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13/03/1998 | FRANCE | N°1996-1209

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 mars 1998, 1996-1209


Le 04 janvier 1989, Monsieur MICHEL DE X... a été victime d'un accident de la circulation dont le responsable était Monsieur Y..., assuré auprès de la Compagnie AXA.

Monsieur Y... a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de COLMAR qui, après l'avoir condamné pénalement et alloué une provision à Monsieur MICHEL DE X..., a, par jugement du 13 janvier 1993, condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur MICHEL DE X... la somme de 2.844.420 francs en réparation de son préjudice et dit que cette somme produira intérêts au double du taux légal à compter du 04 septembr

e 1989.

Par arrêt du 20 janvier 1994, la Cour d'Appel de COLMAR, Chambre...

Le 04 janvier 1989, Monsieur MICHEL DE X... a été victime d'un accident de la circulation dont le responsable était Monsieur Y..., assuré auprès de la Compagnie AXA.

Monsieur Y... a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de COLMAR qui, après l'avoir condamné pénalement et alloué une provision à Monsieur MICHEL DE X..., a, par jugement du 13 janvier 1993, condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur MICHEL DE X... la somme de 2.844.420 francs en réparation de son préjudice et dit que cette somme produira intérêts au double du taux légal à compter du 04 septembre 1989.

Par arrêt du 20 janvier 1994, la Cour d'Appel de COLMAR, Chambre Correctionnelle, a partiellement infirmé ce jugement et déclaré irrecevable la demande en doublement des intérêts au motif de la Compagnie d'Assurances n'était pas en cause.

Monsieur MICHEL DE X... et Monsieur Y... ont formé un pourvoi en cassation dont ils se sont désistés.

Monsieur MICHEL DE X... a alors fait assigner la Compagnie AXA en paiement des intérêts en double du taux légal sur sa créance en principal et ce par application de l'article L.211-13 du Code des Assurances.

Par jugement du 22 novembre 1995, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a : - dit recevable la demande de Monsieur MICHEL DE X..., - dit que le doublement des intérêts doit porter sur la somme de 2.894.420 francs du 1er juillet 1994 au 13 janvier 1993, - en conséquence, condamner la Compagnie AXA à payer à Monsieur MICHEL DE X... la somme de 879.348,55 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 1994 et une indemnité de 12.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Compagnie AXA, d'une part, et Monsieur MICHEL DE X..., d'autre part, ont interjeté appel de ce jugement.

Les deux appels ont été joints.

La Compagnie AXA demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de : - constater que la sanction édictée par l'article L.211-13 du Code des Assurances est une mesure accessoire et qu'aucune sanction ne peut être réclamée à titre principal, - constater que la quittance d'AXA que Monsieur MICHEL DE X... a signé sans réserve le 14 mars 1994 a éteint tout droit de Monsieur MICHEL DE X... contre AXA, - déclarer irrecevable la demande de Monsieur MICHEL DE X..., - subsidiairement, la déclarer mal fondée, - condamner Monsieur MICHEL DE X... à lui payer une indemnité de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - très subsidiairement, réduire la pénalité fixée par les premiers juges.

La Compagnie AXA fait valoir d'abord que la demande de Monsieur MICHEL DE X... est irrecevable car: - seul le juge de l'évaluation du préjudice était compétent pour connaître de l'application de la sanction prévue par l'article L.211-13 du Code des Assurances qui est une peine accessoire, - la condamnation pénale intervenue contre le responsable de l'accident a pour effet d'éteindre l'action civile et fait obstacle à la mise en oeuvre d'une action directe contre l'assureur, - la quittance sans réserve signée le 14 mars 1994 par Monsieur MICHEL DE X... a éteint tout droit d'action de celui-ci, ensuite qu'elle est mal fondée car elle n'a pas été en mesure de faire une proposition en l'absence d'éléments d'information suffisants transmis par Monsieur MICHEL DE X....

