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19/03/1998 | FRANCE | N°1994-7882

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 mars 1998, 1994-7882


Aux termes d'un acte sous-seing privé en date du 12 octobre 1992, la société JALINETEX a consenti à la socité E.D.S, un engagement de location pour une durée de 15 mois à compter du 1er novembre 1992, pour se terminer le 10 février 1994, portant sur des locaux sis à GONESSE (95500), à usage de bureaux ainsi que dix emplacements pour voitures, ce moyennant un loyer mensuel de 24 700 francs HT pour les locaux et de 375 F HT pour les places de stationnement ; en outre le preneur s'est obligé à régler mensuellement d'avance la somme de 2 960 F à titre de provision sur les prestations

et charges ainsi que la TVA, alors que le compte définitif d...

Aux termes d'un acte sous-seing privé en date du 12 octobre 1992, la société JALINETEX a consenti à la socité E.D.S, un engagement de location pour une durée de 15 mois à compter du 1er novembre 1992, pour se terminer le 10 février 1994, portant sur des locaux sis à GONESSE (95500), à usage de bureaux ainsi que dix emplacements pour voitures, ce moyennant un loyer mensuel de 24 700 francs HT pour les locaux et de 375 F HT pour les places de stationnement ; en outre le preneur s'est obligé à régler mensuellement d'avance la somme de 2 960 F à titre de provision sur les prestations et charges ainsi que la TVA, alors que le compte définitif desdites prestations et charges devait être établi au début de chaque année civile, au prorata des surfaces louées au preneur par rapport à la surface totale des bureaux de l'immeuble.

Il a été également stipulé qu'en cas de non paiement de toute somme due à son échéance et dès le premier acte d'huissier, le preneur devait régler en sus des frais découlant de la procédure de recouvrement, 10 % du montant de la somme due pour couvrir le bailleur, tant des dommages pouvant résulter du retard dans le paiement que des frais, diligences et honoraires exposés pour le recouvrement de la créance.

Parallèlement à cet engagement principal, Monsieur Bernard X... , alors gérant de la société EDS, s'est porté "caution solidaire" de l'exécution de toutes les charges et conditions du bail, du paiement et du remboursement de toutes les sommes que pourrait devoir la société preneuse, au bailleur.

C'est dans ces conditions que la bailleresse, ayant constaté que les loyers et charges, pour la période du mois de juin 1993 au mois de décembre 1993, étant demeurés impayés, a fait délivrer un commandement par acte extra-judiciaire du 12 janvier 1994, tant à la société EDS qu'à M. X... , pris en sa qualité de caution solidaire, de payer la somme totale de 237 832,89 f.

Ce commandement est resté sans effet alors que les loyers et charges du mois de janvier 1994 n'ont pas été davantage payés.

C'est ainsi que la société JALINETEX a fait délivrer, par acte introductif d'instance en date du 28 février 1994, assignation au débiteur et à sa caution aux fins de les voir solidairement lui régler l'ensemble des sommes dues, après déduction des régularisations des charges des années précédentes.

Par jugement prononcé le 29 juin 1994, le Tribunal d'Instance de GONESSE, estimant que, même en l'absence des défendeurs, les demandes étaient justifiées tant en leur principe qu'en leur montant :

- a condamné solidairement la société EDS et M. X... , à payer à la demanderesse, "...à titre de décompte de résiliation et en deniers ou quittances la somme de 299 077,36 f augmentée des intérêts de droit à compter de la date de l'acte introductif d'instance",

- a débouté la demanderesse de sa demande fondée sur l'article 700 du NCPC et a refusé d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision.

Par déclaration en date du 20 septembre 1994, M. X... a interjeté appel de cette décision.

II - PRETENTIONS DES PARTIES

L'APPELANT, par des conclusions du 19 janvier 1995, a sollicité l'infirmation du jugement entrepris au motif que l'acte d'engagement de garantie qu'il avait consenti serait nul pour non respect des prescriptions de l'article 1326 du Code civil, relevant notamment que le montant des loyers et charges annuelles n'était pas précisé manuscritement et qu'en outre l'acte litigieux n'était pas paraphé sur chacune de ses pages ; qu'en conséquence il n'était pas établi qu'il avait eu une connaissance loyale des clauses et conditions du bail.

A titre subsidiaire l'appelant a réclamé l'imputation du montant du dépôt de garantie (85 000 f).

