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27/03/1998 | FRANCE | N°1997-1146

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 mars 1998, 1997-1146


Suivant acte sous seing privé en date du 24 novembre 1988, la Société SOLOVAM a consenti à Monsieur X... une location avec promesse de vente concernant un véhicule MERCEDES, moyennant le paiement de 60 mensualités de 2.995,14 Francs chacune à compter du 5 janvier 1989.

Le 14 janvier 1992, la Société SOLOVAM a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 28.914,15 Francs, correspondant au solde des sommes dues au titre du contrat, après résiliation intervenue suite à mise en demeure du 15 nov

embre 1990, outre les intérêts au taux légal à compter de cette da...

Suivant acte sous seing privé en date du 24 novembre 1988, la Société SOLOVAM a consenti à Monsieur X... une location avec promesse de vente concernant un véhicule MERCEDES, moyennant le paiement de 60 mensualités de 2.995,14 Francs chacune à compter du 5 janvier 1989.

Le 14 janvier 1992, la Société SOLOVAM a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 28.914,15 Francs, correspondant au solde des sommes dues au titre du contrat, après résiliation intervenue suite à mise en demeure du 15 novembre 1990, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date et celle de 1.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X..., assigné conformément aux dispositions de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile, n'a pas comparu ni fait comparaître pour lui.

Par jugement en date du 23 avril 1992, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur X... Jean Y... à payer à la Société Anonyme SOLOVAM : 1) la somme de 28.594,15 francs pour solde de

crédit avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 1990, - ordonne l'exécution provisoire du jugement, - déboute la Société Anonyme SOLOVAM du surplus de sa demande, - condamne Monsieur X... Jean Y... aux dépens.

Le 30 janvier 1997, Monsieur X... a interjeté appel.

En ce qui concerne les faits, il expose que par courrier recommandé en date du 2 juillet 1990, il a informé la Société SOLOVAM de la perte de son emploi, en lui demandant de différer le paiement des loyers et à défaut, d'être autorisé à restituer le véhicule ; que n'ayant pas obtenu de réponse de la Société SOLOVAM, si ce n'est une demande de régularisation de l'échéance du 5 juillet par lettre du 18 septembre 1990, il a réitéré son courrier, toujours sans obtenir de réponse; que le 4 juin 1991, la Société FRANFINANCE, venant aux droits de la Société SOLOVAM, a repris le véhicule, en donnant ordre à la Société TRAVE de l'enlever à BEAUMES DE VENISE où Monsieur X... l'avait garé.

En droit, il soutient que l'assignation introductive d'instance a été délivrée en violation des dispositions des articles 654 et 659 du

Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'en effet, l'adresse mentionnée sur cet acte, 7 rue des Prés au Bois 78000 VERSAILLES, n'était plus alors la sienne, puisqu'il avait vendu cet immeuble le 5 mars 1990 ; que la Société FRANFINANCE avait été informée de son changement d'adresse par ses courriers du 2 juillet et 6 novembre 1990 ; que d'ailleurs, le 4 février 1991, elle lui avait fait parvenir à sa nouvelle adresse, rue Fléchier à Paris, par l'intermédiaire de Maître GATIMEL, huissier de justice, la situation de son compte ; qu'au moment de l'assignation, elle pouvait l'atteindre à BEAUMES DE VENISE dans le Vaucluse, adresse dont elle avait également connaissance pour en avoir été informée par un courrier de lui-même du 18 mars 1991 et pour y avoir fait enlever le véhicule litigieux le 5 juin 1991, après avoir fait suivre le dossier par son agence de MARSEILLE dès avril 1991 ; que le fait que son adresse soit également celle d'une SCI est sans incidence, puisqu'en sa qualité de gérant de la SCI LES VIGNAUX, il avait établi son domicile à BEAUMES DE VENISE.

