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20/02/1998 | FRANCE | N°1997-1861

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 février 1998, 1997-1861


Le 15 mai 1982, Monsieur X... a ouvert un compte de dépôt sous le numéro 077648/10 à la B.N.P.

Suivant offre préalable acceptée le 15 novembre 1995, la B.N.P a consenti à Monsieur X... un crédit d'un montant de 100.000 Francs, remboursable en 60 mensualités de 2.378,99 Francs chacune, incluant les intérêts au taux effectif global de 15 % l'an.

En raison de la défaillance de Monsieur X..., la B.N.P a provoqué la déchéance du terme et lui a adressé une mise en demeure le 10 janvier 1992.

Le 2 avril 1996, la B.N.P a fait assigner Monsieur X... devant le Tri

bunal d'Instance de BOULOGNE-BILLANCOURT, afin d'obtenir sa condamnation au paiem...

Le 15 mai 1982, Monsieur X... a ouvert un compte de dépôt sous le numéro 077648/10 à la B.N.P.

Suivant offre préalable acceptée le 15 novembre 1995, la B.N.P a consenti à Monsieur X... un crédit d'un montant de 100.000 Francs, remboursable en 60 mensualités de 2.378,99 Francs chacune, incluant les intérêts au taux effectif global de 15 % l'an.

En raison de la défaillance de Monsieur X..., la B.N.P a provoqué la déchéance du terme et lui a adressé une mise en demeure le 10 janvier 1992.

Le 2 avril 1996, la B.N.P a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'Instance de BOULOGNE-BILLANCOURT, afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

6.153,62 Francs représentant le montant de l'indemnité légale de 8 %, 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X..., absent à l'audience mais autorisé avec l'accord du demandeur à déposer des conclusions écrites, a soulevé

l'irrecevabilité de l'action introduite par la B.N.P comme étant forclose. Il a sollicité la condamnation de la B.N.P à lui payer la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La B.N.P a répliqué que la dette de Monsieur X... avait fait l'objet d'un réaménagement et que depuis, le premier incident de paiement datait de moins de deux ans.

Par jugement réputé contradictoire en date du 14 novembre 1996, le Tribunal d'Instance de BOULOGNE-BILLANCOURT a rendu la décision suivante :

- reçoit l'action de la B.N.P, - condamne Monsieur Philippe X... au paiement à la B.N.P des sommes suivantes : * 76.920,25 Francs majoré des intérêts au taux de 15 % à compter du 22 décembre 1991, * 6.153,62 Francs représentant l'indemnité légale afférente à ce prêt, * 33.139,56 Francs représentant le solde débiteur du compte de dépôt n° 077648/10 outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 1992, - ordonne l'exécution provisoire de la décision, - condamne Monsieur Philippe X... au paiement à la B.N.P de la somme de 2.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile, - condamne Monsieur Philippe X... aux dépens.

Le 10 février 1997, Monsieur X... a interjeté appel.

En ce qui concerne la recevabilité de l'action introduite par la B.N.P, il reproche au premier juge d'avoir retenu que le 1er incident de paiement non régularisé dans le cadre d'un accord de rééchelonnement en date du 21 octobre 1992, devait être fixé au 21 mars 1995, alors que l'accord du 21 octobre 1992 avait été précédé d'un 1er rééchelonnement en date du 30 mars 1992 ; que le tribunal aurait donc fixer la date de départ du délai de forclusion à celle du 1er incident de paiement non régularisé suivant ce 1er rééchelonnement.

Il souligne que le réaménagement visé par l'article L.331-7 du Code de la consommation s'entend nécessairement d'un accord conduisant à un apurement effectif et total de la dette, condition que ne remplit pas l'accord signé le 21 octobre 1992 , puisqu'à raison d'un versement mensuel de 250 Francs, il est exclu qu'il puisse un jour s'acquitter de ce qu'il doit.

