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05/02/1998 | FRANCE | N°1996-4857

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 février 1998, 1996-4857


L'enfant M D est née, le 24 mars 1987, de M D et de C N , son épouse, le mariage des parents ayant été célébré le 20 septembre 1983.

Cette enfant légitime a été conçue par le moyen d'une procréation médicale assistée.

Les époux D / N ont divorcé par consentement mutuel le 4 juillet 1990.

Par acte du 13 mars 1995, Madame C N a assigné Monsieur M D pour contester sa paternité sur l'enfant Marine en soutenant qu'il n'en est pas le père biologique et qu'elle est fondée en son action dans la mesure où l'enfant n'a pas la possession d'état d'enfant légi

time de son ex-mari.

Monsieur M D s'est opposé à la demande en faisant valoir que l'en...

L'enfant M D est née, le 24 mars 1987, de M D et de C N , son épouse, le mariage des parents ayant été célébré le 20 septembre 1983.

Cette enfant légitime a été conçue par le moyen d'une procréation médicale assistée.

Les époux D / N ont divorcé par consentement mutuel le 4 juillet 1990.

Par acte du 13 mars 1995, Madame C N a assigné Monsieur M D pour contester sa paternité sur l'enfant Marine en soutenant qu'il n'en est pas le père biologique et qu'elle est fondée en son action dans la mesure où l'enfant n'a pas la possession d'état d'enfant légitime de son ex-mari.

Monsieur M D s'est opposé à la demande en faisant valoir que l'enfant étant née par procréation médicalement assistée et insémination artificielle, le père biologique ne pourra être connu. Il a soutenu que l'absence de possession d'état d'enfant légitime de Marine n'était pas établie et que son éloignement, à la suite du divorce, était dû à l'attitude de son ex-épouse, soulignant que l'action avait été introduite en réponse à celle qu'il avait engagée pour obtenir un droit de visite.

Par jugement rendu contradictoirement le 28 mars 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a :

- constaté que M D , née le 24 mars 1987, n'a pas perdu à l'égard de M D la possession conforme à son titre de naissance d'enfant légitime, - dit en conséquence C N irrecevable à contester cet état en application de l'article 322 alinéa 2 du Code civil,

- condamné Madame N au paiement d'une indemnité de 4.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Madame C N a interjeté appel de cette décision.

Elle soutient que Monsieur D , qui n'est pas le père biologique, ne s'est jamais comporté comme le père affectif de Marine.

Elle produit un acte dressé par Maître Jean PICAND, notaire à ESSOYES (Aube), lequel a reçu le 12 juin 1996 la déclaration suivante de Monsieur M D : "Monsieur M D consent expressément, par les présentes, à ce que Madame C N sollicite devant la Cour d'appel de VERSAILLES l'infirmation du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de NANTERRE le 28 mars 1996, et par voie de conséquence, demande à la Cour de déclarer bien fondée l'action en contestation de paternité formée contre lui. "Monsieur M D donnera toutes instructions pour que la Cour rende un arrêt constatant sa non paternité sur l'enfant Marine, et lui donne ainsi acte de son rapport à justice. "Monsieur M D n'entend pas, en effet, assumer pour l'avenir, ses responsabilités de père à l'égard de l'enfant M. "Monsieur M D , par respect pour l'enfant qui n'est pas le sien, n'entend pas conserver une qualité ne correspondant pas à la réalité, et ne pouvant qu'aboutir à perturber cette enfant."

Madame C N demande à la Cour, en conséquence de cet "aveu de non paternité" et du refus de Monsieur D de continuer à être considéré comme le père légitime, d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de dire que M n'est pas la fille de M D et d'ordonner la mention de la décision à intervenir en marge de son acte de naissance.

Assigné et réassigné, les actes d'huissier du 14 novembre 1996 et 18 novembre 1997 ayant été notifiés à son domicile et déposés en mairie, Monsieur M D n'a pas constitué avoué.

Le MINISTERE PUBLIC s'en rapporte à l'appréciation de la Cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 1997.

