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05/02/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006935027

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 février 1998, JURITEXT000006935027


La société MATHER PLATT WORMALD s'est vue confier par la société SPIE BATIGNOLLES la conception d'ensembles de systèmes de protection contre l'incendie destinés à un marché situé au YEMEN.

Dans le cadre de ce contrat, la société MATHER PLATT WORMALD a demandé à Monsieur X..., exerçant sous l'enseigne NORMECA NORMELEC, de lui fournir un ensemble de moto-pompes DIESEL.

Ce matériel a été livré par Monsieur X... en avril et mai 1990 mais il a été refusé par la société SPIE BATIGNOLLES qui a contesté la conformité dudit matériel avec les exigences contractu

elles et notamment avec la norme américaine NFPA 20.

A la demande de la société MAT...

La société MATHER PLATT WORMALD s'est vue confier par la société SPIE BATIGNOLLES la conception d'ensembles de systèmes de protection contre l'incendie destinés à un marché situé au YEMEN.

Dans le cadre de ce contrat, la société MATHER PLATT WORMALD a demandé à Monsieur X..., exerçant sous l'enseigne NORMECA NORMELEC, de lui fournir un ensemble de moto-pompes DIESEL.

Ce matériel a été livré par Monsieur X... en avril et mai 1990 mais il a été refusé par la société SPIE BATIGNOLLES qui a contesté la conformité dudit matériel avec les exigences contractuelles et notamment avec la norme américaine NFPA 20.

A la demande de la société MATHER PLATT WORMALD, un expert Monsieur Y... a été désigné en référé par ordonnance du 13 septembre 1990. L'expert a déposé son rapport le 28 juin 1991.

Se fondant sur les conclusions de l'expert, la société MATHER PLATT WORMALD a fait assigner Monsieur X..., exerçant sous l'enseigne NORMECA NORMELEC, pour obtenir la condamnation de ce dernier à lui payer la somme en principal de 410.086 francs correspondant d'une part, aux frais engagés à hauteur de 209.086 francs et d'autre part, aux pénalités réglées au maître d'oeuvre pour 130.000 francs, outre les intérêts de droit, la capitalisation des intérêts et une indemnité de 40.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 29 juin 1993, le tribunal a débouté la société MATHER PLATT WORMALD de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur X... une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile après avoir essentiellement retenu :

- que Monsieur X... n'avait aucune part à la conception de l'ensemble de l'installation ou de protection contre l'incendie ne

possédant pas, notamment, le cahier des charges globales de l'opération,

- qu'il aurait pleinement rempli son devoir de conseil,

- que la rédaction des organes de contrôle serait tardive.

*

Appelante de cette décision, la société MATHER PLATT WORMALD lui a reproché de n'avoir tenu aucun compte non seulement de documents contractuels versés aux débats mais encore des conclusions de l'expert désigné en référé.

A cet égard, elle a fait valoir que Monsieur X..., avec qui elle travaillait habituellement, avait en mains l'ensemble des documents contractuels et notamment le cahier des charges édité par la société SPIE BATIGNOLLES ; qu'il avait l'obligation de choisir des pompes d'une capacité correspondant aux spécifications de la norme NFPA 20 visée aux documents contractuels ; que l'expertise a clairement révélé qu'il n'avait pas satisfait à ses obligations ; qu'en tant que professionnel, il doit être tenu pour responsable du refus des matériels livrés et condamné à réparer l'entier préjudice qui en est résulté pour elle. Elle a demandé en conséquence que lui soit alloué l'entier bénéfice de son exploit introductif d'instance et que Monsieur X... soit condamné à lui payer une indemnité de 50.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... a fait valoir en réplique qu'il avait parfaitement respecté les normes du cahier des charges qui lui a été communiqué ; que la difficulté rencontrée tient aux conditions d'alimentation en eau des pompes dont il ne serait être tenu pour responsable ; que l'expert a commis, sur ce point, une erreur grossière d'appréciation.

