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26/03/1998 | FRANCE | N°1997-5739

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 mars 1998, 1997-5739


Par jugement sur surenchère du tribunal de grande instance de NANTERRE du 29 avril 1993, publié au bureau des hypothèques de RAMBOUILLET le 31 janvier 1994, volume 1994 P, numéro 558, la société VALEUR a été déclarée adjudicataire de biens et de droits immobiliers ayant appartenus à la société COIGNET ENTREPRISE et saisis à son encontre, moyennant la somme de 121.000 francs.

Le prix d'adjudication a été versé par l'adjudicataire le 7 octobre 1993 entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats, lequel a consigné les fonds le 13 février 1996 à la CAISSE DES DEPO

TS ET CONSIGNATIONS, à savoir une somme de 139.626,88 francs.

L'état des...

Par jugement sur surenchère du tribunal de grande instance de NANTERRE du 29 avril 1993, publié au bureau des hypothèques de RAMBOUILLET le 31 janvier 1994, volume 1994 P, numéro 558, la société VALEUR a été déclarée adjudicataire de biens et de droits immobiliers ayant appartenus à la société COIGNET ENTREPRISE et saisis à son encontre, moyennant la somme de 121.000 francs.

Le prix d'adjudication a été versé par l'adjudicataire le 7 octobre 1993 entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats, lequel a consigné les fonds le 13 février 1996 à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, à savoir une somme de 139.626,88 francs.

L'état des inscriptions hypothécaire délivré le 5 mai 1994 a révélé l'existence d'un créancier inscrit du chef du précédent propriétaire du bien (la société NEPTUNE) à savoir le CDE, pour un montant principal de 2.500.000 francs, aux termes d'un acte de prêt reçu par Maître SCHOLLER, notaire à BOULOGNE, le 26 février 1974.

Plus précisément, le CDE bénéficiait d'une inscription de privilège de prêteur de deniers prise le 11 avril 1974, volume 1457, n° 31, renouvelée le 1er juillet 1977, volume 364, n° 88, puis le 17 juin 1987, volume 1631, n° 76 bis, ainsi que d'une inscription de privilège du vendeur de deniers prise le 25 mars 1991, volume 1991 V, n° 1264, rectifiée le 23 septembre 1991, volume 1991 V, n° 6791, au profit du même CDE.

La tentative d'ordre amiable n'ayant pas abouti, le magistrat chargé du règlement des ordres a renvoyé les parties par ordonnance du 9 janvier 1995 devant le tribunal de grande instance de NANTERRE pour voir régler la distribution du prix.

C'est ainsi que Maître SEGARD, ès-qualités de syndic à la liquidation de biens de la société COIGNET a assigné le GARP, le CDE et la société VALEUR, à l'effet de voir procéder à l'attribution du prix d'adjudication.

Le CDE a demandé à être colloqué pour les sommes de 2.500.000 francs en principal et 5.961.908,25 francs en intérêts.

Le GROUPEMENT DES ASSEDIC DE LA REGION PARISIENNE (GARP), rappelant qu'un jugement du 15 juin 1994 avait constaté la confusion des patrimoines entre les sociétés COIGNET ENTREPRISE et AVETEC, a demandé à être colloqué au titre de la liquidation judiciaire de la société COIGNET ENTREPRISE pour une somme totale de 31.387.610 francs dont 12.570.669 francs à titre super-privilégié, 12.361.392 francs à titre privilégié et 6.455.543 francs à titre chirographaire, et, au titre de la liquidation de la société AVETEC, à la somme totale de 882.302 francs, dont 169.466 francs à titre super-privilégié, 396.225 francs à titre privilégié et 316.611 francs à titre chirographaire, en vertu du privilège institué par l'article 2104-2 du code civil.

L'UNEDIC est intervenue volontairement pour voir déclarer qu'elle vient aux droits du GARP.