Il prétend donc que la Société FRANFINANCE a invité l'huissier à signifier l'assignation à une adresse qu'elle savait n'être plus exacte, alors qu'elle disposait de son adresse actuelle ; que lui-même n'ayant pas eu connaissance de l'assignation n'a pas été en mesure de faire valoir ses moyens devant le premier juge, alors qu'il a des arguments sérieux à opposer aux réclamations de la Société FRANFINANCE, qu'il ne peut exposer afin de ne pas faire jouer l'effet dévolutif.

Il demande à la Cour de :

- constater que l'assignation introductive d'instance régularisée le 14 janvier 1992 contrevient aux dispositions des articles 654 et 659 du Nouveau Code de Procédure Civile, - constater que la Société FRANFINANCE ne justifie pas avoir valablement saisi le Premier Juge, En conséquence, - prononcer la nullité du jugement rendu le 23 avril 1992 par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES, - condamner la Société FRANFINANCE à verser à Monsieur X... la somme de 7.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la Société FRANFINANCE aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société FRANFINANCE, venant aux droits de la Société SOLOVAM, réplique qu'elle n'a pu délivrer l'acte introductif d'instance qu'à la dernière adresse connue par elle ; que celle mentionnée sur le courrier du 2 juillet 1990 est celle du siège social de la Société COSERFI et que sur la lettre du 18 mars 1991, Monsieur X... se fait domicilier à la SCI LES VIGNAUX à BEAUMES DE VENISE ; que la lettre de mise en demeure du 15 novembre 1990 n'a pu être délivrée à l'adresse versaillaise de l'appelant et qu'il y est mentionné "poste restante 7, Boulevard Haussmann 75009 Paris" ; qu'il est constant que Monsieur X... a changé très souvent d'adresse et n'a pas précisé ces changements à son créancier ; que les adresses communiquées ne correspondaient pas à son domicile personnel ; que Monsieur X... a sciemment dissimulé son adresse réelle afin d'échapper aux poursuites de son créancier.

Elle conclut, par ailleurs, au bien fondé de ses demandes en paiement.

Elle demande donc à la Cour de : - déclarer Monsieur X... mal fondé en son appel, - l'en débouter, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, - condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 6.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 février 1998 et l'affaire a été plaidée pour l'intimée à l'audience du 27 février 1998, tandis que Monsieur X... a présenté des observations orales conformément aux dispositions de l'article 441 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile, la signification selon procès-verbal de recherches infructueuses ne peut avoir lieu que si le destinataire de l'acte n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ;

Considérant que Monsieur X... justifie de la vente de l'appartement sis 7 rue des Prés au Bois à VERSAILLES, à la date du 5 mars 1990, par une attestation de Maître UGUEN, notaire associé à PARIS ;

Considérant qu'il produit les courriers recommandés qu'il a adressés à la Société SOLOVAM les 2 juillet 1990 et 6 novembre 1990 pour demander à l'organisme de crédit de différer le paiement des loyers, en proposant de restituer le véhicule à première demande, en cas de

refus ; que dans ces deux courriers, Monsieur X... a indiqué comme adresse C/O COSERFI 2 rue Fléchier 75009 PARIS ; que la Société SOLOVAM ne conteste pas avoir reçu ces courriers, même si ne figure au dossier de l'appelant que l'accusé de dépôt du second de ces courriers recommandés sans avis de réception ; que c'est d'ailleurs à cette adresse que Maître GATIMEL, huissier de justice, a envoyé le 4 février 1991 un courrier à l'appelant, comportant situation de son compte ; que dans sa lettre en réponse du 6 février 1991, ce dernier s'est de nouveau domicilié rue Fléchier à PARIS et a informé l'huissier que le véhicule se trouvait dans le garage d'une maison d'habitation à BEAUMES DE VENISE, lui demandant de le faire enlever ; qu'enfin par courrier recommandé du 18 mars 1991, l'appelant, se domiciliant désormais à BEAUMES DE VENISE, a indiqué l'adresse précise du garage du véhicule ; qu'il résulte d'ailleurs des pièces produites par l'appelant, notamment un courrier de l'intimée du 4 juin 1991 adressé à la Société TRAVE, que c'est à cet endroit que la Société FRANFINANCE, venant aux droits de la Société SOLOVAM, a fait récupérer le véhicule le 5 juin 1991, sans intervention d'huissier, par cette même Société TRAVE ;