Il a conclu en conséquence à la confirmation du jugement déféré sauf à se voir accorder la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation commerciale et une indemnité complémentaire de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Plus subsidiairement, il a contesté l'étendue du préjudice prétendument subi par l'appelante.

Par arrêt avant dire droit en date du 23 mars 1995, la Cour d'Appel de ce siège a considéré que l'expert Monsieur Y... n'avait pas répondu au problème de stockage de l'eau et qu'il n'était pas possible, en l'état, de dire si les pompes avaient, comme il est prétendu par Monsieur X..., une capacité suffisante conforme aux normes contractuelles à la condition toutefois d'adapter les conditions de stockage aux caractéristiques desdites pompes. En conséquence de quoi, un nouvel expert a été désigné en la personne de Monsieur Jacques Z... avec mission de :

- prendre connaissance des pièces du marché,

- se faire remettre par les parties, ainsi que par la société GUINARD KLB, fabricant des pompes, tous documents techniques nécessaires,

- donner son avis sur la conformité des pompes livrées par rapport à l'ensemble des pièces contractuelles,

- donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et de chiffrer les dommages qui ont pu être subis.

L'expert Monsieur Z... a déposé son rapport le 18 octobre 1996.

Concluant en ouverture de ce deuxième rapport, la société MATHER PLATT WORMALD soutient qu'il est désormais clairement établi, comme l'a vérifié l'expert, que Monsieur X... avait l'obligation contractuelle de vérifier les courbes de puissance et de s'assurer que les pompes fournies étaient susceptibles de répondre à l'usage

auquel elles étaient destinées, ce qu'il pouvait aisément faire à partir des schémas d'installation qui lui ont été communiqués. Elle déduit de là que la non conformité du matériel livré est désormais indiscutablement établie et demande que lui soit alloué le bénéfice intégral de ses précédentes demandes.

*

La SARL NORMECA NORMELEC, qui vient désormais aux droits de Monsieur X..., à la suite de l'apport effectué à par ce dernier à ladite société du fonds de commerce qu'il exploitait en nom propre, relève tout d'abord un certain nombre d'insuffisances et de confusions commises par l'expert, susceptibles de nuire à une bonne compréhension du litige et à sa solution, notamment en ce qui concerne les relations contractuelles.

Elle persiste à soutenir que le matériel qu'elle a livré était en totale conformité avec les termes de la commande qu'elle a reçue de la société MATHER PLATT WORMALD, professionnelle au même titre qu'elle, et que les difficultés rencontrées sur le site sont la conséquence d'une inadéquation de la commande aux besoins de l'installation, ce qui ne saurait lui être imputée à faute dès lors qu'elle n'était qu'un simple fournisseur du matériel. Elle demande, en conséquence, que lui soit accordé le bénéfice de ses précédentes écritures sauf à voir porter l'indemnité complémentaire qu'elle réclame au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de 20.000 à 30.000 francs. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'un fournisseur de matériel a l'obligation de s'assurer de l'exacte conformité du produit qu'il livre, aux spécificités de la commande qu'il a reçue ; qu'en contrepartie, l'acheteur, professionnel de la même spécialité, a l'obligation de faire

apparaître clairement dans les documents contractuels, les qualités ou spécificités qu'il attend du produit commandé et de s'assurer que ce produit, tel que défini, répondra aux besoins précis de son propre client.

Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que la société MATHER PLATT WORMALD a commandé, les 24 janvier et 03 février 1989, une étude de marché pour un ensemble de groupes moto pompes DIESEL, cette commande faisant référence à la norme NFPA 20 avec la mention "pompes en charge" ; que Monsieur X... a envoyé ses prix unitaires par télécopie du 1er février 1989 et un dossier technique très détaillé, le 05 septembre 1989 ; que le 31 octobre 1989, MATHER PLATT WORMALD, après analyse de ce dossier, a passé commande ; que le 24 janvier 1990, MATHER PLATT WORMALD a réclamé à Monsieur X... une "procédure d'essais de réception pour soumission à l'ingénieur conseil" ; que cette procédure s'est déroulée dans les ateliers de Monsieur X... sans faire l'objet de réclamation de la part de la société MATHER PLATT ; que le 24 juillet, après livraison et à la suite des observations de SPIE BATIGNOLLES, MATHER PLATT a fait état "d'une non conformité du matériel fourni et a réclamé des courbes NPSH réelles".

