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02/04/1998 | FRANCE | N°1996-5016

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 avril 1998, 1996-5016


Au mois d'août 1993, la SNC SAPRIM a chargé la société NORMANDE DE TRANSIT ET DE CONSIGNATION (S.N.T.C.) d'organiser le transport de six conteneurs renfermant des produits alimentaires entre MARSEILLE et la POINTE DES GALETS à l'ILE DE LA RÉUNION. Le navire NATHALIE X... a été retenu pour un départ le 17 août et arrivée prévue le 2 septembre 1993. En définitive, les containers ont été chargés le 23 août 1993 à bord du navire qui a quitté le port de MARSEILLE le 31 août et est arrivé le 17 septembre à destination, soit quinze jours plus tard que la date initialement prévu

e.

A la suite d'une ordonnance du président du tribunal de commerce ...

Au mois d'août 1993, la SNC SAPRIM a chargé la société NORMANDE DE TRANSIT ET DE CONSIGNATION (S.N.T.C.) d'organiser le transport de six conteneurs renfermant des produits alimentaires entre MARSEILLE et la POINTE DES GALETS à l'ILE DE LA RÉUNION. Le navire NATHALIE X... a été retenu pour un départ le 17 août et arrivée prévue le 2 septembre 1993. En définitive, les containers ont été chargés le 23 août 1993 à bord du navire qui a quitté le port de MARSEILLE le 31 août et est arrivé le 17 septembre à destination, soit quinze jours plus tard que la date initialement prévue.

A la suite d'une ordonnance du président du tribunal de commerce de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION rendue sur requête de la S.N.T.C., une expertise a eu lieu qui a abouti à un rapport en date du 10 décembre 1993 faisant état de la constatation d'avaries et de manquants et évaluant les dommages à la somme de 206.476,62 frs.

Par acte d'huissier en date des 22 et 23 juin 1994, la SNC SAPRIM a assigné le transporteur, la société CGM SUD, en paiement du montant des dommages. Par acte d'huissier du 22 septembre 1994, la société CGM SUD a appelé la société S.N.T.C. en garantie des condamnations éventuellement prononcées contre elle.

Par jugement en date du 13 février 1996, le tribunal de commerce de NANTERRE a condamné la société CGM SUD à payer à la société SAPRIM la somme de 202.887,95 frs avec intérêts légaux à compter de l'assignation et a débouté la société CGM SUD de son appel en garantie à l'encontre de la société S.N.T.C., en assortissant sa

décision de l'exécution provisoire contre caution bancaire.

Le tribunal, ayant rappelé que les connaissements précisent que les marchandises sont des produits de crémerie, fromages et autres, a retenu que la société CGM SUD a accepté les marchandises en les chargeant sur le navire et en est devenue responsable, qu'elle n'a averti la S.N.C.T. que le 23 août et n'a pu répondre à la demande de déchargement, et que, dans ces conditions elle a commis une faute, l'article 7 du connaissement ne pouvant trouver application car le retard de livraison était connu avant l'appareillage. Sur l'appel en garantie de la société CGM SUD contre la société S.N.T.C., le tribunal a estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de cette dernière société, commissionnaire du transport.

Par conclusions signifiées le 12 août 1996, la société CGM SUD, appelante du jugement, invoquant la clause 7 du connaissement, décline toute responsabilité pour le retard de livraison, indiquant que son attention n'avait pas été attirée sur le caractère impératif d'une date de livraison, de sorte que les dommages et intérêts non prévus et non prévisibles lors de la conclusion du contrat ne sauraient lui être réclamés. Elle précise n'avoir pas été lié par des délais et avoir eu seulement l'obligation d'acheminer les marchandises dans un délai raisonnable, ajoutant que les informations portées au calendrier mis à la disposition de la clientèle sont seulement indicatives.