Monsieur MICHEL DE X... demande à la Cour de: - confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré sa demande recevable, - l'infirmer pour le surplus, - constater que la Compagnie AXA n'a pas formulé d'offres d'indemnisation dans le délai de huit mois suivant l'accident, - condamner la Compagnie AXA à lui payer les intérêts au double du taux légal sur la somme de 3.089.235,20 francs correspondant à l'indemnité qui lui a été allouée par l'arrêt de la Cour d'Appel de COLMAR et ce du 04 septembre 1989 au 20 janvier 1994, soit la somme de 2.639.428,73 francs, - condamner la Compagnie AXA à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 2.639.428,73 francs à compter du 20 janvier 1994 jusqu'à parfait paiement et une indemnité de 20.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il soutient que le juge pénal était incompétent pour se prononcer sur la demande formée contre l'assureur sur le fondement de l'article L.211-13 du Code des Assurances et qu'il n'avait pas d'autre possibilité que de saisir le juge civil par une action indépendante. Il répond que la quittance qu'il a signée est une simple reconnaissance des sommes qu'il a reçues et ne vaut pas comme renonciation à toute autre réclamation.

Il fait valoir enfin que AXA n'a pas respecté les dispositions de l'article L.211-9 du Code des Assurances en ne proposant pas, même à titre provisionnel, une indemnisation, alors que les renseignements fournis par la victime étaient suffisants pour le faire.

Il conteste la limitation du doublement du taux des intérêts pratiquée par le Tribunal.

MOTIFS DE L'ARRET

- SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE :

Attendu qu'il résulte des articles L.211-9 et L.211-13 du Code des Assurances que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter une offre d'indemnité à la victime dans un délai maximal de 8 mois à compter de l'accident et que lorsque cette offre n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement définitif ;

Attendu que le doublement du taux de l'intérêt au taux légal auquel seul l'assureur est condamné constitue une sanction de son inertie ce qui explique qu'il ne puisse être prononcé par une juridiction que si l'assureur est dans la cause ou a été valablement appelé ;

Attendu que devant le Tribunal Correctionnel de COLMAR puis la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de COLMAR appelés à juger Monsieur Y..., la Compagnie AXA n'a jamais été mise en cause et ne pouvait donc se voir appliquer une sanction dont elle n'aurait pas pu discuter le bien fondé ;

Que si, en application des articles 388-2 et 388-3 du Code de Procédure Pénal, Monsieur MICHEL DE X... aurait pu mettre en cause la Compagnie AXA devant la juridiction pénale pour lui rendre opposable la décision à intervenir, le fait qu'il ne l'ait pas fait ne lui interdit pas de saisir le juge civil, juge naturel de la Compagnie AXA pour apprécier l'existence d'une éventuelle violation des dispositions du Code des Assurances ;

Qu'il convient de remarquer au surplus que l'article L.211-13 du Code des Assurances prévoit que l'indemnité produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal ;

Qu'ainsi, la saisine du juge n'est nécessaire que si l'assureur affirme avoir fait une offre dans les délais alors que la victime le conteste;

Que cette contestation peut intervenir après la décision fixant le principe de la responsabilité et le montant de l'indemnité allouée à la victime et donc le dessaisissement du juge de l'évaluation;

Qu'ainsi, le juge civil est compétent pour apprécier la réalité de la faute reprochée à l'assureur et fixer le principe et le montant de la sanction en découlant ;

Que l'action engagée par Monsieur MICHEL DE X... contre AXA n'a pas pour objet de rendre opposable à l'assureur la condamnation prononcée contre l'assuré puisque la Compagnie AXA a payé les causes de la condamnation reconnaissant par là devoir sa garantie à Monsieur Y... mais de faire juger qu'elle n'a fait une offre dans le délai légal et doit, à ce titre, être sanctionnée ;

Que cette action a un fondement différent de l'action pénale engagée contre Monsieur Y... et ne peut se voir opposer l'adage "una electa via" ;

Attendu enfin que la Compagnie AXA soutient que la quittance, signée le 14 mars 1994 à titre du solde d'indemnité, a éteint tout droit d'action ;

Mais attendu que les sommes reçues par Monsieur MICHEL DE X..., le 14 mars 1994, ont été versées en exécution de l'arrêt du 20 janvier 1994;

Qu'en signant la quittance, Monsieur MICHEL DE X... a seulement reconnu qu'il recevait paiement de l'indemnité fixée par la Cour d'Appel mais n'a pas renoncé à toute action contre l'assureur non partie au procès ;

Attendu qu'ainsi l'action de Monsieur MICHEL DE X... est recevable ;

- SUR LE BIEN FONDE :

Attendu que l'assureur est tenu de présenter dans un délai maximal de 8 mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ;

