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03/04/1998 | FRANCE | N°1996-3042

France | France, Cour d'appel de Versailles, 03 avril 1998, 1996-3042


Selon acte sous seing privé en date du 7 novembre 1990, la BANQUE NATIONALE DE PARIS a consenti à Monsieur Michel X..., une offre préalable d'ouverture de crédit accessoire à des contrats de vente, utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit ("CREDISPONIBLE").

Cette offre ouvrait droit à un crédit d'un montant de 50.000 Francs au taux contractuel de base de 14,95 %.

Le montant du crédit a été porté ultérieurement à la somme de 80.000 Francs.

Plusieurs échéances sont demeurées impayées, malgré les mises en demeure.

Par acte du 19

janvier 1995, la BANQUE NATIONALE DE PARIS a fait citer devant le Tribunal d'Instance de ...

Selon acte sous seing privé en date du 7 novembre 1990, la BANQUE NATIONALE DE PARIS a consenti à Monsieur Michel X..., une offre préalable d'ouverture de crédit accessoire à des contrats de vente, utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit ("CREDISPONIBLE").

Cette offre ouvrait droit à un crédit d'un montant de 50.000 Francs au taux contractuel de base de 14,95 %.

Le montant du crédit a été porté ultérieurement à la somme de 80.000 Francs.

Plusieurs échéances sont demeurées impayées, malgré les mises en demeure.

Par acte du 19 janvier 1995, la BANQUE NATIONALE DE PARIS a fait citer devant le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE Monsieur et Madame Michel X..., pour les voir condamner à lui payer, avec exécution provisoire, les sommes de :

Monsieur X... : 48.107,87 Francs pour solde d'un découvert bancaire, Monsieur et Madame X..., 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X... ont fait valoir que l'action relative aux comptes débiteurs était, selon eux, forclose, dès lors, que le premier impayé était intervenu en septembre 1992, et que leurs instruments de paiement leur avaient été retirés en décembre de la même année.

Subsidiairement, ils ont demandé au tribunal d'arrêter les comptes aux sommes résultant de la mise en demeure d'août 1992, soit 35.542,62 Francs pour le compte joint et 40.164,24 Francs pour le compte de Madame X....

Enfin, ils ont également sollicité la condamnation de la BNP à leur restituer les titres leur appartenant et qu'elle conserverait.

Le tribunal d'instance statuant par jugement du 23 janvier 1996 a rendu la décision suivante : - condamne Monsieur Michel X... à payer à la BANQUE NATIONALE DE PARIS : * la somme de 77.000 Francs avec intérêts au taux de 14,95 % à compter du 19 janvier 1995, - condamne Madame X... à payer à la BANQUE NATIONALE DE PARIS : * la somme de 38.289,96 Francs avec intérêts au taux légal à compter du jugement, - condamne Monsieur et Madame X... à payer à la BANQUE NATIONALE DE PARIS : * la somme de 37.346,96 Francs avec intérêts au taux légal à compter du jugement, - dit que Monsieur Michel X... pourra s'acquitter du montant de la dette par versements mensuels de 3.200 Francs sur le crédisponible à compter du 10 février 1996, - dit que Madame X... pourra s'acquitter du montant de la dette par versements mensuels de 1.600 Francs sur le compte à compter du 10 février 1996, - dit que Monsieur et Madame X... pourront s'acquitter de leur dette par versements mensuels de 1.600 Francs sur le compte joint à compter du 10 février 1996, Qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, la totalité de la dette sera immédiatement exigible, - déboute la BANQUE NATIONALE DE PARIS du surplus de sa demande, - ordonne l'exécution provisoire, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile, - condamne Monsieur et Madame Michel X... aux dépens.

Le 11 avril 1996, les époux X... ont interjeté appel.

Ils demandent à la Cour de : - dire et juger que la B.N.P est forclose en son action, En conséquence, - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau : - débouter purement et simplement la B.N.P de l'intégralité de ses demandes, - ordonner la restitution aux époux X... des titres détenus par la BNP sur le compte n° 735.232.20, - condamner la B.N.P au paiement de la somme de 12.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la B.N.P aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître BINOCHE, Avoué aux offres de droit, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La BANQUE B.N.P forme appel incident et demande à la Cour de : - dire et juger les époux X... irrecevables et mal fondés en leur appel, - les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions. - confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur X... à payer à la B.N.P la somme de 77.000 Francs augmentée des intérêts conventionnels au taux de 14,65 %, - infirmer le jugement en ses autres dispositions, - dire et juger que les intérêts conventionnels à 14,85 % courront sur la somme de 77.000 francs à compter du 26 février 1993, - condamner Monsieur et Madame X... conjointement à payer à la B.N.P la somme de 46.175,49 Francs augmentée des intérêts depuis le 15 mars 1993, - condamner Madame X... à payer à la B.N.P la somme de 48.107,87 Francs augmentée des intérêts depuis le 18 mars 1993, - ordonner la capitalisation des intérêts

conformément à l'article 1154 du Code Civil, - constater que les époux X... sont déchus des délais de paiement qu'ils avaient obtenus, - condamner conjointement et solidairement les époux X... à payer à la B.N.P au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 6.000 Francs, - condamner les époux X... aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT etamp; DEBRAY etamp; CHEMIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 février 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 5 mars 1998.

