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05/03/1998 | FRANCE | N°1995-9610

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 mars 1998, 1995-9610


Le 18 février 1994, la société de droit italien LINO X... SRL a informé l'Association le COMITE DES EXPOSITIONS DE PARIS de son intention de participer au salon du jardin de la foire de Paris devant se tenir à la PORTE DE VERSAILLES du 30 avril au 12 mai 1994, puis lui a fait part, le 23 février 1994, de son souhait d'occuper un stand de 50 à 80 m.

Le 07 mars 1994, le COMITE lui a adressé quatre propositions assorties des plans correspondant à ces différentes possibilités.

Le 08 mars 1994, la société LINO X... a choisi l'emplacement 5 H 16 et a versé le 09 mars 19

94 un acompte de 15.564 francs, puis s'est acquittée du solde de la factu...

Le 18 février 1994, la société de droit italien LINO X... SRL a informé l'Association le COMITE DES EXPOSITIONS DE PARIS de son intention de participer au salon du jardin de la foire de Paris devant se tenir à la PORTE DE VERSAILLES du 30 avril au 12 mai 1994, puis lui a fait part, le 23 février 1994, de son souhait d'occuper un stand de 50 à 80 m.

Le 07 mars 1994, le COMITE lui a adressé quatre propositions assorties des plans correspondant à ces différentes possibilités.

Le 08 mars 1994, la société LINO X... a choisi l'emplacement 5 H 16 et a versé le 09 mars 1994 un acompte de 15.564 francs, puis s'est acquittée du solde de la facture le 21 mars 1994.

La société LINO X... ayant relevé lors de la prise de possession de son stand qu'il se trouvait masqué par celui situé en face du sien occupé par la société TRUFFAUT qui avait réuni plusieurs emplacements en un espace commercial fermé a fait dresser, le 04 mai 1994, un constat de la situation par huissier et a délivré au COMITE, le 06 mai 1994, une sommation de lui rembourser la totalité des frais alors engagés au titre de la manifestation ; sur l'intervention du COMITE, la société

TRUFFAUT a pratiqué le 07 mai 1994 une ouverture dans son stand pour ménager un accès en face de celui de la société LINO X....

C'est dans ces conditions, que la société LINO X... a engagé une action indemnitaire à l'encontre du COMITE devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE.

Par jugement rendu le 13 juillet 1995, cette juridiction a condamné le COMITE DES EXPOSITIONS DE PARIS à payer à la société LINO X... la somme de 150.000 francs avec le bénéfice de l'exécution provisoire outre une indemnité de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Appelant de cette décision, le COMITE soutient que l'environnement du

stand ne revêtait aucun caractère contractuel et qu'il était au surplus connu de la société LINO X... qui avait reçu deux semaines avant l'ouverture du salon un plan global définitif et s'y était néanmoins installée.

Il estime, qu'en toute hypothèse, le Tribunal a écarté à tort la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 13-5 du règlement général puisqu'il ne peut se voir imputer une attitude constitutive d'un défaut fautif de surveillance des exposants, n'étant pas tenu d'une obligation de résultat à cet égard, ni a fortiori d'une faute lourde confinant au dol en l'absence de tout élément intentionnel susceptible de la caractériser.

Il ajoute que la société LINO X... n'établit nullement l'existence ni le montant du préjudice invoqué compte tenu de l'impossibilité d'effectuer un rapprochement des résultats à défaut de disposer d'éléments d'information comparables sur ce point, ni du lien de causalité directe avec l'implantation des stands de la société TRUFFAUT.

Il sollicite, en conséquence, l'entier débouté de la société LINO X... et une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société LINO X... forme appel incident pour réitérer sa demande en paiement de la somme de 307.485 francs à titre de dommages et intérêts.

Elle réclame, en outre, une indemnité de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle oppose que le COMITE n'a pas méconnu par inadvertance l'obligation lui incombant de faire respecter l'article 21-8 du règlement général, mais a été volontairement l'instigateur ou le complice de cette violation dont il a accepté la perpétuation en pleine connaissance de cause jusqu'au dernier jour du salon sans se

soucier du préjudice susceptible d'en résulter à son détriment.

Elle souligne que le COMITE ne s'est même pas acquitté d'une obligation de moyens et indique avoir reçu le plan définitif seulement le 02 mai 1994.

