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24/02/1998 | FRANCE | N°1996-463

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 février 1998, 1996-463


La société MECAGRA, dont le siège social est à Fondettes (Indre et Loire), a vendu à la société de droit tunisien IPC des pièces détachées de mécanique d'imprimerie pour un prix de 94.000 francs français.

Pour assurer le transport de cette marchandise en Tunisie, elle a mandaté, en qualité de commissionnaire de transport, la société CAMEXIN-COMINSER (ci-après désignée société CAMEXIN).

Cette dernière a, à son tour, mandaté la société SERTRANSIT, laquelle a confié l'opération de transport dont s'agit à la société LTC.

La marchandise a été

livrée au client final, la société IPC, mais celle-ci n'en a pas acquitté le prix.

Faisant grie...

La société MECAGRA, dont le siège social est à Fondettes (Indre et Loire), a vendu à la société de droit tunisien IPC des pièces détachées de mécanique d'imprimerie pour un prix de 94.000 francs français.

Pour assurer le transport de cette marchandise en Tunisie, elle a mandaté, en qualité de commissionnaire de transport, la société CAMEXIN-COMINSER (ci-après désignée société CAMEXIN).

Cette dernière a, à son tour, mandaté la société SERTRANSIT, laquelle a confié l'opération de transport dont s'agit à la société LTC.

La marchandise a été livrée au client final, la société IPC, mais celle-ci n'en a pas acquitté le prix.

Faisant grief à la société SERTRANSIT de ne pas avoir respecté les instructions d'expédition qui prévoyaient que la marchandise ne devait être remise au client final qu'une fois le paiement de son prix effectué par la banque de ce dernier au profit de la banque de l'expéditeur, les sociétés MECAGRA et CAMEXIN ont saisi le Tribunal de Commerce de PONTOISE pour obtenir réparation du préjudice prétendument subi par chacune d'elles.

La société SERTRANSIT a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie et, subsidiairement, elle s'est opposée aux prétentions émises à son encontre.

Par jugement en date du 19 octobre 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le tribunal a statué dans les termes ci-après :

Déclare la société SERTRANSIT mal fondée en son exception d'incompétence, l'en déboute.

Condamne la société SERTRANSIT à payer à la société MECAGRA la somme de 94.900 francs avec intérêts de droit à compter de ce jour.

Condamne la société SERTRANSIT à payer à la société MECAGRA la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne la société SERTRANSIT à payer à la société CAMEXIN-COMINSER la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ordonne l'exécution provisoire du jugement à l'exception des condamnations portant sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et sur les dépens.

Condamne la société SERTRANSIT aux dépens.

*

Appelante de cette décision, la société SERTRANSIT, sans remettre en cause la compétence du Tribunal de Commerce de PONTOISE, fait tout d'abord valoir que l'action engagée à son encontre tant par la société MECAGRA que par la société CAMEXIN doit être déclarée irrecevable. A cet égard, elle soutient que, dès lors qu'elle ne figure pas sur la lettre de transport aérien (LTA), la société MECAGRA, mentionnée comme expéditrice sur ce document, n'a aucune action directe contre elle au titre du transport litigieux.

En ce qui concerne CAMEXIN, elle relève que celle-ci, qui ne figure pas non plus sur la LTA, n'a pas davantage d'action directe contre elle et qu'elle ne pouvait agir que dans le cadre d'une action récursoire, ce qui suppose que ladite société ait été préalablement assignée par son contractant direct, la société MECAGRA, ce qui n'a pas été "curieusement" le cas en l'espèce.

Subsidiairement sur le fond, elle conteste être à l'origine du préjudice prétendument subi par la société MECAGRA et fait observer que la faute est directement imputable à la société LTC à qui elle avait fidèlement retransmis toutes les instructions relatives aux conditions de règlement de la marchandise, précisant, en outre, qu'elle a engagé à toutes fins une action en garantie contre ce substitué actuellement pendante devant le Tribunal de Commerce de PONTOISE. Elle déduit de là que, dès lors que la société MECAGRA n'a pas estimé devoir assigner son contractant direct, à savoir CAMEXIN, commissionnaire de transport, mais qu'elle entend rechercher le véritable responsable du non paiement de la marchandise, ladite société ne peut se retourner utilement que contre la société LTC, seule tenue en raison de la faute qu'elle a commise de réparer le sinistre. Quant à la société CAMEXIN, elle estime que celle-ci n'a subi et ne justifie d'aucun préjudice et qu'elle ne s'est associée à la procédure initiée par la société MECAGRA que dans le but d'éviter une action de cette dernière à son encontre.