Elle indique que le différé de livraison avait été annoncé au

chargeur qui a gardé le silence, valant acceptation. Elle soutient que l'imparfaite exécution des obligations contractuelles provient d'une cause étrangère, en l'occurrence la mauvaise qualité d'une huile de moteur qui a provoqué des anomalies du système propulsif du navire obligeant à des investigations puis à des travaux de réparation à la suite desquels seulement la déclaration d'innavigabilité du dit navire a pu être faite, de sorte que le chargement des marchandises a été opéré dans l'ignorance de cet état d'innavigabilité.

Elle invoque également les fautes, exonératoires pour elle, de la société SAPRIM ou de son commissionnaire de transport, chargeur au connaissement, la société S.N.T.C., en ce que, pour les marchandises jugées non commercialisables à leur arrivée, les dates de consommation conseillées ont été trop restrictivement fixées ou étaient inadaptées au type de transport choisi, étant ajouté que leur saisie et destruction procèdent d'une décision commerciale du propriétaire et non d'une exigence des services vétérinaires, et pour les marchandises jugées commercialisables moyennant dépréciation, cette dépréciation procède aussi de raisons commerciales, à savoir l'arrivage de marchandises identiques sur un autre navire.

Elle précise que l'origine véritable des difficultés commerciales rencontrées par le destinataire réside dans le fait que le transport des marchandises a été organisé alors que le délai des périodes de conservation restant à courir était trop réduit. Elle fait également observer que le chargeur, avisé, le 26 août, du retard du navire, a tardivement réagi pour envisager, six jours plus tard, le

débarquement des conteneurs et leur acheminement par voie aérienne, et que le défaut de conditionnement et le défaut d'arrimage sont également imputables au chargeur, elle-même n'ayant pas procédé à l'empotage. Enfin, elle conteste le quantum de la demande d'indemnisation, le coefficient multiplicateur appliqué au montant des dommages évalués par l'expert lui paraissant fantaisiste. En définitive, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement. entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

- rejeter comme mal fondée la demande de la société SAPRIM,

- la condamner au paiement de la somme de 30.000 F (trente mille francs) par application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- subsidiairement, arrêter le montant du préjudice indemnisable à la somme de 123.836,04 frs, et retenir tel partage de responsabilité qu'il plaira à la cour,

- accueillir alors dans telles proportions qu'il plaira à la cour l'action récursoire exercée contre la société NORMANDE DE TRANSIT ET DE CONSIGNATION,

- statuer en ce cas ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions signifiées le 15 octobre 1996, la société NORMANDE DE TRANSIT ET DE CONSIGNATION (S.N.T.C.) rappelle qu'il suffit au chargeur d'établir son préjudice et de montrer que celui-ci est résulté du retard pour voir le transporteur présumé responsable du dommage. Elle précise que le choix du transport des six conteneurs à bord du navire "NATHALIE X...", a été effectué par elle sur la base d'un télex où étaient prévus le départ de MARSEILLE à la date du 17 août et l'arrivée à LA RÉUNION à la date du 2 septembre suivant, en sorte que les dates ainsi communiquées, quoiqu'indicatives, font partie intégrante du contrat aux termes duquel le transporteur a accepté de charger les marchandises.

Elle conteste que les dates limites de consommation étaient trop rapprochées, indiquant que les produits frais embarqués, dont la nature était connue du transporteur, devaient être consommés dans les 42 jours de leur fabrication et ont dû être partiellement détruits en raison du retard de 15 jours. Elle souligne qu'il appartient au transporteur de mettre son navire en état de navigabilité et que, en l'occurrence, celui-ci connaissait l'état d'innavigabilité de son navire lorsque l'embarquement des marchandises a été effectué. Elle fait encore valoir que la société CGM SUD l'a informée tardivement du retard dû à la panne des moteurs, la mettant ainsi dans l'impossibilité d'organiser un transport par voie aérienne. Elle affirme l'exactitude du préjudice subi par la société SAPRIM. Enfin, elle réfute l'appel en garantie dirigé contre elle par la société CGM

SUD, aucune faute ne pouvant être retenue contre elle. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 février 1996,

- condamner la société CGM SUD à payer aux sociétés SAPRIM et SNTC la somme de 30.000 F (trente mille francs) au titre de l'article 700 du N.C.P.C.,

- condamner la société CGM SUD aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.