Elle prétend qu'en raison du coût de sa participation au salon d'environ 150.000 francs, elle aurait dû réaliser des ventes pour un montant d'au moins 500.000 francs mais n'a, en définitive, pu obtenir qu'un chiffre d'affaires médiocre de 196.015 francs et dérisoire par rapport à celui de l'année précédente de 354.376,25 francs.

Elle se considère dès lors fondée à revendiquer la somme différentielle entre les ventes espérées et celles effectivement conclues.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 1998.

MOTIFS DE L'ARRET :

Considérant que le COMITE se réfère à l'article 13-5 du Règlement Général des Manifestations Commerciales énonçant que "l'organisateur est exonéré de toutes responsabilités concernant les préjudices généralement quelconques y compris les troubles de jouissance et tous préjudices commerciaux qui pourraient être subis par les exposants pour quelque cause que ce soit"... pour prétendre que sa responsabilité ne peut être mise en cause par la société LINO X.... Que toutefois, cette clause dont la validité est, au demeurant, contestable eu égard à la généralité de ses termes, ne peut cependant faire obstacle à ce que la responsabilité contractuelle de l'organisateur du salon du jardin ne puisse être recherchée, sur le fondement des dispositions combinées des articles 1134 alinéa 3 et 1150 du Code Civil en raison de la commission éventuelle d'une faute lourde contraire au principe de l'exécution de bonne foi des conventions.

Considérant qu'il ressort des éléments des débats que la société LINO X... a choisi parmi les quatre propositions qui lui ont été offertes par le COMITE un emplacement précis le 5 H 16, situé en un endroit spécifique du bâtiment 5 des locaux d'exposition de la Porte de Versailles, en fonction du contexte de sa localisation sur les plans qui lui ont été alors transmis ne comportant pas mention d'un quelconque caractère provisoire notamment quant aux surfaces et dispositions des stands avoisinants, l'ensemble de ces caractéristiques ayant comme la surface contribué à déterminer sa décision de retenir cet emplacement particulier et conduit à engager les frais nécessaires à sa location qu'elle a honorés intégralement le 21 mars 1994.

Considérant que dès cette date, la société LINO X... était légitimement en droit d'estimer qu'elle disposerait, pendant toute la durée du déroulement du salon du jardin, d'un stand conforme au plan communiqué par le COMITE.

Considérant que la finalité de la participation d'un commerçant à un salon consiste à pouvoir exposer à l'examen du public ses produits afin de les promouvoir et d'en provoquer l'achat par le plus grand nombre possible de visiteurs qui sont tous des clients potentiels.

Qu'il incombait donc au COMITE en tant qu'organisateur du salon en cause la mission première de veiller à une accessibilité normale par le public de chacun des stands dont le respect est seul de nature à permettre l'accomplissement de l'objet même d'une manifestation commerciale de ce type et requérant, sur ce point, une égalité de traitement entre les différents exposants.

Que l'exécution de cette obligation s'imposait tout particulièrement au COMITE en raison de sa qualité de professionnel de l'organisation de foires et de salons, agissant de surcroît dans le cadre d'un contrat d'adhésion imposé à chacun des participants et d'un règlement

général lui conférant des pouvoirs importants.

Or, considérant qu'il ressort des énonciations du constat d'huissier dressé le 04 mai 1994, que le stand de la société LINO X... s'est trouvé complètement masqué par le stand TRUFFAUT s'étendant sur une longueur d'environ 30 mètres et sans discontinuité sur une profondeur d'une centaine de mètres, ne laissant aucun passage et occupant totalement les allées F et G ainsi que les corridors perpendiculaires à ces mêmes allées parallèles à l'allée centrale alors qu'au moment de la réservation opérée par la société intimée, chacun des emplacements attribué à la société TRUFFAUT était entièrement séparé des autres.

Que les attestations versées aux débats confirment la très grande difficulté rencontrée, compte tenu de la nouvelle configuration des lieux, par des personnes pourtant désireuses d'y parvenir, pour se rendre au stand de la société LINO X....

Considérant qu'il est ainsi patent que le COMITE n'a pas veillé à ménager un accès normal au stand de la société LINO X..., ni à lui assurer celui prévu initialement, tout en tolérant que la société TRUFFAUT obstrue certaines allées situées en face de son emplacement et empiète en totalité sur celles-là en entravant consécutivement notoirement son approche pour lui causer une gène indiscutable en violation des dispositions de l'article 21-8 du Règlement Général.