SUR CE LA COUR,

I) Considérant qu'aux termes de l'article L311-37 du Code de la Consommation (ancien article 27 de la loi du 10 janvier 1978), les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, y compris lorsqu'elles sont nées de contrats conclus antérieurement au 1er juillet 1989 ; que, contrairement à ce que soutiennent les époux X..., le droit constant ne retient pas pour seul événement servant de point de départ à ce délai de deux ans, la date du premier incident de paiement non régularisé ;

Considérant, en l'espèce, qu'il est manifeste que l'offre préalable de crédit ("CREDISPONIBLE") prévoyait (paragraphe I-c) expressément "le prélèvement d'une mensualité de remboursement, chaque fin de mois", ce prélèvement se faisant sur le compte joint des deux emprunteurs ; qu'en tout état de cause, il est patent qu'il y avait,

sur ce point, pour le moins, une convention tacite certaine, qui a d'ailleurs reçu une exécution régulière et prolongée, sans que les époux X... n'aient jamais formulé des protestations, des réserves ou des réclamations au sujet de ces prélèvements sur leur compte ; que de plus, eux-mêmes, n'ont jamais demandé la clôture de ce compte dont ils savaient pourtant, pertinemment, qu'il était devenu débiteur, et qu'ils l'ont laissé, délibérément, fonctionner ainsi en débit ;

Considérant, par ailleurs, que l'offre de crédit "CREDISPONIBLE" a expressément prévu (clause I-f) que le prêteur peut exiger un remboursement immédiat de toute somme due, notamment si le titulaire du compte n'honore pas l'une quelconque des mensualités prévues ou si le compte ayant donné lieu à la délivrance d'une ou plusieurs cotes de paiement était clôturé pour quelque motif que ce soit ;

Considérant qu'il est patent que la banque B.N.P, face à la défaillance des époux Y..., a pris l'initiative de prononcer la clôture de ce compte en mars 1993, ce qui a entraîné la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance de cette banque ;

Considérant que, c'est donc à bon droit, et par une exacte application des règles de la forclusion biennale et des clauses du contrat, que le premier juge a retenu cette clôture comme point de départ de ce délai, et qu'il a justement décidé que l'action au fond engagée le 19 janvier 1995 n'était pas forclose et était donc recevable ; que le jugement est, par conséquent, confirmé de ce premier chef ;

II) Considérant, quant au fond, que les appelants ne formulent aucun moyen (article 954 alinéa 1 et 3 du Nouveau Code de Procédure Civile) au sujet des créances justifiées, invoquées contre eux par la B.N.P ; que le jugement est donc confirmé en ses dispositions portant condamnations, au principal, des époux X... (et individuellement du mari et de l'épouse), au profit de la B.N.P (sous réserve cependant de ce qui sera ci-dessous motivé au sujet des intérêts qui font l'objet de l'appel incident de l'intimée) ;

Considérant que devant la Cour, les appelants ne communiquent aucune pièce justificative sur leur situation actuelle et qu'ainsi ils ne disent et ne démontrent rien sur leurs revenus, et sur leurs charges, ni sur leurs déclarations fiscales de revenus et leurs avis d'imposition (entre 1991 et 1998) ; qu'ils sont donc déboutés de leur demande en octroi de délais de paiement (articles 1244-1 à 1244-3 du Code Civil) et que le jugement est réformé sur ce point ;

III) Considérant en ce qui concerne le solde du crédit permanent accordé ("CREDISPONIBLE"), que le premier juge a exactement retenu que le solde débiteur dû par Madame X... porterait intérêts au taux contractuel de 14,65 % ; que cependant le jugement est réformé quant au point de départ de ces intérêts et que la Cour jugera ci-après la date à laquelle ces intérêts contractuels sont devenus exigibles (voir ci-dessous la motivation développée au sujet de ces intérêts) ;

Considérant en ce qui concerne les intérêts réclamés sur les découverts en compte, qu'il est certain que par conclusions devant le premier juge, du 10 octobre 1995, les époux X... avaient certes expressément invoqué les dispositions de l'article 5 de la loi n°

18.22 du 10 janvier 1978, mais cela uniquement pour demander, en définitive, que les sommes dues par eux soient arrêtées au montant indiqué dans l'accord qu'ils avaient signé avec la B.N.P, le 12 août 1992, et non pas pour réclamer expressément une déchéance du droit aux intérêts, l'article 23 de ladite loi n'étant d'ailleurs même pas invoqué par eux ; que le premier juge a donc statué "ultra petita" en décidant d'office et, sans même à réouverture des débats, que la BNP serait déchue de son droit aux intérêts ;

Considérant que le jugement est réformé de ce chef et que devant la Cour les appelants ne formulent pas expressément de demande tendant à faire prononcer cette déchéance (en application de l'article L.311-33 du Code de la Consommation) ; qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer cette déchéance, et que la B.N.P est fondée à réclamer les intérêts au taux conventionnel ; que ces intérêts sont dus, pour le solde débiteur du compte joint n° 0243.7168 à compter du 15 mars 1993 date de la lettre de mise en demeure et de sommation de payer (article 1153 alinéa 3 du Code Civil) ;

