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09/04/1998 | FRANCE | N°1994-9364

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 avril 1998, 1994-9364


A la suite d'un marché de prestation de service d'électricité-chauffage, fondé sur un devis présenté le 15 mai 1992 par M. Yves X... exerçant sous l'enseigne "Entreprise YVELEC" et signé par le maître d'ouvrage la SARL LOGICONFORT, trois factures pour un total de 25 855,66 f demeurant impayées, sont à l'origine du litige.

Sur requête, M. X... a obtenu une ordonnance d'injonction de payer délivrée, le 10 mars 1993, par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de PONTOISE.

Sur opposition régularisée par LOGICONFORT, le 20 avril 1993, le Tribunal de Commerce

de PONTOISE par jugement prononcé contradictoirement, le 24 mai 1994, a :

...

A la suite d'un marché de prestation de service d'électricité-chauffage, fondé sur un devis présenté le 15 mai 1992 par M. Yves X... exerçant sous l'enseigne "Entreprise YVELEC" et signé par le maître d'ouvrage la SARL LOGICONFORT, trois factures pour un total de 25 855,66 f demeurant impayées, sont à l'origine du litige.

Sur requête, M. X... a obtenu une ordonnance d'injonction de payer délivrée, le 10 mars 1993, par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de PONTOISE.

Sur opposition régularisée par LOGICONFORT, le 20 avril 1993, le Tribunal de Commerce de PONTOISE par jugement prononcé contradictoirement, le 24 mai 1994, a :

- donné acte à l'opposante de ce qu'elle reconnaissait être redevable de la somme de 14 123 F TTC objet de la facture n°014 du 12 juin 1992, représentant le solde du marché principal, objet du devis du 15 mai 1992,

- condamné la SARL LOGICONFORT à régler au total la somme de 24 384,02 F TTC, représentant l'addition du montant de la facture précitée (n°14) et celle pour "travaux supplémentaires" (n°042 du 31 juillet 1992) d'un montant de 10 261,67 F TTC,

- condamné l'opposante à verser à son adversaire la somme de 3 000 f au titre de l'article 700 du NCPC,

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

Pour statuer comme il l'a fait le Tribunal a retenu principalement l'aveu judiciaire de la SARL LOGICONFORT en ce qui concerne la première facture, la réalité non contestable des travaux dits "supplémentaires" et qu'en revanche la troisième facture (n°043 du 11.08.1992) relative à l'imputation de la moitié des honoraires payés par M. X..., à l'organisme de contrôle-qualité, SOCOTEC, ne pouvait être prise en compte à défaut d'accord préalable entre les parties.

Par déclaration en date du 21 novembre 1994, la SARL LOGICONFORT a interjeté appel de cette décision.

II - PRETENTIONS DES PARTIES

L'APPELANTE soutient que le contrat d'entreprise régissant les rapports entre les parties, "...est habituellement rémunéré de façon forfaitaire" et qu'en conséquence, à défaut pour YVELEC de rapporter la preuve qu'elle a accepté d'engager des travaux supplémentaires, elle ne peut être tenue à payer plus que le montant total du marché. Elle estime en outre que sa lettre recommandée du 21 décembre 1992 reprochant à YVELEC le fait que "...l'installation n'est pas conforme à ce qui était prévu" est suffisante à prouver l'exercice et le bien-fondé de ses prérogatives contenues dans les articles 1792-3 et

1792-6 du code civil, relatifs à la garantie de parfait achèvement et à la garantie biennale des travaux accessoires.

L'appelante reproche enfin à son adversaire d'une part, de l'avoir mise "...devant le fait accompli" en ce qui concerne les travaux dits "supplémentaires" et que d'autre part, l'ensemble des prestations est atteint de non-conformités en reprise desquelles elle a dû faire intervenir une société tierce (entreprise GEORGE), pour un total de 6 455 F.

