La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/1998 | FRANCE | N°1996-0345

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 février 1998, 1996-0345


Le 2 juin 1965, Monsieur et Madame X... ont acheté pour la somme de 117.17O francs, au cours d'une vente aux enchères organisée par Maître Y..., commissaire-priseur à VERSAILLES, un tableau appartenant à Monsieur et Madame Z... et annoncé comme étant peint par A....

Souhaitant vingt ans plus tard le vendre, ils se sont adressés à la Société londonienne CHRISTIE'S qui, par une lettre du 14 février 1985, leur a fait part de son regret de les informer de ce qu'elle ne pensait pas que le tableau soit susceptible d'être universellement accepté comme authentique, s'il était m

is en vente.

Maître Y..., contre lequel ils s'étaient alors retourn...

Le 2 juin 1965, Monsieur et Madame X... ont acheté pour la somme de 117.17O francs, au cours d'une vente aux enchères organisée par Maître Y..., commissaire-priseur à VERSAILLES, un tableau appartenant à Monsieur et Madame Z... et annoncé comme étant peint par A....

Souhaitant vingt ans plus tard le vendre, ils se sont adressés à la Société londonienne CHRISTIE'S qui, par une lettre du 14 février 1985, leur a fait part de son regret de les informer de ce qu'elle ne pensait pas que le tableau soit susceptible d'être universellement accepté comme authentique, s'il était mis en vente.

Maître Y..., contre lequel ils s'étaient alors retournés, les a informés, par lettre recommandée du 25 septembre 1986, que Monsieur B..., expert milanais faisant autorité, considérait ce tableau comme douteux et qu'il avisait sa compagnie d'assurances.

Aucune solution transactionnelle n'ayant pu être obtenue, Monsieur et Madame X... ont obtenu du président du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES la désignation d'un expert et ont fait, après dépôt du rapport d'expertise, assigner Madame veuve Y..., ayant-droit de Maître Y... décédé, la M.G.F.A., et les Consorts Z..., héritiers des vendeurs.

Ils demandaient :

- la nullité de la vente,

- la restitution du prix actualisé à 72O.OOO francs,

- la somme de 5OO.OOO francs et l'attribution du tableau à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de

Procédure Civile.

Par jugement du 28 novembre 1995, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, considérant que l'erreur était insuffisamment caractérisée et que Maître Y... n'avait commis aucune faute, a débouté Monsieur et Madame X....

Monsieur et Madame X... ont interjeté appel.

Ils soutiennent que les premiers juges ont fait une lecture erronée du rapport d'expertise et, en particulier des rapports scientifiques que l'expert avait sollicités.

Ils considèrent, en outre, que Maître Y..., en recueillant l'avis de Madame Jeanne A..., fille de l'artiste, quelques jours avant la vente, plutôt que de s'adjoindre un expert, a engagé sa responsabilité professionnelle.

Ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la Cour de constater que l'oeuvre n'est pas de A..., de prononcer la nullité de la vente pour erreur sur la substance et de condamner solidairement Madame Y..., la M.G.F.A. et les ayants-droit des vendeurs à leur restituer le montant du prix, actualisé en 1995 à 754.574,8O francs.

Ils sollicitent, en outre, au titre d'un préjudice financier, la somme de 1.5OO.OOO francs au titre de la perte en capital investi et celle de 2.11O.OOO francs au titre de la perte d'une chance de plus-value.

Ils s'engagent à restituer la toile dès le règlement de ces sommes.

Ils sollicitent la somme de 1OO.OOO francs sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les Consorts Z... soulèvent l'irrecevabilité de la demande, au motif que le rapport d'expertise, sur lequel se fondent les appelants, leur serait inopposable, l'expert ne les ayant jamais convoqués.

Considérant que la preuve de l'absence d'authenticité du tableau ne

repose que sur les conclusions de l'expert, ils concluent au rejet de la demande.

Ils relèvent, en outre, son caractère exorbitant.

Ils demandent, à titre subsidiaire, la garantie de Maître Y... ou de ses ayants-droit et, à titre infiniment subsidiaire, celle de Mesdames A....

Ils sollicitent une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... et les MUTUELLES DU MANS considèrent que le Tribunal a justement relevé que les conclusions de l'expert n'étaient pas en cohérence avec le corps, beaucoup plus incertain, de son rapport et soutiennent que Monsieur et Madame X... ne rapportent, en conséquence, pas la preuve de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue.

Ils contestent toute faute et rappellent que l'obligation de restituer le prix incombe au seul vendeur.

Ils concluent à la confirmation du jugement et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X... demandent le rejet de l'exception de nullité du rapport d'expertise, en relevant que les Consorts Z... ont conclu au fond, après le rapport d'expertise, et que l'absence de convocation ne leur a pas fait grief.

Ils maintiennent que Maître Y... a commis une faute en ne s'entourant pas de toutes les garanties et rappellent que l'authenticité de l'oeuvre était une condition substantielle de la vente, le simple doute le rendant invendable.

Les Consorts Z... répliquent qu'ils ne soulèvent pas la nullité d'un acte de procédure, mais l'inopposabilité d'un rapport établi non contradictoirement, et qu'ils n'ont dès lors pas à faire la preuve

d'un grief.

