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13/02/1998 | FRANCE | N°1997-751

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 février 1998, 1997-751


Suivant acte sous seing privé en date du 12 septembre 1995 la Société COFINOGA a consenti à Monsieur X... une ouverture de crédit utilisable par fractions au taux effectif global de 20,40 %, assortie d'une carte de crédit et remboursable mensuellement.

Le 16 août 1996, la société COFINOGA a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes de 12.594, 53 Francs au titre du solde débiteur du compte, outre les intérêts au taux contractuel et l'indemnité légale de 8 %, 1.000 Francs à titre

de dommages-intérêts pour résistance abusive et 1.000 Francs sur le ...

Suivant acte sous seing privé en date du 12 septembre 1995 la Société COFINOGA a consenti à Monsieur X... une ouverture de crédit utilisable par fractions au taux effectif global de 20,40 %, assortie d'une carte de crédit et remboursable mensuellement.

Le 16 août 1996, la société COFINOGA a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes de 12.594, 53 Francs au titre du solde débiteur du compte, outre les intérêts au taux contractuel et l'indemnité légale de 8 %, 1.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 1.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Monsieur X..., régulièrement cité en mairie, n'a pas comparu ni fait comparaître pour lui.

Par jugement réputé contradictoire en date du 29 octobre 1996, le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur Fabrice X... à payer à la S.A COFINOGA la somme de 11.324 Francs avec intérêts au taux contractuel de 18,48 % à compter du 21 mai 1996, - déboute la S.A COFINOGA du surplus de sa demande, - ordonne l'exécution provisoire, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne Monsieur Fabrice X... aux dépens.

Le 17 janvier 1997, Monsieur X... a interjeté appel.

Il soutient que l'achat qui motive les poursuites de la Société COFINOGA n'a pas été effectué par lui, la facture correspondante ne portant ni son nom, ni sa signature ; que d'ailleurs la carte utilisée pour cet achat n'est pas celle dont il était titulaire ; que la Société COFINOGA a indiqué dans un courrier du 25 mars 1997 que la carte utilisée pour l'achat litigieux est une carte de remplacement délivrée le 30 décembre 1995 au magasin GALERIES LAFAYETTE ; que pourtant, cette carte ne lui a pas été délivrée à lui-même, car il séjournait alors dans le Var ; que la Société COFINOGA a commis une faute en délivrant cette carte en remplacement à une autre personne que lui, seul bénéficiaire de l'ouverture de crédit ; qu'elle n'établit d'ailleurs pas qu'elle l'aurait délivrée à son épouse; qu'en tout état de cause, il avait pris soin de ne pas mentionner celle-ci dans l'offre souscrite en septembre 1995, car il état alors séparé d'elle ; que les dispositions de l'article 220 du code civil n'ont donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Monsieur X... fait observer, en outre, que dès réception du relevé de compte mensuel de février 1996, où figurait la 1ère échéance du crédit correspondant à cet achat, il a fait opposition à tout prélèvement sur son compte bancaire et a adressé à la Société COFINOGA un courrier recommandé lui expliquant qu'il n'avait pas utilisé sa carte ; qu'en mars 1996, il a retourné la seule carte en sa possession au service clientèle des GALERIES LAFAYETTE à PARIS.

Il souligne enfin que les poursuites engagées contre lui et son inscription au fichier central des incidents de paiement, maintenue à ce jour, sont manifestement abusives et l'ont empêché de contracter tout crédit et en particulier, d'acheter un appartement.

Il demande à la Cour de : - le dire recevable et bien fondé en son appel, - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - débouter la Société COFINOGA de toutes ses demandes,

- condamner la Société COFINOGA à verser à Monsieur X... la somme de 120.000 francs à titre de dommages et intérêts, - enjoindre à la Société COFINOGA de faire procéder à ses frais, à la radiation de

l'inscription de Monsieur X... au registre central des incidents de paiement, - dire que la Société COFINOGA devra accomplir cette demande dans les huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 1.000 francs par jour de retard.