Par conclusions complémentaires signifiées le 6 janvier 1998, la société CGM SUD se dit en mesure d'établir que la décision d'immobiliser le navire pour des raisons techniques a été prise le 24 août 1993, soit postérieurement à l'embarquement des marchandises, et soutient que cette circonstance et ses conséquences, qui n'ont pu être connues immédiatement, sont exonératoires de sa responsabilité. Par conclusions signifiées le 19 janvier 1998, la société S.N.T.C. conteste le document produit par la société CGM SUD au soutien de ses

dernières écritures, en l'occurrence un rapport d'intervention d'un technicien qui a effectué une visite du navire entre le 24 et le 27 août afin de conseiller sur les travaux à entreprendre et la conduite à tenir, et maintient que la société CGM SUD avait pleinement connaissance de l'état d'innavigabilité du navire avant l'embarquement des marchandises, les moteurs commençant à ne plus fonctionner normalement dès le début du mois d'août. Elle en déduit que le transporteur a manqué à son obligation de mettre à la disposition du chargeur un navire en bon état de navigabilité, a décidé de procéder à l'embarquement des marchandises alors qu'il connaissait l'état d'innavigabilité, et a omis de l'informer en temps utile des difficultés techniques.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 27 janvier 1998, et l'affaire a été plaidée à l'audience du 10 février 1998.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il n'est pas contesté que le transport dont s'agit, effectué entre deux ports français, est régi par les dispositions de la loi du 18 juin 1966 ;

Que, selon l'article 21 de cette loi, "nonobstant toute stipulation contraire, le transporteur sera tenu, avant et au début du voyage, de faire diligence pour :

a) Mettre le navire en état de navigabilité, compte tenu du voyage qu'il doit effectuer et des marchandises qu'il doit transporter ;

b) Convenablement armer, équiper et approvisionner le navire ;

c) Approprier et mettre en bon état toutes parties du navire où les marchandises doivent être chargées" ;

Que l'article 27 de la même loi prévoit que "le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ou dommages proviennent :

a) De l'innavigabilité du navire sauf au transporteur à établir qu'il a satisfait aux obligations énoncées à l'article 21 ci-dessus ; b) Des fautes nautiques du capitaine, du pilote ou d'autres préposés du transporteur ;

c) D'un incendie ;

d) Des faits constituant un événement non imputable au transporteur ;

e) De grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement ;

f) Du vice propre de la marchandise ou de freintes de route dans la mesure des tolérances d'usage au port de destination ;

g) Des fautes du chargeur, notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises ;

h) De vices cachés du navire échappant à un examen vigilant ;

i) D'un acte ou d'une tentative de sauvetage de vies ou de biens en mer ou de déroutement à cette fin.

Le chargeur ou son ayant droit pourra néanmoins, dans ces cas, faire la preuve que les pertes ou dommages sont dus, en tout ou en partie, à une faute du transporteur ou de ses préposés, autre que la faute prévue à la lettre b ci-dessus" ;

Que, selon l'article 29, "est nulle et de nul effet toute clause ayant directement ou indirectement pour objet ou pour effet: a) De soustraire le transporteur à la responsabilité définie à l'article 27" ;

Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que les marchandises prises en charge, le lundi 23 août 1993, à 11 heures 30, par la société CGM SUD, sont arrivées au port de la POINTE DES GALETS, à l'île de LA REUNION, le 18 septembre 1993 ; que, selon l'expertise judiciaire aussitôt diligentée, en exécution de l'ordonnance, en date

du 14 septembre 1993, du président du tribunal mixte de commerce de SAINT-DENIS, ces marchandises, constituées de produits alimentaires frais de crémerie et de charcuterie, ont subi des dommages évalués à 127.632,14 frs ;

