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30/01/1998 | FRANCE | N°1995-9198

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 janvier 1998, 1995-9198


Suivant acte sous seing privé en date du 21 décembre 1992, la SOCRAM a consenti à Monsieur X... un prêt de 58.000 Francs, remboursable en 48 mensualités de 1.550,03 Francs au taux d'intérêt de 11,95 %, afin de financer l'achat d'un véhicule automobile. Le contrat de prêt comporte l'engagement de caution solidaire de Madame Y....

Le 21 décembre 1992, la SA SOCRAM a fait assigner respectivement Monsieur X... et Madame Y... devant le Tribunal d'Instance de POISSY.

La SA SOCRAM a exposé que Monsieur X... a cessé de payer les échéances convenues à compter du 15 juin 1

994.

Elle a donc demandé au tribunal de condamner in solidum Monsieur X....

Suivant acte sous seing privé en date du 21 décembre 1992, la SOCRAM a consenti à Monsieur X... un prêt de 58.000 Francs, remboursable en 48 mensualités de 1.550,03 Francs au taux d'intérêt de 11,95 %, afin de financer l'achat d'un véhicule automobile. Le contrat de prêt comporte l'engagement de caution solidaire de Madame Y....

Le 21 décembre 1992, la SA SOCRAM a fait assigner respectivement Monsieur X... et Madame Y... devant le Tribunal d'Instance de POISSY.

La SA SOCRAM a exposé que Monsieur X... a cessé de payer les échéances convenues à compter du 15 juin 1994.

Elle a donc demandé au tribunal de condamner in solidum Monsieur X... et Madame Y... à lui payer la somme de 43.057,08 Francs augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 21 novembre 1994, date de la mise en demeure et celle de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Madame Y..., comparant en personne, a expliqué qu'elle avait des difficultés financières importantes et un budget limité, étant assistante maternelle, avec un enfant à charge sans pension alimentaire de la part du père.

Monsieur X... cité régulièrement à son domicile n'a pas comparu ni fait comparaître pour lui.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 avril 1995, le Tribunal d'Instance de POISSY a rendu la décision suivante:

- condamne solidairement Monsieur Jacques X... et Madame Danielle Y... à payer à la S.A SOCRAM la somme de 40.081,57 francs avec intérêts au taux contractuel de 11,95 % à compter du 28 décembre 1994, outre la somme de 1.400 francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1994, - accorde à Madame Danielle Y... un an de délais de paiement à compter du présent jugement, - déboute la SA SOCRAM du surplus de ses demandes, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - condamne solidairement Monsieur Jacques X... et Madame Danielle Y... aux dépens.

Le 17 octobre 1995, Madame Y... a interjeté appel.

Elle soutient que les conditions de forme du cautionnement solidaire, requises à peine de nullité par les articles L.313-7 et L.313-8 du Code de la consommation, n'ont pas été respectées ; qu'il en est de même des conditions de fond ; qu'aucune mention du montant du crédit en toutes lettres n'apparaît dans le contrat de cautionnement ; que cette exception soulevée par elle tend seulement à faire écarter les prétentions de la Société SOCRAM ; qu'en réalité, il ressort de la lecture du jugement qu'elle a exposé au premier juge les faits propres à fonder sa demande de nullité, à savoir la disproportion entre le montant de ses ressources et celui de l'engagement souscrit ; que l'examen du contrat de prêt établit qu'elle n'a jamais eu la qualité de co-emprunteur ; qu'elle a été la compagne de Monsieur X... et non son épouse ; que la Société SOCRAM a repris le véhicule gagé mais n'a pas encore déduit du montant de ses demandes, le prix de revente du véhicule et qu'elle ne justifie donc pas du montant exact de sa créance.

Elle demande à la Cour de :

- déclarer l'appel interjeté par Madame Y... tant recevable que bien fondé, En conséquence, - dire et juger que son engagement en qualité de caution, selon contrat en date du 21 décembre 1992, est nul et de nul effet, - débouter la SA SOCRAM de toutes ses demandes, fins et conclusions, Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour ne devait pas retenir la nullité du cautionnement, accorder à Madame Y... les plus larges délais conformément à l'article 1244-1 du Code civil, - condamner la SA SOCRAM a payé à la concluante la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SA SOCRAM en tous les dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, conformément aux dispositions de la loi en matière d'aide juridictionnelle.