Considérant que le COMITE ne peut utilement se prévaloir des prescriptions de l'article 13-2 dudit règlement lui réservant le droit de modifier toutes les fois qu'il jugera utile l'importance et la disposition des surfaces demandées par l'exposant dans la mesure où l'exercice de cette faculté a nécessairement pour limite le respect des droits des autres exposants et où, de surcroît, l'article 21-4 du même texte l'autorise à faire supprimer ou modifier les installations effectuées par un exposant qui gèneraient les exposants

voisins ou les visiteurs.

Considérant que le COMITE ne peut davantage prétendre n'avoir eu connaissance de la gène indéniable engendrée par l'aménagement du stand de la société TRUFFAUT au préjudice de la société LINO X... qu'au jour de la délivrance de la sommation le 06 mai 1994 alors qu'il l'avait délibérément accepté auparavant puisqu'il figure sur le plan dressé en dernier lieu par ses soins le 18 avril 1994 et que son caractère irrégulier ne pouvait échapper à son contrôle eu égard à l'importante superficie du stand TRUFFAUT et à sa configuration unique dans le salon du jardin 1994.

Considérant par ailleurs, que le COMITE n'établit par aucun document la date de transmission des derniers plans de l'exposition tandis que la société LINO X... démontre suffisamment par la production d'une télécopie assortie d'explications pertinentes figurant dans ses écritures quant à la date réelle de remise le 02 mai 1994, n'en avoir eu possession que ce jour-là.

Considérant enfin, que le COMITE qui ne saurait reprocher à la société italienne une protestation tardive alors qu'elle a fait procéder à un constat d'huissier le troisième jour ouvrable après l'ouverture du salon, n'a pas apporté un remède à la hauteur de la gène subie par cette société en aménageant face à son stand une ouverture dans la mesure où plusieurs allées habituellement accessibles à tous les visiteurs du salon sont restées obstruées et réservées aux seuls visiteurs intéressés par les produits de la société TRUFFAUT, alors même qu'il n'est pas démontré que le démontage de cloisons du stand de cette société, seul de nature à rétablir la liberté de circulation jusqu'au stand de la société LINO X..., ait pu constituer des travaux conséquents.

Considérant dans ces conditions, que la responsabilité du COMITE est engagée envers la société intimée.

Considérant néanmoins, que la demande indemnitaire de la société LINO X... ne peut être fondée sur la somme différentielle entre les ventes réalisées et celles qu'elle escomptait dans la mesure où rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait pu effectivement parvenir au montant de 500.000 francs souhaité, même si elle avait pu disposer de l'emplacement tel qu'il lui avait été proposé.

Qu'en réalité, son préjudice s'analyse en une perte de chance de pouvoir opérer un certain nombre de transactions au cours du salon et de nouer des contacts de nature à promouvoir ses produits et à entraîner d'autres ventes par la suite.

Que ce préjudice, au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation dont la Cour dispose, sera suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 130.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société intimée une indemnité supplémentaire de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Que le COMITE qui succombe à titre principal en ses prétentions et supportera les dépens d'appel, n'est pas fondé en sa demande au même titre. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Réforme le jugement déféré en sa disposition concernant le montant de la condamnation en principal,

Et statuant à nouveau de ce chef,

- Condamne l'Association le COMITE DES EXPOSITIONS DE PARIS à payer à la SRL de droit italien LINO X... la somme de 130.000 francs à titre de dommages et intérêts et une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Rejette toutes ses prétentions,

- La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître

TREYNET, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-9610
Date de la décision : 05/03/1998

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Clause limitative de responsabilité - Application

La clause d'un règlement général des manifestations commerciales édicté par le comité d'organisation d'un parc des expositions qui exonère l'organisateur "de toutes responsabilités concernant les préjudices généralement quelconques y compris les troubles de jouissance et tous préjudices commerciaux qui pourraient être subis par les exposants pour quelque cause que ce soit" ne peut faire obstacle à ce que la responsabilité contractuelle de cet organisateur puisse être recherchée sur le fondement des dispositions combinées des articles 1134, alinéa 3, et 1150 du Code civil, en raison d'une faute lourde contraire au principe de l'exécution de bonne foi des conventions


Références :

Code civil, articles 1134 et 1150

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-03-05;1995.9610 ?
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