Monsieur Thierry X..., cadre supérieur au sein de la SA GROUPE ROBECO a été licencié pour faute lourde le 12 octobre 1993, après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 26 septembre 1993 et a contesté les motifs de son licenciement au cours d'une instance actuellement pendante devant la Cour sur appel d'un jugement rendu le 17 septembre 1996 par le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE.
Les 03 et 21 mars 1994, Monsieur X... a été successivement révoqué de ses fonctions de Président du Conseil d'Administration et d'Administrateur de la SA ROBECO GESTION, filiale à 99 % de la société GROUPE ROBECO.
Arguant des conditions irrégulières de ces révocations, Monsieur X... a saisi le Tribunal de Commerce de NANTERRE d'une action indemnitaire.
Par jugement du 29 septembre 1995, cette juridiction ne retenant pas les fautes alléguées, a débouté Monsieur X... de toutes ses prétentions et l'a condamné aux dépens.
Appelant de cette décision, Monsieur X... prétend avoir été victime d'un plan d'éviction ourdi par deux autres cadres du GROUPE ROBECO, Messieurs Y... et Z... pour lui nuire et l'empêcher de succéder à l'ancien Président Directeur Général Monsieur A... selon une méthode composée d'un mélange de fautes inventées, de mesures vexatoires et de manoeuvres visant à lui interdire de préparer et de présenter sa défense.
Il fait valoir, à cet effet, que les motifs invoqués de sa révocation en qualité de Président du Conseil d'Administration tenant aux faits prétendument commis dans le cadre de ses fonctions salariées démentis par les termes du jugement du Conseil des Prud'hommes de NANTERRE du 17 septembre 1996 et du refus de se démettre de ce mandat, alors que son acceptation était seulement subordonnée à la condition déterminante de l'octroi d'un quitus de gestion, sont mensongers.
Il ajoute qu'il n'a pas été convoqué à la réunion du Conseil d'Administration du 03 mars 1994, ayant pris cette décision en violation de l'article 83 du décret n° 67.236 du 23 mars 1967, en relevant que la société ROBECO GESTION est dans l'incapacité de produire l'accusé de réception de la lettre recommandée de convocation qu'elle affirme lui avoir adressée et qu'elle ne s'est nullement assurée de ce qu'il avait été réellement informé de la date de tenue du Conseil avant que celle-ci n'eut lieu et l'a ainsi privé d'un débat contradictoire.
Il en déduit que la décision de révocation intervenue le 03 mars 1994 dans des conditions brutales et vexatoires, comme assortie d'une publicité malveillante de nature à porter atteinte à sa réputation professionnelle, est abusive.
Il soutient n'avoir pu participer à l'Assemblée Générale des actionnaires de la société ROBECO GESTION du 21 mars 1994 en raison de l'interdiction d'accès aux locaux dont il a fait l'objet et constituant une mesure exceptionnelle, infamante et attentoire à ses droits, puisqu'il n'a pu présenter ses observations préalablement à sa révocation, en tant qu'administrateur, décidée selon lui de manière irrégulière.
Il sollicite, en conséquence, la somme de 1 million de francs à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, "capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil" et une indemnité de 30.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société GROUPE ROBECO GESTION conclut à la confirmation du jugement déféré, hormis du chef du rejet de sa prétention à dommages et intérêts pour procédure abusive, et réclame sur ce fondement la somme de 10.000 francs outre une indemnité de même montant en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et demande, subsidiairement, à la Cour de limiter à 1 franc le montant des dommages et intérêts revendiqués par l'appelant.
Elle dénie chacun des faits qui lui sont reprochés et dément que ses organes aient commis un abus de leur droit de révocation en estimant que la preuve d'une intention de nuire ou d'une volonté de fraude de sa part, qui seuls seraient de nature à l'établir, n'est pas rapportée, laquelle ne saurait résulter de la convocation à la réunion du Conseil d'Administration adressée à Monsieur X... dont le défaut de réception allégué ne peut lui être imputé, ni des circonstances de la révocation de ses fonctions de Président, décidée pour des motifs réels qui n'avaient pas lieu, d'ailleurs, d'être fournis puisque celle-ci peut intervenir ad nutum.