Le tribunal a, le 13 janvier 1997, rendu la décision dont le dispositif est le suivant :

"vu la consignation effectuée par Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats des Hauts de Seine des deniers de la société VALEUR, adjudicataire, à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS DES HAUTS DE SEINE de la somme de 139.626,88 francs le 13 février 1996 suivant récépissé n° 0000092 ;

- constate que cette consignation est insuffisante ;

- donne mainlevée pure et simple, entière et définitive et ordonne la radiation en tant qu'elles portent sur les biens immobiliers adjugés des inscriptions ne venant pas en rang utile :

de privilège de prêteur de deniers prise le 11 avril 1974, volume 1457 J, numéro 31, renouvelée le 1er juillet 1977, volume 364, numéro 88, puis le 17 juin 1987, volume 1631, numéro 76 bis,

et de privilège de prêteur de deniers prise le 25 mars 1991, volume 1991 V, numéro 1264, rectifié le 23 septembre 1991, volume 1991 V, numéro 6791, au profit du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ;

- dit que Monsieur le Conservateur des hypothèques de RAMBOUILLET, en vertu du présent jugement devenu définitif, sur remise d'une expédition et de la justification de son caractère définitif, sera tenu de procéder à la radiation desdites inscriptions dans les termes où mainlevée vient d'être faite, à quoi faire contraint et le faisant, il sera valablement déchargé ;

- constate que l'UNEDIC vient aux droits du GROUPEMENT DES ASSEDIC DE LA REGION PARISIENNE ;

- rejette la demande de collocation du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS comme ne venant pas en rang utile ;

- dit que la somme en distribution est au montant de 150.186,25 francs ;

- fait attribution : 1°)

à Maître SEGARD en premier rang et par préférence, à titre privilégié, de la somme de 1.396,07 francs TTC augmentée du coût de la signification du présent jugement et du coût des radiations des inscriptions, le tout avec distraction au profit de Maître DRAGO de la SCP NEVEU-SUDAKA, avocats, ci

1.396,07 francs, sauf mémoire à ajouter ; 2°)

à l'UNEDIC par privilège et préférence à tous autres créanciers, mais après paiement de l'article premier ci-dessus, la somme de 148.790,18 francs, reliquat des sommes en distribution, sous déduction des frais de signification du présent jugement et des radiations ci-dessus ordonnées, ci

148.790,18 francs, sauf mémoire à déduire ;

- rejette ses demandes à titre chirographaire ;

- dit qu'au vu du présent jugement et sur justification de son caractère définitif, ainsi qu'au vu du coût des radiations des inscriptions et du coût de la signification du présent jugement, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATION DES HAUTS DE SEINE sera tenue de payer aux attributaires sus-désignés le montant de leurs attributions respectives, ce à quoi faire contrainte, elle sera bien et valablement déchargée ;

- donne mainlevée pure et simple, entière et définitive en ce qui concerne la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS des inscriptions sus-énoncées grevant l'immeuble adjugé, en tant qu'elles portent sur la somme consignée ;

- dit qu'il sera délivré à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS une expédition du présent jugement pour lui servir ce que de droit ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision." Appelant de cette décision, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS (CDE) demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de collocation,

- lui faire attribution des sommes de 2.500.000 francs au titre du capital prêté et de 1.256.250 francs au titre des intérêts conservés sur trois ans,

- constater que le GARP ne vient pas en rang utile et rejeter sa collocation,

- confirmer le jugement pour le surplus.

L'UNEDIC - DELEGATION REGIONALE AGS ILE-DE-FRANCE OUEST, venant aux droits du GROUPEMENT DES ASSEDIC DE LA REGION PARISIENNE (GARP), intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation d'une somme de 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître SEGARD, ès-qualités, a dûment été assigné à domicile élu, conformément aux dispositions de l'article 762 du code de procédure civile, selon acte délivré le 10 juillet 1997, mais n'a pas comparu devant la Cour.

La société VALEUR n'a pas comparu davantage mais a été dûment assignée devant la Cour, selon acte d'assignation converti en procès-verbal de recherches infructueuses le 10 juillet 1997.

La cause a été communiquée au MINISTERE PUBLIC le 24 février 1998.