L'avoué de l'appelante a fait parvenir à la Cour le 16 janvier 1998 plusieurs attestations de témoins datées de novembre 1994, lesquelles avaient été produites en première instance, et une dernière attestation de Monsieur D (son compagnon) en date du 12 janvier 1998.

SUR CE,

Considérant que les documents produits et communiqués en première instance sont dans le débat ;

Qu'en revanche toute pièce produite après l'ordonnance de clôture doit être écartée ;

Considérant que l'action exercée dans la présente instance est une contestation de la filiation légitime de M D et non pas une action en désaveu de paternité ;

Que l'acte reçu par le notaire, dont les termes sont ci-dessus rappelés, est inopérant, et même non avenu par application des dispositions légales, notamment de l'article 316-2 du Code civil ;

Considérant qu'aux termes de l'article 322 du Code civil : "Nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme à ce titre. Et réciproquement, nul ne peut contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance" ;

Considérant que M D , née dans une famille légitime a été élevée par ses deux parents jusqu'à leur divorce ; qu'elle a toujours porté le nom de son père ; que Monsieur M D l'a toujours considéré comme sa fille ; que ce n'est qu'à la suite de l'action judiciaire du père pour l'obtention d'un droit de visite que Madame N a pris l'initiative d'engager la présente action ;

Que le tribunal a relevé que les documents qui lui étaient soumis démontraient l'attachement du père à son enfant ; qu'il a justement estimé que la mère ne pouvait se prévaloir ni des carences du père dans le paiement des pensions alimentaires, ni de ses agissements menés, postérieurement au divorce, en vue de rompre les liens affectifs de l'enfant et de son ex-mari, pour prétendre établir une absence de possession d'état ;

Considérant que Madame N a produit plusieurs attestations de témoins qui déclarent n'avoir jamais rencontré l'enfant en compagnie de Monsieur D son père, n'avoir jamais vu ce dernier prendre des nouvelles de sa fille, que cette enfant est attachée à Monsieur D , l'ami de sa mère qu'elle considère comme son père et appelle "papa" ; Mais considérant qu'il ressort de ces déclarations que tous ces témoins n'ignorent pas que Monsieur D est le père de M ;

Que les nouveaux liens créés entre Monsieur D , avec lequel Madame N a eu deux autres enfants, et la jeune M, depuis qu'il vit avec sa mère, ne sont pas de nature à rendre équivoque la possession d'état d'enfant légitime de Marine D , laquelle est conforme à son acte de naissance ;

Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE des débats les pièces nouvelles produites postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

CONFIRME le jugement rendu entre les parties le 28 mars 1996 par le Tribunal de grande instance de NANTERRE ;

CONDAMNE Madame C N aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-4857
Date de la décision : 05/02/1998

Analyses

FILIATION - Filiation légitime - Contestation - Contestation de paternité - Possession d'état conforme au titre de naissance

L'action exercée par la mère biologique d'une enfant légitime, conçue par le moyen d'une procréation médicale assistée, à l'encontre de son ex-époux, est une action en contestation de filiation légitime et non pas une action en désaveu de paternité. Un enfant né dans une famille légitime, élevé par ses deux parents jusqu'à leur divorce, ayant toujours porté le nom de son père, lequel l'a toujours considéré comme sa fille, a une possession d'état d'enfant légitime, laquelle est conforme à son acte de naissance. A la faveur du remariage de la mère et de nouvelles maternités, la création de nouveaux liens entre le mari et l'enfant issu du premier mariage n'est pas pour autant de nature à rendre équivoque la possession d'état d'un enfant, dont aucun des témoins cités par la demanderesse n'ignore qu'elle est la fille de son précédent époux. Il s'en suit que l'enfant ayant une possession d'état conforme à son titre de naissance, l'action de la mère est irrecevable en application de l'article 322 alinéa 2 précité


Références :

Code civil 322 2

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Mazars

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-02-05;1996.4857 ?
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