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20/03/1998 | FRANCE | N°1995-10069

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 mars 1998, 1995-10069


Le 24 novembre 1994, Monsieur X... a fait assigner la Société GARAGE BELLEVUE S.A. devant le Tribunal d'Instance d'ECOUEN, aux fins de restitution de son véhicule, de paiement de la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts et de celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société GARAGE BELLEVUE S.A. a conclu à l'entier débouté de Monsieur X... et a sollicité, à titre reconventionnel, sa condamnation à lui payer la somme de 25.739 Francs correspondant à une facture de réparation et aux frais d'immobilisatio

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Le 24 novembre 1994, Monsieur X... a fait assigner la Société GARAGE BELLEVUE S.A. devant le Tribunal d'Instance d'ECOUEN, aux fins de restitution de son véhicule, de paiement de la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts et de celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société GARAGE BELLEVUE S.A. a conclu à l'entier débouté de Monsieur X... et a sollicité, à titre reconventionnel, sa condamnation à lui payer la somme de 25.739 Francs correspondant à une facture de réparation et aux frais d'immobilisation dudit véhicule, celle de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 20 octobre 1995, le Tribunal d'Instance d'ECOUEN a rendu la décision suivante :

- ordonne à la Société GARAGE BELLEVUE, S.A, la restitution immédiate et sans frais du véhicule FORD SIERRA appartenant à Monsieur X...,

- condamne la Société GARAGE BELLEVUE, S.A, à verser à Monsieur Daniel X... la somme de 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- condamne la Société GARAGE BELLEVUE, S.A, à payer à Monsieur X... la somme de 2.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne le défendeur aux dépens.

Le 20 novembre 1995, la Société GARAGE BELLEVUE S.A. a interjeté appel.

Elle fait valoir, qu'à la suite d'une panne survenue le 8 mars 1993, Monsieur X... a fait appel à FORD ASSISTANCE afin que son véhicule soit remorqué jusqu'au GARAGE BELLEVUE ; qu'il a alors précisé qu'il bénéficiait d'un contrat de garantie longue durée ; que le garage a effectué les réparations nécessaires, ce qui a donné lieu à l'établissement d'une facture en date du 10 mars 1993, d'un montant de 4.142,74 Francs ; que Monsieur X..., avisé par téléphone à deux reprises, les 12 et 29 mars 1993, que sa voiture était prête, n'est pas venu la chercher ; que par courrier du 21 avril 1993, Monsieur X... a reconnu avoir appris du service FORD ASSISTANCE que sa carte de 3 ans de garantie longue durée était périmée ; que par lettre recommandée avec accusé de réception, le GARAGE BELLEVUE lui a alors rappelé qu'il devait venir rechercher sa voiture et que les frais de parking lui seraient facturés.

Elle invoque la mauvaise foi de Monsieur X... qui a indiqué à FORD ASSISTANCE une fausse date comme étant celle de début de la garantie longue durée, alors qu'il avait utilisé cette garantie plusieurs fois en 1992, en indiquant les références exactes ; qu'elle-même n'a pas retenu abusivement le véhicule, alors qu'il appartenait à Monsieur X... de s'acquitter de la facture des réparations pour lesquelles il y a eu accord entre les parties. Elle conteste le montant des préjudices dont l'intimé réclame l'indemnisation, en soulignant que le véhicule n'a été repris que le 12 décembre 1995 et que Monsieur X... ne justifie pas du lien de causalité entre les réparations, que selon lui il a du faire entreprendre et l'état du véhicule lors de son dépôt au GARAGE BELLEVUE en mars 1993, alors que le kilométrage était de 62.220 Kms pour une automobile acquise le 24 janvier 1990.

Elle demande à la Cour de :

- recevoir la Société GARAGE BELLEVUE en son appel et en ses écritures, et y faisant droit,

- infirmer la décision dont appel, et statuant à nouveau,

- ordonner restitution de toute somme perçue par Monsieur X... (au titre de l'exécution provisoire assortissant la décision dont appel) avec intérêts légaux à compter de la perception de ladite somme,

- voir condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 25.739,80 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 1993,

- voir condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 10.000 Francs, à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et vexatoire,

- voir condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être directement recouvré par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... réplique que le droit de rétention invoqué par l'appelante suppose notamment et surtout, un rapport de connexité entre la créance garantie et la chose retenue et que le créancier ne peut s'en prévaloir que s'il dispose d'une créance certaine et incontestable. Il conteste avoir demandé au GARAGE BELLEVUE

d'effectuer des réparations sur son véhicule, en faisant observer que c'est à son frère, directeur d'un garage Renault, qu'il aurait confié son véhicule pour réparation, si le GARAGE BELLEVUE lui avait proposé un devis. Il soutient que c'est en toute bonne foi qu'il s'est adressé à FORD ASSISTANCE, en croyant être toujours bénéficiaire de la garantie et que sinon, il aurait fait appel à EUROP ASSISTANCE ; que le remorquage ne peut tenir lieu d'accord pour les réparations ; que par conséquent, la rétention de son véhicule constitue un comportement abusif, ainsi que l'a retenu le premier juge.

En ce qui concerne son préjudice, il fait valoir qu'il a été privé pendant plusieurs mois de son véhicule, dont la côte a diminué ; qu'en outre, il a du faire payer d'importantes réparations d'un montant de 19.801,38 Francs ainsi que des frais d'expertise à hauteur de 2.000 Francs ; qu'il a du acquérir un nouveau véhicule.