Considérant que l'expert Monsieur Z... a retenu, après une analyse approfondie des éléments de la cause et sans être utilement contredit "qu'il est indiscutable que la société MATHER PLATT n'a confié à la société NORMECA NORMELEC qu'une prestation de fournisseur" (page 40 du rapport), qu'il a ajouté que les essais en plate forme, effectués en présence des représentants de la société MATHER PLATT, de la société NORMECA NORMELEC (Monsieur X...) et de la société SPIE BATIGNOLLES, ont donné des résultats satisfaisants (page 43 du rapport) ; qu'il n'en a fait pas moins grief à la société NORMECA NORMELEC de ne pas avoir demandé les valeurs NPSH réelles même si la

société MATHER PLATT se devait de les communiquer, ce qu'elle n'a fait que de façon incomplète ; qu'il en a déduit des manquements imputables à chacune des sociétés en cause, tout en mettant plus particulièrement l'accent sur ceux relevant de la responsabilité de la société NORMECA NORMELEC (Monsieur X...).

Mais considérant que les conclusions auxquelles est parvenu l'expert ne sauraient être suivies ; qu'en effet, ces conclusions révèlent, non pas une non conformité des pompes à la commande, mais leur inadaptation aux conditions d'exploitation sur le site.

Considérant qu'à cet égard, la société NORMECA NORMELEC ne peut être tenue pour responsable de cette inadaptation qu'autant que les conditions d'exploitation lui aient été révélées et que notamment lui aient été indiquées clairement par la société MATHER PLATT les spécificités techniques requises pour cette exploitation, étant observé que la société MATHER PLATT ne peut se présenter comme un simple ensemblier, non spécialiste des problèmes de pompe, alors que l'expert considère que celle-ci a une grande expérience des installations de protection contre l'incendie et donc de l'utilisation des pompes centrifuges et qu'elle se définit comme telle dans ses plaquettes publicitaires ainsi conçues "l'ingénierie du feu est une ingénierie complexe. Elle demande une parfaite connaissance de la chaîne ; fabrication des matériels, conception des systèmes, montage des installations, maintenance des équipements. Une telle accumulation de technicité ne peut se retrouver que dans une entreprise ayant une longue et très large expérience... créée en 1921 ... 520 personnes dont 160 ingénieurs et techniciens spécialisés... n° 1 de la protection incendie..".

Or, considérant qu'en l'espèce, il est suffisamment établi et acquis aux débats, comme l'a relevé l'expert Monsieur Z..., que la société MATHER PLATT n'a fourni au moment de la commande aucune précision sur

la puissance réelle nécessaire des pompes eu égard aux conditions spécifiques de l'installation qu'au demeurant l'appelante ne connaissait pas avec précision lors de la passation de la commande ; qu'il ne saurait être fait grief à la société NORMECA NORMELEC de ne pas avoir réclamé d'informations complémentaires sur ce point et d'avoir travaillé sur des puissances théoriques alors qu'il est constant que, dans les relations déjà anciennes entre les deux sociétés, cette façon de procéder était déjà couramment utilisée et que, lorsque des besoins spécifiques en matière de puissance étaient requis, la société MATHER PLATT en avisait sa cocontractante, comme le montrent des échanges de correspondances produits aux débats relatifs à d'autres commandes et que l'expert a à tort considéré, comme le souligne à juste titre NORMECA NORMELEC, comme s'appliquant à ladite commande ; que, de surcroît, si le matériel n'avait pas été strictement conforme à la commande, les essais de conformité approfondis réalisés en présence des ingénieurs des parties en cause et de ceux de SPIE BATIGNOLLES, n'auraient pas été déclarés satisfaisants ; qu'en réalité, ce n'est que lors de la mise en oeuvre du matériel sur le site que les difficultés sont apparues, comme le révèlent les courriers de SPIE BATIGNOLLES postérieurs à la livraison du matériel litigieux.