En conséquence la SARL LOGICONFORT, qui indique limiter son appel à la contestation de la facture n°042 d'un montant de 10 261,67 f qu'elle a acquittée dans le cadre de l'exécution provisoire, sollicite la condamnation de M. X... à lui rembourser cette somme ainsi qu'à lui verser une indemnité de 10 000 f sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

L'INTIME s'attache à réfuter l'argumentation de son adversaire et sollicite la confirmation de la décision entreprise, outre une somme de 15 000 f à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 12 060 F TTC en application de l'article 700 du NCPC.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été prononcée le 9 décembre 1997 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience des plaidoiries du 4 février 1998.

III - SUR CE, LA COUR

A - SUR LA NATURE DU MARCHE

Considérant au préalable qu'il convient de constater que "le marché", constitué par le devis de l'entreprise YVELEC en date du 15 mai 1992 et portant la mention manuscrite du représentant de LOGICONFORT, "Bon pour accord" ainsi que sa signature, comporte au pied de la seconde page et après le total HT (44 123,35 F) un poste optionnel rédigé ainsi :

"Plus value : Pour gestion de chauffage avec thermostat d'ambiance double plage jour et nuit et contacteur de puissance Montant HT 2.798,00 francs TVA 18,6% en sus " ;

Qu'en conséquence et contrairement à la qualification erronée avancée par l'appelante, le marché de l'espèce ne peut être considéré comme étant "à forfait" dès lors qu'il laisse au maître de l'ouvrage la liberté de solliciter la réalisation de travaux supplémentaires susceptibles de modifier l'économie du contrat d'origine, ce qui s'est produit en l'espèce tel que cela résulte des développements ci-après ;

Qu'au surplus il convient de constater que, contrairement aux autres

travaux précédents prévus au devis, la faculté de modifier l'ampleur des travaux que s'est ainsi réservée la société LOGICONFORT, sans d'ailleurs stipuler que ces travaux supplémentaires devraient être expressément autorisés, ne prévoit pas le coût de la main-d'oeuvre, qu'ainsi cette imprécision corrobore le caractère non "global et forfaitaire" dudit devis ;

Qu'enfin il y a lieu de relever qu'au marché litigieux n'est annexé aucun plan technique d'exécution des travaux ainsi que des lieux auxquels ils devaient s'adapter et qu'il ne fait nullement référence à ces documents indispensables pour le caractériser comme étant "à forfait" ;

Qu'à défaut de pertinence, le premier moyen doit être rejeté, ce d'autant, qu'en tout état de cause, l'existence d'un forfait n'interdit pas, comme en l'espèce, la commande de travaux supplémentaires ;

B - SUR LA FACTURE LITIGIEUSE (n°042)

B1- SUR LA GARANTIE DE PARFAIT ACHEVEMENT

Considérant que l'article 1792-6 du code civil, qui organise les

rapports du maître de l'ouvrage et de l'entrepreneur lors de la mise en oeuvre de la réception des travaux et durant l'année de garantie dite "de parfait achèvement" qui s'ensuit, n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite ;

Qu'en l'espèce, à défaut de l'existence d'un procès-verbal formel établissant la date de la réception des travaux réalisés par M. X... dans les locaux occupés par la SARL LOGICONFORT, il convient de relever que cette dernière n'a opposé aucune réserve à l'exécution des prestations YVELEC, soit avant la vérification des installations pratiquée par le bureau de contrôle habilité SOCOTEC (15 juin 1992), soit après ;

Qu'en effet la lettre recommandée envoyée par l'appelante le 21 décembre 1992, qui se borne à indiquer :

"...nous sommes au regret de vous informer que votre installation n'est pas conforme à ce qui était prévu", n'est pas de nature à entrer dans les prescriptions de l'article 1792-6 du code précité dès lors que le maître de l'ouvrage doit indiquer explicitement les désordres signalés - apparents -sur le procès-verbal de réception ou à défaut "...par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception" afin de permettre à l'entrepreneur de discuter les griefs et d'y remédier s'ils sont justifiés ;