Il demande à la Cour de :

- déclarer la Société GARAGE BELLEVUE S.A. mal fondée en son appel et l'en débouter,

- recevoir Monsieur X... en son appel incident,

Par conséquent, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société GARAGE BELLEVUE à lui payer la somme de 30.000 Francs au titre des dommages-intérêts, tous préjudices confondus,

Y ajoutant, condamner la Société GARAGE BELLEVUE S.A. à lui verser à titre de dommages-intérêts la somme de 30.000 Francs en réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation de son véhicule et de sa décote, et celle de 25.000 Francs en réparation de son préjudice

économique,

Pour le surplus, confirmer le jugement entrepris,

- condamner la Société GARAGE BELLEVUE S.A. à lui payer la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner la Société GARAGE BELLEVUE S.A. en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 5 février 1998 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 10 février 1998.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur l'appel principal,

Considérant que pas plus qu'en première instance, la Société GARAGE BELLEVUE n'a pas rapporté la preuve d'un accord de Monsieur X..., tant sur le principe que sur le montant des réparations à effectuer sur le véhicule remorqué par les soins du garage, le 8 mars 1993; que le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a considéré que ce remorquage ne pouvait tenir lieu d'un tel accord entre les parties ; qu'à défaut de contrat relatif aux réparations, la Société GARAGE BELLEVUE ne pouvait réclamer le montant de la facture correspondante à Monsieur X... et par conséquent, se prévaloir d'une créance à son encontre justifiant son droit de rétention en vertu de l'article 1948

du Code civil ; que c'est donc abusivement que l'appelante a retenu le véhicule de Monsieur X... ;

Considérant que l'exclusion de sa garantie invoquée par FORD ASSISTANCE en raison de son expiration à la date des faits, est sans incidence sur le défaut de rapports contractuels entre les parties concernant les réparations ;

Considérant que par conséquent, la Société GARAGE BELLEVUE n'est pas fondée en son appel contre le jugement déféré ; qu'il y a lieu de la débouter de toutes ses demandes ;

2) Sur l'appel incident,

Considérant que la rétention abusive de son véhicule a privé Monsieur X... de l'usage de celui-ci de mars 1993 au 12 décembre 1995, ainsi qu'il ressort des pièces versées aux débats ; que néanmoins, l'intimé ne produit aucun document permettant au tribunal d'apprécier la décote du véhicule entre ces deux dates ; que pas davantage, il ne prouve pas avoir acquis un autre véhicule ainsi qu'il le prétend ; que le préjudice résultant de l'immobilisation peut dans ces conditions être évalué à la somme de 20.000 Francs ;

Considérant que par ailleurs, Monsieur X... verse aux débats un rapport d'expertise de Monsieur Y... établi le 22 décembre 1995,

après que l'expert eut examiné le véhicule litigieux le 12 décembre, au GARAGE BELLEVUE, en présence de Monsieur X... et de Monsieur Z... ; que l'expert indique avoir relevé plusieurs points de choc et traces de rouille sur la carrosserie et fait état de l'humidité de la sellerie, ce qui, selon lui, démontre que le véhicule est resté aux intempéries; que l'expert évalue les frais de remise en état de la carrosserie, y compris les travaux de peinture, ainsi que les réparations mécaniques, à la somme totale de 18.243,76 Francs ; que Monsieur X... produit les factures de réparations de son véhicule datées du 21 juin 1996, pour un montant total de 19.801,38 Francs ; que ces réparations sont bien celles visées par le rapport du 12 décembre et résultent clairement des conditions dans lesquelles le véhicule a été entreposé pendant plus de deux ans, ce à quoi il faut ajouter un défaut d'entretien ; que Monsieur X... justifie des frais d'expertise exposés par lui à hauteur de 2.000 Francs ; que cette partie du préjudice de Monsieur X..., résultant directement de la rétention abusive de son véhicule par l'appelante, s'élève donc à la somme de 21.801,38 Francs ; que par conséquent, la Cour fait droit à sa demande de réparation du préjudice qualifié par lui d'économique, à hauteur de cette somme ;

Considérant que la Cour condamne l'appelante à verser à Monsieur X... la somme totale de 41.801,38 Francs en réparation de son entier préjudice ;

3) Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à

celles du présent arrêt ;

ET Y AJOUTANT ET REFORMANT :

CONDAMNE la Société GARAGE BELLEVUE S.A. à verser à Monsieur X..., à titre de dommages-intérêts, la somme totale de 41.801,38 Francs (QUARANTE ET UN MILLE HUIT CENT UN FRANCS TRENTE HUIT CENTIMES) en réparation de son entier préjudice ;

DEBOUTE la Société GARAGE BELLEVUE S.A. des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la Société GARAGE BELLEVUE S.A. à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier qui a assisté

Le Président,

au prononcé,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-10069
Date de la décision : 20/03/1998

Analyses

AUTOMOBILE - Garagiste - Travaux effectués sur un véhicule - Commande ou acceptation par le client - Preuve

A défaut de rapporter la preuve d'un accord du propriétaire d'un véhicule remorqué quant au principe et au montant des réparations à effectuer sur le véhicule, un garagiste est mal fondé à considérer que le fait du seul remorquage tient lieu d'accord entre les parties. Il en résulte qu'à défaut de contrat de réparation, le garagiste ne peut réclamer le règlement des travaux réalisés, ni se prévaloir d'une créance justifiant l'exercice d'un droit de rétention en application de l'article 1948 du Code civil, qu'en conséquence la rétention exercée est abusive et ouvre droit à réparation


Références :

Code civil 1948

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-20;1995.10069 ?
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