Que cette offre doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice et peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur, n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de la victime ;

Attendu que l'accident a eu lieu le 04 janvier 1989 ;

Que le 24 mai 1989, la Compagnie AXA a envoyé à Monsieur MICHEL DE X... un questionnaire à remplir ;

Que celui-ci a renvoyé le questionnaire rempli le 03 juin 1989 ;

Que seule la question : "un complément de salaire est-il versé par l'employeur ä" n'était pas renseignée ;

Attendu que le 04 septembre 1989, l'avocat de Monsieur Y... a adressé à l'avocat de Monsieur MICHEL DE X... une lettre contenant une offre d'indemnisation de la victime ;

Attendu que cette offre ne concernait que le préjudice matériel de Monsieur MICHEL DE X... et ne répondait pas aux exigences de l'article L.211-9 du Code des Assurances ;

Que même si l'état de Monsieur MICHEL DE X... n'était pas consolidé, il appartenait à la Compagnie AXA de faire une offre provisionnelle portant sur tous les éléments indemnisables ;

Que l'absence de réponse à la question concernant le complément de salaire ne l'empêchait pas d'évaluer les autres postes de préjudice, alors surtout que la Compagnie AXA n'a pas présenté à l'intéressé une nouvelle demande dans un délai de quinze jours conformément aux dispositions de l'article L.211-33 du Code des Assurances ;

Qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal a constaté que la Compagnie AXA n'aurait pas respecté les prescriptions de l'article L.211-9 du Code des Assurances et devait être sanctionnée ;

Attendu que la pénalité prévue par l'article L.211-13 du Code des Assurances peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ;

Attendu que le Tribunal a justement relevé que même si la Compagnie AXA aurait du faire une offre provisionnelle, elle a régulièrement versé des provisions à une époque où Monsieur MICHEL DE X... reconnaissait lui-même qu'il n'était pas en mesure de chiffrer son préjudice ;

Que le retard apporté à l'indemnisation de Monsieur MICHEL DE X... n'est donc pas seulement imputable à la Compagnie AXA ;

Que de plus, le doublement du taux des intérêts ne peut pas s'appliquer sur des sommes déjà perçues à titre de provision ;

Que dès lors, la Cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 500.000 francs le montant de la pénalité due par la Compagnie AXA au titre de l'article L.211-13 du Code des Assurances ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur MICHEL DE X... les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur MICHEL DE X... recevable et bien fondé et lui a alloué une indemnité de 12.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

L'infirme quant au montant de la condamnation,

Fixe à la somme de 500.000 francs le montant de la pénalité due par la Compagnie AXA,

Condamne la Compagnie AXA à payer cette somme à Monsieur MICHEL DE X... avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 1994 et une indemnité complémentaire de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la Compagnie AXA aux dépens d'appel qui seront recouvrés par SCP DELCAIRE BOITEAU, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1209
Date de la décision : 13/03/1998

Analyses

PROCEDURE CIVILE - " Una via electa " - Choix de la voie répressive - Renonciation au profit de la voie civile - Conditions.

Lorsque le juge répressif n'a pas statué au fond sur l'action civile, la victime peut porter cette action devant la juridiction civile sans se heurter à la règle "una via electa". Dès lors, la victime à laquelle n'a pas été présentée l'offre d'indemnité résultant des articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances dans le délai de huit mois et qui n'a pas attrait l'assureur de l'auteur du dommage devant la juridiction pénale pour lui rendre opposable la décision intervenue conserve le droit d'assigner l'assureur devant le juge civil pour voir prononcer le doublement du taux d'intérêt légal, cette action ayant un fondement différent de l'action pénale

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Offre de l'assureur - Offre manifestement insuffisante - Portée.

L'offre d'indemnisation que l'assureur est tenu de présenter doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice. Dès lors, l'offre portant sur le seul préjudice matériel de la victime ne répond pas aux exigences de l'article L. 211-9 du Code des assurances. Cependant, l'assureur qui rapporte avoir versé des provisions et établit que le retard apporté à l'indemnisation de la victime ne lui est pas entièrement imputable, peut prétendre à la réduction par le juge du montant de la sanction édictée par l'article L. 211-13 du Code des assurances


Références :

Code des assurances L211-9, L211-13

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Falcone

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-13;1996.1209 ?
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