Considérant en ce qui concerne le prêt "CREDISPONIBLE" (77.000 Francs dus), que ces intérêts sont également dus à compter de cette même lettre du 15 mars 1993 contenant sommation de payer (article 1153 alinéa 3 du Code Civil) ;

Considérant que les intérêts dus sur le compte de Madame X... (n° 0243.7255) sont dus à compter du 19 janvier 1995, date de l'assignation devant le tribunal d'instance, formulant ce chef de demande et valant sommation de payer (article 1153 alinéa 3) ;

Considérant enfin que ces intérêts échus, ainsi fixés, seront

capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

IV) Considérant, en ce qui concerne la restitution des titres réclamés par les époux X..., que ceux-ci ne communiquent aucune mise en demeure de restituer qu'ils auraient adressée à la B.N.P, et que notamment, leur lettre du 3 juillet 1995 ne comporte aucune mise en demeure, ni aucune sommation ; que, de plus, rien ne démontre que l'accusé de réception de cette lettre recommandée aurait bien été signé par la prétendue destinataire ;

Mais considérant qu'il demeure que les époux X... versent aux débats un relevé de titres en dépôt (de janvier 1992), portant le n° 735.232.20, qui indique qu'au 31 décembre 1991, ils détenaient quatre séries de valeurs cotées, d'un montant de 10.992 francs ; que la B.N.P ne précise rien sur ce qu'est devenu ce compte, et que c'est à elle qu'incombe la preuve d'une restitution de ces valeurs à leurs détenteurs ; qu'elle ne rapporte pas cette preuve ; que ses obligations sont celles d'un dépositaire et qu'elle a donc notamment, l'obligation d'assurer la garde des titres déposés chez elle, et de les restituer, à la demande des clients ; qu'en la présente espèce, une telle demande de restitution a bien été expressément formulée par les défendeurs, devant le tribunal d'instance ; que la Cour, réformant le jugement, condamne donc la B.N.P à restituer immédiatement aux époux X... les valeurs cotées figurant sur son relevé des titres en dépôt, de janvier 1992 (compte n° 735.232.20) faisant apparaître un total de valeurs cotées de 10.992 francs ;

V) Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, les parties sont déboutées de leurs demandes respectives en paiement des sommes, en

vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

La COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I) DIT ET JUGE que les demandes de la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P" SA devant le tribunal d'instance ne sont pas forcloses et sont donc recevables ;

II) CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame X... (individuellement et conjointement) à payer, en principal, les découverts de leurs comptes et le solde débiteur du crédit ("CREDISPONIBLE") ;

. INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a accordé aux époux X... des délais de paiement, et déboute les appelants de leur demande de ce chef ;

III) DIT ET JUGE qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts de la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P" SA (article L 311-33 du Code de la Consommation) ;

PAR CONSEQUENT, REFORMANT :

. DIT ET JUGE que les intérêts au taux conventionnel sont dus à la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P" S.A : * pour le compte n° 0243.7168

à compter du 15 mars 1993. pour le compte n° 0243.7255 à compter du 19 janvier 1995.

. ORDONNE la capitalisation de ces intérêts échus, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil.

IV) . CONDAMNE la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P" S.A à restituer immédiatement aux époux X... les valeurs cotées figurant sur son relevé de titres en dépôt, de janvier 1992 (compte n° 735.232.20) faisant apparaître un total de valeurs cotées de 10.992 Francs (DIX MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DOUZE FRANCS) ;

V) DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives en paiement de sommes, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

FAIT MASSE de tous les dépens de première instance et d'appel qui seront supportés pour les 3/4 par les époux X... et pour les 1/4 par la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P" S.A et qui seront recouvrés directement contre eux, dans ces proportions, par la SCP d'Avoués LAMBERT DEBRAY CHEMIN et par Maître BINOCHE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3042
Date de la décision : 03/04/1998

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Ouverture de crédit reconstituable

Aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation l'action en paiement du prêteur doit s'exercer, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance. S'agissant d'une offre préalable d'ouverture de crédit, accessoire à un contrat de vente, de type " Crédisponible ", qui, accompagnée de la remise d'une carte de crédit, est utilisable par fractions et remboursable par mensualités le point de départ du délai biennal de forclusion de l'action en paiement se situe, non pas, comme prétendu en l'espèce, à la date du premier incident de paiement non régularisé, mais au jour de la clôture du compte, c'est-à-dire à la date d'exigibilité du solde. Lorsque l'établissement bancaire se réserve expressément la possibilité d'exiger un remboursement immédiat de la totalité du solde du compte en cas de défaillance dans le paiement de l'une quelconque des mensualités, le point de départ du délai de forclusion biennal de l'action en paiement de la banque se situe au jour où la banque décide de la clôture du compte, entraînant ainsi la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate de sa créance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-03;1996.3042 ?
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