SUR CE,

Considérant que l'UNEDIC fait valoir, pour s'opposer à l'appel du CDE, que la procédure de collocation intervient à la suite de la vente aux enchères d'un bien immobilier ayant appartenu à la société liquidée COIGNET ENTREPRISE, et que dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de cette société, elle a été conduite à procéder aux règlements des derniers salaires, de sorte qu'elle s'est trouvée subrogée dans les droits des salariés pour obtenir le règlement des avances ainsi effectuées ;

Qu'elle explique qu'elle bénéficie à ce titre du privilège général immobilier prévu aux articles 2104-2 et 2105 du code civil qui lui confèrent une sûreté et un rang prioritaire absolu, puisque les créances privilégiées sur la généralité des immeubles sont ... les rémunérations telles que stipulées aux articles L.143-10, L.143-11, L.742-6 et L.751-15 du code du travail ;

Qu'elle déduit de ces dispositions légales que la créance salariale superprivilégiée prime toutes les autres créances, y inclus les créances privilégiées sur le même bien immobilier, telle la créance privilégiée du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, peu important que celle-ci ait été inscrite du chef du précédent propriétaire du bien ;

Considérant toutefois que la règle de l'article 2105 du code civil, assurant la priorité aux privilèges généraux (dont fait notamment

partie le privilège prévu à l'article 2104, 2° du code civil, dont se prévaut l'UNEDIC) sur les privilèges spéciaux immobiliers, ne s'applique qu'au conflit entre les créanciers d'un même propriétaire de l'immeuble, et non au conflit entre les créanciers à privilège spécial d'un propriétaire antérieur et les créances à privilège général du propriétaire actuel ;

Qu'ayant été inscrit du chef de la société NEPTUNE, précédent propriétaire de l'immeuble litigieux, le privilège de prêteur de deniers dont bénéficie le CDE prime les privilèges généraux inscrits ou existant du chef du propriétaire suivant, la société COIGNET ENTREPRISE, laquelle est restée obligée, en l'absence de purge, en sa qualité de tiers-détenteur, s'agissant des dettes de la société NEPTUNE à l'égard du CDE ;

Qu'il en résulte que le CDE doit être colloqué et qu'il lui sera fait attribution de la somme de 148.790,18 francs qui avait été attribuée par les premiers juges à l'UNEDIC, et qui s'impute sur la somme de 2.500.000 francs au titre du capital prêté et sur celle de 1.256.250 francs au titre des intérêts conservés sur trois ans ;

Que la Cour constate, par voie de conséquence, que l'UNEDIC ne vient pas en rang utile et qu'il y a lieu de rejeter sa collocation ;

Considérant que l'UNEDIC doit supporter les dépens de la présente instance en raison de sa succombance, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

RECOIT le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS (CDE) en son appel ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de collocation du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS et attribué à l'UNEDIC -

DELEGATION REGIONALE AGS ILE DE FRANCE OUEST la somme de 148.790,18 francs, reliquat des sommes en distribution, sous déduction des frais de signification et des radiations ordonnées et sauf mémoire à déduire ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que ladite somme de 148.790,18 francs sera attribuée au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, et qu'elle s'impute sur la somme de 2.500.000 francs au titre du capital prêté et sur celle de 1.256.250 francs au titre des intérêts conservés sur trois ans ;

CONSTATE que l'UNEDIC - DELEGATION REGIONALE AGS ILE DE FRANCE OUEST ne vient pas en rang utile et rejette sa demande de collocation ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

CONDAMNE l'UNEDIC - DELEGATION REGIONALE AGS ILE DE FRANCE OUEST aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Monsieur Gérard MARTIN, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Madame Marie-France MAZARS, Président,

Madame Catherine X..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5739
Date de la décision : 26/03/1998

Analyses

ORDRE ENTRE CREANCIERS - Collocation - Créancier privilégié

Si en vertu de la combinaison des articles 2104, 2°, et 2105 du Code civil, les rémunérations sont des " créances privilégiées sur la généralité des immeubles " qui priment les autres privilèges inscrits sur un immeuble, la règle de priori- té posée par l'article 2105 dudit Code en faveur des privilèges généraux ne s'applique qu'autant que le conflit oppose les créanciers d'un même propriétai- re. Lorsque sont en concurrence le privilège spécial d'un propriétaire antérieur, en l'espèce un privilège de prêteur de deniers, et les privilèges généraux inscrits ou existants du chef du propriétaire actuel, notamment les créances de rémunération, le privilège spécial l'emporte sur le privilège général


Références :

Code civil 2104 2°, 2105

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-26;1997.5739 ?
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