- condamner la Société COFINOGA à lui payer la somme de 5.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner la Société COFINOGA en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société COFINOGA fait valoir que si Monsieur X... n'avait pas été à l'origine de l'achat effectué avec une carte de crédit dont il prétend qu'elle ne serait pas la sienne, il n'aurait pas manqué de s'en défendre à réception de la mise en demeure du 21 mai 1996, signée par lui, ou devant le tribunal ; que ce n'est que le 21 mars 1997, en cours de procédure d'appel, qu'il a pris contact par téléphone avec elle pour solliciter une copie de la facture d'achat et du contrat de crédit ; que l'ancienne carte de crédit de Monsieur X... (n° 306005 8878143328) a fait l'objet d'un changement au magasin des GALERIES LAFAYETTE de PARIS HAUSSMANN, le 30 décembre 1995, changement sollicité par l'épouse de Monsieur X..., Héléna ; que Monsieur X... n'explique pas comment la carte initiale s'est

trouvée dans les mains de Madame X..., dont il n'avait pas signalé l'existence lors de la souscription de l'offre préalable de crédit ; que l'utilisation de la carte par le conjoint n'est pas interdite par ce contrat, puisqu'il y est prévu que pour permettre au conjoint d'utiliser l'ouverture de crédit, le souscripteur lui donne mandat pour agir solidairement et conjointement avec lui, ce par application de l'article 220 du Code civil ; que les règles de la solidarité ménagère doivent donc être appliquées.

La Société COFINOGA demande à la Cour de :

- dire Monsieur X... recevable mais mal fondé en son appel,

- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- réformer la décision entreprise, - condamner Monsieur X... à payer à la Société COFINOGA la somme de 12.594,53 francs représentant le solde du crédit avec intérêts au taux de 18,48 % à compter du 21 mai 1996, date de la mise en demeure, - allouer à la Société COFINOGA la somme de 3.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur Y... aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP LEFEVRE ET TARDY, avoués à VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 18 décembre 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 15 janvier 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la Société COFINOGA verse aux débats l'original de l'offre préalable d'ouverture de crédit, signée par Monsieur X... le 12 septembre 1995; que le numéro de la carte de crédit y figurant est 306005 8878174332 8 ; que sur la fiche de renseignements annexée au contrat, il est indiqué que Monsieur X... est célibataire ; qu'aucun renseignement n'est donné concernant un conjoint éventuel ; Considérant que Monsieur X... produit quant à lui, la lettre que lui a adressée la Société COFINOGA le 25 mars 1997, par laquelle, déclarant faire suite à une communication téléphonique du 21 mars 1997, elle lui communiquait la photocopie du contrat de crédit et de

la facture de l'achat de 11.324 Francs ayant donné lieu au crédit litigieux ; que la Société COFINOGA, pour la première fois y évoque la délivrance de la carte portant le numéro 306005 88756534074, en remplacement de la carte 306005 8878174332 8, le 30 décembre 1995 ;

Considérant qu'effectivement la facture de l'achat du 31 janvier 1996, d'un montant de 11.324 Francs, au nom de HELENA X... porte le numéro de carte 306005 88756534074 ;

Considérant que certes, Monsieur X... ne justifie pas avoir fait opposition à tout prélèvement sur son compte bancaire dès réception du relevé de compte mensuel de février 1996 de la Société COFINOGA, ni avoir retourné sa carte de crédit au service clientèle des GALERIES LAFAYETTE à PARIS en mars 1996 ;

Considérant que cependant, en vertu de l'article 1315 du Code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ; que la Société COFINOGA doit donc apporter la preuve de l'engagement de Monsieur X... ;

Considérant que la Société COFINOGA ne produit aucun document relatif au changement de la carte de crédit ; qu'elle n'établit donc pas qui en a fait la demande et au vu de quels documents la nouvelle carte a été délivrée ; que dans la mesure où Monsieur X... n'avait pas déclaré être marié lors de la souscription de l'offre de crédit, la Société COFINOGA aurait dû obtenir de celui-ci une nouvelle déclaration avant de faire bénéficier son conjoint du crédit accordé à Monsieur X... seul, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait ;

