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12/02/1998 | FRANCE | N°1996-1481

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 février 1998, 1996-1481


Le Docteur X..., médecin électroradiologiste, était actionnaire de la société STS IRM et avait passé le 10 septembre 1987 avec cette société un contrat portant sur l'utilisation d'un appareil IRM (Imagerie à Résonance Magnétique) pendant huit heures hebdomadaires. En raison de conditions économiques nouvelles (existence de nouveaux concurrents et baisse du forfait technique), le conseil d'administration a décidé en mars 1995 de modifier les conditions d'utilisation de l'IRM, en imposant à chaque utilisateur un minimum de 17 examens par vacation de 8 heures, sous peine de devoir

reverser à la société une somme de 535 F par examen manquant. ...

Le Docteur X..., médecin électroradiologiste, était actionnaire de la société STS IRM et avait passé le 10 septembre 1987 avec cette société un contrat portant sur l'utilisation d'un appareil IRM (Imagerie à Résonance Magnétique) pendant huit heures hebdomadaires. En raison de conditions économiques nouvelles (existence de nouveaux concurrents et baisse du forfait technique), le conseil d'administration a décidé en mars 1995 de modifier les conditions d'utilisation de l'IRM, en imposant à chaque utilisateur un minimum de 17 examens par vacation de 8 heures, sous peine de devoir reverser à la société une somme de 535 F par examen manquant.

Cette décision a été entérinée par les assemblées générales extraordinaires tenues les 2 mai et 11 juillet 1995.

C'est dans ces conditions que le Docteur X... a saisi d'une demande de suspension des résolutions votées par l'assemblée générale le juge des référés du tribunal de commerce de Pontoise, lequel, par application de l'article 788 alinéa 4 du N.C.P.C., a donné l'autorisation d'assigner à jour fixe devant le juge du fond.

Par jugement en date du 16 janvier 1996, après avoir rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société STS IRM, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la résiliation du contrat du 10 septembre 1987 aux torts de STS IRM et l'a condamnée à payer au Docteur X... une somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter du 1er septembre 1995 et 25.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Les premiers juges ont considéré que le Docteur X... était recevable à agir en sa double qualité d'actionnaire et de cocontractant de la société STS IRM.

Sur le fond, ils ont estimé que cette dernière avait apporté au contrat une modification substancielle justifiant que sa résiliation fût prononcée à ses torts, que le Docteur X... était fondé à refuser de se soumettre à des critères de rentabilité contraires à la déontologie médicale, que l'indemnisation de son préjudice devait être tempérée et que les intérêts légaux devaient être calculés à compter de la date retenue par STS IRM pour contraindre le Docteur X... à accepter une obligation de rendement.

La société STS IRM a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 23 janvier 1996.

Elle a fait grief aux premiers juges d'avoir dénaturé ses moyens d'irrecevabilité qui tenaient en premier lieu au défaut du droit d'agir du Docteur X... et en second lieu au fondement erroné de ses demandes principales.

Elle a, en effet, fait valoir que le Docteur X... ayant agi en référé en sa seule qualité d'actionnaire pour solliciter la suspension des résolutions votées par les assemblées générales, le juge du fond saisi en vertu de l'article 788 alinéa 4 du N.C.P.C. avait compétence liée et ne pouvait donc connaître de la demande de résiliation du contrat formé par le Docteur X... en sa qualité d'utilisateur.

Sur le fond, elle a fait valoir que la résiliation du contrat était le fait du Docteur X..., que s'agissant d'un contrat à durée indéterminée il pouvait être résilié à tout moment sous réserve de l'absence d'abus de droit, ce qui en l'espèce était le cas puisqu'elle avait respecté un délai de préavis de trois mois, que la modification de la convention initiale était justifiée par la décision du Ministère de la Santé de diminuer le forfait technique et qu'en bon gestionnaire et dans l'intérêt social, elle devait prendre les décisions critiquées par le Docteur X... pour éviter des déficits, qu'enfin l'intimé ne justifiait pas de son préjudice.

Elle a donc conclu au débouté du Docteur X... de toutes ses demandes et a sollicité, à titre reconventionnel, une somme de 200.000 francs en réparation de l'atteinte portée à son image de marque, une somme de 222.000 F en réparation de son manque à gagner et une somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Le Docteur X... a répliqué que la technique dite de la passerelle fondée sur les dispositions de l'article 788 alinéa 4 du N.C.P.C. n'avait aucune incidence sur le fond du litige, que la modification des dispositions contractuelles avait un caractère illicite dès lors qu'elle tendait à le contraindre à une obligation de rendement contraire à la déontologie médicale, que les nécessités économiques avancées par le conseil d'administration pour justifier sa décision n'existaient pas, que l'octroi d'un préavis ne saurait justifier une rupture sans cause objective, que son préjudice avait été sous-estimé par les premiers juges.