Elle soutient que Monsieur X... ne s'est jamais présenté au siège de la société afin de pouvoir assister à l'Assemblée Générale du 21 mars 1994, sans nullement en avoir été empêché par la note adressée le 28 septembre 1993 aux services d'accueil de la TOUR GAN, dont il fait, selon elle, une lecture tronquée et tendancieuse puisque cet accès était seulement subordonné à une autorisation des dirigeants.
Elle considère, en conséquence, que les griefs invoqués par Monsieur X... à son encontre sont dénués de tout fondement factuel et juridique et que la procédure qu'il a engagée l'a été dans un but autre que celui de la satisfaction des intérêts légitimes de son bénéficiaire, la rendant abusive.
La SA GROUPE ROBECO, devenue BANQUE ROBECO SA, et Monsieur Guy Y... s'estimant victimes de propos injurieux, outrageants et diffamatoires de la part de Monsieur X... dans ses écritures, sont intervenus volontairement pour en demander la suppression conformément à l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et l'octroi à chacun d'1 franc de dommages et intérêts.
En réplique, Monsieur X... conclut à l'irrecevabilité des interventions en prétendant qu'elles ne répondent pas aux conditions prescrites par les articles 325 et 554 du Nouveau Code de Procédure Civile, et subsidiairement, à leur mal fondé.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 1997.
MOTIFS DE L'ARRET :
Considérant que la Cour étant présentement saisie uniquement d'une action indemnitaire consécutive à la révocation prétendument abusive de mandats sociaux dont était titulaire Monsieur X... au sein de la société ROBECO GESTION, les multiples références faites par ce dernier à la procédure de licenciement initiée par une société distincte, sur un fondement totalement différent, obéissant à des règles propres, relevant de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale et actuellement encore l'objet d'une instance toujours en cours, pour tenter d'accréditer sa thèse et d'assimiler les deux procédures, s'avèrent inopérantes.
Considérant qu'en vertu des articles 110 et 90 de la loi du 24 juillet 1966, la révocation du Président du Conseil d'Administration et d'un administrateur d'une société anonyme, peuvent être décidées à tout moment, sans préavis, ni précision de motifs, respectivement par le Conseil d'Administration et l'Assemblée Générale ordinaire des actionnaires.
Que ces révocations peuvent néanmoins engager la responsabilité de la société si elles revêtent un caractère abusif, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles interviennent.
* Sur la révocation du mandat de Président du Conseil d'Administration
Considérant que la société GROUPE ROBECO GESTION justifie suffisamment de la transmission à Monsieur X... de la convocation à la réunion du 03 mars 1994 du Conseil d'Administration relative à la révocation de ses fonctions de Président par la production de l'original du récépissé postal de la lettre recommandée avec accusé de réception, qui en était l'objet, attestant de son dépôt et de sa prise en charge par les services postaux et de la copie de cette convocation, même si elle n'est pas en mesure de verser aux débats l'accusé de réception de ce courrier qui ne lui a pas été retourné, en dépit d'une réclamation effectuée par ses soins auprès de la Poste, le 12 août 1994, après la délivrance de l'assignation dans laquelle Monsieur X... affirmait ne pas l'avoir reçue.
Que cette convocation ayant été adressée par la voie recommandée, le 24 avril 1994, alors que les statuts de la société ne prévoient aucune modalité particulière, mais seulement la stipulation qu'elle est effectuée "par tous moyens", et ne préconisent pas de délai et que celui de 7 jours accordé en la cause avant la tenue du Conseil est suffisant, sa régularité formelle ne peut être utilement contestée.
Que Monsieur X... ne saurait ajouter aux formalités incombant à la société GROUPE ROBECO GESTION celle d'une transmission de la convocation par lettre simple qui ne correspond à aucun usage établi en matière de droit des sociétés et n'est nullement prescrite par les statuts, ni lui reprocher de ne pas avoir vérifié, avant la tenue du Conseil, le retour de l'accusé de réception revêtu de sa signature, lequel pouvait raisonnablement ne pas lui être encore parvenu une semaine après la date d'expédition.