Que, selon l'expert, ces dommages sont imputables, pour la plupart, au retard du navire qui, soit a rendu ces produits non consommables ou non commercialisables, soit les a dépréciés de 50 %, en raison de la proximité de leur date limite de vente, ces conséquences étant aggravées par l'arrivage concomittant de produits identiques apportés par un autre navire ;

Considérant que, contrairement à l'argumentation de l'appelante, le décalage entre la date d'arrivée du navire, initialement prévue, et celle à laquelle elle est réellement intervenue, caractérise un retard fautif ;

Qu'en effet, s'il est exact qu'aucun délai de livraison n'avait été convenu entre les parties, l'indication des dates de départ et d'arrivée, annoncées dans le télex du service Capricorne comme étant respectivement le 17 août et le 2 septembre 1993, est nécessairement entrée dans le champ contractuel en ce qu'elle a donné à l'expéditeur, la SNC SAPRIM, et au chargeur, la S.N.T.C., l'information de la période possible et de la durée probable du transport et a, ainsi, déterminé leur engagement et la réservation du navire, voire le choix du transporteur, sinon celui du mode de transport ; qu'il est constant que ces dates n'ont pas été respectées

; que l'expert a évalué le retard du navire à 8 jours et 6 heures 50 minutes ; qu'à cet égard, il faut cependant relever un décalage de 14 jours pour l'appareillage, d'un peu plus d'une journée pour la durée du voyage, et de près de 16 jours pour la date d'arrivée ; qu'en acceptant de prendre en charge des marchandises, en sachant qu'il s'agissait de produits frais par les mentions portées dans les connaissements, la société CGM SUD s'est obligée à procéder de manière appropriée et soigneuse à leur transport ; que, eu égard à la nature des marchandises transportées, le retard constaté dans la date de livraison est un manquement à cette obligation que le transporteur aurait dû prévenir en refusant la prise en charge ;

Que, conformément aux dispositions de l'article 27, ci-dessus rappelées, la société CGM SUD, en tant que transporteur, est tenue à réparer les dommages constatés, sauf à rapporter la preuve d'une des causes exonératoires légalement prévues ;

Considérant que le retard de livraison résulte essentiellement du fait que le navire n'était pas en état de navigabilité ;

Qu'à cet égard, pour écarter sa responsabilité, la société CGM SUD soutient que l'innavigabilité du navire NATHALIE X... est apparue après la fin des opérations commerciales ;

Que, cependant, il ressort des mentions du journal de bord, que, dès le 5 août 1993, une forte consommation d'huile a été constatée ; que,

le 11 août 1993, le navire a dû être mis en dérive pour permettre la recherche des causes d'un fort échauffement du moteur principal ; qu'à LIVOURNE, quatre techniciens de la société SUD MARINE ont été embarqués pour procéder à l'examen du moteur auxiliaire DA1 ; que, le 22 août 1993, à MARSEILLE, avant l'embarquement des marchandises, ont été commencés le démontage et l'examen du moteur principal ; que, le lundi 23 août, à la fin des opérations commerciales, le navire a été déhalé "afin de continuer les réparations des deux groupes et du moteur principal" ; qu'en admettant que la décision d'immobilisation ait été définitivement prise le 24 août au vu des pièces du moteur, il reste qu'au moment de la prise en charge des marchandises, le démontage du moteur principal avait eu lieu, amenant nécessairement les constatations sur l'état défectueux du système de propulsion, si tant est que ces constatations n'avaient pas déjà été effectuées par les quatre techniciens montés à bord à LIVOURNE ;