Considérant qu'il résulte donc des pièces versées au dossier et qu'il est reconnu par la Société COFINOGA que l'achat effectué le 31 janvier 1996, en utilisant la carte de crédit 306005 88756534074, l'a été par Madame HELENA X..., alors que celle-ci n'était pas partie au contrat de crédit ;

Considérant que l'article 220 du Code civil énonce en son alinéa 1er le principe de la solidarité entre époux pour les dettes ménagères, auquel il apporte des exceptions dans ses alinéas 2 et 3 ; qu'en vertu de l'alinéa 3, la solidarité n'a pas lieu, "s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempéraments ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante" ;

que par conséquent, la dette née d'un contrat d'achat à tempérament est exclue de la solidarité prévue par l'article 220, peu important le montant de l'achat ; que même à considérer que la créance dont se prévaut l'intimée résulte d'un emprunt, celui-ci d'un montant de 11.324 Francs, ne peut être qualifié de modeste au regard du revenu déclaré de Monsieur X... (15.000 Francs par mois) ;

Considérant que la Société COFINOGA ne peut pas davantage opposer les dispositions du contrat selon lesquelles le souscripteur donne mandat à son conjoint d'agir solidairement et conjointement avec lui sur le fondement de l'article 220 du Code civil, puisque Monsieur X..., en ne déclarant pas son conjoint, a implicitement refusé de lui donner ce mandat ;

Considérant que par conséquent, la Société COFINOGA n'est pas fondée à invoquer les règles applicables à la solidarité entre époux pour réclamer le paiement à Monsieur X... d'un crédit correspondant à un achat effectué par son épouse, au moyen d'une carte de crédit qui n'était pas celle délivrée lors de la souscription de l'offre préalable de crédit ; que la Société COFINOGA ne rapporte donc pas la preuve de l'obligation de Monsieur X... ;

Considérant que, par conséquent, la Cour infirme le jugement déféré et déboute la Société COFINOGA de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur X... ;

Considérant que l'appelant ne produit aucune pièce relative à l'inscription au Fichier central des incidents de paiement ; que par conséquent, la Cour le déboute de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la Société COFINOGA de faire procéder à la radiation de cette inscription, sous astreinte ; que surtout, Monsieur X... ne produit aucun document relatif au préjudice qui serait résulté pour lui de cette inscription, notamment quant à l'impossibilité qu'il allègue, d'obtenir un crédit pour financer l'achat d'un logement ; que faute de justifier d'un quelconque préjudice imputable à la Société COFINOGA, la Cour le déboute de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DEBOUTE la Société COFINOGA des fins de toutes ses demandes ;

DEBOUTE Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la Société COFINOGA à payer à Monsieur X... la somme de 3.000 Francs (TROIS MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700

du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile et de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-751
Date de la décision : 13/02/1998

Analyses

SOLIDARITE - Cas - Mariage

Si l'article 220 alinéa 1er du code civil énonce le principe de la solidarité entre époux pour les dettes ménagères, aux termes des alinéas 2 et 3 du même article "la solidarité n'a pas lieu (...) s'ils n'ont été conclu du consentement des deux époux pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante". Le souscripteur d'un compte permanent qui, au vu des dispositions contractuelles selon lesquelles le signataire donne mandat à son conjoint d'agir solidairement et conjointement avec lui sur le fondement de l'article 220 du code civil, ne déclare pas son conjoint, en se mentionnant célibataire, refuse ainsi implicitement de donner mandat. Un achat à tempérament dont le montant représente les trois quarts du montant du salaire de l'emprunteur ne peut être qualifié, au sens de l'alinéa 3 de l'article 220 ci-dessus, de "modeste". Il en résulte qu'en l'espèce, l' établissement de crédit qui poursuit le remboursement d'un crédit dont il est établi qu'il correspond à un achat effectué par l'épouse du titulaire du compte et au moyen d'une carte différente de celle délivrée lors de la souscription du contrat, ne rapporte pas la preuve de l'obligation du titulaire du compte


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-13;1997.751 ?
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