Considérant, par ailleurs, bien qu'il n'était pas nécessaire pour le Conseil d'Administration de la société GROUPE ROBECO GESTION de faire part des motifs ayant présidé à sa décision de révocation de son Président, prise le 03 mars 1994, que cet organe les a cependant précisés en indiquant, comme en fait foi le procès-verbal de la réunion, qu'ils tenaient au départ de Monsieur X... de la société GROUPE ROBECO et de son refus de présenter sa démission de ses fonctions de Président et d'administrateur, lesquels s'avèrent l'un et l'autre exacts, dès lors que Monsieur X... avait effectivement quitté cette société, filiale de la société intimée, après son licenciement survenu le 12 octobre 1993 et qu'en dépit de demandes formulées à cette fin à trois reprises par la société GROUPE ROBECO GESTION verbalement le 10 décembre 1993, puis par courriers des 16 décembre 1993 et 04 janvier 1994, il n'a pas entendu démissionner, sans pouvoir prétendre avoir accepté d'y procéder dans la mesure où dans sa correspondance du 14 décembre 1993, après avoir manifesté son absence d'opposition à cet égard, il a immédiatement subordonné l'accomplissement de cette formalité à la condition qu'il lui soit donné quitus de sa gestion, impossible à réaliser, puisqu'aucun quitus ne peut valablement être donné par le Conseil d'Administration à la gestion d'un mandataire social, ce qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de Président dudit conseil.
Considérant que l'énoncé objectif de ces deux faits qui correspondent à la réalité n'est assorti d'aucun commentaire désobligeant ou diffamant à l'égard de Monsieur X... de la part du Conseil d'Administration.
Considérant qu'il n'est pas démontré que cette révocation ait revêtu un caractère brutal alors qu'elle est intervenue près de cinq mois après son départ de la société mère et plus de deux mois après la demande de démission de ses mandats sociaux détenus dans la société filiale qui constitue une pratique fréquente lorsque, comme en l'espèce, le titulaire de tels mandats est en même temps lié à une autre société du GROUPE par un contrat de travail se trouvant rompu quelqu'en soit la raison et que Monsieur X... devait se douter, dès la mi-décembre 1993, qu'à défaut de répondre à cette requête le Conseil d'Administration, comme la loi l'y autorise, le révoquerait.
Considérant enfin, que Monsieur X... ne peut valablement invoquer une communication de la décision de révocation dans la presse ou aux instances professionnelles émanant de la société GROUPE ROBECO GESTION, dans la mesure où la preuve n'est pas rapportée que l'Association Française des Sociétés Financières ait été informée d'une révocation, même si cette société admet l'avoir avisé du changement de représentant légal comme elle y était tenue en tant qu'adhérent sans que cet élément ne puisse se révéler déshonorant, ni que la société intimée puisse porter une quelconque responsabilité au sujet de l'article d'un journaliste paru le 06 octobre 1993 dans l'AGEFI, au demeurant antérieurement aux révocations objet du présent litige et dont le directeur de rédaction a d'ailleurs reconnu dans un courrier transmis le 14 décembre 1993 à la société GROUPE ROBECO FRANCE, que certains termes étaient excessifs.
Considérant dans ces conditions, que cette révocation ne saurait être qualifiée d'abusive.
* Sur la révocation de Monsieur X... de ses fonctions d'administrateur
Considérant qu'il n'est pas discuté que Monsieur X... ait été régulièrement convoqué, le 04 mars 1994, à l'Assemblée Générale Ordinaire des actionnaires de la société GROUPE ROBECO GESTION s'étant tenue le 21 mars 1994, dont la convocation et l'ordre du jour comprenant notamment la révocation de son mandat d'administrateur, avaient été préalablement décidés lors de la réunion du Conseil d'Administration du 03 mars 1994.
Considérant toutefois, que Monsieur X... prétend qu'il aurait été empêché d'assister à cette assemblée par la société intimée en faisant état de la note adressée le 28 septembre 1993 par la société GROUPE ROBECO aux services d'accueil de la Tour de la Défense où sont situés les locaux de cette dernière.
Considérant cependant, que contrairement à ce qu'il soutient, les termes clairs de cette note attestent qu'il ne lui a été nullement interdit l'accès des locaux de la société GROUPE ROBECO GESTION, mais seulement subordonné l'accès de ceux de la société GROUPE ROBECO à une autorisation de ses dirigeants, laquelle se trouvait justifiée à l'époque où cette décision a été prise puisque Monsieur X... avait déjà été mis à pied à titre conservatoire, 4 jours auparavant, dans le cadre de la procédure de licenciement dont il faisait l'objet.