Considérant qu'en l'espèce, il convient de constater que la

notification du 21 décembre 1992 ne contient aucun grief précis, alors que la facture n° 042 que LOGICONFORT conteste (pièce n° 4 SCP LAMBERT, Avoués) est particulièrement précise sur la nature, les quantités et les prix unitaires des travaux dits "supplémentaires" ; Qu'en outre il convient de relever que jusqu'à la mise en demeure de payer du 15 décembre 1992 (réitérée le 18 décembre suivant), que lui a adressée l'entrepreneur, LOGICONFORT ne rapporte aucune preuve de ce qu'elle a contesté la nature et la qualité des travaux exécutés par YVELEC;

Qu'il s'évince de cette chronologie que la lettre du 21 décembre 1992, laquelle n'est pas conforme aux exigences découlant de l'article 1792-6 du code civil, a été établie dans le seul but de justifier le refus de payer le solde des travaux, solde comprenant à l'époque la somme de 14 123,35 frs TTC, que LOGICONFORT a reconnu devoir devant le premier juge, seulement une fois qu'elle a été assignée ;

Qu'il convient en effet de relever que LOGICONFORT a réglé par trois fois une somme de 10 000 f, dont le dernier acompte le 31 juillet 1992, le jour même où M. X... a présenté la facture n°042 (10 261,67f), dite pour "travaux supplémentaires", laquelle facture mentionne les "27, 28, 29 juillet 1992" comme étant les jours où lesdits travaux ont été exécutés ;

Qu'ainsi il résulte de ces circonstances que le maître de l'ouvrage qui n'a pas contesté la réalité des travaux supplémentaires, qui occupe les locaux dans lesquels ces travaux ont été effectués, qui n'a exigé l'établissement d'aucun procès-verbal, amiablement ou judiciairement comme l'y autorisait l'article 1792-6 du code civil qu'il n'invoque qu'en défense pour la première fois devant la Cour, et alors que le Bureau de Contrôle SOCOTEC a effectué une visite contradictoire des locaux rénovés, le 15 juin 1992, est réputé avoir tacitement et sans équivoque, ratifié les travaux litigieux le 31 juillet 1992 ;

Qu'en effet à ce jour, date de paiement du troisième acompte de 10 000 f, le maître de l'ouvrage ne rapporte aucunement la preuve de ce qu'il a explicitement critiqué les prestations réalisées par YVELEC alors qu'il se trouvait en possession de l'ensemble des travaux, tant principaux que supplémentaires ;

Qu'ainsi l'appelante, alors que la période de garantie de parfait achèvement a pris fin le 31 juillet 1993, ne rapportant pas la preuve de ce que l'entrepreneur a failli dans son obligation de résultat découlant de cette garantie légale prévue à l'article 1792-6 précité, doit être déclarée mal fondée en la première branche de son moyen ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris qui a exactement exposé les faits de la cause et les moyens des parties en première instance,

auxquels il a répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte, il échet, dans les limites de l'appel posées par la société LOGICONFORT elle-même, de confirmer ledit jugement sur ses dispositions relatives à la facture n°042 ;

B2- SUR LA GARANTIE BIENNALE

Considérant que l'appelante qui, dans ses conclusions du 6 décembre 1996, invoque également l'article 1792-2 du code civil pour mettre en cause la responsabilité de l'entrepreneur au titre de la garantie légale de deux ans relative aux "éléments d'équipement" doit faire la démonstration qu'elle est recevable quant au délai et fondée quant à la nature et l'existence des dommages reprochés ;

Qu'en l'espèce, la garantie biennale s'étant achevée le 31 juillet 1994, depuis la date de la réception tacite rappelée plus avant, les divers actes diligentés par LOGICONFORT, depuis sa lettre du 21 décembre 1992 en passant par son opposition du 23 avril 1993, la rendent recevable à former une telle réclamation ;

Considérant sur le fond, les constatations précédentes faites par la Cour sur l'absence de grief précis dans la lettre du 21 décembre 1992 précitée comme dans les actes de procédure subséquents, demeurant pertinentes quant à la seconde branche du moyen de contestation de

l'appelante, qu'il y a lieu de constater que celle-ci ne rapporte aucune preuve sérieuse de l'existence d'un dommage lié à l'inexécution ou à la mauvaise exécution des travaux d'équipements réalisés par YVELEC ;