Que, d'ailleurs, l'expert judiciaire rapporte les propos du capitaine du navire, selon lequel l'avarie a été décelée au cours de la traversée ROUEN-MARSEILLE et la décision d'arrêter le navire a été prise pendant le week-end ; qu'il s'ensuit que l'état d'innavigabilité du navire n'a eu aucun caractère fortuit, et était même connu du transporteur lors de l'embarquement des marchandises ; que cette prise en charge a eu lieu alors que la société CGM SUD n'avait pas fait, et, en tout cas, pas achevé les diligences nécessaires pour mettre le navire en état de navigabilité, compte tenu du voyage qu'il devait effectuer et des marchandises qu'il devait transporter, étant indiqué que les réparations se sont encore poursuivies pendant plusieurs jours ;

Qu'il faut encore constater que, quoique connaissant l'innavigabilité du navire dès avant la prise en charge des marchandises, la société CGM SUD n'en a prévenu la S.N.T.C. que le 26 août ; que ce comportement est d'autant plus fautif que l'information donnée immédiatement aurait permis au chargeur d'envisager utilement une autre solution ; que l'appelante ne peut déduire du délai de réponse de la S.N.T.C. qui n'a répondu que le 1er septembre, une quelconque acceptation, formellement contredite par la teneur du fax du 1er septembre, dans lequel la S.N.T.C. prévient des conséquences dommageables du retard ; qu'elle ne peut davantage arguer d'une faute de la S.N.T.C. tirée de la tardiveté de la réponse, puisqu'elle aurait pu pareillement opposer à une réponse plus prompte, la même impossibilité de débarquer les conteneurs au motif que le navire n'était pas à un poste permettant des opérations commerciales, cette impossibilité existant, de son fait, dès avant la notification du 26 août;

Que la société CGM SUD ne saurait invoquer la clause de non-responsabilité pour retard, non plus que la clause 18 relative à la suspension du transport, contenues dans les connaissements, compte tenu des dispositions de l'article 29 de la loi du 18 juin 1966, ci-dessus mentionné, étant ajouté qu'il n'est pas établi que le chargeur a approuvé les dites clauses, en l'absence de sa signature sur ces documents ;

Considérant que la société CGM SUD invoque encore les fautes de l'expéditeur des marchandises et du chargeur ;

Que, toutefois, il ne peut être fait grief à la SNC SAPRIM ni à la S.N.T.C. d'avoir fait le choix d'un mode de transport et organisé l'acheminement alors que les périodes de conservation des marchandises étaient prétendument trop restreintes, étant noté que, compte tenu de l'observation de l'expert qui a relevé une durée de conservation minimale de 42 jours, rien n'indique que les dates de fabrication des produits aient été bien antérieures au 5 août 1993, date de la facture la plus ancienne ; qu'il doit être rappelé que la date de livraison initialement prévue se situait 16 jours avant celle de l'arrivée du navire, en sorte que l'appelante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les marchandises ou certaines d'entre elles auraient souffert des mêmes dommages si le transport avait eu lieu dans les conditions de temps annoncées primitivement ; qu'au contraire, l'indication des durées de conservation, entre 42 et 60 jours depuis la date de fabrication, démontre qu'au 2 septembre, date initiale d'arrivée du navire, la validité des produits était suffisante ;

Que la destruction de certaines marchandises et la dépréciation des autres constituent des dommages subis par les marchandises transportées du fait du retard de livraison, et non le simple résultat de décisions purement commerciales étrangères au transporteur ; qu'en effet, indépendamment des marchandises manifestement abîmées par des moisissures ou par une oxydation, selon la description faite par l'expert (pages 11 et 12 du rapport), celles déclarées non commercialisables et celles seulement dépréciées ont toutes, en fonction de la plus ou moins grande proximité de la date

limite de vente, été affectées dans leur fraîcheur, qualité essentielle des produits alimentaires périssables de consommation rapide ; qu'aucune erreur d'appréciation ne peut être tirée de la destruction ou de la dépréciation de marchandises dont la date limite de vente était soit périmée soit très proche, ainsi que l'expert l'a relevé (cf. rapport pages 6, 7, 8, 11 et 13), cette situation n'étant pas compatible avec la commercialisation de produits frais ;