Monsieur et Madame X... contestent la nullité du rapport d'expertise, dès lors que Madame Z... avait été convoquée à la première réunion d'expertise et que l'ordonnance sur requête tendant au remplacement du deuxième expert n'a pas l'obligation d'être rendue contradictoirement.

Ils font, par ailleurs, valoir que leur argumentation est fondée, outre le rapport d'expertise, sur l'avis de CHRISTIE'S et la lettre de Maître Y... du 25 septembre 1986.

Madame Y... et les MUTUELLES DU MANS contestent toute responsabilité et soutiennent que le doute ne suffit pas à annuler la vente.

Les Consorts Z... ont fait assigner en garantie Madame A... C... et Madame Laure A....

Il a été dressé un procès-verbal constatant qu'il avait été déclaré que la première était décédée et un procès-verbal conforme aux dispositions de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile pour la seconde.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 1998.

MOTIFS

- Sur le rapport d'expertise :

Attendu que les Consorts Z... ne soulèvent aucune nullité, mais font seulement valoir l'inopposabilité du rapport d'expertise pour non respect du principe du contradictoire ;

Que les dispositions des articles 112 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, que leur opposent Monsieur et Madame X..., sont relatives à la nullité des actes de procédure et sont donc inapplicables en l'espèce ;

Attendu que l'inopposabilité du rapport d'expertise sera donc examinée, bien que ceux qui l'invoquent aient conclu au fond, et sans

qu'ils aient à faire la preuve d'un grief ;

Attendu que, par ordonnance du 22 juin 1989, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a désigné Monsieur D... et Monsieur E..., experts, dans une instance en référé opposant Monsieur et Madame X... à Madame Y... et à la M.G.F.A. ;

Que cette ordonnance a été régulièrement rendue commune à Madame Françoise Z..., aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui les Consorts Z..., par une ordonnance du 7 décembre 1989 ;

Attendu qu'à la demande des experts, une ordonnance non contradictoire a désigné le 28 mars 1991 Monsieur E... seul en remplacement de Messieurs E... et D... ;

Que Monsieur E... a ultérieurement été autorisé à s'adjoindre Monsieur F... et Monsieur G... en qualité de spécialistes auprès de l'expert principal ;

Attendu que ces décisions, d'ordre administratif, relevant des pouvoirs du Juge chargé du contrôle des expertises, ne devaient pas obligatoirement être notifiées aux parties ;

Attendu que l'opposabilité doit donc être examinée au regard des seules opérations d'expertise ;

Attendu que Madame Z... a été convoquée à une première réunion d'expertise le 14 novembre 199O, à l'issue de laquelle son conseil a fait parvenir à Monsieur E... diverses pièces ;

Que c'est manifestement à l'issue de la même réunion que le conseil de Maître Y... a également adressé à l'expert, le 12 décembre 199O, un dire, accompagné de documents ;

Qu'aucune autre communication de pièces ou dire n'a été annexé au rapport d'expertise ;

Attendu qu'il peut en être déduit que la réunion du 14 novembre 199O a été la seule organisée par Monsieur E... ;

Attendu que ses autres diligences, largement décrites dans son

rapport, ont été d'ordre purement technique : rappel de l'historique de l'oeuvre de A..., analyse du style pictural du tableau, de la palette utilisée et de la signature, comparaison avec un portrait authentifié ;

Attendu que ces analyses et investigations échappaient par leur nature même à la compétence des parties et de leurs conseils et que l'expert a pu y procéder seul sans violer le principe du contradictoire;

Attendu que les Consorts Z... soutiennent enfin qu'ils n'ont jamais été destinataires du rapport d'expertise ;

Que les exemplaires du rapport de Monsieur E..., versés aux débats, ne mentionnent pas qu'il leur ait été adressé ;

Attendu qu'il sera, en conséquence, fait injonction à Monsieur E... de leur adresser un exemplaire de son rapport, afin qu'ils puissent valablement conclure au vu de celui-ci ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt avant dire droit réputé contradictoire,

Déboute les Consorts Z... de leur exception d'inopposabilité des opérations d'expertise,

Constate toutefois qu'ils n'ont pas été destinataires du rapport,

Fait injonction à Monsieur E..., expert, de communiquer à la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués des Consorts Z..., un exemplaire complet de son rapport dans le délai de un mois à compter de la signification de la présente décision,

Invite les Consorts Z... à conclure au vu de ce rapport dans le délai de deux mois à compter de sa communication,

Renvoie l'affaire devant le Conseiller de la Mise en Etat, aux fins de fixation des dates de clôture et de plaidoiries à la conférence du 14 mai 1998,

Réserve les dépens.

Arrêt prononcé par Madame PRAGER-BOUYALA, Conseiller,

Assisté de Monsieur H..., Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt,

Monsieur FALCONE, Président,

Monsieur H..., Greffier Divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-0345
Date de la décision : 20/02/1998

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Inobservation

Le rapport établi par l'expert doit respecter le principe de la contradiction. Cependant, les parties ne sauraient reprocher à une expertise de n'avoir pas respecté ce principe, lorsque l'expert, qui a convoqué les parties à ses opérations, a procédé aux diligences nécessaires, largement décrites dans son rapport, ces dernières étant d'ordre purement technique et échappant par leur nature même à la compétence des parties et de leurs conseils, ce qui lui permettait d'y procéd


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-20;1996.0345 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award