A titre plus subsidiaire encore, elle rappelle qu'elle a été mandatée par la société CAMEXIN et soutient qu'elle est en droit de se prévaloir des limitations de responsabilité insérées dans les conditions générales de son mandant, la société CAMEXIN, qui limitent la responsabilité encourue à 50.000 francs.

Enfin et en tout état de cause, elle demande que les sociétés MECAGRA et CAMEXIN soient condamnées à lui payer une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

*

Les sociétés MECAGRA et CAMEXIN concluent tout d'abord à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société SERTRANSIT, motif pris que celle-ci s'est acquittée sans aucune réserve de la totalité des causes du jugement déféré, en ce compris les dispositions qui n'étaient pas assorties de l'exécution provisoire, et qu'elle a ainsi acquiescé audit jugement.

Subsidiairement, elles s'opposent point par point à l'argumentation adverse et concluent à la confirmation totale du jugement déféré sauf à ce que l'appelante soit condamnée à payer à chacune d'elles une indemnité complémentaire de 7.000 francs en couverture des frais qu'elles ont été contraintes d'exposer devant la Cour.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la recevabilité de l'appel

Considérant que le fait d'exécuter sous la contrainte une décision de justice, revêtue comme en l'espèce de l'exécution provisoire, ne vaut pas acquiescement au jugement et renonciation à l'appel, même si la partie poursuivie a inclu dans son règlement le montant de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et celui des dépens qui ne relevaient pas de l'exécution provisoire, les dispositions des articles 410 et 558 du Nouveau Code de Procédure Civile n'ayant pas vocation à s'appliquer dans ce cas ; que le moyen d'irrecevabilité de l'appel soulevé par les sociétés intimées et tenant à un prétendu acquiescement au jugement, sera en conséquence rejeté.

* Sur la recevabilité de l'action

Considérant que la société appelante se réfère aux documents de transport, et plus particulièrement à la LTA, et en tire pour conséquence que, dès lors qu'elle ne figure pas sur ce document, ni la société MECAGRA, ni la société CAMEXIN n'ont d'action contre elle, rappelant que, selon une jurisprudence constante, le droit d'action contre le transporteur aérien ou ses représentants n'appartient qu'aux parties au contrat de transport mentionné sur la LTA.

Mais considérant qu'en l'espèce, le litige ne relève pas de la responsabilité du transporteur aérien ou de ses ayants cause, mais de la responsabilité civile contractuelle de droit commun ; qu'en effet, il apparaît que le contrat de transport a été parfaitement exécuté puisque la marchandise est arrivée à bon port, en temps et heure, sans dommage et livrée conformément aux mentions de la LTA émise en couverture de ce transport et que le seul grief invoqué à l'encontre de la société appelante est de n'avoir pas respecté l'obligation accessoire par elle contractée, en sa qualité de commissionnaire de transport substitué, de livrer la marchandise au destinataire réel qu'autant que le paiement aurait été préalablement effectué par celui-ci ; qu'il suit de là que les règles spécifiques posées par la convention de VARSOVIE, en ce qui concerne la responsabilité du transporteur aérien en raison des dommages causés à la marchandise au cours du transport, n'ont pas vocation à jouer et que l'action engagée sur le fondement de droit commun par la société MECAGRA, expéditrice de la marchandise, est parfaitement recevable de même que celle du commissionnaire principal, la société CAMEXIN, qui avait transmis les instructions reçues, sauf à ces sociétés d'établir la réalité du manquement qu'elles imputent à la société SERTRANSIT et du préjudice qui en est résulté directement pour chacune d'elles.