Par des conclusions complémentaires des 21 et 24 avril 1997, M. X... demande à la Cour de constater que la créance de la société intimée est éteinte par défaut de déclaration de sa créance, à temps, auprès du mandataire liquidateur de la société EURO DISTRIBUTION SYSTEM, Maître CANET, désigné en cette qualité par jugement du

Tribunal de Commerce de PONTOISE en date du 17 juin 1994.

Il estime au surplus qu'aucune régularisation ne peut être entreprise par la société bailleresse dès lors que la liquidation de EDS, aurait été clôturée pour insuffisance d'actif depuis plus d'un an.

En conséquence l'appelant demande à la Cour de le dire déchargé de toute obligation à l'égard de JALINETEX et que faute pour cette société de se désister ou de renoncer au bénéfice du jugement entrepris, il sollicite l'octroi d'une somme de 10 000 f sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

L'INTIMEE, par des conclusions du 25 juillet 1995, estime sur le

premier moyen que M. X... qui était le dirigeant social de EDS et à ce titre a négocié le bail litigieux dont il a paraphé l'acte matériel, ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas eu ensuite, en sa qualité de caution, connaissance de la nature et de l'étendue de la garantie qu'il accordait.

En outre la société JALINETEX réfute la critique du décompte de la créance dont elle demande confirmation, dès lors que celui-ci, comme le commandement qui le reprend, ont intégré la déduction invoquée par l'appelant au titre du dépôt de garantie.

Sur le second moyen tiré des articles 48 et 53 de la Loi du 25 janvier 1985, l'intimée soutient que la clôture pour insuffisance d'actif, dont elle ne nie pas l'existence, ne la prive pas des limites posées par l'article 2036 du Code civil lequel interdit à la caution d'opposer au créancier "...les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur", dès lors que sous l'empire de la loi de 1967 la Cour de Cassation considérait que la liquidation des biens avait un caractère purement personnel.

Au surplus la société JALINETEX, qui s'appuie sur un arrêt de la Cour de VERSAILLES (13ème Ch) lequel a statué sur la charge de la preuve incombant au créancier d'établir "...que la subrogation qui est devenue impossible par son inaction, n'aurait pas été efficace", fait valoir qu'en l'espèce, en raison de la clôture pour insuffisance d'actif, sa déclaration régulière de créance n'aurait pas permis à la caution de sauvegarder l'efficacité de son recours subrogatoire contre la société liquidée, irrémédiablement impécunieuse.

En conséquence l'intimée maintient qu'elle n'encourt aucune déchéance, sollicite la condamnation de M. X... pour le montant de la créance admise par le premier juge, outre le bénéfice de la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil et demande que lui soit allouée une somme de 10 000 f sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Maître CANET, mis en cause par l'intimée, selon acte du 14 mai 1997 et régulièrement dénoncé à son adversaire le 16 mai suivant, a fait connaître à la Cour, par courrier du 16 mai 1997 (pièce cotée 22 dossier de la Cour, Cf pièce n°1 Me BOMMART, Avoué) que ses fonctions avaient cessé à la suite du jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la société EDS, prononcé par le Tribunal de Commerce de PONTOISE le 13 octobre 1995 ; qu'en conséquence il ne pouvait se faire représenter devant la Cour.

La société E.D.S, assignée par acte du 10 juillet 1995 selon les modalités de l'article 659 du NCPC, n'a ni conclu ni constitué avoué. La clôture de la mise en état de l'affaire a été prononcée le 9 décembre 1997 et celle-ci a été examinée par la Cour à l'audience des plaidoiries du 28 janvier 1998.

III - SUR CE, LA COUR

A - SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE EN PAIEMENT

Considérant que l'article 53 dernier alinea de la loi du 25 janvier 1985, dispose que "Les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes" ;

Que la SA JALINETEX ne rapporte pas la preuve qu'elle a régulièrement déclaré sa créance, conformément aux articles 48 et 53 de la loi précitée ;

Considérant au surplus qu'il est établi (lettre de Me Patrick CANET mandataire-liquidateur de E.D.S en date du 18 janvier 1996, pièce n°1 communiquée par Me BOMMART, Avoué de l'intimée) que la liquidation judiciaire de la société EDS, débitrice principale, a été clôturée "pour insuffisance d'actif" par un jugement du Tribunal de Commerce de PONTOISE du 13 octobre 1995 ;