Qu'il convient d'une part de constater que l'organisme de contrôle, SOCOTEC, dont l'appelante ne conteste ni la compétence ni le caractère contradictoire de la visite faite dans ses locaux rénovés, le 15 juin 1992, n'a relevé aucune anomalie propre à remettre en cause la nature et la qualité des travaux déjà réalisés par l'intimé ;

Que d'autre part, pour les réalisations effectuées entre cette visite et le 31 juillet 1992, date réputée de la réception tacite, LOGICONFORT n'apporte aucun élément pertinent étayant le principe de sa réclamation, alors qu'il convient de rappeler qu'en tout état de cause, les désordres et défauts de conformité qui n'affectent ni la solidité, ni la propriété de l'immeuble à sa destination, ni la solidité ou le bon fonctionnement d'éléments d'équipement - à supposer, pour les besoins du raisonnement, ces désordres établis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce - ne relèvent pas de la garantie légale biennale ;

Qu'enfin l'appelante, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontrant aucunement que des désordres nés des travaux supplémentaires réalisés par YVELEC durant la période de garantie, se seraient par la suite révélés dans toute leur ampleur, est, là

encore, mal fondée en son recours ;

Qu'à ce sujet, le devis dit "descriptif", en date du 16 septembre 1993, à l'entête de l'entreprise "GEORGE", que l'appelante présente comme justifiant, de ce qu'en raison des défaillances de l'entrepreneur, elle avait dû recourir à un autre professionnel pour reprendre ou compléter les travaux querellés (pièce n°7 ou 11, SCP LAMBERT, Avoués), n'offre aucun caractère probant dès lors qu'il n'est pas signé, qu'il ne propose aucun prix en référence aux prestations qu'il est censé décrire, qu'il ne fait aucune allusion à la reprise ou au prolongement des travaux d'YVELEC et qu'enfin il ne certifie aucunement que les travaux annoncés ont été réalisés ;

Qu'en conséquence de l'ensemble des énonciations qui précèdent il échet de déclarer l'appelante mal fondée en son recours et de confirmer le jugement entrepris quant à la condamnation de LOGICONFORT à payer la facture n°042 ;

C - SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que l'appelante qui succombe au principal de son recours, sera déboutée de toutes ses demandes plus amples ou contraires qui en découlent et devra supporter les dépens d'appel ;

Qu'en revanche, l'entreprise YVELEC, qui a dû engager des frais non compris dans les dépens pour soutenir ses intérêts dans un recours qu'elle n'a pas initié, sera indemnisée équitablement par l'allocation d'une somme de 8 000 f, en application de l'article 700 du NCPC ;

Qu'en ce qui concerne la demande en dommages et intérêts formée par l'intimé M. X..., celui-ci ne rapportant pas preuve qu'il a subi un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires, cette demande sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SARL LOGICONFORT en son appel, régulier en la forme,

Dans les limites dudit appel formulées dans les conclusions de la SARL LOGICONFORT, en date du 8 mars 1995 et du 6 décembre 1996,

Dit l'appel mal fondé ;

Confirme le jugement entrepris (n° 93F 01531) en ses dispositions soumises à la censure de la Cour,

ET Y AJOUTANT :

Condamne la SARL LOGICONFORT à verser à M. Yves X..., exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE YVELEC, la somme de 8 000 f au titre de l'article 700 du NCPC, en cause d'appel ;

Déboute les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires, comme irrecevables, mal fondées ou devenues sans objet,

Condamne la SARL LOGICONFORT aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP LISSARRAGUE ET DUPUIS, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C..

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE Y...

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-9364
Date de la décision : 09/04/1998

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR

L'envoi par un maître d'ouvrage d'une lettre recommandée avec accusé de réception qui, contrairement aux prescriptions de l'article 1792-6 du Code civil, se borne à indiquer qu'une " installation n'est pas conforme à ce qui était prévu" en l'absence de toute spécification des désordres apparents ou révélés à l'usage, n'est pas de nature à modifier la fixation de la date de réception tacite des travaux telle qu'elle résulte de la prise de possession de l'ouvrage sans contestation ni réserve puis de son agrément par un bureau de contrôle


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-09;1994.9364 ?
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