Que d'ailleurs le témoignage de Mademoiselle LE B... confirme que début octobre 1993, Monsieur X... a pu se rendre au sein de la société GROUPE ROBECO tandis qu'il n'est démontré par aucun document que celui-ci se soit effectivement présenté au siège de la société le jour de l'Assemblée Générale du 21 mars 1994, ni a fortiori, qu'il ait été d'une autre manière imputable à la société GROUPE ROBECO GESTION, empêché d'y participer.
Que dûment avisé de sa tenue, il a donc délibérément choisi de ne pas s'y rendre et s'est ainsi privé de son propre chef de la faculté qui lui était réservée de présenter toutes les observations qu'il aurait estimé utiles, ce qu'il ne saurait sérieusement reprocher à la société intimée.
Considérant que Monsieur X... ne peut davantage soutenir que la procédure d'autorisation était attentoire à ses droits d'actionnaire, dès lors que copie du procès-verbal de l'Assemblée lui a été transmise le 20 avril 1994 après que, par ailleurs, celle de la réunion du Conseil d'Administration du 03 mars 1994 lui ait été adressée le 21 mars 1994 sur sa demande du 18 mars 1994 et qu'en réponse à son courrier du 06 juin 1994, la société GROUPE ROBECO GESTION, par lettre du 10 juin suivant, l'a assuré de son absence totale d'opposition à ce qu'il pénètre dans ses locaux lorsque cette demande tendrait à l'exercice de ses prérogatives d'actionnaire sans qu'il ne soit démontré un quelconque manquement à cet engagement.
Considérant dans ces conditions, que cette révocation n'est pas non plus abusive et que le tribunal a, à juste titre, débouté Monsieur X... de toutes ses prétentions.
* Sur les interventions volontaires de la SA BANQUE ROBECO et de Monsieur Y...
Considérant que la société GROUPE ROBECO, devenue BANQUE ROBECO et Monsieur Y..., son dirigeant qui, ni parties, ni représentées en première instance, s'estiment victimes de propos injurieux, outrageants et diffamatoires à leur égard figurant dans les écritures prises devant la Cour par Monsieur X..., ont un intérêt indéniable à intervenir volontairement en cause d'appel pour en solliciter réparation, ces interventions se rattachant, en outre, par un lien suffisant avec les prétentions originaires dès lors qu'elles tendant à obtenir la suppression de passages de conclusions de l'appelant visant à accréditer sa thèse de "plan d'éviction" tant de ses fonctions salariales que de ses mandats sociaux prétendument mis en place contre lui et même de concert par les deux sociétés du groupe et deux cadres supérieurs de la société GROUPE ROBECO dont seul Monsieur Y... est demeuré en son sein, en devenant son dirigeant, qui constitue le fondement de son argumentation bien que reposant uniquement sur de simples supputations et comme telle un moyen directeur dans la conduite de sa défense développée de la sorte aux fins qu'il soit fait droit à ses propres demandes.
Que ces interventions sont dès lors recevables.
Considérant que si les propos incriminés se révèlent excessifs et critiquables en ce qu'ils nuisent à la nécessaire sérénité des débats, il n'en demeure pas moins qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'un procès judiciaire où la liberté de parole comme moyen d'expression des droits de la défense doit être la plus étendue possible et qu'il n'est pas démontré qu'ils présentent les éléments constitutifs des délits invoqués.
Que les demandes en suppression et en dommages et intérêts des intervenants seront donc rejetées.
* Sur les autres demandes
Considérant que la société GROUPE ROBECO GESTION ne démontrant pas que le droit d'ester en justice de Monsieur X... ait dégénéré en abus, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée.
Que l'équité justifie, en revanche, de lui allouer une indemnité de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Que Monsieur X... qui succombe en son appel et supportera les dépens, n'est pas fondé en sa prétention au même titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
- Déboute Monsieur Thierry X... de toutes ses demandes,
- Déclare la BANQUE ROBECO SA et Monsieur Guy Y... recevables en leur intervention volontaire,
- Les déboute de leurs prétentions,
- Rejette la demande en dommages et intérêts de la SA GROUPE ROBECO GESTION,
- Condamne Monsieur Thierry X... à verser à la SA GROUPE ROBECO GESTION une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Le déboute de sa demande sur le même fondement,
- Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître BOMMART, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.