La SA SOCRAM conclut à l'irrecevabilité de l'appel de Madame Y..., au motif que celle-ci n'a pas soulevé la nullité du contrat de caution devant le tribunal. Elle soutient qu'il s'agit là d'une prétention nouvelle en appel, irrecevable en vertu des dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire, sur le fond, elle fait remarquer que Madame Y... a également co-signé l'offre préalable de crédit et que le tribunal ne l'a pas condamnée en sa qualité spécifique de caution.

Elle fait valoir que dans le décompte de créance au 14 novembre 1997, elle a déduit le prix de revente du véhicule pour un montant de 13.500 Francs.

Elle forme un appel incident en déniant au juge le pouvoir d'apprécier l'éventuel caractère excessif de l'indemnité conventionnelle de 8 % du capital restant dû, expressément prévue par les dispositions de l'article 2 du décret du 17 mars 1978.

Elle demande à la Cour de : Vu la demande nouvelle de Madame Danielle Y... tendant à la nullité de l'acte de caution, Vu l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile, - constater que la demande de Madame Danielle Y... est nouvelle en appel, En conséquence, dire et juger irrecevable l'appel de Madame Y..., A titre subsidiaire, sur le fond, constater que Madame Danielle Y... est co-signataire de l'offre préalable de crédit, En conséquence, - condamner purement et simplement Madame Danielle Y... au paiement des échéances impayées et du capital restant dû augmentés des intérêts contractuels et légaux en sa qualité de co-empruntrice, solidairement avec Monsieur X..., A défaut, condamner solidairement Monsieur Jacques X... et Madame Danielle Y... en application de l'article 220 du Code civil, Vu l'appel incident de la SA SOCRAM, - infirmer le jugement en ce qu'il a réduit l'indemnité légale de 8 % à la somme de 1.400 francs, En conséquence, - condamner in solidum Monsieur Jacques X... et Madame Danielle Y... à payer à la SA SOCRAM la somme de 2.834,52 francs au titre de l'indemnité légale de 8 % sur le capital restant dû, - condamner Madame Y... à payer à la SA SOCRAM la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens dont distractions pour

ceux d'appel au profit de la SCP GAS conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X..., assigné selon exploit signifié en mairie en date du 5 février 1996 et réassigné selon exploit signifié à domicile le 1er mars 1996, n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été signée le 20 novembre 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 19 décembre 1997.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la recevabilité de l'exception de nullité du contrat de cautionnement,

Considérant qu'aux termes de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; que l'une des exceptions à ce principe est l'hypothèse où ces prétentions tendent à faire écarter les prétentions adverses ;

Considérant que certes, il ressort du procès-verbal de l'audience du juge d'instance, établi en vertu des articles 727 et 833 du Nouveau Code de Procédure Civile, dont les termes sont repris dans l'exposé des prétentions des parties du jugement déféré, que l'appelante n'a fait état devant le premier juge que de ses difficultés financières, sans soulever la nullité du contrat de cautionnement ; que cependant, l'exception tirée de la nullité de ce contrat s'analyse en une prétention de nature à faire échec à la demande en paiement des sommes qui seraient dues en vertu de ce contrat ; qu'en vertu de l'article 564 précité, Madame Y... est donc recevable à invoquer ce moyen tiré de la nullité de l'engagement ;

2) Sur le bien fondé de l'exception de nullité du contrat de cautionnement,

Considérant qu'aux termes de l'article L.313-7 du Code de la consommation, la personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour une opération de crédit soumise aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978, comme c'est le cas en l'espèce, "doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

"En me portant caution de X...., dans la limite de la somme de

... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée

de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même."

