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05/02/1998 | FRANCE | N°1996-7874

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 février 1998, 1996-7874


Par arrêt confirmatif en date du 4 novembre 1993, la cour de céans a étendu à la société M.J.S. la liquidation judiciaire de la société CASA VERDE.

Préalablement à cette liquidation, l'UFB LOCABAIL avait fait délivrer le 20 janvier 1993 à la société M.J.S. un commandement aux fins de saisie immoblière de biens dont cette société était propriétaire 85 bis et 87, boulevard de la République à BOULOGNE BILLANCOURT.

Par jugement en date du 2 mars 1995, la chambre des criées du tribunal de grande instance de NANTERRE a ordonné la conversion de la saisie immobil

ière en vente volontaire.

Puis, devant ce même tribunal, il a été procédé le 18 ...

Par arrêt confirmatif en date du 4 novembre 1993, la cour de céans a étendu à la société M.J.S. la liquidation judiciaire de la société CASA VERDE.

Préalablement à cette liquidation, l'UFB LOCABAIL avait fait délivrer le 20 janvier 1993 à la société M.J.S. un commandement aux fins de saisie immoblière de biens dont cette société était propriétaire 85 bis et 87, boulevard de la République à BOULOGNE BILLANCOURT.

Par jugement en date du 2 mars 1995, la chambre des criées du tribunal de grande instance de NANTERRE a ordonné la conversion de la saisie immobilière en vente volontaire.

Puis, devant ce même tribunal, il a été procédé le 18 mai 1995 à l'adjudication des biens immobiliers dont s'agit au profit de la société SODICAL IMMO.

Au motif qu'elle avait appris par hasard le 15 mai 1995 l'annonce de la vente de son immeuble, alors que l'arrêt prononçant sa liquidation judiciaire ne lui avait jamais été signifié, la société MJS a assigné le 18 mai 1995 Maître OUIZILLE, en sa qualité de liquidateur de la société CASA VERDE, devant le tribunal de commerce de NANTERRE, pour voir constater que l'arrêt du 4 novembre 1993 ne lui avait pas été régulièrement signifié et qu'il ne pouvait donc constituer un titre exécutoire permettant l'adjudication de son immeuble.

La société SODICAL IMMO est intervenue volontairement dans la procédure et, par jugement en date du 7 mai 1996, le tribunal de commerce de NANTERRE a débouté la société MJS de ses demandes.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que, par application des dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, la société MJS était dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens, que ses droits et actions étant exercés par son liquidateur, Maître OUIZILLE, celui-ci avait seul qualité pour solliciter la conversion de la saisie immobilière en vente volontaire sans qu'il eût besoin de signifier cette décision au débiteur et que, d'ailleurs, il y avait été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire en date du 26 octobre 1994, qu'il n'avait fait que respecter.

La société MJS a interjeté appel de ce jugement le 24 juillet 1996.

Son appel a été déclaré recevable en la forme par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 6 mai 1997.

Par conclusions signifiées le 25 novembre 1996, la société MJS a fait valoir que les dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 laissaient subsister son droit propre de contester la régularité de la procédure de liquidation judiciaire, de même qu'elle disposait du droit propre d'invoquer la violation des droits de la défense

résultant du fait que l'ordonnance du juge-commissaire du 26 octobre 1994 ne lui avait pas été notifiée.

Elle a énoncé les griefs suivants à l'encontre de la procédure suivie:

- l'arrêt du 4 novembre 1993 ne lui a pas été signifié dans les formes légales, dès lors qu'il avait été signifié à son domicile sans que l'huissier eût effectué les diligences requises pour le notifier à sa personne, et il ne constitue donc pas un titre exécutoire permettant la poursuite de la procédure de saisie immobilière ;

- la conversion en vente volontaire de la saisie immobilière initialement engagée à son encontre est intervenue à son insu dans le cadre de la procédure collective et en violation flagrante des droits de la défense, comme indiqué plus haut ;

- le jugement du tribunal de grande instance de NANTERRE prononçant cette conversion est irrégulier, comme n'étant pas compatible avec les dispositions de la loi du 25 janvier 1985.