Il a donc conclu à la confirmation de la décision entreprise, sauf à porter à 2 millions de francs l'indemnisation de son préjudice.

Il a sollicité en outre une somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Il a par ailleurs sollicité le rejet des débats des conclusions récapitulatives signifiées par l'appelante la veille de la clôture.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions récapitulatives de la société STS IRM ;

Considérant que l'autorisation d'assigner à jour fixe que donne le président du tribunal saisi d'une procédure de référé est une simple mesure d'administration judiciaire, qui ne peut en aucun cas avoir pour effet de restreindre le contenu de l'assignation aux moyens développés en référé ;

Considérant qu'ainsi, le Docteur X..., qui avait assigné la société STS IRM en référé en sa qualité d'actionnaire en arguant d'un abus de majorité, pouvait compléter ou modifier sa demande devant le juge du fond pour solliciter en sa qualité de cocontractant la résiliation du contrat ;

Considérant que la société STS IRM a pris, par courrier du 14 septembre 1995, l'initiative de mettre un terme à la convention qui la liait au Docteur X..., dès lors que celui-ci n'acceptait pas les modifications au contrat qu'elle entendait lui imposer ;

Considérant que s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, la société STS IRM pouvait certes le résilier à tout moment, mais à la condition non seulement d'accorder un délai de préavis suffisant, mais encore de justifier d'un motif qui ne fût ni fallacieux, ni illicite ;

Considérant que la société STS IRM ne peut pas raisonnablement soutenir avoir satisfait à ses obligations, seulement en ayant consenti un préavis de trois mois au Docteur X... ;

Considérant qu'elle justifie essentiellement sa décision de modifier la convention initiale par les menaces que faisait peser sur son équilibre financier la décision du Ministre de la Santé de diminuer le taux du forfait technique ;

Mais considérant que s'il est certain que la décision ministérielle allait interdire à la société de reproduire ses bénéfices substanciels des années précédentes, rien ne prouve en revanche qu'elle aurait eu des conséquences irrémédiables sur l'existence de la société ;

Considérant surtout, que la société STS IRM ne pouvait pas, pour des motifs purement économiques, imposer à des médecins, sous peine de sanctions financières, une véritable "obligation de rendement" contraire à l'éthique et à la déontologie médicale ;

Que de plus, elle leur faisait commettre des actes illégaux, en les incitant à prescrire des examens inutiles dans le seul but de respecter les quotas imposés, et ainsi de faire verser par les organismes sociaux des sommes indues ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société STS IRM était responsable de la rupture des relations contractuelles ;

Considérant qu'il convient en revanche de le réformer quant à l'indemnisation du préjudice ;

Considérant qu'en effet, il apparaît que, contrairement à ce qu'avaient envisagé les premiers juges, le Docteur X... n'a pas retrouvé de centre IRM et tous les centres de la région parisienne sont complets et insusceptibles de l'accueillir dans un avenir prévisible ;

Considérant que la cour dispose des éléments suffisants pour porter à 500.000 F l'indemnisation de son préjudice ;

Considérant qu'il paraît, en outre, inéquitable de laisser à sa charge la totalité des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens;

Qu'il lui sera alloué de ce chef une somme de 25.000 F

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à rejet des débats des conclusions récapitulatives de l'appelante ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a alloué au Docteur X... une somme de 200.000 F avec intérêts à compter du 1er septembre 1985 à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société STS IRM dite IRM PARIS NORD à payer au Docteur X... une somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

La condamne à lui payer une somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;

La déboute de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

La condamne aux dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP DELCAIRE BOITEAU, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1481
Date de la décision : 12/02/1998

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Demande - Demande additionnelle - Recevabilité

L'autorisation d'assigner à jour fixe que donne le président du tribunal saisi d'une procédure de référé est une simple mesure d'administration judiciaire qui ne peut, en aucun cas, avoir pour effet de restreindre le contenu de l'assignation aux moyens développés en référé. Un médecin autorisé à assigner en référé, à jour fixe, en sa qualité d'actionnaire, une société, sur le fondement d'un abus de majorité, peut, devant le juge du fond, compléter ou modifier sa demande pour solliciter, en sa qualité de cocontractant, la résiliation du contrat d'utilisation d'un matériel IRM le liant à la même société


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-12;1996.1481 ?
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