Considérant que l'article suivant, L.313-8, prévoit une mention manuscrite complémentaire en cas de cautionnement solidaire ;

Considérant que ces dispositions résultent de la loi du 31 décembre 1989, laquelle était en vigueur lors de la signature du contrat litigieux, le 21 décembre 1992 ; que celui-ci comporte seulement la mention manuscrite "Bon pour caution solidaire" suivie de la signature de l'appelante ; qu'y figure également la mention manuscrite du montant de l'engagement en chiffres seulement ;

Considérant que l'acte du 21 décembre 1992 ne comporte donc pas la mention manuscrite prescrite à peine de nullité par l'article L.313-7 précité ; qu'il n'est pas davantage régulier au regard des dispositions de l'article 1326 du Code civil qui prescrit que le montant de la somme pour laquelle on s'engage doit être indiqué de façon manuscrite en chiffres et en toutes lettres ;

Considérant que la nullité encourue est une nullité relative; que cependant, il n'est pas soutenu ni démontré que Madame Y... ait exécuté volontairement le contrat avant d'en soulever la nullité ; que par conséquent, il convient de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement en date du 21 décembre 1992 ;

3)Sur la qualité de co-emprunteur de Madame Y...,

Considérant que dans son exploit introductif d'instance, la SA SOCRAM s'est prévalue uniquement de la qualité de caution de l'appelante ; que de même, le jugement déféré fait expressément référence à cette qualité dans sa motivation ;

Considérant qu'il n'est nullement indiqué sur le contrat de prêt du 21 décembre 1992 que Madame Y... est co-emprunteur; qu'effectivement, elle a porté sa signature sous la mention "conjoint" de l'emprunteur, alors qu'elle apporte la preuve qu'elle n'a pas été mariée à Monsieur X..., par la production d'une ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES en date du 22 juillet 1994, qui statue sur le montant de la contribution de Monsieur X... à l'entretien de leur enfant naturel commun ; que cette seule signature, contredite par l'engagement de caution signé sur le même acte, ne peut donc valoir engagement de l'appelante en qualité de co-emprunteur ;

Considérant que, par conséquent, la Cour déboute la SA SOCRAM de toutes ses demandes à l'encontre de Madame Y... et infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation solidaire de Mme Y... au paiement de diverses sommes à l'intimée ;

Sur la demande au titre des frais irrépétibles,

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Y... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation solidaire de Madame Y... au paiement de la somme de 40.081,57 Francs (QUARANTE MILLE QUATRE VINGT UN FRANCS CINQUANTE SEPT CENTIMES) avec intérêts au taux contractuel à la SA SOCRAM ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DEBOUTE la SA SOCRAM des fins de toutes ses demandes à l'encontre de Madame Y... ;

CONDAMNE la SA SOCRAM à payer à Madame Y... la somme de 3.000 Francs (TROIS MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt ;

CONDAMNE la SA SOCRAM à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP MERLE CARENA DORON, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile et de la loi sur l'aide juridictionnelle.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-9198
Date de la décision : 30/01/1998

Analyses

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Mentions de l'article 1326 du Code civil - Absence - Effets

Aux termes de l'article L. 313-7 du Code de la consommation, "la personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l'une des opérations relevant des chapitres 1er ou 2 du présent titre doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même". Lorsque le cautionnement est solidaire, la caution doit faire précéder sa signature d'une mention manuscrite complémentaire conformément aux prévisions de l'article L. 313-8 du Code précité. Un engagement de caution contracté postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions évoquées (introduites par la loi du 31 décembre 1989) portant comme seule mention "Bon pour caution solidaire" suivie de la signature de la caution et l'indication manuscrite, en chiffres uniquement, du montant de l'engagement est nul, tant au regard des dispositions de l'article L. 313-7 ci-dessus, que de l'article 1326 du Code civil qui exige la double mention manuscrite, en chiffres et en toutes lettres, du montant du cautionnement. La nullité encourue étant une nullité relative, elle ne peut être soulevée que par le souscripteur de l'engagement. Il y a donc lieu de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement dont il n'est pas démontré que son signataire ait volontairement exécuté le contrat avant d'en soulever la nullité


Références :

Code de la consommation L313-7, L313-8
Code civil 1326

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-30;1995.9198 ?
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