Considérant qu'il résulte de l'analyse des pièces versées aux débats, en particulier des courriers échangés entre les parties, que non seulement, Monsieur X... n'a pas dissimulé son changement d'adresse à son créancier, mais qu'il l'a informé de ses nouvelles adresses, ainsi que de l'endroit où se trouvait le véhicule, le mettant ainsi en mesure de le récupérer sans avoir besoin de recourir aux voies d'exécution ;

Considérant qu'au contraire, la Société FRANFINANCE venant aux droits de la Société SOLOVAM, a fait signifier l'assignation à une adresse dont elle avait été informée qu'elle n'était plus celle de son débiteur et à laquelle elle ne lui envoyait plus de courrier depuis plus d'un an ; qu'elle n'a pas tenté de faire signifier l'acte à la dernière adresse indiquée par l'appelant, qui s'était révélée réelle à l'occasion de la reprise du véhicule ; que les mentions précisées par l'appelant concernant sa domiciliation chez COSERFI d'abord, puis à la SCI LES VIGNAUX ensuite, n'excluaient pas l'obligation de le rechercher à l'adresse indiquée, puisque l'acte doit être délivré au lieu de résidence ou au lieu de travail connus avant qu'il puisse être procédé à un procès-verbal de recherches infructueuses ;

Considérant que dans ces conditions, dès lors que le créancier connaissait le lieu de résidence de Monsieur X... et avait pu vérifier son exactitude en récupérant le véhicule, le procès- verbal de recherches infructueuses du 14 janvier 1992 ne pouvait être valablement effectué ; que par conséquent, Monsieur X... n'a pas été régulièrement assigné devant le tribunal d'instance ; que la juridiction du premier degré n'a donc pas été valablement saisie et n'a pu valablement statuer ; qu'il en est résulté nécessairement pour Monsieur X... un grief, puisqu'il n'a pu faire valoir ses moyens en première instance et s'est vu priver du double degré de

juridiction ; que par conséquent, la Cour prononce la nullité de l'assignation introductive d'instance et celle du jugement déféré ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner l'affaire au fond, puisque l'appel ne tendant qu'à l'annulation de la décision du premier juge, il n'y a pas dévolution de l'entier litige devant la Cour ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

PRONONCE la nullité de l'assignation introductive d'instance et celle du jugement déféré ;

DEBOUTE la Société FRANFINANCE, venant aux droits de la société SOLOVAM des fins de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNE la Société FRANFINANCE, venant aux droits de la société SOLOVAM, à payer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs (TROIS MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui elle eux par la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1146
Date de la décision : 27/03/1998

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Vice de forme - Application

Selon l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, la signification d'un acte selon procès-verbal de recherches infructueuses ne peut avoir lieu que si le destinataire de l'acte n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus. Lorsqu'il ressort des pièces versées aux débats qu'un débiteur, loin de dissimuler son adresse à son créancier, l'a au contraire informé de ses chan- gements d'adresse successifs, le créancier qui fait signifier une assignation à une adresse qu'il sait ne plus être actuelle sans même tenter de signifier l'acte à la dernière adresse communiquée par le débiteur, dont il avait pu vérifier la réalité par ailleurs, ne peut valablement faire établir un procès-verbal de recherches infructueuses. Dès lors, l'irrégularité causant un grief au débiteur, au sens de l'article 114, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, en le privant du double degré de juridiction, la nullité de l'assignation introductive d'instance et du jugement subséquent doit être prononcée


Références :

Nouveau Code de procédure civile 114 al. 2, 659

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-27;1997.1146 ?
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