Concluant à l'infirmation du jugement, elle a demandé à la cour, constatant ces irrégularités, de :

- ordonner que l'arrêt du 4 novembre 1993 lui fût signifié dans les formes légales et que toute la procédure qui l'avait suivi fût reprise ;

- lui donner acte de ce qu'elle se réservait expressément la faculté d'exercer tout recours de droit contre le jugement d'adjudication ;

- le condamner (sic) à lui payer une somme de 6 030 F par application de l'article 700 du N.C.P.C. ;

- condamner Maître OUIZILLE, ès qualités, aux dépens.

Par conclusions signifiées le 2 octobre 1997, la société SODICAL IMMO a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit du juge de l'exécution territorialement compétent.

Subsidiairement, elle a conclu à l'irrecevabilité des demandes de la société MJS, dès lors qu'elle était dépourvue de qualité pour agir.

Plus subsidiairement encore, elle a fait valoir que la signification de l'arrêt de liquidation était régulière, de même que la procédure de conversion en vente volontaire.

Elle a sollicité une somme de 30 000 F pour procédure abusive et dilatoire, ainsi qu'une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Par conclusions signifiées le 6 octobre 1997, Maître OUIZILLE, ès qualités, a développé les mêmes arguments sauf sur l'incompétence, en

précisant les nombreuses diligences auxquelles avait procédé l'huissier pour signifier l'arrêt du 4 novembre 1993 à la mairie du domicile du gérant de MJS.

Il a sollicité une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du N.C.P.C. Le 25 novembre 1997, jour de la clôture, la société MJS a déposé seize pages de conclusions non seulement pour répliquer aux écritures adverses, mais encore pour demander à la cour de :

- constater que Maître OUIZILLE ne lui avait jamais communiqué l'ordonnance du juge-commissaire du 25 octobre 1994 ;

- lui enjoindre de la produire, au cas où il ne déférerait pas à la sommation qu'elle s'apprêtait à lui faire délivrer ;

- confirmer le jugement sur la compétence ;

- constater que la procédure de conversion de saisie immobilière en vente volontaire était totalement inconnue de la législation d'ordre public de 1985 relative aux procédures collectives ;

- décider que Me OUIZILLE était sans qualité pour saisir le tribunal de grande instance d'une demande de conversion et que le jugement de conversion du 2 mars 1995 avait été rendu en méconnaissance totale de la législation de 1985 ;

- constater également que l'ordonnance du 25 octobre 1994 n'était selon toute probabilité (sic) pas conforme, elle non plus, aux dispositions d'ordre public de la législation de 1985 ;

- constater également que la procédure de saisie immobilière qui avait suivi le jugement de conversion du 2 mars 1995 avait, elle aussi, été accomplie en méconnaissance flagrante des règles posées par la législation de 1985;

- tirer toutes conséquences de droit de ces constatations en ordonnant, en tant que de besoin, que l'ensemble des actes et décisions irrégulières fût repris à partir du dernier acte conforme aux dispositions légales ;

- condamne Me OUIZILLE à lui payer une somme de 15 000 F en application de l'article 700 du N.C.P.C.

Maître OUIZILLE ès qualités, a demandé le rejet de ces conclusions signifiées le jour de la clôture, auxquelles il ne pouvait pas répliquer.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des dernières conclusions de MJS

Considérant qu'en déposant le jour de clôture de volumineuses

conclusions, contenant non seulement des répliques aux écritures adverses, mais encore des demandes nouvelles au demeurant confuses, auxquelles les intimés ne pouvaient pas répondre, l'appelante a méconnu le principe du contradictoire et ses conclusions seront écartées des débats ;

Considérant qu'au demeurant, les demandes de la société MJS étaient manifestement irrecevables, dès lors qu'il était vain de saisir la cour, à la faveur d'un appel d'un jugement de tribunal de commerce, dont il sera dit plus loin qu'il était incompétent, d'un recours contre une décision d'un juge-commissaire dont la société MJS ignorait le contenu même, ainsi que contre un jugement de tribunal de grande instance ;

Considérant qu'il appartiendra à la société MJS de former tout recours qu'elle estimera opportun contre les décisions qu'elle critique, mais en respectant les règles de procédure habituelles ;