Que, comme l'a décidé le tribunal, les dommages liés à un mauvais conditionnement doivent rester à la charge de la société SAPRIM ; qu'il a, également, retenu, à bon droit, que le vol constaté pendant le transport devait être indemnisé par la société CGM SUD ; qu'en revanche, cette dernière ne saurait assumer les conséquences d'un mauvais arrimage des marchandises transportées dans un conteneur, l'empotage étant le fait; qu'en revanche, cette dernière ne saurait assumer les conséquences d'un mauvais arrimage des marchandises transportées dans un conteneur, l'empotage étant le fait du chargeur ; qu'hormis le mauvais conditionnement et le mauvais arrimage, aucune faute n'est établie à l'encontre de la société SAPRIM ou de la société S.N.T.C. qui puisse fonder l'appel en garantie formé contre cette dernière ;

Considérant que le montant des dommages imputables au transporteur s'élève à 123.836,04 frs ; que le tribunal, avalisant l'appréciation de l'expert, a, à bon droit, retenu un coefficient de 1,3 pour tenir compte des frais divers et déterminer le coût de revient, de sorte que le montant total du préjudice indemnisable au titre des dommages subis par les marchandises transportées s'élève, en définitive, à

160.986,85 frs ; qu'il convient d'y ajouter la somme de 2.265,20 frs correspondant aux dépenses assumées par la société SAPRIM en suite du comportement fautif de la société CGM SUD et dont cette dernière doit répondre ; qu'en revanche, la société SAPRIM ne produit aucun justificatif afférent à la somme de 38.289,64 frs, de sorte qu'elle en sera déboutée ;

Qu'il convient, en conséquence, de ramener à 163.252,05 frs l'indemnisation due par la société CGM SUD à la société SAPRIM ;

Considérant que l'équité commande que les sociétés SAPRIM et S.N.T.C. n'aient pas à assumer l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles ont dû engager dans la procédure d'appel ; que la cour est en mesure de fixer à 20.000,00 frs la somme que la société CGM SUD devra leur verser à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- déclare recevable l'appel formé par la société CGM SUD à l'encontre du jugement rendu le 13 février 1996 par le tribunal de commerce de NANTERRE,

- réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CGM SUD à payer à la société SAPRIM la somme de 202.887,95 frs,

et statuant à nouveau, dans cette limite,

- condamne la société CGM SUD à payer à la société SAPRIM la somme de 163.252,05 frs,

- confirme les autres dispositions du jugement entrepris,

y ajoutant,

- condamne la société CGM SUD à payer à la société SAPRIM et à la société S.N.T.C. la somme de 20.000,00 frs (vingt mille francs) en application de l'article 700 du NCPC,

- la condamne également aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC,

- déboute les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-5016
Date de la décision : 02/04/1998

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie

Un transport effectué entre deux ports français est régi par les dispositions de la loi du 18 juin 1966 relative aux contrats d'affrètement et de transport maritimes. Des dispositions combinées des articles 21 et 27 de la loi précitée il résulte que le transporteur est tenu de réparer les dommages subis par la marchandise transportée, depuis sa prise en charge jusqu'à sa livraison, sauf à rapporter la preuve d'une des causes exonératoires légalement prévues, notamment l'innavigabilité du navire, et ce sous réserve d' établir qu'il a accompli les diligences pour la mise en état de navigabilité. Les dates de départ et d'arrivée annoncées à titre indicatif au chargeur, constituent des informations qui entrent nécessairement dans le champ contractuel ayant déterminé le chargeur à conclure le contrat, dès lors un décalage de près de seize jours entre les dates d'arrivée prévue et l'arrivée effective du navire caractérise un retard fautif du transporteur l'obligeant à indemniser le chargeur en raison des dommages subis par la marchandise. Lorsqu'il est établi que ce retard est imputable à l'innavigabilité du navire, laquelle était connue du transporteur dès avant le moment du chargement des marchandises, celui-ci n'est pas fondé à prétendre s'exonérer de sa responsabilité


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-04-02;1996.5016 ?
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