* Sur le bien fondé de l'action

Considérant qu'il résulte des pièces des débats que l'expéditeur MECAGRA avait donné instruction, comme il a été dit précédemment, à la société CAMEXIN de ne remettre la marchandise à l'acheteur tunisien, la société IPC, qu'une fois le paiement du prix effectué par la Banque de ce dernier au profit de la banque de l'expéditeur ;

que ces instructions ont été expressément répercutées par la société CAMEXIN à sa substituée, la société SERTRANSIT, qui ne peut utilement contester cette situation de fait, dès lors qu'elle a reçu un modèle de LTA de CAMEXIN mentionnant, comme chargeur la société MECAGRA, comme destinataire BIAT à Tunis (banque de la société IPC), et comme personne à qui devait être notifiée l'arrivée de la marchandise, IPC à Tunis, ce document précisant en outre "aucun document ne doit suivre à destination" "à retourner pour remise en banque un original + 2 copies de la LTA + EUR 1 visé par les douanes françaises" ; que force est de constater que ces instructions n'ont pas été respectées puisque la société LTC, que s'est substituée la société SERTRANSIT, a établi une nouvelle LTA mentionnant MECAGRA comme expéditeur et IPC Tunis comme destinataire, ce qui a permis à IPC de prendre possession de la marchandise sans en acquitter le prix ; que la société SERTRANSIT ne peut dans ces conditions s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt d'autant qu'elle ne justifie pas avoir fidèlement répercuté les instructions précises qu'elle avait reçues à la société LTC, si ce n'est en indiquant à cette dernière "nous vous joignons factures + EUR (à faire viser) dans une enveloppe", à charge pour le premier juge d'en tirer le cas échéant toutes conséquences dans le cadre de l'action en garantie dirigée contre LTC dont il reste saisi ; que la société appelante sera donc déclarée tenue de réparer le préjudice qu'elle a causé à la société MECAGRA en raison de la mauvaise exécution du mandat qui lui avait été confié ; que les premiers juges ayant fait une juste appréciation de ce préjudice, le jugement dont appel sera confirmé de ce chef en toutes ses dispositions, par adoption de motifs, étant observé que la société appelante, recherchée directement en raison de sa faute personnelle, ne peut se prévaloir utilement des conditions limitatives de responsabilité de son donneur d'ordre CAMEXIN d'autant qu'il n'est pas démontré que ces conditions ait été connues de la société MECAGRA et que celle-ci les ait acceptées.

Considérant en revanche que la société CAMEXIN, dont la responsabilité aurait pu être également recherchée par l'expéditeur MECAGRA en sa qualité de commissionnaire principal garant de la bonne exécution des instructions reçues de son mandant, ne justifie pas d'un quelconque préjudice si ce n'est en alléguant une prétendue atteinte à son image de marque qui n'est en rien démontrée en la cause ; que le jugement déféré sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a accordé à ladite société des dommages et intérêts à hauteur de 5.000 francs et une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la société CAMEXIN étant déboutée de toutes ses prétentions et condamnée à supporter la charge de ses frais d'intervention.

Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser à la société MECAGRA la charge des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société appelante sera condamnée à lui payer, en application de l'article 700 précité, une indemnité complémentaire de 5.000 francs. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Dit recevable l'appel interjeté par la société SERTRANSIT SARL,

- Le dit mal fondé en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la société MECAGRA SA et confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant cette société,

Y faisant droit en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la société CAMEXIN-COMINSER SA, et infirmant, rejette l'ensemble des prétentions formées par ladite société CAMEXIN-COMINSER SA à l'encontre de la société SERTRANSIT SA,

Ajoutant au jugement,

- Condamne la société appelante à payer à la société MECAGRA SA une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamne également la société appelante aux entiers dépens, exceptés ceux liés à l'intervention de la société CAMEXIN-COMINSER SA qui resteront à la charge de cette dernière, et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par les avoués concernés comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-463
Date de la décision : 24/02/1998

Analyses

ACQUIESCEMENT - Acquiescement implicite - Exécution volontaire de la décision - Décision non exécutoire - Paiement de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Les articles 410 et 558 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas applicables en cas d'exécution des condamnations aux sommes allouées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ni aux dépens. Il en résulte que le fait d'exécuter, sous la contrainte d'une décision de justice revêtue de l'exécution provisoire, les condamnations prononcées y compris au titre de l'article 700 et des dépens ne vaut pas acquiescement au jugement ni renonciation à l'appel


Références :

Nouveau Code de procédure civile 410, 558, 700

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Assié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-24;1996.463 ?
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