Qu'en conséquence c'est vainement que la société JALINETEX, par acte extra-judiciaire du 14 mai 1997, a tenté de régulariser sa position procédurale en mettant en cause Me CANET, au titre de son mandat judiciaire de liquidateur de E.D.S, alors que les fonctions de celui-ci avaient cessé par le jugement de clôture pour insuffisance d'actif dès le 13 octobre 1995 ;

Qu'ainsi la Cour ne peut que constater, dès lors que l'extinction de la créance opposable au créancier négligeant constitue une exception inhérente à la dette et non une exception purement personnelle comme le soutient à tort l'intimée, que la SA JALINETEX est irrecevable en sa demande en paiement contre la caution ;

Considérant surabondamment, que c'est en vain que la société créancière tente, par une interprétation erronée de l'article 2036 du Code civil, de déplacer la discussion juridique sur le terrain de la subrogation de l'article 2037 du code précité, qui n'a d'ailleurs pas été invoquée par l'appelant, en soutenant qu'en tout état de cause sa déclaration de créance n'aurait pu en l'espèce sauvegarder l'action subrogatoire de la caution en raison de l'impécuniosité de la société E.D.S, révélée par la clôture pour insuffisance d'actif ;

Qu'en effet l'extinction de la créance à l'égard du débiteur principal bénéficiant à la caution par le seul fait du défaut ou de l'invalidation de la déclaration de créance, l'issue de la procédure collective clôturée pour insuffisance d'actif, ce et y compris lorsqu'il n'y a pas eu vérification de créance, est sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande en paiement présentée par le créancier dont les droits sont éteints, notamment à l'égard de la caution, en application des dispositions d'ordre public de l'article 53 alinea 4 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Qu'en conséquence de ces énonciations, il y a lieu de constater que les autres moyens des parties sur les demandes principales sont devenus sans objet ;

Qu'ainsi il échet d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions prises à l'encontre de M. X... en sa qualité de caution et de mettre hors de cause Me CANET en raison de la cessation de ses fonctions ;

B - SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que l'intimée qui succombe au principal de son action d'origine, est mal fondée en toutes ses demandes incidentes et devra régler les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... , la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour soutenir ses intérêts en cause d'appel ;

Qu'il échet, sur le fondement de l'article 700 du NCPC, d'octroyer à celui-ci la somme de 5 000 f, les dispositions prises à ce titre dans le jugement entrepris étant par ailleurs infirmées ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, en raison de l'absence d'un représentant légal de la Société E.D.S (EURO DISTRIBUTION SYSTEM), laquelle a été assignée selon un procès-verbal établi en application de l'article 659 du NCPC,

Reçoit M. Bernard X... en son appel, régulier en la forme,

Vu les articles 47, 48 et 53 de la loi du 25 janvier 1985,

Constate que la SA JALINETEX n'a pas déclaré régulièrement sa créance, n'a pas bénéficié d'un relevé de forclusion, ne peut plus régulariser sa position en raison d'un jugement du Tribunal de Commerce de PONTOISE clôturant la liquidation pour insuffisance d'actif, le 13 octobre 1995 ;

Met hors de cause Me Patrick CANET, en raison de la cessation de ses

fonctions à la date précitée ;

Dit l'appel de M. Bernard X... , bien fondé ;

INFIRME le jugement entrepris, prononcé par le Tribunal d'Instance de GONESSE (95), le 29 juin 1994, en toutes ses dispositions prises à l'encontre de M. Bernard X... ;

Constate que la créance invoquée par la SA JALINETEX est éteinte à l'égard du débiteur principal ;

En conséquence,

Déclare irrecevable la demande en paiement présentée par la SA JALINETEX à l'encontre de la caution ;

Condamne la SA JALINETEX à verser à M. Bernard X... la somme de 5 000 f au titre de l'article 700 du NCPC ;

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, comme irrecevables, mal fondées ou devenues sans objet ;

Condamne la SA JALINETEX aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP LAMBERT, Avoués.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE GRAND

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-7882
Date de la décision : 19/03/1998

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Redressement ou liquidation judiciaire du débiteur principal - Créance - Déclaration - Défaut - Effet

Aux termes de l'article 53 dernier alinéa de la loi du 25 janvier 1985 " les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes ". Le créancier d'une entreprise en liquidation qui ne rapporte pas la preuve d'avoir, conformément aux dispositions des articles 48 et 53 de la loi précitée, régulièrement déclaré sa créance n'est pas fondé à poursuivre la caution de ladite entreprise dès lors que sa créance est éteinte et que cette extinction constitue une exception inhérente à la dette


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-19;1994.7882 ?
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