Sur la compétence des premiers juges

Considérant que si, aux termes de l'article 174 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985, le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, c'est à la condition que les contestations dont il est saisi soient nées de la procédure collective ou que cette dernière exerce sur elles une influence

juridique ;

Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, où il s'agit d'apprécier la régularité de la signification de l'arrêt de liquidation judiciaire, laquelle obéit comme pour n'importe quelle autre décision judiciaire aux règles de droit commun posées par le nouveau code de procédure civile ;

Considérant qu'en conséquence, par application de l'article L 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, seul le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NANTERRE était compétent pour connaître de la difficulté ;

Considérant que toutefois, la cour de céans étant juridiction d'appel relativement à la juridiction compétente, elle évoquera le fond du litige, conformément aux dispositions de l'article 79 du N.C.P.C.

Sur la qualité pour agir de MJS

Considérant que le débiteur est recevable, agissant seul, à exercer un recours contre la décision prononçant sa liquidation judiciaire et est, par voie de conséquence, recevable dans les mêmes conditions à contester la régularité de la signification de cette même décision ;

Sur la signification de l'arrêt du 4 novembre 1993

Considérant qu'après avoir vainement tenté les 29 novembre, 1er décembre, puis 3 décembre 1993 de signifier l'arrêt de liquidation judiciaire au dernier siège social de la société M.J.S., 85 bis boulevard de la République à BOULOGNE BILLANCOURT, l'huissier de justice a finalement signifié l'acte le 7 décembre 1993 en mairie, après s'être présenté au domicile du gérant de la société MJS, Mr X..., où sa "secrétaire à l'interphone" a confirmé son domicile, mais a refusé de prendre l'acte ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que Mr X... demeure bien à xxx où l'huissier de justice s'est présenté ;

Considérant que l'acte de signification obéit aux prescriptions des articles 654 à 658 du N.C.P.C. ;

Considérant qu'enfin, il est établi par un courrier de son conseil, Maître KLEIN, adressé le 11 février 1994 à Maître OUIZILLE, que Mr X... avait connaissance de l'arrêt confirmant le jugement de liquidation judiciaire ;

Considérant qu'il convient donc de débouter la société MJS de sa

contestation, toutes ses autres prétentions étant, ainsi qu'il a déjà été dit, irrecevables ;

Sur les demandes de dommages-intérêts et d'article 700

Considérant que ces demandes ne sont pas recevables en ce qu'elles sont dirigées contre la société en liquidation judiciaire MJS ;

Considérant qu'en effet, elles n'auraient pu être formées qu'à l'encontre de la personne physique, préalablement mise en cause, qui était à l'origine de la procédure, ou bien contre Maître OUIZILLE ès qualités de liquidateur sauf son recours contre cette même personne ; PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette des débats les conclusions signifiées le 25 novembre 1997 par la société MJS,

Infirme le jugement entrepris,

Dit que le tribunal de commerce de NANTERRE était incompétent pour connaître de la demande, au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NANTERRE ;

Vu l'article 79 du N.C.P.C.,

Evoque le fond du litige,

Dit la société MJS recevable en son action,

Déclare régulier l'acte de signification de l'arrêt de la cour de céans en date du 4 novembre 1993 ;

Déclare la société MJS mal fondée ou irrecevable en ses demandes,

Déclare irrecevables Maître OUIZILLE ès qualités et la société SODICAL IMMO en leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;

Les en déboute,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société MJS, et accorde pour ceux d'appel à la SCP JULLIEN LECHARNY ROL et à la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, le bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE Y...

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7874
Date de la décision : 05/02/1998

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Tribunal - Compétence matérielle - Action concernant la procédure collective

Si, en application de l'article 174 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, " le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaire ", c'est à condition que les contestations dont il est saisi soient nées de la procédure collective ou que cette dernière exerce sur elles une influence juridique.Tel n'est pas le cas de l'appréciation de la régularité de la signification d'un arrêt de liquidation judiciaire qui obéit aux règles de droit commun posées par le nouveau code de procédure civile, et qui, en application de l'article L 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, relève de la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-05;1996.7874 ?
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