A titre subsidiaire, il soutient que la lecture des relevés de son compte chèques laisse apparaître un solde débiteur pendant plus de trois mois ; que faute d'offre préalable pour ce découvert en compte assimilé à une ouverture de crédit, la B.N.P est déchue du droit à intérêts ; que par ailleurs, si comme le prétend la banque, la reconnaissance de dette du 6 novembre 1992 constitue une novation, il lui appartenait d'établir une offre préalable pour ce nouveau crédit et ce d'autant plus que les versements effectués par lui après le prononcé de la déchéance du terme, n'ont été imputés que sur les intérêts et non le capital ; qu'à tout le moins, la banque n'est pas recevable à réclamer le paiement d'une indemnité de 8 % non prévue dans l'acte emportant soit-disant novation.

A titre infiniment subsidiaire, Monsieur X... a fait état de graves difficultés financières personnelles.

Il demande à la Cour de :

- déclarer Monsieur X... recevable et bien fondé en ses demandes, - infirmer le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de BOULOGNE-BILLANCOURT le 14 novembre 1996 en toutes ses dispositions, En conséquence, Vu l'article L.311-37 du Code de la consommation, A titre principal, - dire l'action de la B.N.P frappée de forclusion et

la déclarer irrecevable, A titre subsidiaire, Vu les articles L.311-1 et suivants du Code de la consommation, - déclarer la B.N.P déchue du droit à tout intérêt sur le solde débiteur du compte bancaire de Monsieur X... et sur le prêt n° 601.524/73, A titre infiniment subsidiaire, Vu l'article 1244-1 du code civil, - accorder à Monsieur X... les plus larges délais de paiement, - déclarer que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital, En toute hypothèse, - condamner la B.N.P à payer à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner en tous les dépens dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur la recevabilité de son action, la B.N.P répond que Monsieur X... allègue que la date du plan de rééchelonnement serait le 30 mars 1992, mais qu'il ne fixe pas la date du 1er incident de paiement; qu'en réalité ce plan ne s'est concrétisé que le 21 octobre 1992, par un 1er règlement, l'engagement signé de l'appelant n'ayant été reçu par elle que le 6 novembre 1992 ; que les remboursements ayant été honorés jusqu'au 21 février 1995, le 1er incident de paiement, date du point de départ du délai de forclusion est le 21 mars 1995.

En ce qui concerne le droit aux intérêts des sommes dues, la B.N.P fait valoir que sa créance au titre du solde débiteur du compte chèques s'est incluse dans le plan de réaménagement conclu le 21 octobre 1992, qui constitue une novation, créatrice d'une nouvelle obligation, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions des articles L.311-8 et suivants du Code de la consommation ; que de même, sa créance au titre du prêt s'est intégrée dans ce plan de réaménagement et a été partiellement apurée; que l'article L.311-37 du Code de la consommation qui prévoit l'hypothèse de rééchelonnement d'une dette initiale ne prévoit pas l'obligation pour un établissement bancaire de présenter une offre de prêt au débiteur pour la dette ainsi novée.

Elle s'oppose à tout délai de paiement en soulignant que l'appelant ne produit aucune pièce justifiant de sa précarité financière et a déjà bénéficié des plus larges délais de fait.

Elle demande à la Cour de : - déclarer Monsieur X... mal fondé en son appel, le débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions, - confirmer le jugement du 14 novembre 1996 en toutes ses dispositions, En conséquence, condamner Monsieur X... au paiement des sommes de : 6.153,62 Francs majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation du 2 avril 1996 au titre

de l'indemnité de résiliation de 8 %, * 33.139,56 Francs majorée des intérêts légaux à compter du 10 janvier 1996 au titre du solde du compte-chèques, - dire que les intérêts dus sur chacune des sommes seront capitalisés à compter de l'arrêt à intervenir et produiront eux-mêmes intérêts, - condamner, en outre, Monsieur X... au paiement des sommes de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus de l'indemnité déjà octroyée par le premier juge, - le condamner en tous les dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître JUPIN, avoué aux offres de droit, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 22 janvier 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 23 janvier 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L.311-37 du code de la consommation, dans l'hypothèse d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement des échéances impayées, le point de départ du délai de forclusion prévu par l'alinéa premier de ce même article est reporté au premier incident non régularisé après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les parties ;

