par la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co pendant les trois années précédent la date d'effet de la rupture dans le cadre de son activité de négociation des ventes des produits FICHET BAUCHE,

[* déterminer, pour la même période de référence, les commissions perçues par la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co,

*] rechercher si la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co a effectué directement et dans le cadre de son mandat des opérations d'entretiens et de formation ou toute autre activité accessoire et déterminer les chiffres d'affaires ainsi réalisés, ainsi que les profits bruts qu'elle a pu dégager dans le cadre de ces activités annexes,

[* rechercher et déterminer si des opérations ont été initiées par la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co et réalisées par FICHET BAUCHE après la rupture du contrat, chiffrer le montant des commissions qui pourraient rester dues à la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co dans le cadre de ces opérations,

*] plus généralement fournir toutes autres précisions, après avoir effectué toutes investigations utiles complémentaires, permettant à la Cour de déterminer le montant total de l'indemnité de rupture,

- Fixer à 30.000 francs la provision à valoir sur les honoraires de l'expert,

- Dit que cette provision devra être consignée au Greffe de la Cour (Service des Expertises) dans le délai de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt par la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co,

- Dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de 6 mois à compter de l'avis de consignation,

- Désigne le Conseiller de la Mise en Etat pour surveiller le déroulement des opérations d'expertise,

- Condamne d'ores et déjà la société FICHET BAUCHE SA à payer à la société CONTINENTAL ASSAD X... and Co une provision de 1 million de

francs à valoir sur l'indemnité de rupture,

- Réserve les autres demandes des parties, ainsi que les dépens. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé A. PRETESEILLE

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-6501
Date de la décision : 09/04/1998

Analyses

MANDAT - Mandat conféré dans l'intérêt du mandant et du mandataire - Révocation - Révocation dans les formes prévues au contrat - Clause fixant les conditions du préavis - Clause prévue par le contrat nové en mandat d'intérêt commun - Applicabilité.

Selon l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Dès lors qu'un contrat de concession exclusive se définit comme celui par lequel un commerçant -concessionnaire- met son entreprise de distribution au service d'un autre commerçant ou industriel -concédant- pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période définie et sous la surveillance du concédant, la distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé, l'avenant au contrat par lequel les parties conviennent d'un changement de leurs obligations respectives, le concessionnaire cessant d'acquérir les produits du concédant pour se cantonner à les placer auprès de sa clientèle, moyennant commission, a nécessairement pour effet de substituer au contrat de concession exclusive originaire un mandat d'intérêt commun, ce qui exclut l'application de la clause de rupture sans indemnité prévue au contrat originel

MANDAT - Mandat d'intérêt commun - Révocation - Motif légitime - Nécessité - /.

Un mandat donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire ne saurait être révoqué par la volonté de l'une des parties, mais seulement de leur consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice. Si le respect d'un délai de préavis, six mois en l'occurrence, a pour effet d'éviter au mandant qui rompt des relations contractuelles poursuivies pendant de nombreuses années, d'être sanctionné en raison de la rupture brutale desdites relations, celui-ci, faute d'établir un motif légitime de rupture, reste tenu d'indemniser son mandataire du fait du préjudice que lui occasionne ladite rupture


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), article 12

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-09;1995.6501 ?
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