Considérant que, dans ces conditions, la société MATHER PLATT ne saurait réclamer à la société NORMECA NORMELEC, qui a satisfait à ses obligations contractuelles en livrant un produit strictement conforme à la commande reçue, laquelle ne faisait état d'aucune spécificité particulière, réparation d'un préjudice qui lui est strictement imputable dès lors que, en sa qualité d'ensemblier ayant une vue d'ensemble du chantier, la société appelante avait le devoir d'informer son fournisseur qu'un calcul spécifique de NPSH était nécessaire, eu égard aux conditions particulières de stockage de

l'eau, et ce, au plus tard en cours d'exécution de la commande ou pendant les essais qui se sont déroulés de février à mai 1990, avant livraison, comme cela avait été fait précédemment pour d'autres commandes ; que le jugement déféré ne pourra être que confirmé en ce qu'il a débouté la société MATHER PLATT de ses prétentions, mais partiellement par substitution ou adjonction de motifs.

Considérant que c'est également à bon droit que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle formée par Monsieur X... et reprise par la société NORMECA NORMELEC, pour atteinte à sa réputation commerciale ; qu'en effet, outre que ce chef de demande n'est pas justifié, le préjudice allégué est à ce jour définitivement effacé par la présente décision, étant observé qu'en raison du caractère extrêmement technique du litige, qui a nécessité deux expertises, la société appelante a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits.

Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser à la société NORMECA NORMELEC, venant aux droits de Monsieur X..., les frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société MATHER PLATT sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce, en sus de celle déjà allouée au même titre par le premier juge.

Considérant enfin que l'appelante, qui succombe, supportera les entiers dépens en ce compris les frais d'expertises. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Vidant son arrêt avant dire droit en date du 23 mars 1995,

- Vu le rapport déposé par l'expert Monsieur Z...,

- Dit l'appel principal formé par la société MATHER PLATT WORMALD SA et l'appel incident formé par la société NORMECA NORMELEC, venant aux

droits de Monsieur X..., mal fondés,

- Confirme, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

- Condamne la société MATHER PLATT WORMALD SA à payer à la société NORMECA NORMELEC, venant aux droits de Monsieur X..., une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamne également la société MATHER PLATT WORMALD SA aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertises et autorise Maître DELCAIRE, Avoué, à poursuivre directement le recouvrement de la part le concernant comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935027
Date de la décision : 05/02/1998

Analyses

SOCIETE COMMERCIALE (règles générales)

Un fournisseur de matériel a l'obligation de s'assurer de l'exacte conformité du produit livré aux spécificités de la commande qu'il a reçue et, réciproquement, un acheteur professionnel de la même spécialité a l'obligation de faire apparaître clairement dans les documents contractuels, les qualités ou spécificités qu'il attend du produit commandé, en s'assurant que ledit produit répondra aux besoins précis de son propre client.Lorsqu'une société spécialisée dans la conception de systèmes de protection incendie commande une étude de marché à une entreprise tierce pour la fourniture de pompes avec pour seules contraintes la référence à une norme et la mention " pompes en charges ", que les essais en atelier sur les modèles proposés n'ont donné lieu à aucune réserve quant à la conformité du matériel à la commande, le refus, par le client final, du matériel commandé ne peut engager la responsabilité du fournisseur de ce matériel dès lors qu'il a été laissé dans l' ignorance des contraintes spécifiques de l'installation ; qu'il ne peut davantage lui être reproché de ne pas avoir recueilli d'informations complémentaires eu égard aux relations de travail existant de longue date entre les deux entreprises.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-05;juritext000006935027 ?
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