Considérant que le réaménagement, permettant le report du délai de forclusion doit avoir pour but de régler toutes les conséquences de la défaillance du débiteur ; qu'il ne peut s'entendre que d'un accord permettant réellement au débiteur de se libérer de la totalité de sa dette, en principal, intérêts et frais, selon un plan d'amortissement défini et annexé à l'accord des parties ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que la proposition de Monsieur X..., contenue dans son courrier du 30 mars 1992, de verser 2.000 Francs par mois, ait été acceptée par la B.N.P ni ait été suivie d'effet ; qu'il n'y a donc pas eu accord de réaménagement à cette date ;

Considérant que par ailleurs, il ressort de l'accord signé par Monsieur X... le 21 octobre 1992 qu'il s'engage à rembourser à la banque la somme globale de 124.559,81 Francs, par mensualités égales de 500 Francs, à l'échéance du 20 de chaque mois à partir du 20 octobre 1992, ladite somme étant productive d'intérêts au taux moyen de 12 % ; qu'il y est prévu une clause de déchéance du terme ; que ces chiffres font apparaître que les versements mensuels prévus ne peuvent permettre à Monsieur X... de se libérer de sa dette, puisqu'ils sont d'un montant inférieur aux intérêts (s'élevant à 14.947,17 Francs par an, soit 1.245,59 Francs par mois) ; que par conséquent, cet accord, loin de permettre le remboursement de la dette, ne pouvait avoir pour effet que d'augmenter l'arriéré indéfiniment chaque mois ; qu'il ne peut donc être qualifié de réaménagement ou de rééchelonnement au sens de l'article L..311-37 et n'a pas eu pour effet de reporter le point de départ du délai de forclusion de l'action en paiement ;

Considérant qu'en Droit, le point de départ de ce délai est, selon le cas d'espèce, l'événement qui a donné naissance à l'action en paiement, c'est-à-dire soit pour les sommes dues au titre du prêt, la date du premier incident de paiement non régularisé et pour celles dues au titre du solde débiteur du compte, la date à laquelle il est devenu exigible, soit la date de clôture de ce compte à l'initiative de l'une ou de l'autre des parties ;

Considérant, dans le présent cas, que figure au dossier de la B.N.P la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Monsieur X..., en date du 10 janvier 1992, lui notifiant la clôture de son compte 077648/10, ainsi que l'exigibilité du solde du prêt et le mettant en demeure de payer les sommes de 40.389,56 Francs et de 84.170,25 Francs à ces deux titres ;

Considérant que par conséquent, le délai de forclusion de deux ans prévu par l'article L.311-37 du Code de la consommation a commencé à courir le 10 janvier 1992 et était expiré à la date de l'action engagée par la B.N.P. le 2 avril 1996 ; que celle-ci est donc forclose et irrecevable à agir en paiement à l'encontre de Monsieur X... ; que la Cour infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DECLARE la BANQUE NATIONALE DE PARIS forclose et irrecevable en son action à l'encontre de Monsieur X... ;

DEBOUTE la BANQUE NATIONALE DE PARIS des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la B.N.P à payer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs (TROIS MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1861
Date de la décision : 20/02/1998

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Réaménagement ou rééchelonnement de la dette - Définition.

Au sens de l'alinéa 2 de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, " le réaménagement ou le rééchelonnement " permettant le report du délai biennal de forclusion prévu par ce même article, doit avoir pour but de régler toutes les conséquences de la défaillance du débiteur ; il ne peut donc s'entendre que d'un accord permettant réellement au débiteur de se libérer de la totalité de sa dette, en principal, intérêts et frais, selon un plan d'amortissement défini et annexé à l'accord des parties. En l'espèce, tel n'est pas le cas d'un accord dont il ressort que les mensualités prévues non seulement ne suffisent pas à couvrir les intérêts fixées, mais conduisent à une augmentation indéfinie de la dette

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Découvert en compte bancaire - Date d'exigibilité du solde débiteur - Portée - /.

En application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation le point de départ du délai de forclusion biennal se situe, selon la nature de l'opération de crédit en cause, soit au jour du premier incident de paiement non régularisé pour un prêt, soit, pour un compte courant, à la date laquelle le solde est devenu exigible, c'est à dire à la date de clôture du compte. Un établissement bancaire qui notifie dans ce cas à son client la clôture de son compte courant ainsi que l'exigibilité du solde d'un prêt pour l'assigner plus de deux ans après cette notification est forclos


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-20;1997.1861 ?
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